NIKE CANADA LTD.

Décisions


NIKE CANADA LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-95-197 à AP-95-202 et AP-95-206 à AP-95-212

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 10 octobre 1997

Appels nosAP-95-197 à AP-95-202 et AP-95-206 à AP-95-212

EU ÉGARD À des appels entendus les 27 et 28 février 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 16 août 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

NIKE CANADA LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis en partie.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant est une filiale en propriété exclusive de NIKE, Inc. Elle importe et vend des chaussures, vêtements et accessoires d'athlétisme portant la marque de commerce « Nike ». Sous licence, elle distribue, vend et fait la promotion de ces produits au Canada. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les redevances ou droits de licence payés par l'appelant sur la vente des marchandises en cause doivent être inclus dans leur valeur en douane conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes, ou, autrement dit, si les redevances ou droits de licence sont versés, directement ou indirectement, relativement aux marchandises en cause en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

DÉCISION : Les appels sont admis en partie. En ce qui a trait aux paiements de la Redevance aux athlètes, le Tribunal est d'avis que ces paiements ne sont pas relatifs aux marchandises en cause, mais plutôt à des services, fournis par les athlètes, qui ne sont pas suffisamment liés à l'importation des marchandises en cause pour que lesdits paiements entrent dans le champ d'application du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes. Quant à la redevance relative au droit de se servir des marques de commerce (la Redevance), le Tribunal fait observer que la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Reebok Canada, a division of Avrecan International Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, a indiqué que, puisque les redevances en question étaient liées à l'usage et à la vente en exclusivité de marchandises portant des marques de commerce de valeur et qu'il s'agissait de paiements relatifs à des droits de propriété intellectuelle de valeur associés à l'achat et à la vente des marchandises en cause, lesdites redevances doivent être considérées comme étant une condition de la vente pour exportation au Canada et, de ce fait, doivent être incluses dans la valeur en douane. Les deux éléments susmentionnés s'appliquent aussi dans les présents appels. À la lumière de la décision susmentionnée, le Tribunal conclut donc que la Redevance doit être considérée comme étant une condition de la vente pour exportation et, de ce fait, doit être incluse dans la valeur en douane des marchandises en cause. Par conséquent, les appels sont admis en ce qui concerne la Redevance aux athlètes et rejetés en ce qui concerne la Redevance.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 27 et 28 février 1997 Date de la décision : Le 10 octobre 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Patricia M. Close, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : W. Jack Millar et Dennis A. Wyslobicky, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues le 16 août 1995 par le sous-ministre du Revenu national.

L'appelant est une filiale en propriété exclusive de NIKE, Inc. Elle importe et vend des chaussures, vêtements et accessoires d'athlétisme portant la marque de commerce « NIKE ». Sous licence, elle distribue, vend et fait la promotion de ces produits au Canada. NIKE International Ltd. (NIKE International) est aussi une filiale en propriété exclusive de NIKE, Inc. Elle traite toutes les commandes d'achat des distributeurs des produits NIKE des pays autres que les États-Unis. NIKE (Ireland) Ltd. (NIKE Ireland) est une filiale en propriété exclusive de NIKE International. Elle est propriétaire, entre autres, des droits sur l'appellation et la marque de commerce « NIKE » pour le Canada.

En 1986, l'appelant a passé un contrat de licence [2] (le contrat de 1986) avec NIKE Ireland pour se servir des marques de commerce qu'elle détient relativement à la fabrication, l'importation, la publicité, la distribution et la vente de chaussures, de vêtements et d'accessoires d'athlétisme dans l'ensemble du Canada. En contrepartie du droit de se servir des marques de commerce, l'appelant a convenu de payer à NIKE Ireland, entre autres, une redevance ou des droits de licence représentant un pourcentage fixe de ses recettes de vente facturées nettes (la Redevance). L'autre paiement en question est relatif aux accords qui prévoient diverses modalités de paiement des divers athlètes professionnels y compris des « redevances aux athlètes » en contrepartie de divers services, y compris leur appui aux produits NIKE, qui sont aussi fondées sur un pourcentage fixe des recettes de vente facturées nettes (la Redevance aux athlètes).

L'appelant reconnaît que, bien qu'il ait le droit de fabriquer les marchandises sous licence, les marchandises en cause, qui portent la marque de commerce « NIKE », ont été achetées de fabricants non liés en Asie. À leur entrée au Canada, aucune redevance n'a été incluse dans la valeur en douane des marchandises. Un examen subséquent de leur valeur en douane, effectué par l'intimé, a mené à une décision que celle-ci devait inclure la Redevance et la Redevance aux athlètes.

Avant la publication de la décision et des motifs du Tribunal, ce dernier a pris connaissance de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada (la Cour fédérale) dans l'affaire Reebok Canada, a division of Avrecan International Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] . Le 22 juillet 1997, le Tribunal a écrit aux deux parties les avisant qu'il devait, à son avis, tenir compte de cette affaire pour rendre sa décision dans les présents appels. Le Tribunal a reconnu que les parties n'avaient pas eu l'occasion d'examiner l'incidence de la décision de la Cour fédérale et, par conséquent, leur a donné l'occasion de déposer des exposés à cet égard. Les deux parties ont déposé des exposés en conformité avec les lignes directrices du Tribunal.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les deux redevances ou droits de licence payés par l'appelant sur la vente des marchandises en cause doivent être inclus dans leur valeur en douane, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, ou, autrement dit, si les redevances ou droits de licence ont été payés, directement ou indirectement, relativement aux marchandises en cause en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

L'alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi prévoit ce qui suit :

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada.

