CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION DU GROUPE ALGO INC. ET MR. JUMP INC., DIVISION DU GROUPE ALGO INC.

Décisions


CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION DU GROUPE ALGO INC. ET MR. JUMP INC., DIVISION DU GROUPE ALGO INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-95-261 et AP-95-263

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 29 avril 1997

Appels n os AP - 95 - 261 et AP - 95 - 263

EU ÉGARD À des appels entendus le 26 novembre 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 18 octobre 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CHARLEY ORIGINALS LTD., DIVISION DU GROUPE ALGO INC.
ET MR. JUMP INC., DIVISION DU GROUPE ALGO INC. Appelants

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis en partie.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 18 octobre 1995. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si l'intimé, aux termes de l'article 48 de la Loi sur les douanes, a correctement ajouté au prix payé ou à payer pour certains vêtements pour femmes : i) les montants payés par les appelants à d'autres sociétés à titre de commissions d'achat; ii) la valeur des restes de tissus inutilisés dans la confection de vêtements finis; iii) les montants payés par les appelants relativement à des quotas et à des licences d'exportation du gouvernement du pays d'exportation.

DÉCISION : Les appels sont admis en partie. Le Tribunal fait observer que, conformément aux sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi sur les douanes, les commissions et les frais de courtage, « à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par [l'acheteur] à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente », doivent être ajoutés au « prix payé ou à payer [pour les marchandises] ». Les éléments de preuve déposés dans le cadre des présents appels montrent que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. ont assumé, au nom des appelants, diverses fonctions nécessaires à la confection et à l'exportation des vêtements en cause. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les montants versés à Colby & Staton (Eastern) Ltd. et à Colby & Staton Fashions Ltd. ont été versés afin que ces dernières représentent les appelants à l'étranger, à titre de mandataires, à l'occasion de l'importation des vêtements en cause. Les montants ont donc, par conséquent, incorrectement été inclus au prix payé ou à payer pour lesdits vêtements.

En ce qui a trait au tissu inutilisé, le Tribunal fait observer que la division 48(5)a)(iii)(C) de la Loi sur les douanes prévoit, en partie, que les « matières consommées dans la production des marchandises importées » doivent être incluses dans le prix payé ou à payer desdites marchandises. De l'avis du Tribunal, le tissu inutilisé entre dans le champ de la description de « matières »; cependant, les éléments de preuve indiquent que le tissu inutilisé n'était pas des déchets et n'a pas été « consommé dans la production des marchandises importées » ni incorporé dans les vêtements importés. En outre, les montants versés pour l'achat du tissu inutilisé ont été remis aux appelants ou à leur profit, et non aux fabricants-vendeurs.

En ce qui concerne le traitement des paiements relatifs aux quotas, le Tribunal fait observer que l'expression « prix payé ou à payer » au sens du paragraphe 45(1) de la Loi sur les douanes signifie « la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises ». De l'avis du Tribunal, il est manifeste dans le cas des exportations en provenance de Taiwan, où les quotas achetés proviennent des usines productrices de vêtements et où la valeur du quota a été inclus dans le prix des vêtements, que les paiements relatifs aux quotas ont été effectués au profit du vendeur et auraient dû, par conséquent, être inclus dans le prix payé ou à payer pour les vêtements.

Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que les paiements relatifs aux quotas d'exportation de vêtements en provenance de Hong Kong auraient dû être inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises. Les éléments de preuve indiquent que les paiements relatifs aux quotas obtenus pour les exportations en provenance de Hong Kong ont été versés par Colby & Staton Fashions Ltd., au nom des appelants, aux détenteurs des quotas qui, à la lumière des éléments de preuve, n'étaient pas liés aux fabricants-vendeurs des vêtements. En outre, les éléments de preuve indiquent que l'achat desdits quotas a parfois été fait avant l'achat des vêtements. Compte tenu des éléments de preuve susmentionnés, le Tribunal conclut que les paiements versés aux détenteurs de quotas pour acheter des quotas d'exportation de vêtements en provenance de Hong Kong ont constitué des paiements distincts et, dans certains cas, n'avaient même aucun lien avec les paiements versés aux fabricants-vendeurs pour l'achat des vêtements. Le Tribunal est, par conséquent, d'avis que les paiements relatifs aux quotas n'ont pas été « effectués [...] au vendeur [des vêtements en cause] ou à son profit, en paiement des [vêtements en cause] » et n'auraient pas dû être inclus dans le « prix payé ou à payer » pour lesdits vêtements.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 novembre 1996 Date de la décision : Le 29 avril 1997
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Desmond Hallissey, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael Kaylor, pour les appelants Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 18 octobre 1995. Lesdites décisions énoncent, en partie, que « les honoraires de commission d'achat payés à Colby [&] Staton, le mandataire, qui effectue du travail d'art, de design, etc., doivent être inclus dans la valeur des marchandises […]. Les paiements des frais relatifs aux quotas et aux travaux supplémentaires, telles que la broderie, l'impression, le salaire de M. Zeman, etc., qui sont versés à Colby [&] Staton, concernent les vêtements importés et doivent être inclus dans le prix payé ou à payer pour les marchandises. » [traduction] La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si l'intimé, aux termes de l'article 48 de la Loi, a correctement ajouté au prix payé ou à payer pour certains vêtements importés pour femmes : i) les montants payés par les appelants à d'autres sociétés à titre de commissions d'achat; ii) la valeur des restes de tissus inutilisés dans la confection de vêtements finis; iii) les montants payés par les appelants relativement à des quotas et à des licences d'exportation du gouvernement du pays d'exportation. La nomenclature pertinente de l'article 48 de la Loi prévoit ce qui suit :

48.(1) Sous réserve du paragraphe (6), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable et si les conditions suivantes sont réunies :

a) il n'existe pas de restriction concernant la cession ou l'utilisation des marchandises par l'acheteur, autre qu'une restriction qui :

(i) soit est imposée par la loi,

(ii) soit limite la zone où les marchandises peuvent être revendues,

(iii) soit n'a pas d'effet notable sur la valeur des marchandises;

[…]

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur, à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente,

[…]

(iii) la valeur, déterminée de façon réglementaire et imputée d'une manière raisonnable et conforme aux principes de comptabilité généralement acceptés aux marchandises importées, des marchandises et services ci-après, fournis directement ou indirectement par l'acheteur des marchandises, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées :

(A) matières, composants, pièces et autres marchandises incorporés dans les marchandises importées,

(B) outils, matrices, moules et autres marchandises utilisés pour la production des marchandises importées,

(C) matières consommées dans la production des marchandises importées,

(D) travaux d'ingénierie, d'étude, d'art, d'esthétique industrielle, plans et croquis exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées,

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada.

L'expression « prix payé ou à payer » est définie au paragraphe 45(1) de la Loi :

« prix payé ou à payer » En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

Comme l'a indiqué le premier témoin des appelants, M. Jack Wiltzer, ancien vice-président et maintenant président du Groupe Algo Inc. (Algo), Algo confectionne et importe des vêtements. Les appelants, qui ne sont plus des sociétés actives, étaient des divisions d'Algo. Les vêtements pour hommes, principalement faits de tricots ou de tissus, étaient commercialisés par Mr. Jump Inc. et les vêtements pour femmes, la plupart des tricots, par Charley Originals Ltd.

