SONY DU CANADA LTÉE

Décisions


SONY DU CANADA LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-262

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 12 décembre 1996

Appel n o AP-95-262

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 octobre 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 12 décembre 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SONY DU CANADA LTéE Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines cartouches de bande magnétique sont admissibles ou non à l'exonération des droits de douane prévue au code 2100. Ces cartouches sont une forme de support de stockage de données numériques qui peut conserver une vaste quantité d'information. Pour être admissibles à l'exonération des droits de douane, les cartouches de bande magnétique doivent être des «[a]rticles [...] devant servir aux : Marchandises des nos tarifaires : [...] 8471.93.90», numéro qui comprend les unités de bande magnétique. Réduite à sa plus simple expression, la question en litige consiste à déterminer si les cartouches de bande magnétique sont des marchandises «devant servir dans» ou «devant servir à» des unités de bande magnétique.

DÉCISION : L'appel est admis. La mesure dans laquelle les cartouches de bande magnétique deviennent physiquement connectées et fonctionnellement unies aux unités de bande magnétique convainc le Tribunal qu'elles entrent dans la composition des unités de bande magnétique «par voie [...] de fixation», comme il est prévu au code 2100. Le Tribunal est d'avis, par conséquent, que les cartouches de bande magnétique sont des marchandises «devant servir dans» ou «devant servir à» des unités de bande magnétique.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 octobre 1996 Date de la décision : Le 12 décembre 1996
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Anthony T. Eyton, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Riyaz Dattu, pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi. L'intimé a déterminé, en partie, que certaines cartouches de bande magnétique (les cartouches magnétiques) employées pour stocker des données n'étaient pas admissibles à l'exonération des droits de douane prévue au code 2100 de l'annexe II du Tarif des douanes [2] . L'intimé a donné comme raison que les cartouches magnétiques (traduction) «ne sont pas intégrées à la structure des unités de bande magnétique ni ne font partie intégrante de la fonction essentielle desdites unités». Pour ce motif, l'intimé était d'avis que les cartouches magnétiques [traduction] «ne sont pas considérées comme “devant servir dans” ou “devant servir à” des unités [de bande magnétique] comme le précise l'Avis des Douanes N-879[[3] ] ».

Les cartouches magnétiques sont une forme de support de stockage de données numériques (DDS) qui peut conserver une vaste quantité d'information. Deux types de cartouche magnétique font l'objet du litige, à savoir, la cartouche DDS et la cartouche magnétique de données de la série QD. En général, les cartouches magnétiques employées pour la mise en mémoire de données sont constituées d'un boîtier, de mécanismes internes de fonctionnement (moyeux débiteurs et récepteurs) et d'une bande magnétique, qui est le support employé pour le stockage de l'information.

Il faut, pour procéder au stockage ou à l'extraction de l'information au moyen d'une cartouche magnétique, insérer cette dernière dans l'unité de bande magnétique. L'unité de bande magnétique peut être un composant interne ou externe de l'ordinateur. L'unité de bande magnétique convertit les données encodées sur la bande magnétique à une forme exploitable par l'ordinateur ou vice-versa.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les cartouches magnétiques sont admissibles à l'exonération des droits prévue au code 2100. Si elles sont admissibles, les droits qui auraient normalement été perçus sur les cartouches magnétiques [4] seront réduits ou supprimés comme il est précisé dans l'annexe II [5] . Pour être admissibles, les cartouches magnétiques doivent Aˆtre des «[a]rticles [...] devant servir aux : Marchandises des nos tarifaires : [...] 8471.93.90», numéro tarifaire qui comprend les unités de bande magnétique. Réduite à sa plus simple expression, la question en litige consiste à déterminer si les cartouches magnétiques sont des marchandises «devant servir dans» ou «devant servir à» des unités de bande magnétique.

L'expression «devant servir dans» et «devant servir à», aux fins du code 2100, est définie à l'article 4 du Tarif des douanes. La version anglaise de cet article se lit comme suit :

4. The expression “for use in”, wherever it occurs in a tariff item in Schedule I or a code in Schedule II in relation to goods, means, unless the context otherwise requires, that the goods must be wrought into, attached to or incorporated into other goods as provided for in that tariff item or code.

