PACCAR DU CANADA LTÉE

Décisions


PACCAR DU CANADA LTÉE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-259

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 22 novembre 1996

Appel n o AP-95-259

EU ÉGARD À un appel entendu le 24 juin 1996 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 31 août 1994 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

PACCAR DU CANADA LTÉE Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe d'accise payée sur des climatiseurs installés dans des camions-tracteurs routiers. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a correctement imposé une taxe d'accise sur les climatiseurs installés dans les camions-tracteurs routiers importés par l'appelant. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si les camions-tracteurs routiers sont des camions au sens donné à ce terme à l'article 7 de l'annexe I de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve produits à l'audience amènent manifestement à la conclusion qu'un camion-tracteur routier est un tracteur utilisé sur les routes pour transporter (ou camionner) des marchandises d'un lieu à un autre. Le fait que le tracteur doive être combiné à une semi-remorque pour accomplir ses fonctions de camionnage ne signifie pas qu'il soit, pris isolément, un camion, ni serait-il juste de dire que la semi-remorque, prise isolément, est un camion. Le Tribunal conclut que les véhicules en cause sont des camions-tracteurs routiers, qu'ils sont un type de tracteur plutôt qu'un type de camion et que les climatiseurs qui y sont installés au moment de leur importation ne sont pas assujettis à la taxe d'accise de 100 $ imposée aux termes de l'article 7 de l'annexe I de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 24 juin 1996 Date de la décision : Le 22 novembre 1996
Membres du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Richard G. Dearden, pour l'appelant Lyndsay K. Jeanes, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national en date du 21 octobre 1993 qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement de la taxe d'accise payée sur des climatiseurs installés dans des camions-tracteurs routiers.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a correctement imposé une taxe d'accise sur les climatiseurs installés dans les camions-tracteurs routiers importés par l'appelant. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si les camions-tracteurs routiers sont des camions au sens donné à ce terme à l'article 7 de l'annexe I de la Loi.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

23. (1) Lorsque les marchandises énumérées aux annexes I et II sont importées au Canada, ou sont de fabrication ou de provenance canadienne et livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur ces marchandises, suivant le taux figurant en regard de l'article concerné de l'annexe pertinente, calculé, lorsqu'il est spécifié qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas.

[Annexe I de la Loi]

7. Les climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions, qu'ils soient :

a) ou bien distincts;

b) ou bien inclus à titre d'équipement installé en permanence dans ces véhicules au moment de la vente ou de l'importation par le fabricant ou l'importateur, selon le cas, cent dollars.

Pour l'application du présent article et de l'article 8, une unité d'évaporation destinée à entrer dans la fabrication de climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles est réputée être un climatiseur décrit dans le présent article sauf lorsqu'elle est utilisée pour fins de réparations ou de remplacement.

Deux témoins ont comparu à l'audience en faveur de l'appelant. Le premier, M. Arlen E. Riggs, directeur, Sécurité et conformité des produits, chez Peterbilt Motors Company, A Division of Paccar (Peterbilt), Denton (Texas), a exposé les différences entre les tracteurs routiers importés par l'appelant et les châssis-cabines que produit Peterbiltpour les vendre aux détaillants qui les font convertir en camions par l'ajout d'une carrosserie ou d'une autre structure chez un «constructeur de véhicules finis». Il a expliqué que, au moment où ils sortent de l'usine de Peterbilt, les tracteurs routiers sont des véhicules complets prêts à effectuer le travail de remorquage d'une semi-remorque, tandis que les châssis-cabines sont des véhicules incomplets, incapables d'accomplir un travail avant que leur soit ajoutée une carrosserie pour transporter du fret ou une autre structure, comme un treuil et une grue pour remorquer. Le tracteur est attelé à une semi-remorque au moyen d'une sellette d'attelage qui procure un axe d'articulation, ou pivot, entre les deux véhicules, améliorant ainsi la manœuvrabilité dans les virages et le contact au sol sur un terrain accidenté. M. Riggs a indiqué certaines des différences entre les châssis-cabines, destinés à devenir finalement des camions et des tracteurs, y compris les différences dans leur système de freinage.

