ASEA BROWN BOVERI INC.

Décisions


ASEA BROWN BOVERI INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-189

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 5 novembre 1996

Appel n o AP-95-189

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 mars 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À huit décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 27 juillet et 27 septembre 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ASEA BROWN BOVERI INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Les questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer le classement tarifaire approprié de certaines marchandises, c'est-à-dire les traversées à double pression à isolation à l'hexafluorure de soufre, et à déterminer si elles sont admissibles aux avantages du code 2101 de l'annexe II du Tarif des douanes.

DÉCISION : L'appel est admis. Aux termes de l'Avis des douanes N-010, l'appareillage de commutation importé comme un seul ensemble fonctionnel est classé dans la sous-position no 8537.20. Lorsque l'appareillage de commutation est utilisé dans un poste de transport électrique comprenant un centre de commande, il est admissible aux avantages du code 2101. Le Tribunal estime que l'appareillage de commutation à isolation gazeuse et les traversées constituent un ensemble fonctionnel aux fins d'imposition tarifaire. Par conséquent, conformément à la Note 4 de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes, le Tribunal conclut que les traversées sont classées dans le numéro tarifaire 8537.20.90, tout comme l'appareillage de commutation à isolation gazeuse, et qu'elles sont admissibles aux avantages du code 2101.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 29 mars 1996 Date de la décision : Le 5 novembre 1996
Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Susanne Grimes
Ont comparu : Michael Sherbo, pour l'appelant Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de huit décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi, appel qui a été entendu par un seul membre du Tribunal [2] . Les questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer le classement tarifaire approprié de certaines marchandises, c'est-à-dire des traversées à double pression à isolation à l'hexafluorure de soufre (les traversées), et à déterminer si elles sont admissibles aux avantages du code 2101 de l'annexe II du Tarif des douanes [3] .

Les traversées ont été importées au Canada dans le cadre de huit transactions distinctes au cours de la période allant du 14 décembre 1992 au 20 mai 1993. Elles servent à connecter les lignes aériennes d'électricité à l'appareillage de commutation à isolation gazeuse (ACIG) au poste de transport d'Ontario Hydro, à Claireville (Ontario). Au moment de leur importation, elles ont été classées dans divers numéros tarifaires. À la suite d'une demande de réexamen, les traversées ont été reclassées dans le numéro tarifaire 8544.60.00 à titre d'autres conducteurs électriques, pour tensions excédant 1 000 V. L'intimé a décidé que les traversées n'étaient pas admissibles aux avantages du code 2101.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire à l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivantes :

85.44 Fils, câbles (y compris les câbles coaxiaux) et autres conducteurs isolés pour l'électricité (même laqués ou oxydés anodiquement), munis ou non de pièces de connexion; câbles de fibres optiques, constitués de fibres gainées individuellement, même comportant des conducteurs électriques ou munis de pièces de connexion.

8544.60.00 -Autres conducteurs électriques, pour tensions excédant 1 000 V

85.37 Tableaux, panneaux, consoles, pupitres, armoires (y compris les armoires de commande numérique) et autres supports comportant plusieurs appareils des nos 85.35 ou 85.36, pour la commande ou la distribution électrique, y compris ceux incorporant des instruments ou appareils du Chapitre 90, autres que les appareils de commutation du no 85.17.

8537.20 -Pour une tension excédant 1 000 V

8537.20.90 ---Autres

90.32 Instruments et appareils pour la régulation ou le contrôle automatiques.

9032.89 --Autres

9032.89.20 ---Appareils de processus industriel à l'exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa

Le code 2101 prévoit ce qui suit :

Articles (autres que les marchandises des nos tarifaires énumérés ci-dessous) devant servir aux :

Les marchandises des nos tarifaires :

8471.92.10, 8471.99.10, 8523.20.00, 9032.89.20

8471.93.10, 8473.30.10, 8524.90.20, ou 9032.90.20

L'expression «devant servir [dans]» utilisée dans le code 2101 est définie de la façon suivante à l'article 4 du Tarif des douanes :

4. Les expressions «devant servir dans» et «devant servir à», mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code.

