BRISTOL UNIFORMS NORTH AMERICA INC.

Décisions


BRISTOL UNIFORMS NORTH AMERICA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-253

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 14 janvier 1997

Appel n o AP-95-253

EU ÉGARD À un appel entendu le 3 juin 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 7 décembre 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BRISTOL UNIFORMS NORTH AMERICA INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant le classement tarifaire de certaines « tenues d'intervention », ou ensembles de protection constitués d'un manteau et d'un pantalon, devant servir aux sapeurs-pompiers. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6211.33.00 à titre d'autres vêtements de fibres synthétiques ou artificielles et dans le numéro tarifaire 6203.43.00 à titre de pantalons pour hommes de fibres synthétiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans la position no 62.10 à titre de vêtements confectionnés en produits de la position no 56.02, 56.03, 59.03, 59.06 ou 59.07, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. La position proposée par l'appelant indique qu'on doit y classer les vêtements confectionnés en produits de certaines positions. Le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont confectionnées, en partie, en un des produits visés et doivent être classées dans la position no 62.10.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 3 juin 1996 Date de la décision : Le 14 janvier 1997
Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Raynald Guay, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Brenda C. Swick-Martin, Julie Lane et Ken Sorensen, pour l'appelant Lubomyr Chabursky, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national en application de l'article 63 de la Loi. À différentes occasions entre le 2 août 1993 et le 28 juin 1994, l'appelant a importé au Canada des « tenues d'intervention », ou ensembles de protection constitués d'un manteau et d'un pantalon, devant servir aux sapeurs-pompiers.

Lors de leur importation, les manteaux ont été classés dans le numéro tarifaire 6201.13.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] et les pantalons ont été classés dans le numéro tarifaire 6203.43.00. L'appelant a demandé une révision de ces classements tarifaires en application de l'article 60 de la Loi, au terme duquel l'intimé a classé les tenues dans le numéro tarifaire 6210.10.00 à titre de vêtements confectionnés en produits de la position no 56.02 ou 56.03. L'appelant a ensuite demandé un réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi. Dans une décision rendue le 7 décembre 1995, l'intimé a fait savoir que les manteaux avaient été classés dans le numéro tarifaire 6211.33.00 et que les pantalons avaient été classés dans le numéro tarifaire 6203.43.00.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans les numéros tarifaires susmentionnés, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans la position no 62.10 à titre de vêtements confectionnés en produits de la position no 56.02, 56.03, 59.03, 59.06 ou 59.07, comme l'a soutenu l'appelant. L'intimé a reconnu que, si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 62.10, elles sont admissibles à l'exonération des droits de douane sous forme de concessions prévue au code 1001 de l'annexe II du Tarif des douanes à titre de « [s]caphandres de protection et leurs parties [de la position no] [...] 62.10 [...] pour usage dans l'air empoisonné [3] ».

Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire à l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivantes :

56.02 Feutres, même imprégnés, enduits, recouverts ou stratifiés.

5602.10 -Feutres aiguilletés et produits cousus-tricotés

5603.00 Nontissés même imprégnés, enduits, recouverts ou stratifiés.

62.03 Costumes ou complets, ensembles, vestons, pantalons, salopettes à bretelles, culottes et shorts (autres que pour le bain), pour hommes ou garçonnets.

6203.43 --De fibres synthétiques

62.10 Vêtements confectionnés en produits des nos 56.02, 56.03, 59.03, 59.06 ou 59.07.

62.11 Survêtements de sport (trainings), combinaisons et ensembles de ski maillots, culottes et slips de bains; autres vêtements.

-Autres vêtements, pour hommes ou garçonnets :

6211.33.00 --De fibres synthétiques ou artificielles

Les manteaux et les pantalons qui constituent les marchandises en cause sont faits de matières identiques. Ils comptent tous trois couches :

couche extérieure - couche de finition en tissu connu dans l'industrie de la confection spécialisée sous l'appellation Nomex III;

couche intermédiaire - écran imperméable en nontissé spunlaced de Kevlar, laminé d'une membrane plastique étanche connue dans l'industrie sous l'appellation Tetratex;

couche intérieure - écran anti-chaleur en feutre aiguilleté, de fibres synthétiques ou artificielles, en sandwich entre un tissu à armure toile de Kermel Viscose et une épaisseur de feutre de Kevlar.