La version française de l'article 4 se lit comme suit :

4. Les expressions «devant servir dans» et «devant servir à», mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code.

L'appelant a d'abord présenté des éléments de preuve par l'intermédiaire d'un groupe de témoins comprenant M. Ian Chan, ingénieur des systèmes nationaux, et M. Michael James Argier, gestionnaire des produits de support de données, chez Sony du Canada Ltée. Ces derniers ont dit au Tribunal qu'une série d 2'engrenages, de rouleaux et d'autres mécanismes servent à introduire une cartouche magnétique dans une unité de bande magnétique compatible. Une fois en place, les moyeux débiteurs et récepteurs de la cartouche magnétique sont «fixés ou verrouillés» sur les bobines débitrices et réceptrices de l'unité. En outre, la bande magnétique est guidée hors de la cartouche par un mécanisme constitué de tiges et de rouleaux et placée en contact avec le tambour porte-têtes de lecture et d'enregistrement de l'unité de bande magnétique.

Il faut qu'une cartouche soit introduite correctement dans l'unité de bande magnétique et que la bande magnétique soit correctement en contact avec les surfaces du tambour porte-têtes pour exécuter les fonctions de lecture et d'enregistrement. M. Chan a expliqué que trois détecteurs doivent confirmer certaines conditions avant le déclenchement de la fonction de lecture ou d'enregistrement. Un détecteur mécanique confirme que la cartouche magnétique est correctement fixée en place, un détecteur de tension détecte la présence et l'alignement convenable de la bande magnétique et un détecteur optique en recherche le début. Lorsqu'il n'y a pas de cartouche dans l'unité de bande magnétique, que la bande n'est pas correctement installée ou qu'il n'y a plus de place pour enregistrer sur la bande, les têtes de lecture et d'enregistrement ne produisent aucun champ magnétique. Un message d'erreur s'affiche à l'écran de l'ordinateur lorsqu'un utilisateur tente d'exécuter une fonction de lecture ou d'enregistrement dans ces conditions. Pour cette raison, M. Chan a convenu que la présence d'une cartouche magnétique correctement installée est une exigence fonctionnelle d'une unité de bande magnétique.

M. Argier a expliqué que la tête d'enregistrement produit un champ magnétique qui réaligne les particules métalliques de la bande magnétique. L'information est ainsi stockée sur la bande magnétique. M. Chan a ajouté que, dans le cas d'une unité de bande magnétique de DDS [6] , le tambour porte-têtes comporte deux têtes de lecture et deux têtes d'enregistrement. À chaque rotation du tambour, les données sont déposées sur deux pistes, une par tête d'enregistrement. À la rotation suivante du tambour, les deux pistes sont lues par les deux têtes de lecture. Il est ainsi possible de comparer les données et d'en vérifier l'intégrité. Si les données n'ont pas été enregistrées correctement ou s'il y a un problème d'intégrité de ces données, l'unité de bande magnétique tentera de les enregistrer de nouveau. Cette séquence est reprise jusqu'à 128 fois, avant l'affichage d'un message indiquant un problème de la fonction d'enregistrement.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Chan a convenu que, bien que les deux types de support peuvent servir à stocker de l'information, une cartouche de bande magnétique peut s'enlever tandis qu'un disque dur demeure en place.

Le dernier témoin de l'appelant a été M. Peter Edward McConkey, professeur adjoint au Département des études françaises, Faculté des arts, Université York, à Toronto (Ontario). M. McConkey a été reconnu comme témoin expert dans le domaine de la traduction. Il a parlé des différences grammaticales entre la version anglaise et la version française de l'article 4 du Tarif des douanes.

En ce qui a trait à l'expression «the goods must be wrought into, attached to or incorporated into», contenue à l'article 4, M. McConkey a expliqué que le texte anglais recourt à la forme verbale pour exprimer les trois notions, «wrought» (ouvrées), «attached» (fixées) et «incorporated» (incorporées). Par ailleurs, le texte français correspondant, «les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation», recourt à la forme substantive pour exprimer ces trois notions. M. McConkey a soutenu que les deux méthodes sont également valides, mais que leur influence sur la structure du reste de la phrase diffère.