Les avocats de l'appelant ont convoqué deux témoins qui ont comparu à titre de groupe. Le premier témoin a été M. David Kottkamp, de Portland (Oregon). M. Kottkamp s'est joint à l'appelant en 1984 et en a été président en 1986 et 1987. Il a joint les rangs de NIKE International en 1987 et en est présentement vice-président. Le deuxième témoin a été M. Wan Jung, de Coquitlam (Colombie-Britannique). M. Jung s'est joint à l'appelant en 1981 en tant que directeur des Services comptables. Il a subséquemment été promu au poste de contrôleur, puis à celui de directeur des Finances. Il occupait ce dernier poste au moment du processus de vérification qui a donné lieu à la présente affaire.

M. Kottkamp a déclaré qu'il a signé le contrat de 1986 passé entre l'appelant et NIKE Ireland, au nom de l'appelant. En vertu de ce contrat, NIKE Ireland a accordé à l'appelant le droit de fabriquer et de vendre des chaussures, vêtements et accessoires NIKE au Canada. M. Jung a déclaré que la Redevance à payer en vertu du contrat susmentionné était calculée d'après un pourcentage du chiffre d'affaires net et qu'un seul taux s'appliquait à tous les produits NIKE. Puisque l'obligation de s'acquitter de la Redevance était fondée sur les ventes des produits NIKE, la Redevance était payée, que les produits proviennent de sources étrangères ou nationales.

M. Jung a témoigné que, en vertu du contrat de licence de 1992 [4] (le contrat de 1992), le paiement de la Redevance devait être versé dans le mois suivant la vente des marchandises. M. Jung a déclaré que le délai normal entre le passage d'une commande de marchandises importées et leur expédition au Canada est d'environ trois mois, et qu'une autre période de trois mois sépare l'importation et le paiement de la Redevance.

M. Kottkamp a expliqué que le contrat de 1992 accordait à l'appelant les mêmes droits fondamentaux que ceux qui avaient été accordés en 1986. À son avis, la clause qui, dans le contrat de 1986 et dans celui de 1992, prévoit que la Redevance n'est pas redevable en tant que condition de la vente pour exportation au Canada vise à démontrer que NIKE Ireland ne peut exiger de l'appelant qu'il s'acquitte du paiement de la redevance avant que les marchandises assujetties au contrat soient vendues par ce dernier à ses clients canadiens. Il a expliqué que NIKE, Inc. était aussi partie au contrat de 1992 parce qu'elle détenait les marchés passés avec les athlètes, incluant les dispositions concernant la Redevance aux athlètes. Il a aussi expliqué que, aux termes de la disposition 9.1 du contrat de 1992, il incombait à l'appelant de payer la Redevance aux athlètes relativement aux marchandises qu'elle vendait.

M. Kottkamp a expliqué les diverses étapes du processus suivi par l'appelant pour décider des marchandises qu'il allait faire fabriquer et ce, jusqu'à la réception des marchandises aux fins de vente par ses détaillants. Le processus comprenait le choix d'articles à partir d'une gamme de produits pour la saison préparée par le groupe de Recherche, Conception et Développement de NIKE, Inc., ainsi que la commande de conception d'articles spécifiquement pour l'appelant. L'appelant montrait ensuite les divers articles à ses détaillants, puis acceptait les commandes. L'appelant pouvait faire fabriquer les marchandises où elle voulait, bien que beaucoup de marchandises aient été produites à son intention à la suite de commandes passées à un fabricant par l'intermédiaire de NIKE International. M. Kottkamp a parlé d'un cas, alors qu'il était au service de l'appelant, où l'appelant a fait fabriquer un modèle de chaussure au Canada par Bata Industries Limited (Bata).

Lorsque l'appelant commandait des marchandises par l'intermédiaire de NIKE International, cette dernière regroupait les commandes provenant d'autres sociétés NIKE hors des États-Unis et les faisait parvenir à NIKE, Inc. NIKE, Inc. regroupait alors les commandes en provenance des États-Unis et celles qui provenaient de l'étranger et les passait à des usines pour qu'elles fabriquent les marchandises commandées. Une copie de la commande était également transmise à Nissho Iwai Corporation (Nissho Iwai), qui agit en tant que courtier pour les sociétés NIKE et aide au traitement de certains des documents nécessaires à la réalisation des transactions. Aucune des usines où sont fabriquées les marchandises, ni Nissho Iwai, n'appartient ou n'est liée à NIKE, Inc. ni à toute autre société NIKE. Aux termes du « Inter-Company Cost Sharing Agreement [5] » (« Accord de partage des frais intersociétés »), NIKE, Inc. fournit certains services à l'appelant, y compris en matière de prévision de la production, d'échéancier de production, de liaison avec les usines et d'expédition. En outre, l'appelant a payé pour l'aide en recherche et développement que lui a fournie NIKE, Inc. pour une activité commerciale à frais partagés dans le cadre du « Research and Development Cost Allegation Agreement [6] » (« Accord de répartition des frais de recherche et développement » (ARFRD). M. Jung a témoigné que l'appelant avait payé des droits sur la partie de ces paiements représentant les frais de développement appliqués.

