RALPH ROBERTS

Décisions


RALPH ROBERTS
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-238

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 18 mars 1997

Appel n o AP-95-238

EU ÉGARD À un appel entendu le 12 novembre 1996 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 août 1995 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

RALPH ROBERTS Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant exploite une entreprise de cartes de souhaits à Delta (Colombie-Britannique). La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit à un remboursement de la taxe fédérale à l'inventaire, aux termes de l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise, relativement aux cartes de souhaits, aux articles de papeterie et aux enveloppes figurant à son inventaire au 1er janvier 1991, qui étaient destinés à être utilisés dans son entreprise de cartes de souhaits.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause étaient destinées à être vendues séparément pour un prix en argent, dans le cours normal de l'activité commerciale de l'appelant.

Lieux de l'audience par voie de vidéoconférence : Hull (Québec) et Vancouver (Colombie- Britannique) Date de l'audience : Le 12 novembre 1996 Date de la décision : Le 18 mars 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffiers : Anne Jamieson et Margaret Fisher
Ont comparu : Timothy W. Clarke, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision, rendue le 30 août 1995 par le ministre du Revenu national, qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (la TVF) à l'inventaire déposée par l'appelant. L'appel a été entendu par un seul membre du Tribunal [2] .

L'appelant exploite une entreprise de cartes de souhaits à Delta (Colombie-Britannique). Le 6 mai 1991, l'appelant a déposé une demande de remboursement au montant de 5 115 $ relativement aux cartes de souhaits, aux articles de papeterie et aux enveloppes figurant à son inventaire au 1er janvier 1991. Dans un avis de détermination daté du 7 octobre 1991, l'intimé a rejeté la demande pour le motif que les marchandises en cause n'étaient pas destinées à être vendues ou louées séparément à ses clients. L'appelant a signifié un avis d'opposition daté du 26 novembre 1991, que l'intimé a rejeté dans une décision rendue le 30 août 1995, qui a eu pour effet de confirmer la détermination.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit à un remboursement de la TVF à l'inventaire, aux termes de l'article 120 de la Loi, relativement aux cartes de souhaits, aux articles de papeterie et aux enveloppes figurant à son inventaire au 1er janvier 1991, qui étaient destinées à être utilisées par l'appelant dans son entreprise de cartes de souhaits.

Par suite de récentes modifications apportées à la Loi [3] , le terme « inventaire » est défini, en partie, comme suit :

État descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas :

a) sont destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de la personne.

De plus, le paragraphe 120(2.1) de la Loi précise la définition du terme « inventaire » comme suit :

(2.1) Pour l'application de l'alinéa a) de la définition de « inventaire » au paragraphe (1), la partie des marchandises libérées de taxe qui figurent à l'inventaire d'une personne au Canada à un moment donné qui sera vraisemblablement consommée ou utilisée par la personne est réputée ne pas être destinée, à ce moment, à la vente ou à la location.

L'appelant a comparu à titre de témoin et a été représenté par un avocat. Il a d'abord expliqué la façon dont il crée ses cartes. En premier lieu, il effectue une peinture pour la page couverture. Bien qu'il peigne à l'occasion d'autres objets, il se spécialise dans les fleurs. Ensuite, il remet une ou plusieurs de ses peintures à un lithographe, qui tire des plaques couleur ou des négatifs photographiques de chaque peinture. L'appelant demeure ainsi propriétaire des peintures originales. Le lithographe vend les plaques à l'appelant pour un prix qui inclut la TVF. L'appelant remet ensuite les plaques à un imprimeur qui s'en sert pour imprimer des cartes de souhaits. L'appelant décide du nombre de cartes des divers motifs qu'il fait imprimer selon la demande. Les cartes sont imprimées en taille ordinaire ou miniature. En plus de faire imprimer les cartes comme telles, l'appelant fait aussi imprimer des étiquettes qui servent à identifier l'espèce florale ou les autres objets illustrés. Après avoir plié les cartes, l'imprimeur les emballe dans des boîtes, en quantité de 3 000 à 4 000 unités par boîte. L'appelant ramasse les boîtes lui-même ou les fait livrer à sa résidence. Le prix chargé par l'imprimeur à l'appelant pour le travail d'impression inclut la TVF. L'appelant entrepose les cartes et ses fournitures d'emballage dans son sous-sol. Les fournitures d'emballage comprennent des sachets en plastique et un stock d'enveloppes, pour lesquels l'appelant a payé la TVF.