Avant de traiter de l'examen des éléments de preuve et de la plaidoirie, le Tribunal fait observer que les parties ont consacré passablement de temps dans le présent appel à traiter d'aspects portant sur la deuxième couche des marchandises en cause et, plus précisément, sur la question de savoir si la membrane plastique comprise dans cette couche était de plastique « alvéolaire ». Le Tribunal n'a pas retracé cette partie de la preuve et de la plaidoirie pour des motifs qui deviendront évidents ci-dessous.

Preuve

Les avocats de l'appelant ont convoqué quatre témoins. Le premier témoin a été M. Ian W.D. Hill, directeur général de la société Bristol Uniforms Ltd. Il a déclaré que, des 700 à 1 000 tenues d'intervention que l'appelant confectionne en moyenne par semaine, presque toutes sont vendues à des services de lutte contre l'incendie. L'appelant confectionne des vêtements de protection depuis plus de 40 ans et vend des tenues d'intervention dans plus de 75 pays. Ces dernières sont confectionnées selon les normes techniques des divers pays pour les vêtements de protection contre le feu.

M. Hill a déclaré que la résistance d'un vêtement à la chaleur transmise par rayonnement ou par convection est le « dénominateur commun » des normes techniques établies en Europe, au Canada et aux États-Unis. Cet attribut est principalement fonction de l'écran anti-chaleur, la couche intérieure des marchandises en cause. Tous les ensembles de protection des sapeurs-pompiers confectionnés par l'appelant comprennent cet écran. Selon M. Hill, sans l'écran anti-chaleur, aucune tenue ne réussirait les essais établis dans les normes pertinentes du Canada, des États-Unis ou de l'Europe, ou celles de l'Organisation internationale de normalisation [4] .

M. Hill a affirmé que l'aptitude d'un vêtement à protéger un sapeur-pompier de la chaleur transmise par rayonnement est fondamentale et que, pris isolément, l'écran anti-chaleur est l'élément le plus important de tout vêtement de protection. Même composée d'une couche extérieure totalement ininflammable, une tenue sans un écran anti-chaleur n'offrirait guère de protection aux sapeurs-pompiers contre la chaleur transmise par rayonnement. En guise de comparaison, M. Hill a demandé au Tribunal d'imaginer une feuille de métal placée au-dessus d'une flamme : ni la chaleur transmise à travers la feuille ni la flamme ne serait visible, mais quelqu'un qui toucherait cette feuille serait brûlé presque instantanément.

Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à M. Hill si les trois couches de l'écran anti-chaleur étaient cousues à la façon d'un matelassé. Il a indiqué qu'il existe diverses façons de décrire la couture de l'écran anti-chaleur. Il a reconnu que certains pourraient parler de matelassage, mais a désigné la méthode comme une simple piqûre. Il a expliqué que, bien que Bristol Uniforms Ltd. n'ait fixé autrefois l'écran anti-chaleur que par un simple procédé de piqûre aux coutures des marchandises en cause, elle a récemment commencé à se servir du point croisé pour améliorer l'intégrité et les propriétés structurelles de l'écran.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. Tom Francis, directeur des ventes chez Bristol Uniforms North America Inc. Il a décrit, en termes généraux, l'activité de l'appelant en Amérique du Nord. Au cours du contre-interrogatoire, M. Francis a reconnu que le mot « quilted » (« matelassé ») sert à décrire l'écran anti-chaleur dans certains documents publiés par l'appelant décrivant le produit. Il a également reconnu que, dans une lettre qu'il a fait parvenir à l'intimé relativement à cette question, il a décrit l'écran anti-chaleur comme étant « piqué en matelassé ». Enfin, M. Francis a convenu que l'écran anti-chaleur est relié aux autres couches par un point de piqûre dans un style matelassé.