M. Craig Fisher, directeur général de la commercialisation chez Peterbilt, a également témoigné en faveur de l'appelant. Il a déclaré que Peterbilt fabrique à la fois des «camions» et des «tracteurs». Il a soutenu que les clients savent s'ils veulent un «camion» ou un «tracteur». M. Fisher a expliqué au Tribunal la démarche de Peterbilt lorsqu'un client commande un «camion» ou un «tracteur». Il a expliqué que diverses options sont disponibles, selon que le client commande un camion ou qu'il commande un tracteur. M. Fisher a également énuméré certains des différents modèles fabriqués par Peterbilt. Il a expliqué que les tracteurs construits par Peterbilt peuvent servir à remorquer une remorque-citerne ou un autre type de remorque pour transporter diverses catégories de marchandises.

M. Fisher a également décrit certaines des différences entre la structure des «camions» et celle des «tracteurs». Par exemple, il a indiqué que les freins sont plus grands sur un camion que sur un tracteur parce qu'un camion porte habituellement une charge plus lourde. De plus, le poids technique maximal pour les essieux avant et arrière d'un tracteur est habituellement de 12 000 lb et de 40 000 lb respectivement, par rapport à 18 000-20 000 lb pour l'essieu avant et à 52 000 lb pour l'essieu arrière d'un camion. M. Fisher a également soutenu qu'un des principaux facteurs qui distingue un camion d'un tracteur est que ce dernier est doté d'une sellette d'attelage. Il a expliqué que Peterbilt fabrique des camions destinés à transporter une charge d'un lieu à un autre, et qu'elle vend et met en marché des tracteurs destinés à remorquer des semi-remorques qui transportent la charge d'un lieu à un autre.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Fisher a déclaré que Peterbilt cible sa publicité vers les acheteurs de tracteurs et de camions. Il a également reconnu que Peterbilt annonce ses camions et ses tracteurs dans diverses revues spécialisées dans le domaine du camionnage, comme Motor Truck, Truck News et Today's Trucking. Il a expliqué que les tracteurs de Peterbilt sont toujours des tracteurs, même s'ils sont annoncés dans des revues qui traitent du camionnage. Il a ajouté que les annonces qui renvoient aux «Camions Ford» ou à «Kenworth Truck Co., A Division of PACCAR», par exemple, renvoient simplement au nom des sociétés qui vendent les tracteurs. M. Fisher a reconnu que certaines des annonces que l'avocate de l'intimé lui a montrées semblent désigner certains véhicules sous l'appellation de camion, alors qu'il estime qu'il s'agit de tracteurs. Il a réitéré que la plupart des images qui lui ont été montrées illustraient des tracteurs et non des camions.

M. Gary K. Corcoran, président de la société Highway Safety Concepts, a témoigné en faveur de l'intimé. C'est à ce titre et tout au long de sa carrière de 30 ans à l'emploi du ministère des Transports de l'Ontario que M. Corcoran a dit avoir acquis sa connaissance de l'industrie du camionnage. L'avocate de l'intimé a demandé que le Tribunal donne à M. Corcoran le titre de témoin expert quant à la définition de camion. Le Tribunal a rejeté cette demande et a accepté uniquement d'entendre M. Corcoran à titre de témoin possédant une certaine connaissance du domaine du camionnage et de la réglementation du transport et du camionnage en Ontario. Ce dernier a déclaré que les camions sont des véhicules conçus pour déplacer des marchandises d'un endroit à un autre. À son avis, un ensemble tracteur-remorque est un camion parce que sa fonction consiste à transporter un chargement de marchandises d'un endroit à un autre. Il a expliqué que la charge est distribuée entre le camion-tracteur et la remorque.

