BOSS LUBRICANTS

Décisions


BOSS LUBRICANTS
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-95-276 et AP-95-307

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 3 septembre 1997

Appels n os AP-95-276 et AP-95-307

EU ÉGARD À des appels entendus le 20 juin 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 4 décembre 1995 et 26 février 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BOSS LUBRICANTS Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont rejetés.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si l'huile importée par l'appelant est correctement classée dans le numéro tarifaire 2710.00.20 à titre d'autres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail; huiles et préparations d'huiles, d'une viscosité de 7,44 mm2/s ou plus à 37,8 °C, autres que les huiles blanches, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elle doit être classée dans le numéro tarifaire 2710.00.90 à titre d'autres huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Le Tribunal n'est pas convaincu que la première proposition du libellé du numéro tarifaire 2710.00.20, qui dénomme les huiles « en paquets pour la vente au détail », sert à modifier ou à autrement limiter la deuxième proposition dudit libellé. Autrement dit, les deux propositions du libellé du numéro tarifaire 2710.00.20 dénomment deux types distincts de marchandises, dont un seul englobe des marchandises qui doivent être en paquets pour la vente au détail. Une fois une telle prémisse établie, il ne peut être donné suite à l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2710.00.20 parce qu'elles ont été importées en vrac et n'étaient donc pas en paquets pour la vente au détail.

Lieux de l'audience par voie de vidéoconférence : Hull (Québec) et Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 20 juin 1997 Date de la décision : Le 3 septembre 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffiers : Margaret Fisher et Anne Jamieson
Ont comparu : Paul A. Kazakoff, pour l'appelant Janet Ozembloski, pour l'intimé





Les présents appels, entendus par un seul membre du Tribunal [1] , sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. Les appels portent sur le bon classement tarifaire de l'huile et des préparations d'huiles importées par l'appelant. Les parties ont convenues que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 27.10 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] , visant les « [h]uiles de pétrole ou de minéraux bitumineux, autres que les huiles brutes; préparations non dénommées ni comprises ailleurs, contenant en poids 70 % ou plus d'huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux et dont ces huiles constituent l'élément de base ». La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si l'huile importée par l'appelant est correctement classée dans le numéro tarifaire 2710.00.20 à titre d'autres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail; huiles et préparations d'huiles, d'une viscosité de 7,44 mm2/s ou plus à 37,8 °C, autres que les huiles blanches, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elle doit être classée dans le numéro tarifaire 2710.00.90 à titre d'autres huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux, comme l'a soutenu l'appelant.

Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

2710.00 Huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux, autres que les huiles brutes; préparations non dénommées ni comprises ailleurs, contenant en poids 70 % ou plus d'huiles de pétrole ou de minéraux bitumineux et dont ces huiles constituent l'élément de base.

2710.00.20 ---Autres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail; huiles et préparations d'huiles, d'une viscosité de 7,44 mm2/sec. ou plus à 37,8 °C, autres que les huiles blanches

2710.00.90 ---Autres

Nul ne conteste les éléments de preuve selon lesquels les marchandises en cause ont été importées en vrac et, par conséquent, n'étaient pas d'« [a]utres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail ». La position de l'appelant est que, puisqu'il est convenu que les marchandises n'étaient pas destinées à la vente au détail, elles ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2710.00.20. L'intimé avance que, puisque les deux dénominations de produits comprises dans le numéro tarifaire 2710.00.20 sont séparées par un point-virgule, il s'agit de deux dénominations de produits séparées et indépendantes. Autrement dit, les « huiles et préparations d'huiles, d'une viscosité de 7,44 mm2/sec. ou plus à 37,8 °C, autres que les huiles blanches » peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2710.00.20 même si elles ne sont pas en paquets pour la vente au détail.

La nature des marchandises en cause n'étant pas contestée, l'audience a immédiatement porté sur l'argument traitant de la fonction du point-virgule dans le libellé du numéro tarifaire 2710.00.20.