Quant aux prix faits par les usines susmentionnées à l'appelant, M. Kottkamp a déclaré que, abstraction faite des différences liées à la quantité, le prix des souliers ne portant pas la marque de commerce NIKE, fabriqués selon les mêmes prescriptions que les souliers commandés par l'appelant, serait fondamentalement le même que celui des souliers de l'appelant. La valeur des souliers dans le pays de vente serait, cependant, différente selon la valeur des marques de commerce.

Abordant la question des accords relatifs aux athlètes, M. Kottkamp a témoigné que diverses modalités de paiement des athlètes y sont prévues, dont une rémunération de base, une rémunération liée à la performance et d'autres formes de rémunération. L'appelant verse à NIKE, Inc. un montant correspondant à une partie des paiements susmentionnés, d'après les ventes des produits NIKE au Canada. Il n'y a aucun lien entre les athlètes et les usines qui fabriquent les marchandises en raison des commandes placées par NIKE, Inc. M. Jung a déclaré que des droits ont été levés uniquement sur la Redevance aux athlètes et que l'intimé n'a pas imposé de droits sur aucun des autres éléments de la rémunération versée aux athlètes.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Kottkamp a reconnu que l'objectif principal du contrat de 1992, du point de vue de l'appelant, était de lui permettre de se prévaloir de la marque de commerce NIKE et de pouvoir ainsi fabriquer et vendre les marchandises NIKE. Il a déclaré qu'il ne connaissait personne, où que ce soit, qui vende des marchandises portant la marque de commerce NIKE ou son logo sans avoir conclu un contrat de licence soit avec NIKE, Inc. soit avec NIKE Ireland. Il a convenu que, pour l'essentiel, la disposition 6.1 du contrat de 1992 prévoit que toutes les marchandises à l'égard desquelles l'appelant verse une redevance doivent être fabriquées en conformité avec les prescriptions de NIKE, Inc. ou de NIKE Ireland, bien qu'il ait ajouté que les marchandises doivent aussi satisfaire les normes de l'appelant. M. Kottkamp n'a pas convenu que l'appelant ne passait jamais directement de commandes aux usines à l'extérieur du Canada, mais a plutôt déclaré que l'appelant passait les commandes à ces usines par l'intermédiaire de NIKE International. En réponse à des questions du Tribunal, M. Jung a déclaré qu'environ 20 p. 100 des ventes de l'appelant au cours de la période visée par la vérification se rapportaient à des vêtements d'origine canadienne. M. Kottkamp a convenu que l'appelant ne pourrait pas vendre sur le marché canadien des marchandises portant la marque de commerce NIKE si le contrat de 1992 n'existait pas.

Dans leur plaidoirie, les avocats de l'appelant ont soutenu que, pour qu'un paiement soit ajouté au prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, trois critères devaient avoir été satisfaits, à savoir : i) le montant doit représenter des redevances ou des droits de licence, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur; ii) les redevances ou les droits de licence doivent être « relatifs aux marchandises »; iii) l'acheteur doit être tenu d'acquitter le montant, directement ou indirectement, « en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada ». Les avocats ont d'abord traité de ces critères dans le contexte de la Redevance aux athlètes et ensuite dans celui de la Redevance.

Les avocats de l'appelant ont fait observer qu'aucune des marques de commerce cédées sous licence à l'appelant n'appartenait à l'un des athlètes. Les avocats ont soutenu que les paiements représentent une partie de la rémunération versée aux athlètes pour les services qu'ils rendent, p. ex. présences personnelles, annonces publicitaires, port de vêtements et de chaussures NIKE, etc. Il ne peut donc être dit des paiements qu'ils sont « relatifs » aux marchandises importées par l'appelant. Les avocats ont aussi fait observer qu'il s'agit là du seul volet de la rémunération des athlètes sur lequel l'intimé a imposé des droits.