Selon l'appelant, l'emballage représente la prochaine étape. Il a indiqué que, dans le cas des cartes de taille ordinaire, il met six ou huit cartes et le nombre requis d'enveloppes dans un sachet en plastique. Les miniatures sont emballées dans des sachets différents. Habituellement, il met 80, 120 ou 140 sachets par boîte et envoie la boîte, ou plusieurs boîtes, à son grossiste. Le grossiste organise ensuite la distribution des cartes aux magasins de vente au détail, ou leur vente lors de foires d'artisanat. L'appelant a confirmé qu'après avoir reçu les cartes de l'imprimeur, il ne les transforme en aucune façon si ce n'est qu'il les emballe en vue de leur expédition au grossiste. Il a admis qu'à l'occasion son épouse pourrait en prendre un très petit nombre et s'en servir comme cartes de souhaits. Enfin, l'appelant a témoigné que le montant réclamé visait uniquement les cartes de souhaits et nullement les enveloppes ou les fournitures d'emballage.

L'avocat de l'appelant a soutenu que la qualité de fabricant n'entre pas en ligne de compte dans la détermination de la question de savoir si l'appelant a droit à un remboursement. Il a soutenu que ce qui importe, c'est que les marchandises en cause sont des marchandises libérées de taxe, qu'elles sont gardées séparément à l'inventaire de l'appelant, et que l'appelant n'en a pas modifié la forme, les propriétés ou les caractéristiques. Quant à l'exigence selon laquelle les marchandises doivent être gardées séparément, l'avocat a souligné que, lors de la modification du Mémorandum-TPS 900 [4] , les mots « sont destinées à la fourniture taxable » ont été remplacés par « sont destinées à être vendues [...] séparément ». Selon l'avocat, cette modification a été apportée pour préciser le fait que les composants, même libérés de taxe, qui sont destinés à être refabriqués ou assemblés avant leur vente, ne donnent pas droit au remboursement. À cet égard, l'avocat a tenté de distinguer le présent appel de plusieurs appels où le Tribunal a rendu des décisions [5] avant les modifications de la Loi. L'avocat a souligné que, dans les causes précédentes, des parties distinctes étaient utilisées pour assembler le produit complet, qui était alors vendu. Dans le contexte du présent appel, cependant, le seul travail qui a été effectué par rapport aux cartes finies a consisté à les emballer aux fins de distribution et de vente. À l'appui de sa position, l'avocat a attiré l'attention sur une note technique publiée par le ministère des Finances qui explique les modifications et, plus précisément, la modification de la définition du terme « inventaire » [6] . La note indique que « le remboursement de la TVF ne s'applique pas dans le cas d'articles tels que des fournitures d'emballage ou des fournitures accessoires qui ne sont pas vendues séparément pour un prix » [traduction]. Il a souligné que l'appelant avait respecté cette contrainte et n'avait pas réclamé le remboursement relativement aux fournitures d'emballage. Il a fait valoir que l'appelant a donc droit au remboursement relativement aux marchandises principales qu'il vend, c'est-à-dire les cartes de souhaits.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, contrairement à ce qu'a avancé l'avocat de l'appelant, l'intimé n'affirme pas que le fait qu'une personne soit un « fabricant » ne lui donne pas droit au remboursement. Plutôt, il a soutenu que, si un fabricant apporte une ouvraison ultérieure à des marchandises libérées de taxe, alors, ces marchandises refabriquées ne donnent pas droit au remboursement. Il a soutenu que, en l'espèce, les marchandises en cause avaient été « fabriquées » par l'appelant. À l'appui de sa position, il a renvoyé le Tribunal à l'alinéa b) de la définition de « fabricant ou producteur », à l'article 2 de la Loi, qui prévoit, en partie : « toute personne [...] qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres ». Il a avancé que les éléments de preuve montrent que l'appelant a gardé le droit de propriété sur les marchandises qui ont été fabriquées en son nom et que ce dernier entre donc dans le champ d'application de la définition de « fabricant ».

L'avocat de l'intimé a affirmé que, même s'il était conclu que l'appelant n'est pas un fabricant, les éléments de preuve montrent que les cartes de souhaits ainsi que les enveloppes, les étiquettes et les sachets n'étaient pas destinés à être vendus « séparément », mais figuraient plutôt à l'inventaire parce qu'ils étaient destinés à être subséquemment emballés pour être vendus à des grossistes, et, donc, étaient destinés à être utilisés dans la fabrication d'articles. À ce titre, ces marchandises étaient destinées à être « refabriquées », au sens de l'alinéa f) de la définition de « fabricant ou producteur » qui prescrit, en partie, qu'un fabricant ou un producteur inclut « toute personne qui [...] prépare des marchandises pour la vente en les [...] emballant ou remballant ».