Quatre accords de mandataire d'achat, tous datés du 19 décembre 1989, ont été déposés comme pièces à l'appui par M. Wiltzer. Les accords ont été passés entre : i) Charley Originals Ltd. et Colby & Staton (Eastern) Ltd.; ii) Charley Originals Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd.; iii) Mr. Jump Inc. et Colby & Staton (Eastern) Ltd.; iv) Mr. Jump Inc. et Colby & Staton Fashions Ltd. Les accords conclus avec Colby & Staton (Eastern) Ltd. portaient sur l'achat de vêtements à Taiwan, et ceux conclus avec Colby & Staton Fashions Ltd. portaient sur l'achat de vêtements à Hong Kong. Les accords prévoient, en partie, que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd., selon le cas, devaient rendre les services suivants aux appelants :

a) [...] étude de marché nécessaire [...] dans les pays visés par [les accords];

b) Conformément aux directives [des appelants], [...] passer des commandes [...], effectuer des inspections à diverses étapes de la production et assumer les fonctions par ailleurs nécessaires à la réussite de la transaction commerciale au nom [des appelants];

c) Conformément aux directives [des appelants], [...] effectuer au nom [des appelants] les paiements pour la marchandise, à même les fonds fournis par [les appelants];

d) [...] veiller à ce que les directives d'expédition [des appelants] soient respectées et vérifier les factures douanières et commerciales pour qu'elles reflètent correctement le contenu de l'expédition et les exigences [des appelants];

e) [...] veiller à ce que tous les documents relatifs à l'expédition des marchandises [aux appelants] soient :

i) correctement établis;

ii) conformes aux exigences du gouvernement du pays d'importation;

iii) expédiés avec promptitude et par les voies les plus sécuritaires.

[Traduction]

M. Wiltzer a expliqué le rôle de Colby & Staton (Eastern) Ltd. et de Colby & Staton Fashions Ltd. Il a indiqué que les appelants ont retenu les services de ces sociétés pour qu'elles exécutent, entre autres, les tâches suivantes : i) se rendre aux installations des fabricants pour vérifier la qualité des vêtements; ii) assurer la livraison des vêtements commandés; iii) négocier les prix; iv) organiser l'approvisionnement en tissu; v) signer les certificats d'inspection des vêtements. Le choix des usines s'appuyait en général sur les facteurs suivants : prix, délai de livraison et qualité du vêtement produit par l'usine. Les appelants fixaient un prix et un délai de livraison qui leur convenaient et confiaient à Colby & Staton (Eastern) Ltd. et à Colby & Staton Fashions Ltd. le mandat de trouver sur le marché un fabricant disposé à confectionner les vêtements au prix et dans le délai indiqués. M. Wiltzer a fait savoir que les cadres des appelants se rendaient à Hong Kong pour finaliser les négociations relatives aux deux grandes saisons du secteur vestimentaire, à savoir le printemps et l'automne.

En ce qui a trait au paiement des vêtements, des quotas et des tissus, M. Wiltzer, aidé par la comptable des appelants, Mme Louise Bousejour, a renvoyé à plusieurs objets déposés comme pièces, y compris des relevés comptables internes, des factures, des documents douaniers, des documents d'expédition, des bordereaux d'emballage, des lettres de crédit et des chèques, pour montrer le déroulement chronologique des événements dans le cas de certaines transactions, à partir de l'achat du tissu, des vêtements ou du quota, selon le cas, jusqu'à la livraison et au paiement, y compris le paiement de la commission.

Plus précisément, M. Wiltzer a renvoyé à une demande de lettre de crédit de Mr. Jump Inc. à Colby & Staton Fashions Ltd., au titre de bénéficiaire. M. Wiltzer a expliqué que le choix de procéder par voie de lettre de crédit servait à des fins administratives. Il a souligné qu'une lettre de crédit pouvait représenter plusieurs milliers d'unités de vêtements de divers styles à produire par divers fabricants. Il a fait valoir qu'il aurait été trop compliqué, du point de vue des coûts et du contrôle, d'ouvrir une lettre de crédit pour chacun des styles. Les appelants ouvraient donc des lettres de crédit générales et autorisaient Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. à transférer des parties de ces lettres à divers fabricants une fois la production terminée.