Selon M. Corcoran, lorsque le tracteur et la remorque sont attelés, il en résulte un camion articulé. Il a ajouté qu'un ensemble tracteur-remorque est simplement un type de camion qui permet de manœuvrer plus facilement dans des endroits difficiles, comme dans les petites villes. Il a fait mention d'une dépanneuse comme exemple d'un type de camion qui remorque les marchandises au lieu de les transporter. De l'avis de M. Corcoran, un tracteur est normalement un véhicule à caractère non routier qui sert, par exemple, dans les exploitations agricoles ou forestières. Ce type de tracteur peut également être désigné comme tracteur à combustion interne. M. Corcoran a expliqué que les camions et les tracteurs possèdent des caractéristiques similaires. Par exemple, tant les camions que les tracteurs sont dotés d'un moteur à combustion interne. Il a aussi expliqué pourquoi les freins d'un camion-tracteur routier sont différents de ceux d'un camion porteur. Il a dit qu'un camion, avec ou sans sellette d'attelage, est toujours un camion. Il a témoigné que, à son avis, les camions-tracteurs routiers importés par l'appelant sont des camions et non des tracteurs.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Corcoran a déclaré qu'un camion-tracteur routier peut être considéré comme un tracteur à combustion interne. Il a renvoyé au Code de la route [2] de l'Ontario, qui définit tout véhicule auquel est attachée en permanence une carrosserie de camion ou de livraison comme un véhicule à moteur commercial. Ces véhicules comprennent les camions-tracteurs routiers, les corbillards, les ambulances et les fourgons funéraires. M. Corcoran a aussi décrit les caractéristiques communes aux camions et aux camions-tracteurs routiers aux termes des lois et règlements provinciaux. Il a aussi mentionné différentes catégories de permis de conduire exigées pour conduire différents types de véhicules. M. Corcoran a témoigné que, à son avis, les camions-tracteurs routiers qui ont été importés par l'appelant sont des camions, bien qu'on puisse les désigner par une multitude de termes comme «véhicule à moteur commercial», «unité de tête», «unité motorisée», «ensemble tracteur-remorque», «tracteur» ou «camion-tracteur».

L'avocat de l'appelant a soutenu que, comme le terme «camion» n'est pas défini dans la Loi, son sens courant doit lui être donné. Selon plusieurs dictionnaires et une décision de 1982 de la Commission du tarif portant sur les véhicules blindés amphibies, un camion est un véhicule qui sert au transport de lourdes charges. Il a fait valoir que, puisque la Loi renvoie aux camions-tracteurs routiers aussi bien qu'aux camions, il faut accorder une signification différente à chacun de ces deux termes. À son avis, les camions portent de lourdes charges, alors que les camions-tracteurs remorquent de lourdes charges portées par la semi-remorque. Il a soutenu que les définitions de «tractor» (tracteur) que donnent les dictionnaires confirment cette distinction, comme le font les éléments de preuve des témoins tant de l'appelant que de l'intimé en ce qui a trait aux illustrations qui servent, dans le Tableau de référence rapide du Système de délivrance des permis de conduire par catégories, à illustrer les divers types de véhicule dont la conduite est autorisée par les diverses catégories de permis (pièce A-16). Trois autres pièces qui ont été présentées à M. Corcoran établissent aussi manifestement cette distinction entre un tracteur et un camion porteur : la pièce A-27, la version anglaise du «Guide officiel de l'utilisation des freins à air», la pièce A-28, la version anglaise de l'édition 1985 du «Guide des normes de charges et dimensions des véhicules» du Québec, et la pièce A-29, un rapport du Comité mixte sur les poids et dimensions des véhicules intitulé «Heavy Truck Weight and Dimension Regulations for Interprovincial Operations in Canada».

L'avocat de l'appelant a de plus soutenu que, pour déterminer l'intention du Parlement quant à l'usage, dans la Loi, des termes «camion» et «camion-tracteur routier», le Tribunal doit tenir compte de certaines dispositions du Tarif des douanes [3] et de la Loi de l'impôt sur le revenu [4] comme textes législatifs in pari materia. Une des dispositions du Tarif des douanes porte sur les «[t]racteurs routiers pour semi-remorques» et, avant l'adoption du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] , il distinguait les camions-tracteurs routiers des autres types de tracteur à combustion interne. L'article 4601 du Règlement de l'impôt sur le revenu [6] traite les camions et les tracteurs comme des véhicules distincts. L'avocat a également souligné des distinctions similaires dans la Loi sur la taxe de vente au détail de l'Ontario [7] .

Renvoyant à la déposition des témoins de Peterbilt concernant la façon dont cette société établit une distinction entre les tracteurs et les châssis-cabines pour camions dans le cadre de ses activités de conception, de production, de commande et de commercialisation, l'avocat de l'appelant a soutenu qu'il existe amplement d'éléments de preuve pouvant motiver une décision du Tribunal que la caractéristique essentielle d'un tracteur routier est de remorquer une semi-remorque contenant du fret, alors que celle d'un camion est de porter le fret lui-même; que les tracteurs routiers de Peterbilt ne sont pas des camions; et, par conséquent, que les climatiseurs installés dans les tracteurs Peterbilt ne sont pas assujettis à la taxe d'accise de 100 $. Si le Tribunal conclut, toutefois, que les tracteurs Peterbilt sont des camions, comme l'a déterminé l'intimé, l'avocat de l'appelant a fait valoir que, en tenant compte des antécédents législatifs des articles pertinents de la Loi, le Tribunal doit décider que les unités de Peterbilt ne sont pas du type de camion léger visé par la disposition d'imposition d'une taxe sur les climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles.