Il a été expliqué que l'article 4 décrit une situation où certaines marchandises sont en contact avec d'autres marchandises. La version anglaise exprime cette notion clairement en se servant des mots «into» et «to» alliés aux mots «wrought», «attached» et «incorporated». Dans la version française, la notion est exprimée par l'expression «entrent dans».

M. McConkey a déclaré au Tribunal que les mots «la composition» du passage «entrent dans la composition d'autres marchandises» sont un étoffement du texte. Il a expliqué que la technique d'étoffement consiste à ajouter des mots dans la traduction d'un texte rédigé en prose, de sorte que les deux versions linguistiques respectent la syntaxe ou la structure des phrases propres à la langue et expriment le même message. L'étoffement, «la composition», permet à la phrase de passer du verbe «entrent dans» aux mots «d'autres marchandises». À son avis, il n'est pas nécessaire d'inclure les mots «the composition» dans la version anglaise pour que les deux versions expriment le même message. Les inclure leur donnerait une signification ou une importance que le rédacteur de la version française n'a pas voulu leur attribuer. La version française, étoffée de la sorte, n'est pas plus précise que la version anglaise. En bref, il a exprimé l'avis que les versions anglaise et française de l'article 4 disent la même chose, mais d'une manière différente, à l'aide de structures de phrase différentes.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a reconnu que la définition réglementaire des expressions «devant servir dans» et «devant servir à» doit être respectée pour que les cartouches magnétiques soient admissibles à l'exonération des droits prévue dans le code 2100. Il a soutenu que, en langage clair, les cartouches magnétiques sont «fixées» aux unités de bande magnétique. Renvoyant au T he Oxford English Dictionary [7] , l'avocat a avancé que les termes «attach» ou «attached» ([traduction] «fixer» ou «fixé») sont interprétés comme signifiant connecter, attacher ou unir, ou fonctionnellement uni. De toute évidence, une cartouche magnétique devient physiquement unie à l'unité de bande magnétique et est nécessaire au fonctionnement de cette dernière.

L'Avis des Douanes N-879 indique ce qui suit : «[o]n considère que l'expression “par voie de fixation” vise les marchandises [...] qui peuvent être facilement intégrées à une autre ou enlevées de celle-ci. Toutefois, cela n'est pas censé s'appliquer à des marchandises bien distinctes qui sont reliées à une autre par des fils [8] ». L'avocat de l'appelant a soutenu que les cartouches magnétiques, qui peuvent être facilement intégrées à une unité de bande magnétique ou enlevées de celles-ci, répondent à la définition de l'expression «par voie [...] de fixation», telle que définie par le ministère du Revenu national (Revenu Canada). En outre, il n'existe aucune disposition qui exige que les cartouches magnétiques soient fixées aux unités de bande magnétique de façon permanente pour répondre à la définition réglementaire des expressions «devant servir dans» et «devant servir à».

En outre, l'Avis des Douanes N-879 précise que, «[p]our “servir dans”, [un] article doit être intégré à la structure de la marchandise. Cependant, cela ne signifie pas qu'il doit satisfaire à la définition contenue dans l'annexe I du Tarif des douanes au sujet des “pièces” [9] ». L'avocat de l'appelant a soutenu que, lorsque le mécanisme d'insertion entraîne une cartouche magnétique et la fixe en place dans l'unité de bande magnétique, elle devient intégrée à celle-ci. De plus, l'unité de bande magnétique ne fonctionne pas lorsque la cartouche magnétique de bande est enlevée.

L'avocat de l'appelant a également soutenu qu'il existe une grande ressemblance entre les exemples fournis à l'égard des marchandises épuisables qui sont admissibles à l'exonération des droits prévue dans le code 2100, d'une part, et les cartouches magnétiques, d'autre part [10] . Par exemple, le «ruban d'impression présenté sur bobines», les «piles, présentées individuellement ou en “paquets”» et les «cartouches de toner» sont tous considérés par Revenu Canada comme des articles admissibles à l'exonération des droits.

L'avocate de l'intimé a souligné que, aux termes de la Loi sur les langues officielles [11] , les versions anglaise et française de l'article 4 ont également force de loi ou même valeur [12] . Aux termes de la version française, il faut que les marchandises «entrent dans la composition» d'autres marchandises pour être admissibles à l'exonération des droits prévue dans le code 2100. Les cartouches magnétiques doivent donc, pour être admissibles à l92'exonération des droits, entrer dans la composition, la structure ou la construction des unités de bande magnétique.

