ATLAS ALLOYS, UNE DIVISION DE RIO ALGOM LIMITÉE

Décisions


ATLAS ALLOYS, UNE DIVISION DE RIO ALGOM LIMITÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-194

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 22 novembre 1996

Appel n o AP-95-194

EU ÉGARD À un appel entendu le 30 juillet 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 31 juillet et 4 août 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ATLAS ALLOYS, UNE DIVISION DE RIO ALGOM LIMITÉE Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer le classement tarifaire approprié de produits d'acier à moules fabriqués selon trois spécifications différentes. L'appelant soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 7224.90.10 à titre de demi-produits en autres aciers alliés. De plus, l'appelant demande de bénéficier des avantages du code 5933 du Décret n o 1 de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane, ce qui lui permettrait d'importer en franchise les marchandises en cause. L'intimé a classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 7228.50.00 à titre d'autres barres, simplement obtenues ou parachevées à froid, sans admissibilité aux avantages du code 5933.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. La majorité du Tribunal est d'avis que les marchandises en cause répondent à la définition de demi-produits énoncée à la Note 1 ij) du Chapitre 72 de l'annexe I du Tarif des douanes. Il s'agit de produits de section pleine, simplement dégrossis par forgeage ou par martelage. La majorité du Tribunal est d'avis que le laminage de la surface à des fins d'essai ne constitue pas une ouvraison subséquente. Ce point a donné lieu à une dissidence partielle.

Pour être admissibles aux avantages du code 5933, les marchandises en cause doivent servir à la fabrication des marchandises énumérées dans le code. Le Tribunal est d'avis que la définition de «devant servir dans» et «devant servir à», qui se trouve à l'article 4 du Tarif des douanes, peut s'appliquer à l'interprétation de la signification du code 5933. L'article 4 est interprété comme exigeant que les marchandises en cause entrent dans la composition, «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation», des marchandises figurant sur la liste du code 5993 pour être considérées comme devant servir à la fabrication de ces marchandises. Bien que les marchandises en cause servent à fabriquer des moules, dont certains peuvent servir à faire des pièces de véhicules, elles n'entrent dans la composition, «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation», ni de ces véhicules ni de pièces ou d'accessoires de ces véhicules. À ce titre, les marchandises en cause ne sont des produits «devant servir à» la fabrication ni de ces véhicules ni de pièces ou d'accessoires de ces véhicules.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 30 juillet 1996 Date de la décision : Le 22 novembre 1996
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Daniel J. Leduc, pour l'appelant Josephine A.L. Palumbo, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de plusieurs décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer le classement tarifaire approprié de produits d'acier à moules fabriqués selon trois spécifications différentes. L'appelant soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 7224.90.10 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de demi-produits en autres aciers alliés. De plus, l'appelant demande de bénéficier des avantages du code 5933 du Décret n o 1 de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane [3] (le Décret), ce qui lui permettrait d'importer en franchise les marchandises en cause. L'intimé a classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 7228.50.00 à titre d'autres barres, simplement obtenues ou parachevées à froid, sans admissibilité aux avantages du code 5933.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire de l'annexe I du Tarif des douanes et du code 5933 sont les suivantes :

72.24 Autres aciers alliés en lingots ou autres formes primaires; demi-produits en autres aciers alliés.

7224.10.00 -Lingots et autres formes primaires

7224.90 -Autres

7224.90.10 ---Blooms, billettes, ronds, brames ou largets

72.28 Barres et profilés en autres aciers alliés; barres creuses pour le forage en aciers alliés ou non alliés.

7228.50.00 -Autres barres, simplement obtenues ou parachevées à froid

Code 5933 Matières, d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada, [de la Section] [...] XV[[4] ] [...] devant servir à la fabrication d'automobiles de tourisme, d'autobus, de camions automobiles, d'ambulances ou de corbillards, ou les châssis de ces véhicules, ou les parties, accessoires ou parties de ces accessoires.

(Soulignement ajouté)

Les expressions «devant servir dans» et «devant servir à», dont l'une est mentionnée dans le code 5933, sont définies à l'article 4 du Tarif des douanes, comme suit :

4. Les expressions «devant servir dans» et «devant servir à», mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code.