L'avocate de l'intimé a soutenu que les camions-tracteurs routiers sont simplement un type de camion et que, puisque les climatiseurs de tels véhicules ne sont pas exempts de la taxe d'accise spéciale, prévue aux termes de l'article 8 de l'annexe I de la Loi, ces climatiseurs sont taxables aux termes de l'article 7 de l'annexe. Elle a soutenu que les antécédents législatifs de la disposition d'imposition introduite en 1976 n'étaient pas pertinents pour l'interprétation des dispositions applicables aux transactions visées par le présent appel, qui ont eu lieu de juin 1991 à mai 1993. À cette date, et en étroite concordance avec l'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services, la Loi a été modifiée de sorte qu'une exonération antérieure des climatiseurs conçus pour les camions-tracteurs routiers a été abrogée. Par conséquent, de l'avis de l'avocate de l'intimé, la taxe d'accise de 100 $ s'applique maintenant aux climatiseurs de tous les camions, sauf ceux qui sont admissibles à la vente en tant que fourniture détaxée aux termes de la partie IX de la Loi.

L'avocate de l'intimé a soutenu que ni les définitions du dictionnaire ni le témoignage de M. Corcoran ne confirmaient l'opinion que les camions-tracteurs routiers ne sont pas des camions parce qu'ils remorquent les marchandises, plutôt que de les porter. Selon son exposé, ce qui définit un camion, c'est sa capacité de transporter les marchandises d'un lieu à un autre. Qu'il le fasse en remorquant un autre véhicule ou en portant les marchandises lui-même n'a aucune importance. Elle a soutenu que la décision de la Commission du tarif invoquée par l'avocat de l'appelant ne confirmait pas l'argument de ce dernier parce que la Commission du tarif n'avait pas examiné la question de savoir s'il y avait une différence entre remorquer ou traîner les marchandises et les porter. Elle a indiqué que, plutôt que de se fier aux définitions du dictionnaire, le Tribunal doit tenir compte de l'esprit de la Loi et déterminer l'intention du Parlement. Elle a dit ne voir aucune raison pourquoi le Parlement aurait voulu que les climatiseurs de camions gros porteurs soient assujettis à la taxe, mais non les climatiseurs des camions-tracteurs. Elle a soutenu que le Tribunal ne doit se tourner ni vers le Tarif des douanes ni vers la Loi de l'impôt sur le revenu pour éclairer l'interprétation de la Loi. Chaque loi a un objet différent et, par conséquent, il ne s'agit pas de lois in pari materia.

Selon l'avocate de l'intimé, les éléments de preuve soumis par les témoins de Peterbilt sont, en grande partie, soit contradictoires soit non pertinents — «they can call it what they want ... but ... it is just simply a truck [8] » ([traduction] ils peuvent l'appeler ce qu'ils veulent [...] mais [...] ce n'est tout simplement qu'un camion). Les véhicules décrits à titre de tracteurs par les témoins sont, a-t-elle soutenu, annoncés dans les revues spécialisées dans le domaine du camionnage sous l'appellation de camion. Elle a de plus fait valoir que le simple fait que les documents officiels comme la pièce A-29 comprennent des définitions distinctes pour les tracteurs, les camions et les trains doubles de type B ne signifie pas qu'un tracteur ne peut être considéré comme une catégorie de camions. Elle a exhorté le Tribunal à accepter les éléments de preuve de M. Corcoran selon lesquels, a-t-elle soutenu, «truck tractors, truck trailer, rigs, anything else you want to call them, are merely categories of trucks [9] » ([traduction] les camions-tracteurs, les trains routiers, les ensembles tracteur-remorque, et tous autres noms que vous voulez leur donner, ne sont que de simples catégories de camions).