Le premier témoin de l'appelant était M. Jean-Pierre Haché, un ingénieur en électricité qui travaille chez Asea Brown Boveri Inc. à titre de directeur de produit. M. Haché a été reconnu comme témoin expert dans le domaine de l'appareillage de commutation de haute tension pour réseaux électriques.

M. Haché a expliqué que l'ACIG, qui comprend des disjoncteurs, des sectionneurs, des transformateurs de courant et de tension et d'autre matériel connexe, a été fourni par l'usine de l'appelant en Suisse. Les traversées et les conduites de bus utilisées pour connecter les divers éléments de l'ACIG ont été fournies par l'usine de l'appelant aux États-Unis.

Les traversées, qui ont été conçues spécialement pour l'ACIG, jouent le rôle d'interface entre l'équipement à isolation gazeuse de l'ACIG et les lignes électriques isolées à l'air. Elles servent de conducteurs au courant entrant et sortant de l'ACIG. De plus, elles empêchent la formation d'arcs électriques dans l'enceinte restreinte d'un poste de transport de l'électricité. M. Haché était d'avis que, jumelés, les traversées et l'ACIG forment un ensemble fonctionnel.

Un réseau de distribution d'électricité comprend des centres de commande qui règlent le flux d'électricité afin d'en assurer l'approvisionnement constant aux utilisateurs finaux. En cas de panne du réseau, des appareils de contrôle automatiques repèrent la défectuosité et la contournent en passant par d'autres postes secondaires pour rétablir le courant. Il a été expliqué que divers éléments de l'ACIG, notamment les transformateurs de courant et de tension, sont connectés aux appareils de contrôle en vue de donner des renseignements sur le flux d'électricité dans le réseau.

De plus, les appareils de contrôle sont connectés à des détecteurs de gaz installés sur l'équipement à isolation gazeuse, incluant les traversées, pour assurer qu'une pression gazeuse adéquate y est maintenue et en assurer le bon fonctionnement. Si la pression gazeuse diminuait, l'isolation ne serait pas adéquate et un court-circuit pourrait se produire. Si les appareils de contrôle repéraient un changement de pression, les disjoncteurs de l'ACIG pourraient interrompre le flux d'électricité dans l'équipement.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Haché a dit au Tribunal que les traversées et les pièces essentielles de l'ACIG ont été achetées dans le cadre de marchés distincts et expédiés séparément au poste de Claireville. Il a cependant précisé que l'achat de ce matériel a fait l'objet d'un seul document d'appel d'offres.

En réponse aux questions du Tribunal, M. Haché a expliqué qu'un système de contrôle comprend différents types de panneaux de commande. Un panneau de commande local sert à régler le mécanisme de fonctionnement de divers éléments, notamment les disjoncteurs et les sectionneurs. Par contraste, les panneaux relais analysent les données provenant des divers détecteurs, notamment les détecteurs de gaz sur les traversées, pour repérer les défectuosités dans l'équipement. En fait, ils constituent les éléments intelligents du système de contrôle. Si une défectuosité est repérée, les panneaux relais sont munis de disjoncteurs pouvant s'ouvrir pour isoler la défectuosité et réorienter le flux de l'électricité. Les panneaux relais peuvent également mesurer le flux et la quantité d'électricité à des fins de facturation.

Le deuxième témoin de l'appelant était M. Tim Molony, superviseur de la section de l'appareillage de commutation du Service de gestion du matériel d'Ontario Hydro. M. Molony a été reconnu comme témoin expert en technique des centrales électriques, incluant l'appareillage de commutation. Il est chargé de la rédaction des spécifications, du choix des fournisseurs, du choix et de l'achat du matériel et doit veiller à ce que le matériel réponde aux spécifications.