Le troisième témoin de l'appelant a été M. Hugh J. Campbell, que le Tribunal a accepté à titre de témoin expert en matière d'inflammabilité et de composition chimique. M. Campbell est directeur, Feu et Inflammabilité, de la société ORTECH Corporation, une société de recherche qui fournit des services de recherche et de développement à l'industrie et au gouvernement, sur une formule de rémunération à l'acte. M. Campbell a dit bien connaître les marchandises en cause, puisque c'est ORTECH Corporation qui les a mises à l'essai dans le cadre de l'obtention par l'appelant de leur certification de l'Office des normes générales du Canada (ONGC).

M. Campbell a fait une longue déposition à propos de chacune des trois couches des marchandises en cause. Il a expliqué que l'écran anti-chaleur est lui-même constitué de trois couches : les deux couches externes sont en feutre et la couche intermédiaire est en Kermel Viscose.

M. Campbell fait partie du comité de l'ONGC chargé d'élaborer et de faire appliquer la norme sur les vêtements de protection, destinés aux sapeurs-pompiers [5] . M. Campbell a noté que la norme définit l'expression « écran anti-chaleur » comme suit : « [c]omposant conçu pour assurer la protection contre la chaleur ». Il a indiqué que l'article 5 de la norme établit diverses épreuves pour les vêtements de protection, la première consistant en un essai de détermination de la valeur de la protection thermique. Sur la foi de certains essais effectués sur les marchandises en cause, M. Campbell a exprimé l'opinion qu'elles ne satisferaient pas aux critères visés par l'essai de détermination de la valeur de la protection thermique si elles n'étaient pas dotées d'un écran anti-chaleur. Au cours du contre-interrogatoire, M. Campbell a reconnu que chacune des trois couches dont sont constituées les marchandises en cause vise une fonction distincte, mais que chacune est nécessaire à leur fonction de protection.

Le quatrième témoin de l'appelant a été M. Thomas B. Cartwright, chef du Service des incendies de Fort Erie (Ontario). M. Cartwright a déclaré avoir combattu des milliers d'incendies durant sa carrière. Il a décrit les conditions que les sapeurs-pompiers doivent affronter. Il a déclaré que, bien qu'il soit impossible de parler de température moyenne des incendies, il n'est pas rare que la température y atteigne les 1 000 degrés. Il a ajouté que sa plus grande inquiétude en tant que sapeur-pompier était le contact avec la chaleur que dégage un incendie.

L'avocat de l'intimé a appelé comme témoin Mme Leslie E. Behnia, chimiste au Laboratoire des produits organiques et denrées alimentaires, ministère du Revenu national. Le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en analyse des textiles. Mme Behnia a expliqué les divers termes pertinents dans les positions et les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [6] (les Notes explicatives) à l'étude. Elle a fait savoir que le terme « matelassé » décrit une situation où une couche de matière « de rembourrage » est jointe à d'autres couches de tissu ou disposée en sandwich entre ces couches, les diverses couches étant reliées par piqûre de fils externes ou par scellement à chaud. Au cours du contre-interrogatoire, Mme Behnia a exprimé l'avis que l'écran anti-chaleur était matelassé étant donné la piqûre entrecroisée.

Plaidoirie

Les avocats de l'appelant ont commencé leur plaidoirie en rappelant au Tribunal que l'appelant demandait l'exonération des droits de douane prévue au code 1001. Ils ont soutenu que les marchandises doivent satisfaire à quatre conditions pour être admissibles à l'exonération. Comme l'intimé a reconnu que les marchandises en cause satisfont trois de ces conditions, les avocats ont avancé que la seule question qui demeure en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent ou non être classées dans l'une ou l'autre des positions visées dans le code 1001 [7] . Les avocats ont fait valoir que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 62.10.