En ce qui a trait à la Redevance, les avocats de l'appelant ont soutenu que ce dernier ne conteste pas que la Redevance versée à NIKE Ireland soit une redevance ou des droits de licence au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Cependant, ils avancent que la Redevance ne doit pas être ajoutée à la valeur transactionnelle des marchandises en cause parce que le montant à payer n'est ni « relatif aux » marchandises ni une « condition de la vente » de ces dernières.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que, pour que les redevances ou les droits de licence soient considérés « relatifs aux » marchandises importées, il doit y avoir un rapport ou un lien direct entre la redevance et les marchandises importées. Ils ont fait observer que la décision du Tribunal dans l'affaire Polygram Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [7] indique que les paiements globaux, qui n'étaient pas touchés par les enregistrements sonores spécifiques importés, n'étaient pas relatifs aux marchandises importées. Les avocats ont soutenu que la Redevance est un paiement global calculé en fonction des ventes des marchandises sous licence par l'appelant, sans égard au lieu de fabrication comme tel des marchandises ni à la valeur des marchandises au moment de leur importation. La Redevance n'est pas non plus un paiement relatif aux marchandises puisque le taux de paiement ne varie ni en fonction des marchandises spécifiques vendues ni en fonction de leur coût de production. Plutôt, la Redevance doit être considérée comme un paiement global davantage lié à l'effort de vente de l'appelant, puisque le montant effectif de la Redevance varie selon le client particulier qui achète des marchandises à l'appelant, pour des raisons telles que des escomptes sur quantités. Puisque la Redevance est payée relativement à une marque de commerce et à des droits de distribution portant sur la revente des marchandises au Canada, il ne peut être dit qu'elle est payée relativement à la vente pour exportation au Canada. En outre, les éléments de preuve montrent que la Redevance est payable sur toutes les marchandises vendues par l'appelant, même si elles proviennent du Canada, comme dans le cas des souliers achetés à Bata ou des vêtements et affiches achetés à des fabricants canadiens.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que le paiement de la Redevance n'est pas une « condition de la vente » des marchandises par un fabricant particulier d'Asie à l'appelant, et ce, pour diverses raisons. Ils ont fait valoir que la situation de l'appelant représente le cas tripartite courant où l'appelant paie une redevance à un titulaire de licence en vertu d'un contrat de licence qui donne à l'appelant le droit de vendre des marchandises sous diverses marques de commerce au Canada. Le fabricant des marchandises n'est lié ni à l'appelant ni au titulaire de licence. Selon les avis consultatifs du Comité technique de l'évaluation en douane [8] (les avis consultatifs), la nature des circonstances est telle que la Redevance ne doit pas être passible de droits.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que la question de savoir si un acheteur pouvait acheter et importer les marchandises sans payer la redevance doit être posée du point de vue du vendeur des marchandises, en l'espèce, les fabricants d'Asie. Il faut, pour cela, examiner les modalités du marché passé entre lesdits fabricants et l'appelant. Les avocats ont soutenu que la disposition 9.6 du contrat de 1992 énonce expressément que le paiement de la Redevance n'est pas une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. Autrement dit, le paiement de la Redevance n'a aucun rapport avec la provenance des marchandises, puisque l'appelant est libre de s'approvisionner auprès de n'importe quel fournisseur qu'il veut, sous réserve que les marchandises répondent aux exigences qualitatives. La convention d'approvisionnement conclue entre l'appelant et NIKE, Inc. n'exige par ailleurs aucunement que la Redevance soit payée avant que le fabricant vende les marchandises à l'appelant. En vertu de la convention susmentionnée, NIKE, Inc. agit en qualité d'acheteur au nom de toutes les sociétés du groupe NIKE. L'appelant paie des honoraires pour les services reçus en application de cette convention.

Les avocats de l'appelant ont fait observer qu'un certain nombre d'appels connexes entendus par le Tribunal gravitaient autour de l'existence de conditions implicites dans un accord passé entre un fabricant et un acheteur relativement à la vente pour exportation au Canada qui pourraient indiquer que la vente était conditionnelle au paiement d'une redevance. En plus de l'affaire Polygram, les avocats ont mentionné la décision du Tribunal dans les affaires Reebok Canada Inc., a division of Avrecan International Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] , Jana & Company c. Le sous-ministre du Revenu national [10] et Mattel Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [11] . Dans ces affaires, le Tribunal s'est penché principalement sur la question de savoir si le concédant exerçait un contrôle suffisant sur les ventes pour exportation, soit par des liens de propriété, des marchés ou autrement, pour que le paiement de la redevance constitue une condition de la vente effectuée par le fabricant. Les avocats ont revu un certain nombre de ces facteurs dans le contexte des décisions susmentionnées. Ils ont fait observer que le Tribunal avait examiné, entre autres, la possibilité pour l'acheteur de se procurer les marchandises auprès d'autres fabricants et de demander d'en modifier la conception. Ils ont soutenu que les éléments de preuve montrent que tel est le cas dans les présents appels. Selon eux, les éléments de preuve montrent que ni NIKE Ireland ni NIKE, Inc. n'exerçait sur les ventes faites par les fabricants d'Asie à l'appelant un degré de contrôle tel que l'appelant n'aurait pu acheter et importer des marchandises sans payer les redevances à NIKE Ireland.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que la situation de l'appelant est, à de nombreux égards, différente des faits dans l'affaire Reebok. En premier lieu, les éléments de preuve de Reebok Canada ont confirmé que cette dernière achetait, en réalité, les marchandises importées en tant que distributeur ou, autrement dit, que les marchandises étaient en fait fabriquées au nom de Reebok É.-U. En deuxième lieu, les éléments de preuve de Reebok Canada indiquaient que Reebok É.-U. exerçait un certain contrôle sur les usines étrangères intéressées, comme le reflétaient les accords passés entre les usines et Reebok É.-U. Dans la situation présente, NIKE, Inc. conclue les conventions d'approvisionnement de sa propre initiative pour ce qui a trait à ses propres besoins, mais aussi en tant qu'acheteur pour le groupe NIKE. En troisième lieu, Reebok É.-U., et non Reebok Canada, était propriétaire des concepts et des spécifications des chaussures, et Reebok É.-U. était la seule entité à pouvoir légalement en accorder l'accès au fabricant. Enfin, cette différence concernant les concepts et spécifications se reflète aussi dans la manière dont la valeur des concepts a été traitée aux fins douanières. Dans la présente affaire, l'appelant verse des droits sur les frais de développement appliqué des produits, à titre d'aide. Il a été soutenu qu'une partie des droits de licence payés par Reebok Canada était raisonnablement attribuée à cet aspect et aurait été correctement incluse dans la base du calcul des droits. À cet égard, les avocats ont soutenu que, par opposition à la situation de l'appelant, ni Reebok Canada ni l'importateur dans l'affaire Signature Plaza Sport Inc. c. Sa Majesté la Reine [12] n'avait de droit indépendant à des spécifications de produit nécessaires pour faire fabriquer des marchandises pour eux-mêmes, sans payer leurs redevances respectives. Les avocats ont conclu qu'il n'y a pas de « lien suffisant » entre les paiements de droits de licence versés par l'appelant et la vente pour exportation par les fabricants d'Asie pour permettre de conclure que le paiement de la Redevance a été fait en tant que condition de ces ventes.

