KOTT TRUSS INC.

Décisions


KOTT TRUSS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-304

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 21 février 1997

Appel n o AP-95-304

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 octobre 1996 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 décembre 1995 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

KOTT TRUSS INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire






Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise. L'appelant œuvre dans le domaine de la fabrication de fermes de bois et vend toute sa production à une société liée, Kott Lumber Company. Cette dernière vend par la suite les fermes à divers constructeurs de la région métropolitaine d'Ottawa et de l'Est de l'Ontario. La taxe de vente fédérale a été calculée et remise à partir du prix de vente de l'appelant à Kott Lumber Company. L'intimé a imposé à l'appelant une cotisation supplémentaire de taxe du fait que la taxe à payer aurait dû être calculée en fonction du prix de vente de Kott Lumber Company à ses clients, plutôt que du prix de vente de l'appelant.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le calcul de la taxe de vente fédérale aurait dû être fondé sur le prix que l'appelant a chargé à Kott Lumber Company pour les fermes ou sur le prix que Kott Lumber Company a chargé à ses clients.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les deux entités en question fonctionnent de façon autonome et que les ventes de l'appelant à Kott Lumber Company sont des ventes authentiques ou exécutées de bonne foi. Le Tribunal est donc d'avis que le calcul de la taxe de vente fédérale doit être fondé sur le prix de vente chargé par l'appelant à Kott Lumber Company.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 17 octobre 1996 Date de la décision : Le 21 février 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Lyle M. Russell, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Craig Robertson, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 décembre 1995.

Durant la période de cotisation, soit du 1er août 1989 au 31 décembre 1990, l'appelant a exploité une entreprise de fabrication de fermes [[Note du réviseur] Le terme « ferme » signifie, dans le domaine de l’architecture, un assemblage de pièces destinées à porter le faîtage, les pannes et les chevrons des combles.] de bois, principalement destinées à la construction résidentielle. L'appelant est la propriété de la société Kott Lumber Company (Kottco). Toutes les fermes fabriquées par l'appelant durant la période visée ont été vendues à Kottco. Kottco les a ensuite vendues à divers constructeurs de la région métropolitaine d'Ottawa et de l'Est de l'Ontario. Le prix de vente des fermes vendues par l'appelant à Kottco a été déterminé en multipliant le prix chargé par Kottco à ses clients par un coefficient de 0,9. L'appelant a effectué ses remises de taxe de vente fédérale en fonction de son prix de vente à Kottco.

Le 23 décembre 1992, l'intimé a envoyé à l'appelant un avis de cotisation de 29 463,20 $ relativement à des taxes impayées, ce montant comprenant des intérêts et des pénalités ainsi qu'un crédit relatif à certains coûts de transport. Le calcul de cotisation était fondé sur le prix auquel Kottco vend les fermes à ses clients, plutôt que sur le prix chargé à Kottco par l'appelant. Par voie d'un avis d'opposition daté du 18 mars 1993, l'appelant s'est opposé à la cotisation de l'intimé. Toutefois, par l'entremise d'un avis de décision daté du 20 décembre 1995, l'intimé a rejeté l'opposition et ratifié la cotisation. Dans sa décision, l'intimé a conclu que, au cours de la période visée, l'appelant et Kottco fonctionnaient comme une seule entité commerciale et que Kottco était une société de canalisation des bénéfices placée entre l'appelant et les clients de l'appelant, c.-à-d. les constructeurs qui étaient les acheteurs ultimes des fermes.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le calcul de la taxe de vente fédérale aurait dû être fondé sur le prix que l'appelant a chargé à Kottco pour les fermes ou sur le prix que Kottco a chargé à ses clients.

Le représentant de l'appelant a convoqué un témoin, M. Paul Kruyne, président de Kott Truss Inc. M. Kruyne est également président de Kott Lumber Company. Il a témoigné avoir formé, avec son épouse, par l'entremise de leurs sociétés respectives de gestion, un partenariat qui a acheté Kottco en 1986. À cette époque, Kottco fournissait du bois de sciage à l'industrie de la construction. Kottco exploitait également une division de fabrication de fermes. En 1989, il a été décidé qu'il serait préférable de transformer l'exploitation de fermes en une entité juridique distincte de Kottco. L'appelant a alors été constitué en société. L'appelant a acheté tout le matériel de fabrication de fermes appartenant à Kottco. M. Kruyne a témoigné que l'appelant a été constitué pour protéger Kottco des risques potentiels associés au commerce de fermes et pour faire de l'exploitation de fermes un centre de profits autonome. L'établissement d'une entité corporative distincte devait susciter, chez les employés de la division de fermes, la conscience que l'entreprise de fermes était distincte de celle du bois de sciage et, pour survivre, elle devait maintenir sa propre viabilité. M. Kruyne a déclaré que, si l'appelant ne pouvait prouver sa rentabilité dans un délai raisonnable, il serait liquidé.