M. Molony a confirmé que l'achat de l'ACIG et des traversées destinés au poste de Claireville a fait l'objet d'un seul document d'appel d'offres (pièce A-5), que les traversées ont été spécialement conçues pour ce poste et que l'ACIG et les traversées y ont été directement expédiés. Il a convenu que l'ACIG est essentiel au fonctionnement du système de contrôle et que les traversées sont essentielles au fonctionnement de l'ACIG et du système de contrôle. Il a expliqué qu'un détecteur de gaz monté sur les traversées est relié par fils au système de contrôle.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Molony a confirmé qu'un seul document d'appel d'offres avait défini les besoins d'aménagement du poste de Claireville, que l'appelant a soumissionné le marché qui lui a été intégralement adjugé, que l'ACIG et les traversées ont fait l'objet de deux bons d'achat (pièce A-4) et que l'ACIG et les traversées ont été expédiés séparément au poste de Claireville. Il a expliqué que deux bons de commande ont été utilisés pour simplifier l'administration du marché.

En expliquant comment les traversées sont «essentielles» au fonctionnement de l'ACIG, M. Molony a dit qu'elles sont rattachées à l'ACIG auquel elles amènent l'électricité et que l'ACIG ne fonctionnerait pas sans elles. Il a expliqué qu'un détecteur de gaz sur une traversée fait partie du système de contrôle, en ce sens qu'un aspect essentiel du contrôle est la détection. Au cours du réinterrogatoire, il a ajouté que le système de contrôle comprend également le signalement ou l'«énonciation» du problème et la réaction des disjoncteurs.

Le troisième témoin de l'appelant était M. Michel LaPalme, un ingénieur principal à la CIMA, un des principaux consultants d'Hydro-Québec. C'est un spécialiste des postes électriques à haute tension et de l'équipement à haute tension. Il a été reconnu par l'avocat de l'intimé comme témoin expert. À la question à savoir si les traversées sont essentielles à la commande du poste, M. LaPalme a déclaré qu'elles sont essentielles «au système». À la question qui lui demandait si l'ACIG et le système de commande fonctionneraient sans la traversée, il a répondu : «Definitely not [4] » ([traduction] Certainement pas).

Au cours du contre-interrogatoire, M. LaPalme a précisé que les traversées sont essentielles à l'ACIG parce qu'elles y sont rattachées et en constituent une partie. Aux questions du Tribunal, il a répondu que les traversées établissent des connexions nécessaires entre les lignes à haute tension et les conduites de bus connectées à l'ACIG.

Le témoin de l'intimé était M. Réjean M. Breton, un ingénieur spécialisé dans les systèmes électriques, les relais et la protection. M. Breton a été reconnu comme témoin expert dans le domaine des systèmes électriques. M. Breton a expliqué qu'un système de distribution d'électricité comprend trois types d'équipement, à savoir l'équipement primaire, de protection et de contrôle. Il a décrit et donné des exemples de chaque type d'équipement.

M. Breton a déclaré au Tribunal que l'ACIG et les traversées sont de l'équipement primaire. Cependant, certains éléments de l'ACIG, notamment les transformateurs de courant et de tension, sont considérés comme essentiels à la fonction de base du système de contrôle. Cela est dû au fait que, en partie, leur rôle consiste à mesurer certaines variables dans le transport de l'électricité et à transmettre l'information dans des relais de protection qui commandent les disjoncteurs de l'ACIG.