En ce qui a trait à la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Reebok, les avocats de l'appelant ont fait observer que leurs arguments au sujet de la question de savoir si la Redevance était payée « relati[vement] aux » marchandises importées sont fondamentalement les mêmes qu'ont rejetés tant le Tribunal que la Cour fédérale. Les avocats ont reconnu que la décision de la Cour fédérale a eu pour effet qu'il faut considérer que la Redevance a été payée « relati[vement] » aux marchandises sous licence dans la présente affaire. Abordant la question de la Redevance aux athlètes et celle de savoir si elle est versée « relati[vement] aux » marchandises sous licence, les avocats ont soutenu que la décision de la Cour fédérale a confirmé la démarche qu'ils préconisaient, c.-à-d. que la question n'est pas simplement celle de savoir si le paiement est calculé d'après les chiffres d'affaires nets ou bruts des marchandises sous licence, mais d'une manière plus fondamentale, celle de connaître les avantages que reçoit le payeur. Les éléments de preuve dans la présente affaire sont que la Redevance aux athlètes est payée par l'appelant en contrepartie des avantages que l'appelant retire des services de publicité fournis par les athlètes. En outre, cette question est liée à celle de savoir si les paiements peuvent même être considérés comme étant des « redevances » au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Les avocats ont soutenu que l'examen par la Cour fédérale de la façon dont le Tribunal a abordé la question dans l'affaire Reebok appuie la conclusion que la Redevance aux athlètes n'est pas une redevance au sens du sous-alinéa susmentionné.

Traitant ensuite la question de « condition de la vente », les avocats de l'appelant ont soutenu que la décision de la Cour fédérale a confirmé la façon dont le Tribunal a généralement traité du critère de la « condition de la vente » énoncé dans l'affaire Reebok et l'a appliqué lors d'affaires subséquentes. Ils ont déclaré que, dans chaque affaire, la question de fait à laquelle il faut répondre consiste à déterminer si le vendeur des marchandises oblige, implicitement ou explicitement, le titulaire de licence à payer une redevance au concédant en tant que condition préalable à l'achat des marchandises, de telle sorte qu'en cas de non-paiement, le titulaire de licence ne pourrait acheter les marchandises. Les avocats ont réitéré leurs arguments qui démontrent que la Redevance n'est pas une condition expresse de la vente. En plaidant qu'elle n'était pas non plus une condition implicite de la vente, les avocats ont à nouveau exposé les différences entre les circonstances dans le présent appel et celles dans l'affaire susmentionnée au plan des rapports commerciaux et juridiques des parties intéressées.

L'avocat de l'intimé a en premier lieu abordé certaines propositions générales au sujet des dispositions de la Loi dans sa plaidoirie. Il a soutenu que le Tribunal doit particulièrement porter attention à la définition de l'expression « prix payé ou à payer ». Cette définition est très vaste et, selon l'avocat, elle englobe tous les paiements versés ou à verser, directement ou indirectement, relativement aux marchandises, au vendeur ou à son profit. De plus, la portée de la définition s'étend manifestement au-delà du prix convenu entre l'acheteur et le vendeur, comme l'a indiqué l'appelant. L'avocat a fait valoir que l'appelant a non seulement considéré le « prix payé ou à payer » mais aussi la « valeur transactionnelle » comme équivalant le prix convenu entre l'acheteur et le vendeur.