S'appuyant sur des factures en provenance d'usines, des bordereaux de réception et d'emballage, des factures commerciales (B3) et des connaissements, M. Wiltzer a montré le chemin parcouru par certains vêtements payés à partir d'une partie de la lettre de crédit générale et a indiqué qu'il pourrait, en y mettant un certain temps, produire de tels documents pour tous les vêtements payés au moyen de la lettre de crédit. M. Wiltzer a également produit une demande de lettre de crédit par Mr. Jump Inc. à Colby & Staton Fashions Ltd., au titre de bénéficiaire, comportant une « clause rouge jusqu'à 60 p. 100 ». Il a décrit la clause comme donnant à Colby & Staton Fashions Ltd. l'autorisation d'obtenir des avances sur la lettre de crédit pour acheter tous les articles, y compris les tissus, que ne fournissaient pas les fabricants. Ce type de clause ne s'appliquait généralement qu'aux tissus importés. Les appelants étaient plus tard crédités sur présentation des factures commerciales pour avoir payé les articles que n'avaient pas fournis les fabricants.

M. Wiltzer a aussi renvoyé, à titre d'exemple, à une demande de crédit documentaire par Mr. Jump Inc. en faveur de Colby & Staton International Co. Ltd. concernant l'achat de quotas d'exportation de vêtements de Hong Kong.

En ce qui a trait à la conception d'échantillons de vêtement, M. Wiltzer a fait savoir que les appelants s'en chargeaient et qu'ils employaient des gens pour faire ce travail. Ces employés s'informaient des tendances de la mode en voyageant, en lisant et en visitant des détaillants. Ils recueillaient ainsi des idées, et parfois des échantillons, de vêtements possibles à produire et à vendre dans le commerce. Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. communiquaient ensuite avec un fabricant en vue de la production d'un échantillon sous la supervision du concepteur, puis l'échantillon était envoyé aux appelants et des commandes de production étaient placées. Les appelants remettaient une feuille de spécifications à Colby & Staton (Eastern) Ltd. et à Colby & Staton Fashions Ltd. en vue de la confection des vêtements à une usine de Taiwan ou de Hong Kong. Les concepteurs ou les représentants des appelants approuvaient les fils devant servir à la confection des tricots et choisissaient les tissus dans le cas des autres vêtements à partir d'échantillons que leur montraient les fournisseurs de tissus. Selon M. Wiltzer, le choix des tissus était fondé sur les échantillons montrés aux appelants par les représentants des fournisseurs de tissus, au Canada ou à l'étranger, lors d'expositions commerciales de tissus. Le paiement aux fabricants était versé directement par les appelants par l'intermédiaire d'une lettre de crédit de ces sociétés en faveur des fabricants.

M. Wiltzer a indiqué que M. Allan Zeman, fondateur de Colby & Staton et un important actionnaire de Colby International Ltd. [2] , est directeur, cadre et principal actionnaire du Groupe Algo Inc. Cependant, M. Wiltzer a ajouté qu'à sa connaissance, M. Zeman ne participait pas de manière notable depuis cinq ou six ans à l'activité quotidienne de l'une ou de l'autre des sociétés de Colby & Staton. M. Wiltzer a confirmé que M. Zeman est aussi coprésident du Conseil d'administration et directeur général d'Algo International. L'avocat de l'intimé a renvoyé M. Wiltzer à des copies de certificats d'inspection portant la signature de M. Zeman. À cet égard, M. Wiltzer a fait observer que, pour simplifier le cours des affaires, M. Zeman avait signé d'avance les certificats, mais ne participait pas personnellement à l'inspection des vêtements.

Au sujet des quotas, M. Wiltzer a fait savoir que, selon les directives des appelants, Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. achetaient les quotas requis au nom des appelants. M. Wiltzer a ajouté que, à Hong Kong, les quotas peuvent être achetés sur le marché libre à un prix qui varie selon l'offre et la demande. En général, les appelants payaient les quotas achetés à Hong Kong au moyen d'un virement télégraphique de fonds. À l'encontre des exportations en provenance de Hong Kong, dont les quotas peuvent être achetés sur le marché libre, les acheteurs doivent se procurer des quotas d'exportation en provenance de Taiwan auprès des usines qui confectionnent les vêtements, la valeur du quota étant incluse dans le prix de ces derniers.