Par l'entremise de M. Kruyne, le représentant de l'appelant a déposé à titre d'élément de preuve une carte des lieux où les installations de l'appelant et de Kottco sont situées. Il s'agit d'un terrain de 23 acres, situé à Nepean, qui appartient personnellement à M. Kruyne et à son épouse. Le représentant a guidé la présentation de M. Kruyne sur la disposition du site et l'emplacement des locaux de l'appelant et de Kottco. En bref, les éléments de preuve présentés par M. Kruyne ont montré la séparation physique des activités de chaque entité. M. Kruyne a témoigné que l'appelant et Kottco leur versaient, à lui et à son épouse, un loyer distinct pour occuper les lieux.

M. Kruyne a aussi témoigné que les livres et les documents de déclarations de revenus, de taxe d'accise et de taxe sur les biens et services étaient tenus séparément pour chaque société. De plus, chaque société avait ses propres employés et préparait les formules T4 à leur endroit. M. Kruyne a indiqué être le seul employé « partagé » par les deux entités, bien que certains services internes de comptabilité étaient également partagés. L'appelant et Kottco ont leurs propres numéros de téléphone, leurs propres annonces dans les pages jaunes et leurs propres comptes bancaires. Le représentant de l'appelant a aussi déposé à titre d'élément de preuve, par l'entremise de M. Kruyne, des documents concernant un certain financement obtenu par Kottco auprès de la Banque royale du Canada; ces documents indiquent que les biens de l'appelant ne faisaient pas partie des biens mis en gage pour le financement de Kottco.

M. Kruyne a décrit une vente typique de fermes de l'appelant à Kottco à une tierce partie. En premier lieu, un vendeur de Kottco communique avec un client éventuel afin d'obtenir des commandes de bois de sciage et de fermes. Le vendeur soumet ensuite les demandes de renseignements du client concernant le bois de sciage à Kottco et celles concernant les fermes à l'appelant. Pour ce qui est des fermes, les concepteurs-estimateurs de l'appelant préparent un devis estimatif qui est remis au vendeur de Kottco. À cet égard, le vendeur négocie avec la tierce partie le prix que Kottco chargerait à la tierce partie, en tenant compte du prix estimatif de l'appelant pour la fourniture des marchandises.

M. Kruyne a guidé le Tribunal dans un survol des documents afférents à une vente réelle de fermes de l'appelant à Kottco à une tierce partie. M. Kruyne a décrit la piste documentaire ainsi qu'il suit :

• une fois que le client a commandé des marchandises, Kottco prépare un « bordereau de livraison » sur lequel les marchandises sont définies;

• le bordereau de livraison est transmis à l'appelant;

• l'appelant établit le calendrier de production des marchandises;

• lorsqu'il produit les fermes, l'appelant prépare un relevé récapitulatif de production qui indique les marchandises, la période au cours de laquelle elles sont produites, le prix de vente de Kottco à la tierce partie et le prix de vente de l'appelant à Kottco (le prix de vente de l'appelant à Kottco est 90 p. 100 du prix de vente de Kottco à la tierce partie);

• se servant des renseignements provenant des relevés récapitulatifs de production, sur une base hebdomadaire, l'appelant facture à Kottco les marchandises que cette dernière a achetées;

• Kottco paye les factures à l'appelant par chèque, à chaque mois ou aux quelques mois.

M. Kruyne a expliqué que le chiffre de 90 p. 100, qui sert au calcul du prix de l'appelant à Kottco pour toutes les ventes de fermes, a été fixé à la lumière des fonctions accomplies par Kottco, y compris l'activité de vente, de livraison et de collecte. M. Kruyne a ajouté que le vendeur de Kottco, après avoir obtenu un prix de l'appelant et entrepris des négociations avec un client éventuel, doit tenir compte que le prix de Kottco au client, doit, à tout le moins, une fois multiplié par 90 p. 100, équivaloir au prix de l'appelant à Kottco.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Kruyne a confirmé que l'appelant et Kottco tiennent des stocks distincts de matières premières. Lorsque l'appelant reçoit une commande de Kottco, les matériaux nécessaires sont transférés des stocks aux « tables de coupe », coupés selon les spécifications de conception puis assemblés. M. Kruyne a également confirmé que Kottco est le seul client de l'appelant.