Par contraste, les traversées ne font pas partie du système de contrôle. Les détecteurs de gaz sur les traversées sont requis pour superviser le fonctionnement des traversées elles-mêmes et non le transport de l'électricité. Une traversée est une pièce d'équipement passive qui ne remplit pas une fonction de commande. Elle est essentielle au fonctionnement de l'ACIG, comme tous les autres éléments du réseau électrique le sont à l'acheminement de l'électricité jusqu'à l'ACIG.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les traversées et l'ACIG forment un seul ensemble fonctionnel. En tant que tel, aux termes de la Note 4 de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes, l'ensemble doit être classé dans la position correspondant à la fonction qu'il assure [5] . À l'appui de cette proposition, il a été soutenu que les traversées et l'ACIG sont des machines distinctes. De plus, ils contribuent tous deux à la fonction de contrôle et de distribution de l'électricité. Selon les témoignages de MM. Haché et Molony, les traversées sont essentielles au fonctionnement de l'ACIG et du système de contrôle automatique. En outre, que les traversées et l'ACIG aient été importés séparément ne devrait avoir aucune incidence sur le fait que les deux constituent un ensemble fonctionnel [6] .

Les traversées et l'ACIG sont également admissibles comme ensemble fonctionnel selon les lignes directrices du ministère du Revenu national présentées dans le Mémorandum D10-13-2 (le Mémorandum), intitulé «Politique administrative — Interprétation tarifaire “unités fonctionnelles” [7] ». Le représentant de l'appelant a souligné que, dans son témoignage, M. Haché déclare que les traversées et l'ACIG constituaient une unité commerciale et a aussi fait remarquer que M. Molony avait convenu qu'Ontario Hydro les avait achetés à titre d'unité commerciale. Leur achat a fait l'objet d'un seul document d'appel d'offres et, même si deux bons d'achat différents ont été utilisés pour les achats, cela a été fait pour faciliter l'administration du marché. MM. Haché et Molony ont également reconnu que les traversées étaient essentielles au mécanisme de contrôle de l'ACIG ainsi qu'au mécanisme de contrôle du poste secondaire. De plus, selon le paragraphe 7 du Mémorandum, un ensemble fonctionnel peut faire l'objet de plusieurs importations et provenir de plusieurs pays, comme cela s'est produit dans la présente affaire.

Le représentant de l'appelant a soutenu que, selon des «énoncés de principe [8] », l'ACIG est classé dans le numéro tarifaire 8537.20.90 et est admissible aux avantages du code 2101. Par conséquent, comme partie d'un ensemble fonctionnel avec l'ACIG, les traversées sont également admissibles aux avantages du code 2101.

À titre de seconde solution, le représentant de l'appelant a soutenu que les traversées sont classées dans le numéro tarifaire 8544.60.00 et qu'elles doivent servir dans des marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20, c'est-à-dire les appareils de contrôle du poste de Claireville. Ainsi, elles sont admissibles aux avantages du code 2101. Plusieurs arguments ont été avancés à l'appui de cette proposition.

D'abord, il a été soutenu que les marchandises de la position no 90.32, aux termes des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [9] (les Notes explicatives) pour cette position, ont trois éléments : un dispositif de mesure, un dispositif de contrôle et un dispositif de commande. Les traversées doivent servir avec le système de contrôle du numéro tarifaire 9032.89.20 en ce sens qu'elles comprennent un détecteur de gaz (dispositif de mesure) qui est relié par des fils au centre de contrôle ou à quelque autre relais (dispositif de contrôle) du poste de Claireville, qui est à son tour connecté aux disjoncteurs (dispositif de commande) de l'ACIG. À ce titre, les traversées sont rattachées et essentielles à la fonction de base du système de contrôle.

Deuxièmement, les traversées doivent être admissibles aux avantages du code 2101 par analogie avec l'exemple donné dans l'Avis des douanes N-879, en date du 23 juin 1994, intitulé «Politique administrative — Codes tarifaires 2100 et 2101 [10] ». Le représentant de l'appelant a expliqué que la politique de l'intimé consistant à accorder les avantages du code 2101 aux câbles d'ordinateur est fondée sur le fait que ceux-ci connectent une source d'alimentation à la machine de traitement automatique de données. De même, les traversées constituent une connexion entre les câbles de transmission et l'ACIG. Il a souligné que MM. Haché et Molony ont tous deux convenu que c'était là une bonne analogie.