L'avocat de l'appelant a soutenu que l'interprétation du numéro tarifaire en question doit être basée sur le sens courant des mots et de la ponctuation de son libellé. L'avocat a soutenu que la première proposition du numéro tarifaire 2710.00.20 est la proposition principale et dénomme les huiles de graissage en paquets pour la vente au détail et que ce qui suit le point-virgule ne fait simplement qu'ajouter des précisions. Ainsi, selon l'exposé de l'avocat, pour être classées dans le numéro tarifaire 2710.00.20, les marchandises doivent être, entre autres, « en paquets pour la vente au détail ».

L'avocat de l'appelant a fait observer que, dans le mémoire de l'intimé et ensuite dans sa plaidoirie, l'avocate de l'intimé a, à maintes reprises, renvoyé à d'autres positions de l'annexe I du Tarif des douanes pour étayer la position de l'intimé selon laquelle le point-virgule dans le libellé du numéro tarifaire 2710.00.20 a servi à établir, en fait, deux dénominations de produits indépendantes ou qui s'excluent mutuellement. L'avocat de l'appelant a avancé que, à moins de parcourir la totalité de l'annexe I et d'analyser l'usage et la signification grammaticale du point-virgule à chacune de ses occurrences, la démarche de l'intimé, une démarche sélective, était incorrecte. Il a soutenu que le simple fait que le libellé des numéros tarifaires que l'avocate de l'intimé a choisi de mettre en évidence se prête à l'interprétation de l'intimé ne signifie pas que la même interprétation doit s'appliquer dans le cas présent.

L'avocat de l'appelant a ensuite cité une définition du terme anglais « semicolon » (« point-virgule ») tirée du dictionnaire The Oxford English Dictionary [4] :

In present use it is the chief stop intermediate in value between the comma and the full stop; usually separating sentences the latter of which limits the former, or marking off a series of sentences or clauses of co-ordinate value. [5]

(Selon l'usage contemporain, il s'agit de la pause principale dont la valeur se situe entre la virgule et une pause complète; s'emploie en général pour séparer des phrases dont la dernière limite la première, ou pour distinguer une série de phrases ou de propositions coordonnées.)

En appliquant la définition susmentionnée aux deux propositions du libellé du numéro tarifaire 2710.00.20, l'avocat de l'appelant a soutenu que la première proposition dudit numéro tarifaire, soit « Autres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail », modifie et limite l'interprétation de la deuxième proposition dudit numéro tarifaire, soit « huiles et préparations d'huiles, d'une viscosité de 7,44 mm2/sec. ou plus à 37,8 °C, autres que les huiles blanches ».

Le Tribunal a fait observer à l'avocat de l'appelant que la définition qu'il venait de citer comprenait les mots « the latter of which limits the former » (« dont la dernière limite la première ») (soulignement ajouté). Le Tribunal a fait observer que l'avocat s'est servi de cette définition à l'appui de son argument que la première proposition (the former [la première]) du numéro tarifaire 2710.00.20 modifie et limite l'interprétation de ce qui suit (the latter [la dernière]). Sur ce point, l'avocat a clairement exprimé le sens qui, selon lui, devrait être donné aux termes « latter» (« dernière ») et « former» (« première »). Dans l'exemple suivant, « A dog and a cat ran across the yard; the latter stopped») (Un chien et un chat ont traversé la cour en courant; ce dernier s'est arrêté »), l'avocat a déclaré que c'était le chien qui s'était arrêté. L'avocat a dit avoir consulté tant les dictionnaires d'Angleterre que des États-Unis à cet égard et a indiqué que sa construction des termes « première » et « dernière » était fondée sur l'usage britannique, soit le contraire de l'usage américain.