En ce qui a trait aux ventes de l'appelant à Kottco, il a été mentionné à M. Kruyne qu'il n'y avait jamais eu de négociation des prix entre les parties. M. Kruyne a exprimé son désaccord. Il a déclaré que, par exemple, lorsque l'appelant donne un prix estimatif de 1 000 $ à Kottco pour un travail particulier et que Kottco n'est capable d'obtenir qu'un prix de 900 $ de son client, c'est alors l'appelant qui décide de « reconsidérer » son devis ou de « renoncer » à ce commerce. Il a été demandé à M. Kruyne si son rôle à l'égard de l'appelant a changé depuis l'incorporation de ce dernier. Il a indiqué qu'avant l'incorporation il avait tendance à « contremander certaines décisions », mais qu'il écoute maintenant davantage le personnel de l'appelant. Selon M. Kruyne, « la situation en est maintenant davantage une où les gens de Kott Truss me disent que je peux faire ceci ou que je ne peux pas faire cela » [traduction]. M. Kruyne a admis que l'appelant ne peut « renoncer » à un travail sans en discuter avec lui. Cependant, il a fait savoir qu'il lui faut avancer de très bons arguments lorsqu'il propose que l'appelant accepte un travail en bas du prix coûtant. M. Kruyne a souligné que les fermes de l'appelant ne servent, en aucune façon, de produit d'appel en faveur de l'entreprise de bois de sciage de Kottco.

M. Kruyne a admis que, à quelques exceptions près, la plupart des entreprises de fabrication de fermes à Ottawa vendent directement à l'industrie de la construction. Autrement dit, il n'y a pas, d'une façon générale, de grossistes dans le commerce des fermes.

La raison d'être de la constitution en société de l'appelant a été examinée au cours d'un interrogatoire mené par le Tribunal. En particulier, le Tribunal a cherché à savoir si des considérations de planification fiscale n'en faisaient pas partie. M. Kruyne a répété que les considérations de responsabilité et de rentabilité avaient été les principaux motifs de la décision de constituer l'entreprise en société. Il a déclaré que, si la constitution en société avait eu pour objet d'économiser des taxes, le coefficient de majoration aurait pu être fixé à 20 ou 30 p. 100, plutôt qu'à un niveau plus modeste de 10 p. 100.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a présenté des exposés portant sur l'existence distincte de l'appelant et de Kottco, la notion de « prix de vente raisonnable » au sens de l'article 58 de la Loi et la question de savoir si l'intimé aurait dû cotiser Kottco, plutôt que l'appelant, relativement à des taxes impayées aux termes de la Loi. Bien que le Tribunal puisse apprécier une plaidoirie aussi complète de la part du représentant de l'appelant, étant donné que la plaidoirie de l'avocat de l'intimé n'a traité que du premier argument de l'appelant et que, de l'avis du Tribunal, l'appel gravite autour de ce sujet, dans les motifs de sa décision, le Tribunal n'a pas traité des deuxième et troisième sujets de l'argumentation du représentant de l'appelant.

En ce qui a trait à la question des entités commerciales distinctes, le représentant de l'appelant a soutenu que les éléments de preuve étayent l'opinion que, bien qu'il y ait manifestement un lien de dépendance entre l'appelant et Kottco, les deux entreprises fonctionnent en tant qu'entités commerciales distinctes. Il a soutenu que l'appelant a été constitué en société pour des motifs commerciaux valables, soit pour protéger Kottco de certains risques et l'établir comme centre de profit autonome. Il a affirmé en outre que l'appelant n'agissait en aucune façon comme la « marionnette » de Kottco. À cet égard, il a fait observer des éléments de preuve produits par M. Kruyne sur l'existence de discussions et de négociations entre les deux entités. Il a également fait mention du fait que les deux entreprises étaient exploitées en tant qu'entités distinctes, chacune ayant ses propres employés, comptes bancaires, etc.