Le premier témoin de l'appelant était M. Nicholas Cerwin, sidérurgiste en chef et directeur de l'Assurance de la qualité chez A. Finkl & Sons Co. (Finkl), le fabricant des marchandises en cause. M. Cerwin a expliqué que, pour la fabrication de l'acier à moules, un four électrique à arc est utilisé pour fondre la ferraille. Selon les spécifications, divers éléments sont ajoutés à l'acier liquide pour la production d'une composition particulière. Le mélange est recueilli dans une poche de coulée et soumis à un traitement de «dégazification sous vide» pour obtenir un acier de meilleure qualité. Le mélange est ensuite coulé en source dans une lingotière où il se solidifie. Les lingots sont alors transférés à un four de réchauffage pour égalisation de leur température interne à environ 2 300 oF. Le lingot chaud est alors forgé en une forme grossière à l'aide d'une presse, puis soumis à un traitement thermique qui améliore la dureté et la résistance de l'acier.

Le produit est ensuite soumis à toute une série de contrôles de qualité. Deux de ces tests consistent notamment en un examen par ultrasons pour détecter les pailles internes et en un essai de dureté de l'acier. Pour effectuer ces contrôles, il faut enlever la pellicule d'oxyde de la surface. À cette fin, au moins quatre faces du produit forgé sont laminées. Environ 1/2 po de matériau est enlevé de chaque face et, normalement, entre 1/8 et 3/8 po de plus que les spécifications du client est laissé pour chaque face. M. Cerwin a ajouté que Finkl ne «parachève pas l'acier à froid», opération qui suppose une finition de précision. De même, Finkl ne polit ni ne soude l'acier.

M. Cerwin a déclaré au Tribunal que, à son avis, les marchandises en cause sont toutes d'une épaisseur de plus de 12 po, d'un largeur typique de 36 à 48 po et d'une longueur de 8 à 10 pi. Il a comparé ces dimensions aux normes ASTM pour les barres d'acier [5] . Il a souligné que la norme A 29 s'applique aux barres dont l'épaisseur n'excède pas 10 po, et que la norme A 681 s'applique aux barres laminées à chaud dont l'épaisseur n'excède pas 8 po ainsi qu'aux plats laminés à chaud dont l'épaisseur n'excède pas 12 po. De plus, les variations admises en vertu des normes ASTM sont considérablement plus petites que celles des produits de Finkl. Quant à la gamme des barres visées par les normes ASTM, M. Cerwin s'est dit d'avis que probablement 90 p. 100 de tous les produits en barres fabriqués dans le monde et tous les produits en barres fabriqués aux États-Unis sont d'une épaisseur inférieure à 10 po.

M. Cerwin a expliqué qu'après le forgeage, le produit est appelé une «ébauche» s'il n'est pas fabriqué pour une application spécifique. Il a reconnu que les marchandises en cause vendues à l'appelant pourraient être appelées des barres. Il a toutefois nuancé son propos en soulignant que les marchandises en cause ne sont pas des barres selon les normes ASTM. En outre, un client qui commande une barre s'attend à ce que certaines spécifications soient respectées et que les variations de dimensions soient minimes. Il a ajouté que les dimensions d'une barre pourraient reproduire les dimensions du produit final fabriqué à partir de celle-ci. À l'opposé, l'acier à moules de Finkl n'est pas vendu selon des dimensions précises, et ces dimensions sont complètement altérées lors de la fabrication d'un moule.

Le deuxième témoin de l'appelant était M. Dan Coll, directeur national des produits, Acier à moules, et gestionnaire de district d'Atlas Alloys, une division de Rio Algom Limitée, à Windsor (Ontario). M. Coll a dit au Tribunal que les marchandises en cause ont une épaisseur variant entre 5 et 30 po, une largeur allant d'environ 25 à 48 po et diverses longueurs. Une partie du service rendu par l'appelant consiste à couper les marchandises en cause aux dimensions requises par ses clients pour fabriquer des moules. Il s'est dit d'accord avec M. Cerwin pour dire que l'emploi du terme «barre» implique un produit parachevé avec précision selon des tolérances relativement serrées. Il a ajouté que l'appelant n'exige pas de Finkl qu'elle applique un traitement de finition à l'acier à moules ni qu'elle respecte les tolérances dimensionnelles précisées dans les normes ASTM pour les barres d'acier. M. Coll a dit qu'il désigne les marchandises en cause sous l'appellation de [traduction] «longerons» et que les clients de l'appelant, dont certains font des moules pour la fabrication de pièces d'automobiles, commandent des [traduction] «blocs».