Pour en arriver à une décision dans cette affaire, le Tribunal observe tout d'abord que les deux parties reconnaissent que les marchandises en cause sont les marchandises libérées de taxe qui étaient décrites dans l'inventaire de l'appelant effectué au moment pertinent. La question que doit trancher le Tribunal consiste donc à déterminer si les marchandises en cause étaient destinées à être vendues séparément pour un prix en argent, dans le cours normal de l'activité commerciale de l'appelant. Pour trancher cette question, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont fabriquées par l'appelant ou, pour reprendre l'argument de l'avocat de l'intimé, si les marchandises libérées de taxe sont « refabriquées » par l'appelant.

Le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé que l'appelant est considéré comme un fabricant aux termes de l'alinéa f) de la définition de « fabricant ou producteur ». Cela dit, le Tribunal n'a pas à examiner si le degré de contrôle exercé par l'appelant sur le procédé de production ferait également de lui un fabricant. Le Tribunal convient aussi que, lorsqu'une activité de fabrication donne de nouvelles formes, propriétés ou caractéristiques à des marchandises libérées de taxe, le fabricant de ces marchandises n'a pas droit au remboursement relativement aux composants des dites marchandises. Là n'est cependant pas la situation qui est placée devant le Tribunal dans la présente affaire. Il n'est pas évident que le simple emballage de cartes et d'enveloppes donne aux cartes comme telles de nouvelles formes, propriétés ou caractéristiques ou, autrement dit, constitue une activité de fabrication ou de production comme l'a décrite la Cour suprême du Canada dans l'affaire Her Majesty the Queen c. York Marble, Tile and Terrazzo Limit e d [7] . Soutenir que l'activité de fabrication, par définition, apporte de nouvelles formes, caractéristiques et propriétés est une chose. C'en est une autre de soutenir que, lorsqu'il est jugé qu'il y a eu activité de fabrication, comme dans le cas de l'emballage ou du remballage de marchandises, les marchandises emballées ont elles-mêmes acquises de nouvelles formes, caractéristiques ou propriétés. L'emballage peut être décrit comme un procédé de fabrication, mais dans le cas présent, rien n'indique ni ne prouve que les marchandises en cause ont elles-mêmes acquises de nouvelles formes, caractéristiques ou propriétés.

L'avocat de l'intimé a invoqué la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire ECG Canada Inc. c.La Reine [8] à l'appui de la proposition que, si des marchandises libérées de taxe sont achetées et subséquemment emballées par le contribuable, c.-à-d. si le contribuable détient ces marchandises aux fins de fabrication et ne les vend pas telles quelles, lesdites marchandises ne peuvent être décrites comme destinées à être vendues séparément et, par conséquent, ne donnent pas droit au remboursement. En fait, la question en litige devant la Cour fédérale du Canada dans l'affaire ECG était plus précise et portait sur la question de déterminer si l'emballage ou le remballage de tubes récepteurs destinés à l'industrie de la télévision constitue une activité de fabrication au sens de l'expression « fabricant ou producteur ». La Cour fédérale du Canada a tranché en ce sens. Plus précisément, la question en litige dans l'affaire susmentionnée ne consistait pas à déterminer si les tubes récepteurs eux-mêmes avaient subi une activité d'ouvraison, ce qui n'était manifestement pas le cas, mais si le demandeur était tenu de payer la TVF relativement à son activité « marginale de fabrication ». La décision n'a donc pas rapport directement avec la question de savoir si le simple emballage de marchandises rend le contribuable inadmissible à demander un remboursement relativement à certaines marchandises, uniquement du fait que le contribuable les a emballées.

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause étaient destinées à être vendues séparément pour un prix en argent, dans le cours normal de l'activité commerciale de l'appelant et que, par conséquent, l'appel doit être admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de l’article 81.19 de la Loi relativement à une demande de remboursement aux termes de l’article 120 de la Loi.

3. L.C. 1993, ch. 27.

4. Remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 25 mars 1991.

5. Par exemple, les affaires Techtouch Business Systems Ltd. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP-91-206, le 18 septembre 1992; A.J.V. Tools Ltd. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP-91-229, le 16 décembre 1992; et J. & D. Trophies & Engraving c. Le ministre du Revenu national, appel no AP-91-213, le 26 janvier 1993.

6. Cahier de jurisprudence de l'appelant, onglet 7.

7. [1968] R.C.S. 140.

8. [1987] 2 C.F. 415.


Publication initiale : le 23 juin 1997