L'avocat de l'intimé a indiqué que, au sens large des termes de l'introduction du paragraphe 48(5) de la Loi, la seule interprétation à donner aux ajustements énoncés au sous-alinéa 48(5)a)(iv) est qu'ils incluent les paiements qui ne sont pas versés au profit du vendeur. De plus, le sens de l'expression « valeur transactionnelle », considérée dans le contexte d'une telle lecture large, indique que la valeur transactionnelle représente la valeur réelle des marchandises au moment de l'importation. Cette valeur inclut non seulement le prix qui pourrait comprendre les paiements spécifiques au vendeur mais aussi les paiements de tous genres qui peuvent être quantifiés pour reconstituer la valeur réelle des marchandises. L'importance d'une telle façon de voir dans la présente affaire est manifeste, parce que les éléments de preuve montrent que les marchandises qui portent une marque de commerce bien connue, comme NIKE, auront une plus grande valeur que les mêmes marchandises qui n'en portent pas.

L'avocat de l'intimé a invité le Tribunal à ne pas perdre de vue les arguments susmentionnés, puis a abordé l'examen des dispositions expresses du paragraphe 48(5) de la Loi.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté la Reine [13] , il convient d'accorder aux mots « relatifs aux », la portée la plus large possible. Pour pouvoir dire qu'un paiement n'est pas « relatif aux » marchandises, il faudrait presque, selon l'avocat, démontrer l'absence absolue de relation entre le paiement et les marchandises. L'avocat a avancé que le libellé de la disposition 9.1 du contrat de 1992 empêche toute possibilité de prétendre que la Redevance et la Redevance aux athlètes n'étaient pas « relati[ves] aux » marchandises importées par l'appelant. Quant au montant de la Redevance aux athlètes, l'avocat a déclaré que l'intimé n'en a pas traité d'une façon distincte dans ses exposés parce que ce montant est en pratique intégré aux paiements de la Redevance et devrait être traité sur un pied d'égalité.

En ce qui a trait à la question de savoir si le paiement de la Redevance a été une « condition de la vente » des marchandises pour exportation, l'avocat de l'intimé a soutenu que la position de l'appelant était, en réalité, que, puisque l'appelant n'est pas tenu de payer des droits en vertu des modalités de l'achat comme tel, alors ces droits ne sont pas une condition de la vente. L'avocat a renvoyé le Tribunal à l'extrait suivant de l'affaire Reebok, qui, selon lui, décrète le contraire :

Le fait que les termes « en tant que condition de la vente » mentionnés au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi soient précédés des mots « directement ou indirectement » donne à penser que, même si un droit peut ne pas être exigé conformément aux modalités de l'achat lui-même, il peut être considéré comme une condition de la vente tant qu'il existe un lien entre lui et les marchandises achetées [14] .

Il a soutenu que la question que le Tribunal doit se poser à cet égard est celle de savoir si l'importateur aurait pu acheter et importer les marchandises ou aurait pu faire l'achat et l'importation de ces dernières en l'absence du contrat de licence. Si ce n'est pas le cas, les droits sont alors une condition de la vente des marchandises pour exportation.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, à la lumière des éléments de preuve dans les présents appels, le Tribunal doit répondre par la négative à la question susmentionnée. Il a appuyé son argument sur divers facteurs, dont les plus importants touchent le lien entre les diverses sociétés du groupe NIKE et la manière selon laquelle les marchandises sont commandées et expédiées. Il a renvoyé à certains attendus de l'Accord de partage des frais intersociétés à l'appui de la proposition selon laquelle l'appelant poursuit l'activité commerciale de NIKE au Canada, NIKE étant soit NIKE, Inc. soit NIKE International. Il a soutenu que les éléments de preuve montrent que toutes les parties intéressées envisagent clairement de passer un contrat de licence et qu'il s'agit là d'un préalable absolu pour que l'appelant puisse faire des affaires. L'avocat a soutenu que la façon dont les marchandises sont commandées et expédiées montre que, comme dans l'affaire Reebok, NIKE, Inc. exerçait un contrôle concret de la fabrication des marchandises par les usines et que l'appelant n'aurait pas reçu les marchandises s'il n'avait pas signé le contrat de licence. Il s'ensuit que le paiement de la Redevance est manifestement une condition de la vente des marchandises pour exportation. Quant aux arrangements convenus entre l'appelant et Bata, l'avocat a soutenu qu'il s'est agi d'une situation très exceptionnelle qui s'est produite avant la période de vérification en question.

En ce qui a trait à la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Reebok, l'avocat de l'intimé a soutenu que les faits dans la présente affaire sont pratiquement identiques aux faits que la Cour fédérale a jugés pertinents. Quant à la question de savoir si la Redevance a été versée « relati[vement] aux » marchandises sous licence, l'avocat a mentionné la concession de l'appelant concernant cette question. En ce qui concerne la Redevance aux athlètes, l'avocat a soutenu que le Tribunal a antérieurement statué que, lorsque le montant d'une redevance varie selon la valeur des marchandises en question, cette redevance est versée relativement auxdites marchandises. Rien dans la décision rendue dans l'affaire Reebok n'altère ce critère et par conséquent, d'après les faits de la présente affaire, la Redevance aux athlètes est payée relativement aux marchandises sous licence.