Les vêtements confectionnés en produits de la position no 56.02, 56.03, 59.03, 59.06 ou 59.07 peuvent être classés dans la position no 62.10. Les avocats de l'appelant ont renvoyé le Tribunal à la position no 56.02, qui s'applique aux « [f]eutres, même imprégnés, enduits, recouverts ou stratifiés ». Ils ont fait observer que les Notes explicatives de la position indiquent que les feutres peuvent être « recouverts sur l'une ou leurs deux faces (par collage, couture ou autrement) de tissu, de feuilles de papier, de carton, etc., [...] sous la réserve que l'élément feutre donne au produit obtenu sa caractéristique principale ». Les avocats ont soutenu que les Notes explicatives décrivent l'écran anti-chaleur des marchandises en cause, puisque l'écran est constitué de couches de feutre cousues à une couche de tissu.

En prévision de la plaidoirie de l'avocat de l'intimé, les avocats de l'appelant ont traité de l'applicabilité, à l'écran anti-chaleur, de la Note f) des Notes explicatives de la position no 56.02. Cette note exclut certains « produits textiles matelassés » de la position no 56.02, même s'ils sont en feutre. Les avocats ont fait valoir que le qualificatif « matelassé » qui décrit l'écran anti-chaleur dans les documents descriptifs du produit publiés par l'appelant n'est pas un facteur de détermination aux fins de classement tarifaire.

Les avocats de l'appelant ont ensuite revu avec le Tribunal les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [8] (les Règles générales). Ils ont d'abord renvoyé le Tribunal à la Règle 1, qui prévoit que le classement est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Les avocats ont ensuite attiré l'attention du Tribunal sur la Note 5 des Notes explicatives du Chapitre 62 :

Les vêtements susceptibles de relever à la fois du no 62.10 et d'autres positions du présent Chapitre [...] doivent être classés au no 62.10.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que les marchandises en cause devraient être classées dans la position no 62.10 parce qu'elles sont confectionnées en un produit, le feutre, pouvant être classé dans la position no 56.02. Ils ont cependant fait valoir que si le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont susceptibles de relever à la fois de la position no 62.10 et, comme le prétend l'intimé, des positions nos 62.03 et 62.11, alors, aux termes de la Note 5 des Notes explicatives du Chapitre 62, les tenues devraient être classées dans la position no 62.10.

Les avocats de l'appelant ont fait valoir que si le Tribunal n'était pas convaincu que la Règle 1 des Règles générales prévalait, la Règle 2 ne s'appliquant pas, le Tribunal devait alors appliquer la Règle 3 et, en particulier, la Règle 3 b). Cette règle prescrit que « [l]es produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents [...] sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel ». Selon l'exposé des avocats, l'écran anti-chaleur confère aux marchandises leur caractère essentiel, en ce qu'il protège les sapeurs-pompiers contre les principaux dangers auxquels ils sont confrontés lorsqu'ils luttent contre l'incendie, c.-à-d. la chaleur transmise par rayonnement et la flamme.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'intimé a reconnu que l'écran anti-chaleur des marchandises en cause est principalement fait de feutre. Il a soutenu que la notion de caractère essentiel n'est pas pertinente au présent appel. Il a déclaré que si le Tribunal estime que n'importe lequel des tissus précisés dans les positions indiquées dans la position no 62.10 sert dans la fabrication des marchandises en cause, alors la demande de l'appelant doit prévaloir.

Cependant, l'avocat de l'intimé a avancé qu'aucun des tissus utilisés dans la fabrication des marchandises en cause ne peut être classé dans les positions visées dans la position no 62.10. En ce qui a trait à l'écran anti-chaleur, l'avocat a soutenu que, même si l'écran est en feutre, un produit normalement classé dans la position no 56.02, il est exclu de cette position en vertu de la Note f) des Notes explicatives de cette position. La Note f) se lit comme suit :

Sont en outre exclus de [la position no 56.02] :

[...]

f) Les produits textiles matelassés en pièces, constitués d'une ou plusieurs couches de matières textiles associées à une matière de rembourrage, par piqûre, capitonnage ou autre cloisonnement, autres que les broderies du no 58.10 (no 58.11).