En réponse à des questions du Tribunal, M. Coll a déclaré que, en termes de sidérurgie, un produit d'acier à moules serait appelé un demi-produit. Il a expliqué qu'un produit d'acier est considéré un produit fini lorsque ses dimensions sont reportées à l'article final qu'il sert à fabriquer.

Le témoin de l'intimé était M. Hoang LeHuy, Ph.D., ingénieur en chef et directeur de la Recherche et du Développement à la société Les forges de Sorel Inc. Le Tribunal a donné à M. LeHuy le titre de témoin expert en métallurgie. Il a également été établi que Les forges de Sorel Inc. est un concurrent de l'appelant.

À l'aide de transparents et d'une brève présentation sur vidéo, M. LeHuy a décrit la fabrication de l'acier à moules et l'importance de respecter des normes rigoureuses relativement à sa composition, aux traitements thermiques et au forgeage mécanique. Il a indiqué que l'acier à moules qui est envoyé au client est un produit fini. En employant le terme «fini», M. LeHuy a indiqué que le procédé de fabrication de l'acier était complet parce que les caractéristiques de l'acier avaient été fixées. Il a décrit les demi-produits comme des produits dans lesquels les caractéristiques de l'acier seraient subséquemment modifiées par des procédés comme le forgeage ou un traitement thermique, procédés qui modifient fondamentalement les caractéristiques mêmes de l'acier.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause ne répondent pas aux normes ASTM pour les barres. Elles ne doivent donc pas être classées à titre de barres. À l'appui de l'énoncé selon lequel les barres sont soumises à des tolérances plus serrées que les demi-produits, l'avocat a renvoyé à l'affaire British Steel Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] . Pour donner encore plus de poids à son affirmation selon laquelle les demi-produits sont simplement formés, alors que les produits finis sont formés plus spécifiquement selon la forme du produit final, l'avocat a renvoyé à l'affaire Importation/Exportation Y&Y c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [7] .

L'avocat de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause répondent à la définition des demi-produits donnée à la Note 1 ij) du Chapitre 72 de l'annexe I du Tarif des douanes [8] . Cela étant, elles doivent être classées à titre de demi-produits. En outre, la production par Finkl des marchandises en cause est correctement décrite dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [9] (les Notes explicatives) comme étant la production de demi-produits [10] .

Renvoyant aux Notes explicatives de la position no 72.07 [11] , l'avocat de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause sont décrites à la rubrique «Ébauches de forge», qui prévoit que :

Les ébauches de forge sont des demi-produits d'apparence rudimentaire, bénéficiant dans les usages commerciaux de larges tolérances dimensionnelles fabriqués à partir de blocs ou de lingots soumis à l'action du marteau-pilon ou de la presse à forger. [...] mais nécessitant encore un travail supplémentaire important à la forge, à la presse, au tour, etc.

Sur ce dernier point, l'avocat a noté qu'un produit d'acier à moules doit faire l'objet d'une ouvraison considérable pour produire un moule.

En ce qui a trait à la signification du code 5933, l'avocat de l'appelant a soutenu que la définition de «devant servir dans» et «devant servir à» énoncée à l'article 4 du Tarif des douanes ne s'applique pas. Selon les termes de celle-ci, cette disposition ne s'applique qu'aux annexes I et II du Tarif des douanes. Le code 5933 est plutôt compris dans le Décret.

À l'appui de l'affirmation selon laquelle les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 5933, comme devant servir à la production d'automobiles, l'avocat de l'appelant a renvoyé à l'affaire Boeing of Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [12] . Dans cette affaire, la Commission du tarif a conclu que certains outillages qui servent dans la production de pièces d'aéronef sont des marchandises devant servir à la fabrication de l'aéronef.