L'avocat de l'intimé a déclaré que, pour que le Tribunal donne raison à l'intimé, il n'est pas nécessaire qu'il conclue que Kottco et l'appelant forment une entité commerciale à tous égards. Selon l'exposé de l'avocat, il suffit que le Tribunal conclue que les deux entités doivent être considérées comme une seule aux fins des transactions en question. L'avocat a soutenu que, dans l'examen de cette question, le Tribunal doit mener une analyse en deux étapes. Il doit d'abord examiner les circonstances qui entourent les transactions pour voir si « il existe un contexte qui permet de conclure que les deux entités n'en forment en réalité qu'une » [traduction]. En deuxième lieu, le Tribunal doit examiner tous les détails des transactions de vente comme telles pour déterminer s'il y a effectivement eu vente entre l'appelant et Kottco. À l'appui de cette façon d'aborder la question, l'avocat a cité la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire The Palmolive Manufacturing Company (Ontario) Limited c. His Majesty the Kin g [2] et la décision du Tribunal dans l'affaire The Geo. Cluthé Manufacturing Company Limited c. Le ministre du Revenu national [3] . L'avocat a fait valoir que, comme dans l'affaire Cluthé, le Tribunal peut dans la présente affaire conclure que, en ce qui a trait à l'entreprise de fermes, l'appelant et Kottco font tous deux partie intégrante d'une seule entité commerciale.

En ce qui concerne la première étape de l'analyse, l'avocat de l'intimé a renvoyé le Tribunal aux éléments de preuve suivants pour appuyer son argument que, en ce qui a trait à l'entreprise de fermes, l'appelant et Kottco sont engagés dans une seule entreprise commerciale :

• Puisque les fermes sont généralement fabriquées sur commande, selon les spécifications propres à une structure particulière et qu'il est donc impossible aux fabricants ou grossistes de tenir des stocks de produits finis, l'industrie des fermes n'est pas constituée en divers niveaux distincts. L'avocat a fait valoir que les ventes et la fabrication sont donc « intégrés en un seul processus ».

• L'appelant et Kottco sont dirigés par la même personne.

• Kottco finance l'exploitation de l'appelant.

• Kottco et l'appelant partagent le même personnel comptable et les mêmes agents d'achat.

• Toutes les fermes sont expédiées directement à des tierces parties, même si c'est Kottco qui les a facturées aux acheteurs.

En ce qui a trait aux transactions de vente comme telles, l'avocat de l'intimé a soutenu que les faits appuient l'opinion qu'il n'y a pas eu de ventes entre l'appelant et Kottco. L'avocat a fait observer que l'appelant vend ses fermes seulement à Kottco et que Kottco ne vend que des fermes fabriquées par l'appelant. Il a également fait valoir que le prix entre l'appelant et Kottco n'est pas négociable. L'avocat a soutenu que pour qu'il existe une vente authentique il faut que deux entités exercent une volonté et un jugement indépendants, ces facteurs étant absents du contexte des ventes entre l'appelant et Kottco.

Tant les cours de justice que le Tribunal ont examiné les questions soulevées dans le présent appel dans le cadre de plusieurs affaires [4] . Il en ressort que les cours de justice et le Tribunal en sont venus à considérer plusieurs facteurs pour décider si une vente entre deux entités était, aux fins de la cotisation de la taxe, « authentique », ou de bonne foi, notamment :

• si la direction des deux entités en cause était la même;

• si une des entités contrôlait l'autre ou si chaque entité prenait ses propres décisions au sujet de questions telles que la production, la dotation en personnel et l'établissement des prix;

• s'il existait un motif commercial légitime à la constitution en société du vendeur ou si, au contraire, cette constitution ne visait qu'à éviter le paiement de la taxe;

• si l'activité et l'exploitation commerciales des deux entités étaient menées ensemble ou séparément;

• si le prix de la vente entre les deux entités était raisonnable.

Bien que le Tribunal ne soit pas en désaccord avec l'exposé de l'avocat de l'intimé lorsque ce dernier avance que tant le contexte général de l'exploitation des entreprises que les éléments particuliers des transactions individuelles sont importants dans une cause comme la présente affaire, le Tribunal n'est pas convaincu qu'il doit adopter une analyse linéaire en deux étapes pour examiner les questions qui lui sont présentées.

Avant d'amorcer la discussion des éléments de preuve, le Tribunal fait observer que l'ensemble du témoignage dans le présent appel a été le fait d'un seul témoin, M. Kruyne, en qui le Tribunal voit un témoin direct et crédible.