La consultation du dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English [6] n'a pas permis au Tribunal de prouver l'assertion de l'avocat de l'appelant concernant le sens des termes « former» (« première ») et « latter» (« dernière »). En vérité, la définition indique clairement que « latter» (« dernière ») signifie « second-mentioned of two, ... the last-mentioned of three or more [7] » (« parmi deux choses, la deuxième qui est mentionnée, [...] parmi trois choses ou plus, la dernière qui est mentionnée »). Étant donné qu'il s'agit là d'un point mineur dans les présents appels, il n'en sera pas fait autrement mention dans les présents motifs.

L'avocat de l'appelant a concédé que, si le point-virgule dans le libellé du numéro tarifaire 2710.00.20 était employé dans l'intention de séparer deux éléments distincts, alors la position de l'intimé serait juste. Cependant, il a soutenu qu'il existe, dans le numéro tarifaire 2710.00.20, « une ambiguïté apparente qui permet deux interprétations égales et convaincantes » [traduction]. Il a de plus soutenu que, lorsqu'une telle ambiguïté prévaut, elle doit être tranchée en faveur de l'appelant.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, en vérité, il convenait d'examiner d'autres numéros tarifaires pour faciliter la détermination de la fonction du point-virgule dans le numéro tarifaire 2710.00.20. Prenant à titre d'exemple le libellé de la position no 27.01, « Houilles; briquettes, boulets et combustibles solides similaires obtenus à partir de la houille », l'avocate a souligné la nature tout à fait distincte et séparée des marchandises séparées par le point-virgule.

L'avocate de l'intimé a cité la décision du Tribunal dans l'affaire John Martens Company c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] , à l'appui de la proposition selon laquelle le point-virgule dans le libellé de la position no 42.02 sépare deux séries d'éléments, établissant une distinction complète entre eux.

Le Tribunal n'a aucune peine à conclure que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2710.00.20. Pour arriver à sa décision, le Tribunal conclut que la description qui précède le point-virgule dans le libellé du numéro tarifaire 2710.00.20, soit « Autres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail », n'a aucun rapport avec la partie pertinente qui suit le point-virgule et en application de laquelle les marchandises en cause sont classées, et ne la qualifie ni ne la limite en aucune façon. Bien qu'il soit exact que le point-virgule puisse avoir deux fonctions différentes, dont une seule est de séparer, l'une de l'autre, des propositions indépendantes, le Tribunal est d'avis qu'une lecture ordinaire du libellé du numéro tarifaire 2710.00.20 fait manifestement ressortir que le point-virgule qui s'y trouve est employé à cette fin.

Il convient d'observer que le recours aux textes sous l'angle de la construction grammaticale et de l'usage corrects, bien qu'il puisse être utile en l'espèce, n'est pas déterminant étant donné que les documents sources considèrent l'usage du point-virgule dans des phrases complètes. Les postes et numéros tarifaires qui composent l'annexe I du Tarif des douanes sont, bien sûr, faits de propositions ou de séries de propositions. Cependant, le Tribunal est d'avis que l'absence de phrases complètes étaye la notion que les propositions qui se suivent sont indépendantes les unes des autres, qu'elles ont une valeur égale et qu'elles sont coordonnées. En vérité, dans la présente affaire, si l'intention avait été que la première proposition limite la deuxième, le libellé du numéro tarifaire 2710.00.20 aurait pu être rédigé ainsi qu'il suit : « Autres huiles de graissage, huiles et préparations d'huiles, autres que les huiles blanches, d'une viscosité de 7,44 mm2/s ou plus à 37,8 °C, en paquets pour la vente au détail ».

Une telle construction aurait confirmé que la limitation « en paquets pour la vente au détail » s'appliquait à toutes les marchandises.

Par conséquent, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Deuxième éd., Oxford, Clarendon Press, 1989.

5. Ibid. à la p. 952 .

6. Huitième éd., Oxford, Clarendon Press, 1990.

7. Ibid. à la p. 669.

8. Appel no AP-92-022, le 10 mai 1993.


Publication initiale : le 24 septembre 1997