L'avocate de l'intimé a fait remarquer que la Note 1 ij) du Chapitre 72 définit les «demi-produits» comme étant des produits «ayant simplement subi un laminage à chaud grossier ou simplement dégrossis par forgeage ou par martelage». Elle a avancé que les marchandises en cause ont subi une ouvraison subséquente puisqu'elles ont fait l'objet d'un laminage. Ce procédé fait plus que simplement enlever la pellicule d'oxyde et les croûtes de l'acier. Plutôt, il élimine les défauts de surface en vue du contrôle par ultrasons et pour satisfaire aux tolérances serrées découlant des spécifications du client.

En outre, les marchandises en cause ont été soumises à des traitements thermiques destinés à améliorer les propriétés de l'acier. Renvoyant aux Notes explicatives du Chapitre 72, l'avocate de l'intimé a affirmé que le traitement thermique est considéré comme une opération de transformation ultérieure et de parachèvement. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de demi-produits.

Quant au classement dans la position no72.28, les Notes explicatives de plusieurs sous-positions de la position no 72.15 [13] précisent, en partie, ce qui suit :

Outre le fait d'avoir été obtenus ou parachevés à froid, les produits de ces sous-positions peuvent avoir subi les ouvraisons ou les traitements de surface suivants :

(4) Ouvraisons effectuées uniquement en vue de la recherche des défauts du métal.

L'avocate de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause, ayant fait l'objet d'un laminage de surface, sont finies à froid au sens du numéro tarifaire 7228.50.00. Il a été souligné dans les Notes explicatives de la position no 72.15 que les marchandises «parachevées à froid» ont «subi soit [...] la rectification entre meules, ou le tournage (barres calibrées ou rectifiées)». De plus, le laminage effectué pour détecter les pailles du métal est une ouvraison de surface visée à la position no 72.28. Cependant, une telle ouvraison n'est pas prévue à la position des demi-produits, comme l'a soutenu l'appelant.

Pour ce qui est du code 5933, l'avocate de l'intimé a allégué que, pour que les marchandises en cause soient admissibles aux avantages de ce code, il faut que ce soit des marchandises «devant servir dans» ou «devant servir à» la fabrication de divers véhicules ou pièces ou accessoires de ces véhicules. L'avocate a fait savoir que, puisque la version française et la version anglaise de la définition de cette expression font toutes deux autorité, et que la version française est plus précise, cette dernière doit être retenue. Cela implique ici que la définition doit être nuancée de telle sorte que les marchandises en cause doivent «entre[r] dans la composition» (de la version française) des divers véhicules «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation».

En se reportant à la définition du dictionnaire du terme «composition», l'avocate de l'intimé avance que les marchandises sont admissibles aux avantages du code 5933 si elles deviennent un composant intégral dans la formation ou la fabrication d'un des véhicules indiqu 9‚s dans le code, ou d'une pièce ou d'un accessoire de ce véhicule. Étant donné que les marchandises en cause font l'objet d'une ouvraison plus poussée pour devenir des moules à injection pour la fabrication de produits en matières plastiques, elles n'entrent dans la composition, «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation», ni d'un véhicule ni d'une pièce ou d'un accessoire de ce véhicule.

Après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties, la majorité du Tribunal conclut que les marchandises en cause répondent à la définition de demi-produits énoncée à la Note 1 ij) du Chapitre 72. Elles sont des produits de section pleine simplement dégrossis par forgeage ou par martelage. Selon les éléments de preuve soumis par M. Cerwin, elles sont fabriquées selon des tolérances dimensionnelles larges qui ne satisfont pas aux normes ASTM pour les barres. Quant au témoignage de M. LeHuy, la majorité du Tribunal n'est pas d'avis que les Notes explicatives appuient l'affirmation selon laquelle un demi-produit sera soumis à d'autres ouvraisons qui modifieront les caractéristiques de l'acier.

Tout comme les produits de la position no 72.28 peuvent être soumis à certains traitements de surface sans que ces derniers entraînent de changement de classement, la majorité du Tribunal est d'avis que les demi-produits de la position no 72.24 peuvent également faire l'objet de tels traitements avec des résultats similaires. La majorité du Tribunal est d'avis que le laminage des surfaces en vue de contrôles de qualité ne constitue pas une ouvraison subséquente.