Pour déterminer si l'appelant et Kottco ont fonctionné comme une seule entité commerciale dans l'entreprise de fermes, le Tribunal estime qu'il est important d'examiner la structure et le mode d'exploitation des deux sociétés. Comme l'a admis sans hésitation le représentant de l'appelant, l'appelant et Kottco sont des sociétés liées et elles ne font pas affaire ensemble de façon autonome. En ce qui a trait à la structure organisationnelle, le Tribunal observe d'abord que les deux sociétés sont deux entités juridiques distinctes. Le Tribunal trouve crédible les éléments de preuve présentés par M. Kruyne quant aux motifs économiques qui ont sous-tendu la constitution en société de l'appelant. En affaires, il n'est pas inhabituel que des sociétés isolent des parties distinctes de leur entreprise, afin de mieux pouvoir déterminer si ces activités sont économiquement viables et, lorsque de telles activités sont potentiellement plus risquées que ne l'est l'activité principale de ces sociétés, pour protéger l'activité principale des conséquences possibles de tels risques.

En termes de fonctionnement, le Tribunal fait observer que Kottco et l'appelant ont chacun leurs propres employés, locaux d'affaires (bien qu'ils soient situés près l'un de l'autre), biens, comptes bancaires, papier à en-tête et numéros de téléphone. La seule personne qui soit employée par les deux entités est M. Kruyne. Les sociétés tiennent des stocks distincts de matières premières et chacune dépose sa propre déclaration de revenus.

Le Tribunal a examiné les éléments de preuve présentés par M. Kruyne selon lesquels, lorsqu'un constructeur demande à un vendeur de Kottco un devis estimatif pour des fermes, le vendeur transmet les spécifications à l'un des concepteurs-estimateurs à l'emploi de l'appelant. L'appelant fournit une soumission pour le projet à Kottco. Le vendeur de Kottco présente alors le prix de Kottco au client, en tenant compte du prix net chargé par l'appelant. Si le prix de Kottco n'est pas acceptable au client, M. Kruyne a indiqué que Kottco peut retourner à l'appelant et lui demander s'il est possible d'améliorer sa proposition. Le Tribunal accorde de l'importance au témoignage de M. Kruyne selon lequel l'appelant peut « renoncer » à une vente jugée non rentable, puisque ce témoignage indique que l'appelant est, dans une bonne mesure, indépendant de Kottco. Selon le Tribunal, cet élément de preuve est cohérent avec l'affirmation maintes fois répétées de M. Kruyne qu'il considère l'appelant comme une société distincte qui doit réaliser un bénéfice d'exploitation. La proposition que l'appelant est fonctionnellement autonome est aussi corroborée par le témoignage de M. Kruyne selon lequel l'appelant prend les décisions concernant l'établissement du calendrier de production.

Le Tribunal fait observer qu'il existe, pour la période visée, une piste documentaire nette entre l'appelant et Kottco relativement aux commandes et aux ventes. L'appelant facturait à Kottco, sur une base hebdomadaire, les fermes qu'il avait produites et vendues à Kottco. Durant cette période, Kottco a émis des chèques à l'appelant en paiement des marchandises achetées. Autrement dit, le commerce et les affaires des deux entités n'étaient pas intégrés.

Enfin, le Tribunal est d'avis que, étant donné les fonctions exécutées par Kottco, la majoration de 10 p. 100 sur les fermes vendues par l'appelant à Kottco est une majoration raisonnable. Si les entités avaient voulu établir un moyen de minimiser la taxe, tout porte à croire qu'elles auraient fait preuve d'une plus grande agressivité dans l'établissement de la majoration du prix de l'appelant à Kottco. Le fait qu'elles aient établi une majoration plus modeste corrobore le témoignage de M. Kruyne selon lequel l'entreprise de l'appelant a été constituée en société pour des motifs commerciaux légitimes et non pour réaliser une économie fiscale.

En résumé, le Tribunal est d'avis que, même si l'appelant et Kottco sont des sociétés liées, elles sont, à tous les moments pertinents, distinctes au plan de leur structure ainsi que, en majeure partie, au plan de leur exploitation. De plus, le Tribunal est convaincu par le témoignage de M. Kruyne que, bien qu'il y ait une certaine coordination et collaboration entre l'appelant et Kottco, l'appelant détermine lui-même ses prix, sa production et ses effectifs.

Pour tous les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. [1933] R.C.S. 131.

3. Appel no 3031, le 5 juin 1989.

4. Palmolive, supra note 2; Cluthé, ibid.; Sa Majesté La Reine c. Vanguard Coatings and Chemicals Ltd., [1988] 3 C.F. 560; et Gerrard-Ovalstrapping, Division de EII Limitée c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-93-289, le 26 septembre 1994.


Publication initiale : le 23 juin 1997