Troisièmement, il a été déclaré que le Parlement entendait que le code 2101 soit interprété de façon large. Cela est prévu par l'utilisation du terme «[a]rticles» dans les codes 2100 et 2101, auxquels a été donnée une interprétation large. De plus, le Parlement n'a exclu que 40 des quelque 8 000 numéros tarifaires de l'annexe I du Tarif des douanes de l'admissibilité aux avantages du code 2101, et les Notes explicatives de la position no 90.32 impliquent que le code 2101 doit être interprété de façon large [11] . De plus, cela accorderait autrement un avantage aux concurrents étrangers qui pourraient importer, ensemble, les trois pièces d'appareillage de contrôle automatique de la position no 90.32 et bénéficier des avantages du code 2101.

En réponse aux arguments avancés par l'avocat de l'intimé, le représentant de l'appelant a soutenu qu'il n'est pas approprié d'ajouter le mot «directement» dans la définition de «devant servir à», pour qu'elle se lise : «entr[a]nt [directement] dans la composition d'autres marchandises» [12] . En outre, rien ne permet de conclure que l'expression «sauf indication contraire du contexte», utilisée dans la même définition, exige qu'un article logé séparément fasse partie intégrante de la fonction accomplie par d'autres marchandises auxquelles il est fixé. Plutôt, cette expression signifie que les renvois, telles les Notes explicatives, doivent être pris en compte pour donner du sens à l'expression «devant servir dans» ou «devant servir à» utilisée dans le code 2101.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les traversées sont un type spécial de conducteurs et, aux termes de la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [13] , elles sont classées dans le numéro tarifaire 8544.60.00 à titre de conducteurs électriques, pour tensions excédant 1 000 V. Cependant, les traversées ne doivent pas servir dans les marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20, ce qui signifie qu'elles ne doivent pas servir dans l'appareillage de contrôle.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il faut considérer la version française de l'expression «for use in» («devant servir dans» et «devant servir à») pour interpréter correctement son sens. Selon cette version, les traversées doivent «entre[r] dans la composition» de l'appareil de contrôle du numéro tarifaire 9032.89.20 et non simplement y être rattachées par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation pour être admissibles aux avantages du code 2101. Dans le mémoire de l'intimé, il a été soutenu que la version française exige que les marchandises entrent directement dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation. À partir des exemples fournis par l'avocat, il a été proposé que le fait de devoir servir dans d'autres marchandises implique l'existence d'une interaction entre les deux pièces et que les marchandises remplissent une fonction ou un objet précis pour les autres marchandises.

De même, l'expression «sauf indication contraire du contexte», comme elle est utilisée dans cette définition, signifie que les marchandises doivent faire partie intégrante de la fonction accomplie par d'autres marchandises.

Repassant en revue le témoignage de M. Breton, l'avocat de l'intimé a dit qu'un réseau électrique comprend trois types d'équipement, à savoir l'équipement primaire, de protection et de contrôle. L'avocat a fait remarquer que certains éléments de l'ACIG sont de l'équipement de contrôle, tandis que les traversées sont de l'équipement primaire. Ces deux types d'équipement ont également des fonctions distinctes. L'ACIG est un appareillage de commutation et les traversées servent d'interface entre les lignes à haute tension isolées à l'air et l'ACIG. À titre d'équipement primaire, les traversées ne doivent pas servir dans l'équipement de contrôle ni n'entrent dans la composition de l'équipement de contrôle. Par conséquent, même si les traversées sont fixées à l'ACIG, elles ne doivent pas servir dans les éléments de contrôle de l'ACIG.

En ce qui concerne les détecteurs de gaz montés sur les traversées, l'avocat de l'intimé a soutenu qu'il s'agit d'un matériel de protection et non d'un matériel de contrôle. Renvoyant au témoignage de M. Breton, l'avocat a soutenu que les détecteurs ne font pas partie intégrante de la fonction accomplie par l'équipement de contrôle.