L'avocat de l'intimé a fait valoir que l'écran anti-chaleur est matelassé et entre donc dans le champ d'application de la Note f). Il s'est appuyé sur les éléments suivants :

• l'apparence de l'écran anti-chaleur qui, selon l'avocat, est piqué en points croisés, qui sont traditionnels au procédé du matelassage;

• divers documents diffusés par l'appelant décrivent l'écran anti-chaleur comme étant piqué en matelassé. Par exemple, le mot « matelassé » sert à maintes reprises pour décrire l'écran anti-chaleur dans la pièce B-2, le catalogue de l'appelant illustrant ses diverses tenues. Dans une lettre à l'intimé, l'appelant écrit que l'écran anti-chaleur est piqué en matelassé.

Décision

Le code 1001 prévoit des exonérations de droits de douane sous forme de concessions pour les scaphandres de protection et leurs parties visées par certaines positions de l'annexe I, y compris la position no 62.10. La position no 62.10 prescrit que les vêtements confectionnés en certains produits, y compris ceux visés dans la position no 56.02, peuvent être classés dans cette position. L'écran anti-chaleur des marchandises en cause est en feutre, un produit pouvant normalement être classé dans la position no 56.02. La question consiste donc à savoir si l'intimé peut correctement s'appuyer sur la Note f) comme motif d'exclusion de la position no 56.02 de l'écran anti-chaleur et donc, des marchandises en cause de la position no 62.10.

Pour qu'un article entre dans le champ d'application de la Note f), il doit s'agir :

• d'un produit textile matelassé en pièces,

• constitué d'une ou plusieurs couches de matières textiles,

• qui sont associées à une matière de rembourrage, par piqûre, capitonnage ou autre cloisonnement, autres que les broderies de la position no 58.10.

Bien que le Tribunal soit d'avis qu'il existe des motifs raisonnables pour appuyer l'affirmation que l'écran anti-chaleur répond aux deux premiers critères ci-dessus, le Tribunal n'est pas convaincu que l'écran satisfait le dernier critère. Plus précisément, le Tribunal est d'avis que l'écran anti-chaleur ne contient pas de « matière de rembourrage ». Pour en arriver à cette opinion, le Tribunal a examiné la définition que donnent certains dictionnaires des termes « pad » (« bourre ») et « padding » (« rembourrage »).

Par exemple, le dictionnaire The Random House Dictionary of the English Language [9] définit « padding » comme « material, as cotton or straw, used to pad something [10] » (« matière, comme du coton ou de la paille, utilisée pour rembourrer quelque chose ») et définit « pad » comme « a cushionlike mass of soft material used for comfort, protection, or stuffing [11] » (« une masse de matière souple, semblable à un coussin, utilisée pour le confort, la protection ou le remplissage »). Le Gage Canadian Dictionary [12] définit le terme « padding » comme « material used to pad with, such as foam rubber, cotton or synthetic fibre, or straw [13] » (« matière qui sert à rembourrer, comme le caoutchouc mousse, la fibre de coton ou synthétique, ou la paille ») et définit « pad » comme « something soft used for comfort, protection, or stuffing; cushion [14] » (« matière souple utilisée pour le confort, la protection, ou le remplissage; coussin »). Le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English [15] définit « pad » comme « cushion or soft stuffing used to diminish jarring, fill out hollows, absorb fluid, etc. [16] » (« coussin ou matière souple de remplissage qui sert à apporter les chocs, à combler les vides, à absorber les fluides, etc. »).

De l'avis du Tribunal, l'élément commun qui émerge des définitions de « rembourrage » touche la notion de munir d'un coussin pour amortir une surface dure ou un coup. Autrement dit, la notion de rembourrage est liée à un élément fonctionnel. De l'avis du Tribunal, aucune des matières utilisées dans la fabrication de l'écran anti-chaleur ne peut correctement être qualifiée de rembourrage. Les feutres qui servent dans l'écran ne sont pas conçus pour protéger la personne en tenue d'intervention contre des surfaces dures ou des coups et ne visent en rien cette fonction. Selon les éléments de preuve, ce sont plutôt les propriétés isolantes du feutre qui expliquent sa présence dans les tenues d'intervention. Ensemble, les diverses couches de l'écran anti-chaleur servent à protéger la personne qui le porte de la chaleur transmise par rayonnement, ce qui, d'après les témoignages entendus, est le danger premier qui confronte les sapeurs-pompiers.