Le Tribunal convient avec l'avocat de l'appelant que l'intention du Parlement doit avoir été que les termes «camions» et «camions-tracteurs routiers» signifient des objets différents et qu'il n'aurait pas, si ce n'eut été le cas, utilisé les deux expressions dans la même loi. Les éléments de preuve montrent que les règlements provinciaux qui régissent le transport routier établissent une distinction entre les camions, les tracteurs et les remorques, et que ces distinctions sont bien comprises par ceux qui œuvrent dans l'industrie du camionnage, ou la connaissent bien. Il est raisonnable de déduire que les responsables de la rédaction des dispositions plutôt complexes de la taxe d'accise qui se sont appliquées à un moment ou à un autre aux camions et à leur matériel, y compris les climatiseurs, étaient au fait de ces distinctions.

La majeure partie des éléments de preuve soumis par M. Corcoran n'a pas particulièrement aidé le Tribunal à définir le terme «camion». Manifestement, le terme ne peut s'appliquer à tous les véhicules commerciaux, y compris les autobus, les taxis et les corbillards, ni ne peut-on définir un camion comme tout véhicule conçu pour déplacer des charges d'un lieu à un autre, puisque cela inclurait alors les wagons de chemin de fer, les navires, les avions et les remorques routières. Le Tribunal est toutefois d'accord avec M. Corcoran que la distinction entre remorquer et porter la charge, préconisée par l'avocat de l'appelant, est difficile à soutenir, étant donné que le tracteur, dans un ensemble combiné de tracteur et de remorque, porte une partie de la charge contenue dans la remorque. Le Tribunal trouve également plausible l'opinion de M. Corcoran que, dans l'industrie du camionnage et de façon plus générale, le terme «camion» sert souvent à décrire différents ensembles routiers, y compris les camions-tracteurs. La caractérisation qu'a faite M. Corcoran de la combinaison tracteur-remorque à titre de «camion articulé» semble juste, s'il est tenu compte de la description de M. Riggs de la fonction de la sellette d'attelage qui procure un point d'articulation entre le tracteur et la remorque. Effectivement, il apparaît au Tribunal que ce n'est que dans ce contexte que tous les mots de l'expression «camion-tracteur routier» trouvent leur sens.

Les éléments de preuve produits à l'audience amènent manifestement à la conclusion qu'un camion-tracteur routier est un tracteur qui est utilisé sur les routes pour transporter (ou camionner) des marchandises d'un lieu à un autre. Le fait que le tracteur doive être combiné à une semi-remorque pour accomplir ses fonctions de camionnage ne signifie pas qu'il soit, pris isolément, un camion, ni serait-il juste de dire que la semi-remorque, prise isolément, est un camion. Peterbilt établit une nette distinction entre les châssis-cabines et les tracteurs routiers dans tous les volets de ses activités, et les règlements provinciaux portant sur la sécurité et la délivrance des permis établissent également une distinction entre les camions porteurs et les tracteurs remorques. De l'avis du Tribunal, les éléments de preuve ne sont pas infirmés par les annonces publiées dans des revues spécialisées dans le domaine du camionnage soumises à titre d'éléments de preuve par l'avocate de l'intimé, comme celle de la pièce B-5 illustrant un tracteur Peterbilt attelé à une semi-remorque et où on trouve le mot «camion» dans un texte qui ne semble viser que le tracteur. L'objet de telles annonces est manifestement de persuader les personnes qui œuvrent dans l'industrie du camionnage d'acheter les véhicules motorisés de Peterbilt aux fins de camionnage, mais, là encore, cela n'en fait pas, de l'avis du Tribunal, des camions.

Le Tribunal conclut que les véhicules en cause sont des camions-tracteurs routiers, qu'ils sont un type de tracteur plutôt qu'un type de camion et que les climatiseurs qui y sont installés au moment de leur importation ne sont pas assujettis à la taxe d'accise de 100 $ imposée aux termes de l'article 7 de l'annexe I de la Loi.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.R.O. (1990), ch. H.8.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

5. Conseil de coopération douanière, 1re édition, Bruxelles, 1987.

6. C.R.C. 1978, ch. 945.

7. L.R.O. (1990), ch. R.31.

8. Transcription de l'argumentation, le 24 juin 1996 aux pp. 62 et 63.

9. Ibid. à la p. 68.


Publication initiale : le 17 février 1997