M. Wiltzer a précisé que le tissu inutilisé était relié au tissu acheté à l'extérieur du Canada aux fins de la confection d'échantillons de vêtements et qu'il ne s'agissait pas de retailles de tissu. Les concepteurs se procurent toutes sortes d'échantillons de tissus différents. Les fournisseurs de tissus les vendent cependant en quantité minimum. Le tissu inutilisé dans la préparation des échantillons était vendu à Colby & Staton (Eastern) Ltd. et à Colby & Staton Fashions Ltd. selon les directives des appelants, et ces derniers étaient crédités des montants payés pour l'achat du tissu inutilisé.

Le deuxième témoin des appelants, M. Martin Leder, le représentant en Amérique du Nord de Colby International Ltd., a confirmé que M. Zeman est président du Conseil d'administration et principal propriétaire de Colby International Ltd., et que ce dernier ne jouait plus un rôle actif dans cette société quant à l'approvisionnement en marchandises de la société et à d'autres fonctions d'agent d'achat depuis bon nombre d'années. Il a aussi confirmé que M. Zeman avait signé d'avance les certificats d'inspection parce que c'était plus commode. Quant à la relation entre les appelants et Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd., M. Leder a confirmé que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. exécutaient, au nom des appelants, toutes les tâches nécessaires de mandataire, y compris la recherche d'usines sources, l'inspection des marchandises et l'organisation et la surveillance des expéditions au client. En ce qui a trait aux quotas, M. Leder a témoigné que Colby & Staton (Eastern) Ltd. and Colby & Staton Fashions Ltd. n'en étaient pas détenteurs.

Commissions

L'avocat des appelants a renvoyé à l'affaire Radio Shack, A Division of Inter TAN Canada Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] et a fait valoir que le Tribunal a alors conclu que, pour décider s'il existe une relation authentique de mandataire d'achat, non assujettie aux droits, le Tribunal doit tenir compte de tous les faits qui entourent la transaction et, même en présence d'un ou de plusieurs facteurs qui pourraient militer contre l'acceptation de la qualité de mandataire d'achat, ladite relation peut tout de même être une relation de mandataire à la lumière de l'ensemble des faits. Abordant les faits particuliers des présents appels, l'avocat a soumis que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. exécutaient toutes les fonctions caractéristiques d'un mandataire d'achat et non d'un marchand de vêtements. Plus précisément, l'avocat a souligné que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. ne sont propriétaires d'aucune des entreprises de fabrication desquelles les appelants ont acheté des vêtements et que ces fabricants ne sont par ailleurs pas propriétaires de Colby & Station (Eastern) Ltd. ni de Colby & Staton Fashions Ltd. Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. n'ont pas pris possession des vêtements et ne risquaient aucune perte ni dommage relativement auxdits vêtements. Ce sont plutôt les appelants qui ont assumé les risques afférents aux vêtements, en sont devenus propriétaires et, à même leurs propres fonds, en ont financé l'achat.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les méthodes et pratiques des parties à un contrat sont davantage indicatrices de leurs droits et de leurs obligations que la seule considération du « libellé juridique utilisé dans les accords écrits, ou les allégations des parties sur ce qu'elles visaient en choisissant un libellé juridique donné [4] ». De plus, l'avocat a soutenu qu'il faut tenir compte de plusieurs facteurs pour décider de l'existence d'un rapport de commettant à mandataire [5] . S'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Kelly [6] , l'avocat a soutenu que, pour qu'il existe un rapport de commettant à agent, il faut que « l'agent vise à atteindre les mêmes résultats que ceux qu'aurait atteints le commettant s'il avait agi pour son compte [7] » et l'agent doit toujours être en mesure d'agir au mieux des intérêts du commettant et ne doit pas laisser ses intérêts personnels entrer en conflit avec ses obligations envers le commettant [8] .