Abordant ensuite la question de « condition de la vente », l'avocat de l'intimé a soutenu que la Cour fédérale a reconnu, dans l'affaire Reebok, que l'omission de verser la redevance donnerait lieu à un redressement, de la part du concédant, et à la possibilité de perte de tout droit de commercialisation des marchandises portant la marque de commerce par le titulaire de la licence. Dans les présents appels, le non-paiement des redevances peut entraîner l'annulation du contrat de 1992 et, dans une telle situation, l'appelant n'aurait plus le droit d'utiliser aucune des marques de commerce NIKE au Canada. En outre, l'avocat a soutenu que les points soulevés par l'appelant pour établir la différence entre la présente affaire et l'affaire Reebok ne sont pas pertinents à la lumière de ceux que la Cour fédérale a considérés comme l'étant. Par conséquent, la Redevance est un montant qui doit être versé en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada et doit s'ajouter au prix payé ou à payer dans le calcul de la valeur en douane des marchandises en cause. L'avocat a soutenu que les éléments de preuve relatifs à la Redevance aux athlètes révèlent un lien avec les marchandises d'une façon similaire à celle qu'a reconnue la Cour fédérale dans l'affaire Reebok, en ce que le non-paiement entraînerait l'impossibilité pour l'appelant de vendre des marchandises NIKE à l'avenir. La Redevance aux athlètes doit donc aussi être ajoutée au prix payé ou à payer pour établir la valeur en douane des marchandises en cause.

Dans leur réponse, les avocats de l'appelant ont fait valoir que l'intimé n'a cité aucune source à l'appui de ce qu'ils qualifient de perspective démodée et beaucoup trop englobante des dispositions de la Loi en cause. Il s'agit là d'une position qui contraste avec les arguments de l'appelant fondés sur l'Accord relatif à la mise en œuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [15] , couramment connu à titre de Code, et la Loi qui, selon les avocats, laisse penser que, d'une façon générale, la valeur des biens incorporels n'est pas censée être incluse dans la valeur en douane sauf dans des circonstances très spécifiques. En ce qui a trait à la valeur supplémentaire d'un produit qui pourrait découler de l'utilisation d'une marque de commerce particulière, les avocats ont soutenu que le produit acquiert cette valeur dans le pays d'importation ou de vente et qu'il est incorrect d'ajouter à la valeur en douane d'un produit une valeur qui n'est réalisée qu'après l'importation. Quant à la Redevance aux athlètes, les avocats ont demandé que le Tribunal examine le lien entre les services fournis par les athlètes et les paiements versés relativement aux marchandises qui sont vendues au Canada. Les avocats ont avancé que ces deux éléments ne sont pas liés. Par conséquent, le paiement ne satisfait pas le critère désigné pour les termes « relatifs aux ». Les avocats n'ont pas contesté que l'appelant, pour faire des affaires, devait d'abord conclure un contrat de licence. Cependant, selon eux, ainsi que les avis consultatifs le montrent, cela ne fait pas de l'approvisionnement en marchandises une condition du paiement d'une redevance. Si tel était le cas, il n'y aurait jamais eu de différend requérant une décision du Tribunal.

Le Tribunal est d'avis que la Redevance aux athlètes n'est pas une redevance ou un droit de licence au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi et, par conséquent, qu'elle ne doit pas être ajoutée au prix payé ou à payer pour les marchandises importées portant la marque de commerce NIKE pour établir la valeur en douane desdites marchandises. Le Tribunal est d'accord avec l'appelant sur le fait que ces paiements ne sont pas relatifs aux marchandises, mais plutôt à des services, fournis par des athlètes, qui ne sont pas suffisamment liés à l'importation des marchandises pour que lesdits paiements entrent dans le champ d'application de la disposition en question.

Quant à la Redevance, le Tribunal fait d'abord observer la concession de l'appelant dans ses exposés en réponse à la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Reebok, concernant la question de savoir s'il peut être dit des paiements de la Redevance qu'ils sont « relatifs aux » marchandises en cause. Le Tribunal est d'accord avec les parties que, dans le contexte de la présente affaire, ces paiements sont des paiements de redevance et sont « relatifs aux » marchandises en cause. Cependant, la question de savoir si les paiements sont une condition de la vente pour exportation au Canada est plus complexe.

Le Tribunal fait observer que, bien que la décision de la Cour fédérale semble confirmer le critère du Tribunal indiqué par l'expression « tant qu'il existe un lien », le Tribunal est d'avis que la Cour fédérale va plus loin que le Tribunal ne l'avait fait dans l'affaire Reebok en soulignant l'importance du fait que les redevances étaient relatives à l'utilisation et à la vente exclusives de marchandises portant des marques de commerce de valeur et constituaient des versements se rapportant aux droits de propriété intellectuelle de valeur liés à l'achat et à la vente des marchandises en question [16] . Le Tribunal fait aussi observer que la Cour fédérale a déclaré que, selon elle, la décision du Tribunal dans l'affaire Reebok était cohérente avec l'évolution de la jurisprudence sur cette question. La Cour fédérale a ensuite mentionné la décision du Tribunal dans l'affaire Polygram et la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Signature Plaza. Le Tribunal souhaite commenter ces décisions et les décisions qu'il a rendues après les affaires Polygram et Reebok, par exemple dans les affaires Jana et Mattel.