Puisque les demi-produits sont spécifiquement exclus de la définition des autres «barres et profilés» utilisée dans la position no 72.28 [14] , la majorité du Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées dans cette position. En outre, les éléments de preuve ont clairement montré que les marchandises en cause ne satisfont pas aux normes ASTM pour les barres. Ce fait corrobore la conclusion selon laquelle elles ne sont pas correctement classées à titre d'autres barres et profilés. La majorité du Tribunal accorde peu de poids à la déclaration de M. Cerwin selon laquelle les marchandises en cause peuvent s'appeler des barres. Puisque les «largets» sont classés dans le numéro tarifaire 7224.90.10, il est clair que les demi-produits n'excluent pas les produits en barres.

Il n'a pas été contesté que les marchandises en cause sont fabriquées d'acier allié. Par conséquent, la majorité du Tribunal conclut que, à titre de demi-produits en acier allié, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 7224.90.10.

Quant au code 5933, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas admissibles à ses avantages. L'avocat de l'appelant a déclaré que la définition de «devant servir dans» et «devant servir à», énoncée à l'article 4 du Tarif des douanes, ne s'applique pas à l'interprétation du sens du code 5933 dans le Décret. À cet égard, le Tribunal souligne que le Décret est pris aux termes de l'alinéa 68(1)a) du Tarif des douanes. Comme l'annexe II du Tarif des douanes, le Décret prévoit la réduction ou la suppression des droits de douane établis à l'annexe I du Tarif des douanes. L'annexe II et le Décret font partie d'un système intégré de dispositions prévoyant des concessions pour la réduction ou la suppression des droits de douane. Puisque l'annexe II et le Décret sont des textes de loi étroitement liés portant sur un même objet, le Tribunal est d'avis que la signification de l'expression «devant servir à», comme elle est employée dans le code 5933, doit être interprétée selon la définition énoncée à l'article 4 du Tarif des douanes.

Pour être admissibles aux avantages du code 5933, les marchandises en cause doivent servir à la fabrication des marchandises énumérées dans le code. Selon le Tribunal, l'article 4 du Tarif des douanes exige que les marchandises en cause entrent dans la composition, «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation», des marchandises figurant sur la liste du code 5993 pour être considérées comme devant servir à la fabrication de ces marchandises. Bien que les marchandises en cause servent à fabriquer des moules, dont certains peuvent servir à fabriquer des pièces de véhicules, elles n'entrent dans la composition, «par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation», ni de ces véhicules ni de pièces ou d'accessoires de ces véhicules. À ce titre, les marchandises en cause ne sont des produits devant servir à la fabrication ni de ces véhicules ni de pièces ou d'accessoires de ces véhicules.

Par conséquent, l'appel est admis en partie.

Pour les motifs qui suivent, j'exprime respectueusement ma dissidence à l'égard de la décision rendue par la majorité du Tribunal concernant le classement des marchandises en cause. La perception tout à fait honnête et directe de l'appelant selon laquelle les marchandises en cause sont des demi-produits parce qu'elles sont essentiellement des ébauches forgées pour la fabrication subséquente de moules est certes compréhensible. Toutefois, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives et je suis d'avis que les termes «primaires», «demi-produits» et «finis», comme ils sont utilisés dans les Notes explicatives, désignent des produits du procédé de fabrication de l'acier et non un produit final qui peut être fabriqué avec le produit d'acier fini.

La définition de demi-produits, par rapport à des produits qui ne sont pas des produits de coulée continue, est la suivante : «autres produits de section pleine ayant simplement subi un laminage à chaud grossier ou simplement dégrossis par forgeage ou par martelage, y compris les ébauches pour profilés». Les éléments de preuve, selon lesquels les marchandises en cause sont formées par forgeage, font l'objet d'un traitement thermique puis subissent ensuite une ouvraison sous forme de laminage de surface sur au moins quatre faces en vue d'un contrôle par ultrasons, n'ont pas été réfutés. Je suis d'accord avec la majorité du Tribunal pour dire que cette préparation de la surface a pour but exclusif, ou au moins premier, de préparer le produit en vue des essais. Cependant, je ne peux pas ne pas tenir compte de la définition de demi-produits, c'est-à-dire que les produits ont été «simplement dégrossis par forgeage ou par martelage», uniquement parce que les ouvraisons subséquentes ont été effectuées seulement en vue des essais.