De plus, les cartouches magnétiques ne sont pas «fixées» aux unités de bande magnétique. Pour que des marchandises soient fixées à d'autres marchandises, il faut qu'il existe entre elles plus qu'un simple rapport d'association; il faut que l'une soit une composante de l'autre. Les cartouches magnétiques sont, quant à elles, rangées séparément et ne sont qu'insérées dans les unités de bande magnétique. Une cartouche magnétique n'est pas une composante d'une unité de bande magnétique ni une partie intégrante de la fonction de cette dernière. Il s'agit de deux entités distinctes qui exécutent des fonctions distinctes.

L'avocate de l'intimé a procédé à une analogie entre une cartouche magnétique d'une unité de bande magnétique et le papier d'une machine à écrire. Le papier est le support sur lequel on écrit les mots, mais il ne devient pas fixé à la machine à écrire. De même, une cartouche magnétique est le support sur lequel l'information est stockée et n'est pas fixée à l'unité de bande magnétique.

Le Tribunal n'est pas d'accord avec l'argument avancé par l'avocate de l'intimé que la version anglaise de l'article 4 est ambiguë et que la version française rend plus clairement la signification de l'article 4. Au contraire, une lecture de cette disposition a convaincu le Tribunal que les deux versions véhiculent une même signification quant aux expressions «devant servir dans» et «devant servir à». Cela signifie que, sauf indication contraire du contexte, l'intégration des marchandises à d'autres marchandises doit se faire par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation. Le Tribunal n'est pas d'avis que les marchandises doivent nécessairement entrer dans la composition des autres marchandises pour répondre à la définition de «devant servir dans» et «devant servir à». Le Tribunal estime que sa conclusion se trouve corroborée par le témoignage de M. McConkey.

Jusqu'à quel point deux catégories de marchandises doivent devenir associées par l'une ou l'autre des trois façons susmentionnées dépend, en partie, du contexte dans lequel l'expression est utilisée. Par exemple, le code 2240, comme beaucoup d'autres, indique qu'il doit s'agir d'articles et matières «devant servir à la fabrication» d'autres marchandises. Dans d'autres cas, l'expression est utilisée seule, comme dans le code 2100. Le Tribunal est d'avis que l'argument de l'avocate de l'intimé, selon lequel les marchandises doivent entrer dans la composition, la structure ou la construction des autres marchandises, convient mieux au premier exemple. Cependant, dans le deuxième, de telles conditions obligatoires ne sont pas justifiées. Le Tribunal est donc d'avis que les termes «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation» doivent être compris selon leur signification grammaticale et ordinaire, sans autres conditions, dans le contexte du code 2100.

L'avocat de l'appelant a soutenu que les cartouches magnétiques répondent à l'exigence «par voie [...] de fixation» de l'article 4 et sont donc des cartouches «devant servir dans» ou «devant servir à» des unités de bande magnétique. L'avocat a fait valoir que l'expression «par voie [...] de fixation», au sens que lui donne l'article 4, englobe à la fois des aspects matériels et des aspects fonctionnels. Par conséquent, pour que des marchandises soient considérées comme «devant servir dans» ou «devant servir à» d'autres marchandises en entrant dans leur composition «par voie [...] de fixation», les deux classes de marchandises doivent être physiquement connectées et fonctionnellement unies. L'avocat a renvoyé aux éléments de preuve qui indiquent que les cartouches magnétiques deviennent fixées en place dans les unités de bande magnétique, sans pour cela l'être en permanence, et qu'elles sont nécessaires au fonctionnement desdites unités.

L'Avis des Douanes N-879 interprète l'expression «sauf indication contraire du contexte» contenue dans l'article 4. Il indique que «[l]e contexte peut étendre ou restreindre la portée de la définition contenue dans la loi et sera établi en fonction des termes utilisés dans le Tarif ou des rapports précis entre l'article en cause et les marchandises énumérées [13] ». Il y est ajouté que «[l]e contexte établi selon les rapports qui existent entre les marchandises est censé viser les articles logés séparément, qui constituent une composante d'un système qui est une marchandise énumérée ou qui font partie intégrante de la fonction essentielle d'une marchandise énumérée. Cependant, on considère que les articles qui fournissent des services complémentaires ou supplémentaires ou qui servent à des adaptations ne créent pas un contexte qui répond aux critères des codes [14] ». Ces énoncés de politique ont donné naissance à des arguments de la part des deux parties.