Dans les affaires susmentionnées et, plus précisément, comme la Cour d'appel fédérale l'a souligné dans l'affaire Signature Plaza, la question de l'identité du vendeur des marchandises est d'une importance cruciale pour déterminer s'il peut être dit d'une redevance qu'elle est une condition de la vente pour exportation. Le Tribunal fait observer que, dans les présents appels, les parties ont convenu que le vendeur est les sociétés de fabrication d'Asie et non NIKE, Inc. De ce fait, les présents appels sont différents des affaires Reebok et Signature Plaza. De plus, le Tribunal n'est pas convaincu, d'après les éléments de preuve dont il dispose, que les fabricants dans les présents appels ne vendraient pas à l'appelant à moins que la Redevance ait été payée à NIKE Ireland. Aucun élément de preuve n'indique l'existence d'une exigence selon laquelle l'appelant doit établir un tel paiement à la satisfaction du fabricant avant la conclusion de la vente pour exportation. Cela dit, le Tribunal reconnaît qu'il est improbable que la vente aurait eu lieu en l'absence d'un contrat de licence.

Le Tribunal a déjà indiqué dans le cadre de décisions antérieures qu'un tel fait ne suffit pas à lui seul pour faire d'un paiement de redevance une condition de la vente entre l'appelant et les fabricants. Sinon, il ne se présenterait pratiquement jamais de cas où un tel paiement n'aurait pas été inclus dans la valeur en douane aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. De l'avis du Tribunal, telle n'est pas l'intention de la disposition. Comme il est indiqué dans les avis consultatifs, et comme le Tribunal l'a mentionné dans l'affaire Jana, lorsque l'obligation de verser la redevance est prévue dans un accord distinct sans rapport à la vente pour exportation des marchandises ou lorsque l'acheteur n'est pas tenu de payer la redevance pour acheter les marchandises, le montant de la redevance ne doit pas être ajouté à la valeur en douane des marchandises [17] .

Le Tribunal est aussi convaincu que les autres éléments de preuve se rapportant à la question du « contrôle » exercé par NIKE, Inc. sur le procédé de fabrication dans les présents appels révèlent un degré de « contrôle » moindre que celui qui a été constaté dans l'affaire Reebok ou Signature Plaza. L'appelant a payé d'une façon distincte pour l'aide en développement et en conception dans le cadre de l'ARFRD. En outre, l'appelant disposait, à un degré considérable, de l'autonomie nécessaire pour obtenir des produits de sa propre initiative, et s'en est servi. Un tel état des choses est illustré par le fait que, au cours de la période de vérification, l'appelant s'est procuré 20 p. 100 de ses marchandises directement auprès de sources nationales.

Cependant, ainsi qu'il a été fait observer ci-dessus, la Cour fédérale n'a pas spécifiquement porté son attention sur de telles distinctions. Plutôt, la Cour fédérale a indiqué que, puisque les redevances étaient liées à l'usage et à la vente en exclusivité de marchandises portant des marques de commerce de valeur et qu'il s'agissait de paiements relatifs à des droits de propriété intellectuelle de valeur associés à l'achat et à la vente des marchandises en question, lesdites redevances doivent être considérées comme étant une condition de la vente pour exportation au Canada et, de ce fait, doivent être incluses dans la valeur en douane. Les deux éléments susmentionnés s'appliquent aussi dans les présents appels. À la lumière de la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Reebok, le Tribunal conclut donc que la Redevance doit être considérée comme étant une condition de la vente pour exportation et, de ce fait, doit être incluse dans la valeur en douane des marchandises en cause.

Par conséquent, les appels sont admis en ce qui concerne la Redevance aux athlètes et rejetés en ce qui concerne la Redevance.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Pièce A-3 (protégée).

3. [1997] A.C.F. no 924, no du greffe T-864-94, le 30 juin 1997.

4. Mémoire confidentiel de l’appelant, onglet 15.

5. Ibid. onglet 18.

6. Ibid. onglet 17.

7. Appels nos AP-89-151 et AP-89-165, le 7 mai 1992.

8. Renvoi spécifique aux Avis consultatifs 4.8 et 4.13, Redevances et droits de licence dans l'article-8.1 c) de l'Accord, Accord du GATT et Textes du Comité technique de l'évaluation en douane, Conseil de coopération douanière, Bruxelles.

9. Appel no AP-92-224, le 1er septembre 1993.

10. Appel no AP-94-150, le 3 septembre 1996.

11. Appels nos AP-95-126 et AP-95-255, le 15 janvier 1997.

12. Non publiée, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-453-90, le 18 février 1994.

13. [1983] 1 R.C.S. 29. [Note du réviseur] Les mots anglais « in respect of » ont été rendus en français, dans l'affaire Nowegijick, par les mots « quant à » alors que l'on retrouve l'expression « relatifs aux » à l'alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.

14. Supra note 9 à la p. 6.

15. Genève, mars 1980, GATT IBDD, 26e suppl. à la p. 127.

16. Supra note 3, paragraphe 24.

17. Supra note 8 et note 10 à la p. 11.


Publication initiale : le 13 novembre 1997