En outre, bien qu'il soit difficile de l'exprimer par écrit, ayant eu l'occasion d'examiner concrètement les échantillons des écrans anti-chaleur soumis en preuve et d'évaluer leur poids, leur épaisseur et leur apparence générale, le Tribunal estime qu'aucune interprétation raisonnable ne mène à la conclusion que l'écran anti-chaleur contient une « matière de rembourrage ». Compte tenu des éléments susmentionnés, le Tribunal est d'avis que l'écran anti-chaleur n'entre pas dans le champ d'application de la Note f) et n'est donc pas exclu de la position no 56.02. Le Tribunal est d'avis que l'écran anti-chaleur, principalement fait de feutre, recouvert sur une face d'un tissu et cousu ensemble, peut être classé dans la position no 56.02. Par conséquent, les marchandises en cause sont confectionnées, au moins en partie, en un des produits visés dans la position no 62.10.

Le Tribunal fait observer que le procédé de piqûre en matelassé utilisé dans la production de l'écran anti-chaleur est une innovation relativement récente et en améliore l'intégrité et les propriétés structurelles, par rapport aux résultats obtenus avec l'ancienne méthode, qui consistait simplement à piquer ensemble les trois couches de l'écran aux coutures des marchandises en cause. Le tracé du piqué choisi est apparemment lié à la machinerie et à la technologie présentement disponibles et en usage, plutôt qu'à une volonté particulière de donner à l'écran anti-chaleur le tracé caractéristique, en pointes de diamant, d'un matelassé.

Cette conclusion, cependant, ne met pas un terme à la question. L'appelant demande le classement dans la position no 62.10. L'intimé a classé les marchandises en cause dans la position no 62.11 (dans le cas des manteaux) et dans la position no 62.03 (dans le cas des pantalons). La Note 5 des Notes explicatives du Chapitre 62 prévoit que les vêtements susceptibles de relever à la fois de la position no 62.10 et d'autres positions du Chapitre 62 doivent être classés dans la position no 62.10. C'est exactement le cas dans la présente affaire et le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 62.10 et, plus précisément, dans la sous-position no 6210.10, qui vise expressément, entre autres choses, les vêtements en produits de la position no 56.02.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Le paragraphe 68(2) du Tarif des douanes prévoit, notamment, que, qu’importe le fait qu’un produit soit assujetti à des droits de douane en vertu de l’annexe I, ces droits sont réduits ou supprimés si le produit appartient à l’une des catégories de marchandises établies à l’annexe II.

4. M. Hill fait partie des comités suivants à qui l’on a confié le mandat d’élaborer et de faire appliquer des normes techniques pour les vêtements de protection contre l’incendie : le British Standards Technical Committee, PSM/35, le Comité européen de normalisation, TC/165, et le Comité de l’Organisation internationale de normalisation. L’appelant est également représenté auprès du comité de l’Office des normes générales du Canada chargé des ensembles de protection.

5. Vêtements de protection contre la chaleur et les flammes, destinés aux sapeurs-pompiers, Norme nationale du Canada, préparée par l'Office des normes générales du Canada, Can/CGSB-155.1-M88, août 1988.

6. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

7. Le code 1001 prévoit un allégement tarifaire pour les « [s]caphandres de protection et leurs parties des positions nos 39.26, 40.15, 61.13, 61.16, 61.17, 62.10, 62.16, 62.17, 63.07, 64.02 ou 64.06 pour usage dans l'air empoisonné ».

8. Supra note 2, annexe I.

9. Deuxième éd., New York, Random House, 1987.

10. Ibid. à la p. 1393.

11. Ibid.

12. Toronto, Gage Publishing, 1983.

13. Ibid. à la p. 814.

14. Ibid.

15. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982.

16. Ibid. à la p. 735.


Publication initiale : le 3 avril 1997