Je sais que les Notes explicatives du Chapitre 72, sous la rubrique «Transformation ultérieure ou parachèvement», prévoient que :

Les produits finis peuvent être parachevés ou transformés en ouvrages, par une suite d'opérations telles que :

1) Ouvraisons mécaniques

2) Ouvraisons de surface [...] Sauf exceptions prévues dans le libellé même de certaines positions, ces opérations n'affectent pas le classement des articles dans leurs positions respectives.

Je ne crois pas que cette disposition puisse être appliquée aux demi-produits, comme la majorité du Tribunal l'a décidé. Il faudrait, en effet, que le renvoi aux «produits finis» inclu les demi-produits. Or, une telle lecture ne peut se justifier puisque les Notes explicatives ont traité des demi-produits séparément.

Je conclus aussi que les marchandises en cause ne répondent pas à la définition de l'expression «Ébauches de forge» énoncée dans les Notes explicatives de la position no 72.07. La définition désigne «des demi-produits d'apparence rudimentaire, bénéficiant dans les usages commerciaux de larges tolérances dimensionnelles». Les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause ne bénéficient pas de larges tolérances dimensionnelles, même avant de subir un laminage de surface, et ne nécessitent pas «encore un travail supplémentaire important à la forge, à la presse, au tour, etc.». En réalité, les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause ne sont pas soumises à d'autres opérations de forgeage. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent pas être considérées comme des ébauches de forge.

Dans la mesure où les marchandises en cause ne peuvent pas être considérées comme des demi-produits, elles ne peuvent pas, à mon avis, être classées comme l'a soutenu l'appelant et sont correctement classées à titre de produits finis, comme l'a déterminé l'intimé.

Pour ce qui est des critères dimensionnels que fixent les normes ASTM, je ne peux pas conclure que seules les marchandises qui se conforment aux dimensions ASTM peuvent être désignées, aux fins de classement, comme barres. Ce serait, à n'en pas douter, donner plus de poids aux normes ASTM qu'aux Notes explicatives dont le Tribunal doit tenir compte dans l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes [15] . En outre, et fait plus important, il existe dans le Tarif des douanes une définition de «[b]arres et profilés» qui ne fait aucune mention de limites dimensionnelles. Enfin, je ne vois pas d'inconvénient à désigner les marchandises en cause par le terme «barres» dans la mesure où M. Cerwin a admis que, dans le langage courant, les marchandises en cause sont appelées des barres ou des ébauches.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 4 (3e suppl.).

3. DORS/88-73, le 31 décembre 1987, Gazette du Canada Partie II, vol. 122, no 2 à la p. 631.

4. La Section XV de l’annexe I du Tarif des douanes comprend le Chapitre 72, où se trouvent les deux numéros tarifaires en cause.

5. Désignations ASTM A 29/A 29 M - 1990 et A 681 - 1989.

6. (1984), 9 R.C.T. 240.

7. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-90-081, le 12 septembre 1991.

8. La Note 1 ij) du Chapitre 72 précise ce qui suit : 1. Dans ce Chapitre [...] on considère comme : [...] ij) Demi-produits les produits de section pleine obtenus par coulée continue, même ayant subi un laminage à chaud grossier; et les autres produits de section pleine ayant simplement subi un laminage à chaud grossier ou simplement dégrossis par forgeage ou par martelage, y compris les ébauches pour profilés. Ces produits ne sont pas présentés enroulés.

9. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

10. «Production des lingots ou autres formes primaires et des demi-produits», Note générale III des Notes explicatives du Chapitre 72.

11. Les Notes explicatives de la position no 72.24 prévoient que «[l]es dispositions des Notes explicatives des nos 72.06 et 72.07 s'appliquent mutatis mutandis aux produits de la présente position».

12. Traduction non officielle, Commission du tarif, appel no 2636, le 28 juillet 1988.

13. Les Notes explicatives de la position no 72.28 indiquent que «[l]es dispositions des Notes explicatives des nos 72.14 à 72.16 s'appliquent mutatis mutandis aux produits de la présente position».

14. La Note 1 m) du Chapitre 72 définit «[b]arres» comme étant «les produits ne répondant pas à l'une quelconque des définitions [de demi-produits]».

15. Supra note 2, art. 11.


Publication initiale : le 13 février 1997