Le Tribunal a trouvé ces arguments sans fondement, puisqu'il ne peut accepter la proposition que le renvoi au «contexte» de l'article 4 inclut la considération des «rapports précis entre l'article en cause et les marchandises énumérées». Une interprétation raisonnable de l'article 4 précise que le renvoi au «contexte» vise le contexte dans lequel les expressions «devant servir dans» et «devant servir à» se trouvent dans «un numéro tarifaire de l'annexe I ou [...] code de l'annexe II». Par exemple, le code 1001 prévoit l'exonération des droits de douane pour certains scaphandres de protection, à condition qu'il en soit fait usage dans un air ambiant délétère [15] . Manifestement, le contexte du code implique que les expressions «devant servir dans» et «devant servir à» n'ont pas le sens que leur donne l'article 4 [16] .

L'extension de la portée de la définition du «contexte» pour englober le rapport entre les marchandises a créé un pouvoir discrétionnaire qui permet d'accorder l'exonération des droits de douane aux termes d'un code ou de la refuser lorsqu'elle est injustifiée. De plus, ce pouvoir discrétionnaire semble absolu, sous réserve de la portée précisée dans les énoncés de politique. L'Avis des Douanes N-879 indique que le «contexte» prévoit l'exonération des droits de douane dans un code pour les marchandises qui sont considérées faire partie intégrante de la fonction essentielle des marchandises énumérées dans le code ou pour des composantes d'un système qui est «une marchandise énumérée». Cependant, les marchandises qui «fournissent des services complémentaires ou supplémentaires ou qui servent à des adaptations» par rapport aux marchandises énumérées dans un code ne seront pas admissibles à l'exonération des droits de douane [17] .

Comme le contexte du code 2100 n'exige pas davantage que les expressions «devant servir dans» et «devant servir à» au sens que leur donne l'article 4, la question en litige dans le présent appel consistait à savoir si les cartouches magnétiques entraient ou non dans la composition des unités de bande magnétique «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation». La question en litige ne consistait pas et n'aurait pas pu consister à déterminer si les rapports entre les cartouches magnétiques et les unités de bande magnétique créaient un contexte qui répond aux critères du code 2100 [18] , quelle que soit la signification d'une telle possibilité, ou si les cartouches magnétiques ne fournissent que des services complémentaires ou supplémentaires ou ne servent qu'à des adaptations uniquement par rapport aux unités de bande magnétique. La mesure dans laquelle les cartouches magnétiques deviennent physiquement connectées et sont fonctionnellement unies aux unités de bande magnétique convainc le Tribunal qu'elles entrent dans la composition des unités de bande magnétique «par voie [...] de fixation», comme il est prévu au code 2100. Le Tribunal est donc d'avis que les cartouches magnétiques sont des marchandises «devant servir dans» ou «devant servir à» des unités de bande magnétique.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Avis des Douanes N-879, Politique administrative — Codes tarifaires 2100 et 2101, ministère du Revenu national, le 23 juin 1994.

4. Aux termes du paragraphe 19(1) du Tarif des douanes.

5. Aux termes du paragraphe 68(2) du Tarif des douanes.

6. Avec une cartouche de stockage de données numériques.

7. Deuxième édition, vol. I, Oxford, Clarendon Press, 1989 aux pp. 758-759.

8. Supra note 3, par. 3 à la p. 3.

9. Ibid. par. 2 sous la rubrique «Lignes directrices et renseignements généraux» à la p. 2.

10. Ibid. par. 11 à la p. 4.

11. L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.).

12. Ibid. art. 13.

13. Supra note 3, par. 5 à la p. 3.

14. Ibid. par. 6 à la p. 3.

15. Voir Kappler Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-94-232, le 26 octobre 1995.

16. Voir aussi les codes 1365, 1698, 2548, 2557, 2960 et 2998.

17. Supra note 14.

18. Ibid.


Publication initiale : le 5 mars 1997