L'avocat de l'intimé a également soutenu que les traversées et l'ACIG ne constituent pas un ensemble fonctionnel. Ces marchandises ne correspondent pas à la désignation générale de l'ensemble fonctionnel donnée dans le Mémorandum. L'avocat a fait remarquer que, selon cet énoncé de principe, un ensemble fonctionnel est «[u]n système intégral, élaboré particulièrement pour accomplir une tâche particulière, dont les divers éléments sont conçus pour assurer concurremment une seule fonction bien déterminée». Même si les diverses pièces de l'ACIG correspondent à cette définition, les traversées et l'ACIG n'y correspondent pas.

De même, l'ACIG et les traversées ne correspondent pas à ce qui est indiqué dans les lignes directrices relatives à l'unité fonctionnelle énoncées dans le Mémorandum [14] . Même si l'ensemble du réseau électrique ne pourrait fonctionner sans les traversées, l'ACIG et les traversées ne constituent pas une unité commerciale mais, plutôt, deux marchandises différentes dont l'achat n'a pas été fait à titre d'un ensemble et n'a pas fait l'objet d'un seul bon de commande.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, si le Tribunal concluait que les traversées sont des parties de l'ACIG, il devait néanmoins encore tenir compte de la Note 2a) de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes [15] . Cela est confirmé par les Notes explicatives de la Section XVI, qui déclarent que «les éléments constitutifs ne répondant pas aux conditions fixées par la Note 4 de la Section XVI suivent leur régime propre». Par conséquent, puisque la position no 85.44 porte sur les conducteurs électriques, et les traversées sont des conducteurs électriques, elles doivent être classées dans cette position et non dans la position pertinente pour l'ACIG. En outre, la question de savoir si les traversées sont admissibles aux avantages du code 2101 est distincte de celle de savoir si l'ACIG y est admissible.

Dans sa réponse, le représentant de l'appelant a soutenu que, même si les trois catégories d'équipement de M. Breton sont peut-être pertinentes du point de vue de l'ingénierie, rien ne les appuie dans la législation douanière. Ainsi, ces distinctions n'aident pas à déterminer si les traversées doivent servir dans un appareil de contrôle.

Compte tenu des éléments de preuve soumis, le Tribunal est convaincu que l'ACIG et les traversées forment un ensemble fonctionnel. L'ACIG et les traversées sont des éléments distincts rattachés ensemble et connectés par des conducteurs qui transmettent l'électricité provenant des lignes aériennes dans l'appareillage de commutation. Les deux pièces sont conçues pour fonctionner ensemble comme appareillage de commutation dans l'espace restreint du poste de Claireville. Tout comme l'ACIG est essentiel à la fonction de base du système de contrôle au poste de Claireville, ainsi en est-il des traversées.

Il a été dit au Tribunal que l'ACIG et les traversées ont été achetés comme un seul ensemble de l'appelant et ont fait l'objet d'un seul document d'appel d'offres. L'appelant a présenté sa soumission à la suite de l'appel d'offres et le marché lui a été adjugé pour la fourniture d'un appareillage de commutation au poste de Claireville. Le fait que l'achat des deux éléments a fait l'objet de bons de commande distincts pour des raisons de commodité administrative et qu'ils aient été expédiés séparément, mais directement, au poste de Claireville n'interdit nullement de conclure qu'ils constituent un ensemble fonctionnel aux fins du classement tarifaire.