Dans son exposé, l'avocat de l'intimé a allégué plusieurs faits à l'appui de la position de l'intimé qu'il n'existe pas de rapport de commettant à mandataire entre les appelants et Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. Plusieurs de ces allégations ont été retirées à l'audience, et l'avocat s'est principalement appuyé sur le fait que les appelants et Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. étaient régis par les mêmes administrateurs et propriétaires de telle sorte que les deux entités ne pouvaient être considérées comme « indépendantes » l'une de l'autre. Par conséquent, selon l'avocat, les appelants n'étaient pas libres de choisir de traiter avec d'autres sociétés que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. ni avec d'autres fabricants.

Selon une démarche similaire à celle adoptée dans le cadre d'autres appels portant sur les honoraires et commissions versés à des mandataires [9] , pour décider de la question de savoir si Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd représentaient les appelants à l'étranger pour les importations des vêtements en cause, le Tribunal a surtout examiné les faits particuliers en question, dans le but de déterminer, entre autres : i) les rôles respectifs des appelants et de Colby & Staton (Eastern) Ltd. et de Colby & Staton Fashions Ltd. dans l'importation des vêtements en cause; ii) dans quelle mesure les appelants régissaient l'activité de Colby & Staton (Eastern) Ltd. et de Colby & Staton Fashions Ltd., le cas échéant; iii) la nature de l'intérêt de Colby & Staton (Eastern) Ltd. et de Colby & Staton Fashions Ltd. dans les vêtements importés, le cas échéant.

Après avoir examiné les éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd., en conformité avec les directives des appelants et au nom de ces derniers, ont exécuté la majorité des tâches nécessaires à la fabrication et à l'exportation des vêtements en cause. De plus, le Tribunal conclut, sur la foi des éléments de preuve, que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. ne détenaient aucun intérêt dans les vêtements si ce n'est dans le cadre de leurs attributions à titre de représentants des appelants pour la vente des vêtements en cause. Plus précisément, le Tribunal fait observer que Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. rendaient les services suivants et représentaient les intérêts des appelants, selon les directives de ces derniers, des façons suivantes : 1) exécution de l'étude de marché nécessaire à Taiwan et à Hong Kong; 2) approvisionnement en matières brutes, comme du tissu; 3) négociation des prix et placement des commandes auprès des fabricants à Taiwan et à Hong Kong; 4) exécution d'inspections à diverses étapes de la production; 5) administration des paiements pour le tissu, les quotas et les vêtements au nom des appelants à partir de fonds fournis par ces derniers; 6) confirmation des directives d'expédition en provenance des appelants et inspection des factures douanières et commerciales pour veiller à ce que tous les documents afférents à l'expédition : i) étaient correctement préparés; ii) répondaient aux exigences du gouvernement du pays d'importation; iii) étaient expédiés promptement et par les voies les plus sécuritaires possibles; 7) inspection des expéditions pour s'assurer que les documents d'expédition reflétaient précisément le contenu de l'expédition; 8) signature du certificat d'inspection. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi, les honoraires versés à Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. ont incorrectement été inclus dans le prix payé ou à payer pour les vêtements importés.

Tissu inutilisé

L'avocat des appelants a soumis que, aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iii) de la Loi, seuls les biens et services qui sont décrits dans les divisions (A), (B), (C) et (D) devaient être ajoutés au prix payé ou à payer pour les vêtements importés. De l'avis de l'avocat, les tissus inutilisés étaient des matières. Cependant, les tissus inutilisés n'ont pas été incorporés dans les vêtements importés ni consommés dans la production des vêtements importés. Par conséquent, ces tissus n'entraient pas dans le champ d'application du libellé ni de l'une ni de l'autre des divisions 48(5)a)(iii)(A) et (C). L'avocat a fait valoir que les divisions 48(5)a)(iii)(B) et (D) ne se rapportent aucunement au traitement des tissus inutilisés. L'avocat a soumis que les articles énumérés au sous-alinéa 48(5)a)(iii) sont spécifiques et représentent une liste complète et que l'absence de renvoi à une catégorie de marchandises qui inclurait les tissus inutilisés indiquent que le tissu inutilisé ne devait pas être ajouté au prix payé ou à payer pour les vêtements importés.

À l'appui de l'assertion de l'intimé voulant que la valeur du tissu inutilisé devait être incluse dans le prix payé ou à payer pour les vêtements importés, l'avocat de l'intimé a soumis qu'il était nécessaire que le Tribunal établisse la distinction entre « perte de tissu » et « excédent de tissu » ou l'achat en vrac de tissu qui, selon l'avocat, serait inscrit dans les livres et les dossiers des fabricants-vendeurs. L'avocat a soumis que la perte de tissu est une conséquence directe de la production des marchandises et que l'amortissement du tissu perdu doit s'appliquer sur les marchandises importées. L'avocat a soumis que le paiement du tissu perdu est fait aux fabricants-vendeurs ou à leur profit [10] .

Le Tribunal fait observer que la division 48(5)a)(iii)(C) prévoit que les « matières consommées dans la production des marchandises importées » doivent être incluses dans le prix payé ou à payer desdites marchandises. De l'avis du Tribunal, le tissu inutilisé entre dans le champ d'application de la description des « matières »; cependant, le tissu inutilisé n'a pas été « consommé […] dans la production des marchandises importées ». Ce fait a été confirmé par M. Wiltzer dans son témoignage lorsqu'il a déclaré que le tissu inutilisé en cause, qui a été acheté par Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd., au nom des appelants, et non par le vendeur, n'était pas des retailles et n'a pas été consommé dans la production des vêtements importés ni intégré à ces vêtements. De plus, M. Wiltzer a témoigné que le tissu inutilisé n'était pas gardé par les fabricants, mais a été revendu par Colby & Staton (Eastern) Ltd. et Colby & Staton Fashions Ltd. et que les appelants ont été crédités des montants reçus pour ces ventes. Les fabricants-vendeurs n'ont par conséquent pas « tiré profit » des paiements pour la vente du tissu inutilisé. Le Tribunal conclut donc que la valeur du tissu inutilisé a incorrectement été incluse dans le prix payé ou à payer pour les vêtements importés et admet les appels sur ce point.

Quotas

L'avocat des appelants a renvoyé à la définition de « prix payé ou à payer » du paragraphe 45(1) de la Loi et a soumis que les paiements relatifs aux quotas n'entrent pas dans le champ de la définition puisque les paiements : i) n'étaient pas liés au prix payé ou à payer pour les vêtements importés; ii) n'ont pas été versés au fabricant-vendeur des vêtements; iii) n'ont pas été versés au profit du vendeur, du fait que les appelants avaient une obligation contractuelle envers le fabricant-vendeur d'acheter les vêtements, indépendamment de leur réussite à obtenir un quota. En appui complémentaire à la position des appelants voulant que les paiements de quotas versés à une tierce partie ne devaient pas être inclus dans le prix payé ou à payer pour les vêtements importés, l'avocat a renvoyé à une décision de la Cour de justice des Communautés européennes [11] et à deux décisions des tribunaux des États-Unis [12] .

L'avocat de l'intimé a renvoyé aux renseignements généraux concernant les quotas d'exportation inclus dans le Mémorandum D13-3-14 [13] et a souligné que les appelants ne pouvaient importer les vêtements au Canada sans un quota d'exportation. L'avocat a soumis que, conformément à la définition du « prix payé ou à payer » aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi, tous les paiements versés «au profit » du vendeur sont inclus dans le prix payé ou à payer. De l'avis de l'avocat, l'expression « au profit » est une expression courante et doit être interprétée dans son sens large comme signifiant « un avantage de quelque nature [14] ». L'avocat a soumis que, lorsque les appelants ont obtenu un quota pour l'achat de vêtements des fabricants-vendeurs, les appelants ont payé le quota pour les vêtements et au profit des fabricants-vendeurs parce que les appelants pouvaient alors leur acheter des vêtements et les importer au Canada.