Aux termes de l'Avis des douanes N-010, l'appareillage de commutation importé comme un seul ensemble fonctionnel est classé dans la sous-position no 8537.20. Lorsque l'appareillage de commutation est utilisé dans un poste de transport électrique comprenant un centre de commande, comme le poste de Claireville, il est admissible aux avantages du code 2101. Comme cela a été déclaré ci-dessus, le Tribunal estime que l'ACIG et les traversées constituent un ensemble fonctionnel aux fins d'imposition tarifaire. Par conséquent, conformément à la Note 4 de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes, le Tribunal conclut que les traversées sont classées dans le numéro tarifaire 8537.20.90, tout comme l'ACIG, et qu'elles sont admissibles aux avantages du code 2101.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Voir Transcription de la session publique, le 29 mars 1996 à la p. 82.

5. La Note 4 de la Section XVI prévoit ce qui suit : Lorsqu'une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts (même séparés ou reliés entre eux par des conduites, des dispositifs de transmission, des câbles électriques ou autre aménagement) en vue d'assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l'une des positions du Chapitre 84 ou du Chapitre 85, l'ensemble est à classer dans la position correspondant à la fonction qu'il assure.

6. Voir, par exemple, l'affaire Windsor Wafers, Division of Beatrice Foods Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-281, le 21 novembre 1991.

7. À la page 2 du Mémorandum, en date du 3 avril 1992, sous la rubrique «Lignes directrices», il est déclaré : 6. En ce qui concerne une unité fonctionnelle, le classement tarifaire est touché lorsqu'une importation répond à la description générale précitée et que les modalités commerciales et techniques s'appliquent : a) les divers éléments constituent une unité commerciale qui est annoncée et vendue à un prix unique; b) les divers éléments constituent un ensemble qui a été acheté par l'entremise d'un marché et d'un bon de commande unique; c) l'unique fonction des divers éléments qui constituent l'unité intégrale ne peut être exécutée si l'un quelconque des éléments est manquant. 7. [...] Par conséquent, le fait qu'une unité fonctionnelle fasse l'objet de plus d'une expédition provenant ou non de différents pays, n'empêche pas de la classer conformément aux Notes du SH déjà citées à l'article traitant de la Législation.

8. À la page 2 de l'Avis des douanes N-010, en date du 5 décembre 1995, intitulé «Interprétation du code tarifaire 2101 en ce qui concerne un réseau électrique», sous la rubrique «Lignes directrices administratives générales», il est déclaré ce qui suit : Lorsque l'appareillage de commutation est importé comme un seul ensemble fonctionnel conformément à la Note légale 4 de la Section XVI, il est classé en vertu de la sous-position 8537.20. Lorsque l'appareillage de commutation est utilisé dans un poste électrique équipé d'un centre de commande, il est considéré comme essentiel à la fonction du centre de commande et il est admissible au code 2101.

9. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

10. Au paragraphe 12 de l'Avis des douanes N-879, il est déclaré ce qui suit : Les câbles finis (c'est-à-dire avec connecteurs) qui font partie intégrante d'un système de TAD sont considérés comme «devant servir» aux éléments de ce système. Par conséquent, les câbles qui servent à relier les unités et ceux qui relient ces dernières à une source de courant sont admissibles aux avantages prévus dans les codes.

11. Les Notes explicatives précisent que, dans certaines circonstances, les actionneurs, notamment les vannes solénoïdes, peuvent être classés avec les régulateurs automatiques de la position no 90.32.

12. Voir Ballarat Corporation Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-93-359, le 19 décembre 1995.

13. Supra note 3, annexe I.

14. Supra note 7.

15. La Note 2a) prévoit : 2. Sous réserve des dispositions de la Note 1 de la présente Section et de la Note 1 des Chapitres 84 et 85, les parties de machines (à l'exception des parties des articles des nos 84.84, 85.44, 85.45, 85.46 ou 85.47) sont classées conformément aux règles ci-après : a) les parties consistant en articles compris dans l'une quelconque des positions des Chapitres 84 ou 85 (à l'exception des nos 84.85 et 85.48) relèvent de ladite position, quelle que soit la machine à laquelle elles sont destinées.


Publication initiale : le 10 février 1997