Le Tribunal fait observer que la définition de l'expression « prix payé ou à payer » aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi s'entend de « la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises ». De l'avis du Tribunal, il est manifeste dans le cas des exportations de Taiwan, où les quotas ont été achetés des usines qui confectionnent les vêtements et où la valeur du quota a été incluse dans le prix des vêtements, que le paiement du quota était au profit du vendeur et devait, par conséquent, être inclus dans le prix payé ou à payer pour les vêtements. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que le paiement pour un quota d'exportation en provenance de Hong Kong devait être inclus dans le prix payé ou à payer des marchandises.

Les éléments de preuve indiquent que les paiements relatifs aux quotas d'exportation en provenance de Hong Kong ont été effectués par Colby & Staton Fashions Ltd., au nom des appelants, aux détenteurs de quotas qui, à la lumière des éléments de preuve, n'étaient pas liés aux fabricants-vendeurs des vêtements. De plus, les éléments de preuve indiquent que l'achat desdits quotas était parfois fait avant l'achat des vêtements. À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal conclut que le paiement aux détenteurs de quotas pour l'achat de quotas d'exportation de vêtements en provenance de Hong Kong était indépendant des paiements aux fabricants-vendeurs pour l'achat des vêtements et n'était donc pas effectué au profit desdits fabricants-vendeurs. Le Tribunal est donc d'avis que les paiements relatifs aux quotas d'exportation de marchandises en provenance de Hong Kong n'auraient pas dû être inclus dans le « prix payé ou à payer » pour les vêtements.

Par conséquent, le Tribunal conclut que les paiements relatifs aux frais de quotas d'exportation de vêtements en provenance de Taiwan ont correctement été inclus dans le prix payé ou à payer pour les vêtements lors de leur importation et que les paiements relatifs aux frais de quotas d'exportation de vêtements en provenance de Hong Kong ont été incorrectement inclus dans le prix payé ou à payer pour ces vêtements.

Par conséquent, les appels sont admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Anciennement Colby & Staton International Co. Ltd. et, antérieurement, Colby & Staton Fashions Limited.

3. Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-92-193 et AP-92-215, le 16 septembre 1993.

4. Signature Plaza Sport Inc. c. Sa Majesté la Reine, non publiée, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-453-90, le 28 février 1994; Mexx Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-94-035, AP-94-042 et AP-94-165, le 16 février 1995; et Firestone Tire and Rubber Company of Canada, Limited c. Commissioner of Income Tax, [1942] R.C.S. 476 à la p. 482.

5. Supra note 3; et R. c. Kelly, [1992] 2 R.C.S. 170 à la p. 183.

6. Ibid.

7. Kelly, supra note 5 à la p. 183; et Mémorandum D13-4-12, Commissions et frais de courtage, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 30 septembre 1991, paragraphe 12.

8. Kelly, supra note 5 à la p. 184.

9. Mexx Canada, supra note 4; Radio Shack, supra note 3; et Chaps-Ralph Lauren, Division of 131384 Canada Inc. et Modes Alto Regal, Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-94-190 et AP-94-191, le 1er novembre 1995.

10. Mexx Canada, supra note 4.

11. Ospig Textilgesellschaft KG W. Ahlers c. Hauptzollamt Bremen-Ost, [1985] 1 C.M.L.R. 469.

12. Generra Sportswear Company c. The United States, 905 F.2d 377 (Fed. Cir. 1990), inf. 715 F.Supp. 1101 (1989); et Murjani International Ltd. c. United States, United States Court of International Trade, Slip Opinion 93-152.

13. Paiement des frais relatifs aux quotas, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1er juin 1986.

14. Transcription de l'audience publique et de l'argumentation, le 26 novembre 1996 à la p. 219.


Publication initiale : le 11 août 1997