PHILIPS ÉLECTRONIQUE LTÉE

Décisions


PHILIPS ÉLECTRONIQUE LTÉE
Appel no AP-95-224

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 18 décembre 1997

Appel n o AP - 95 - 224

EU ÉGARD À une question préliminaire de compétence relative à un appel interjeté au nom de la société Philips Électronique Ltée aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national visant à refuser de faire droit à des demandes de réexamen de classements tarifaires aux termes du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi sur les douanes.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par la présente, qu'il n'a pas compétence pour entendre le présent appel, étant donné que la décision rendue par le sous-ministre du Revenu national de refuser de faire droit à des demandes de réexamen de classements tarifaires aux termes du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi sur les douanes ne constitue pas une décision aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes. Par conséquent, l'appel est rejeté.

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le 15 juin 1992, le Tribunal a rendu sa décision dans l'affaire Philips Electronics Ltd. c. Le ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [1] . Le Tribunal a conclu que les « convertisseurs télécommandés destinés à être utilisés avec des téléviseurs » étaient correctement classés dans le numéro tarifaire 8529.90.30 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] en tant que parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des positions nos 85.25 à 85.28, qui englobent les appareils récepteurs de télévision domestiques. L'appel portait sur 16 importations de l'appelant. La première importation datait du 4 mai 1989. Subséquemment, l'intimé a procédé à des réexamens aux termes de l'alinéa 64e) de la Loi sur les douanes [3] (la Loi) relativement à un grand nombre d'importations pour appliquer la décision du Tribunal. L'intimé a refusé de procéder à des réexamens en ce qui concerne les marchandises importées avant le 4 mai 1989. Selon l'intimé, les marchandises importées avant le 4 mai 1989 n'étaient pas des « marchandises en cause » au sens du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi.

Dans une lettre du 24 mai 1995, l'appelant a déposé un appel auprès du Tribunal concernant cinq importations ayant eu lieu entre le 20 janvier 1988 et le 12 avril 1989, c.-à-d. avant le 4 mai 1989. Le Tribunal était d'avis que le présent appel soulevait les questions de compétence suivantes : 1) la question de savoir si une décision de l'intimé de refuser de faire droit à des demandes de réexamen de classements tarifaires aux termes du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi constitue une décision aux termes de l'article 67 de la Loi, c.-à-d. si le Tribunal a compétence pour entendre l'appel; 2) dans l'éventualité où le Tribunal conclut que la décision ne constitue pas une décision aux fins de l'article 67 de la Loi, s'il a compétence pour forcer l'intimé à s'acquitter de son obligation prévue à la loi. Dans une lettre du 28 mai 1997, le Tribunal a demandé à l'appelant et à l'intimé de présenter des exposés écrits sur ces questions. Les deux parties ont subséquemment déposé des mémoires.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes des articles 64 et 67 de la Loi sont les suivantes :

64. Le sous-ministre peut procéder au réexamen du classement tarifaire ou de l'appréciation de la valeur en douane des marchandises importées :

e) à tout moment, au cas où le nouveau classement ou la nouvelle appréciation résultant du réexamen donnerait effet, pour ce qui est des marchandises en cause, à une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la Cour fédérale ou de la Cour suprême du Canada, ou du sous-ministre en application de l'alinéa b), rendue au sujet :

(i) soit d'autres marchandises pareilles du même importateur ou propriétaire importées au plus tard à la même date que les marchandises en cause, si la décision porte sur le classement tarifaire des premières.

67. (1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du sous-ministre rendue conformément à l'article 63 ou 64 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du sous-ministre et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

Le représentant de l'appelant a soutenu que, lorsque les conditions énoncées dans le Mémorandum D11-6-3 [4] (le Mémorandum) sont satisfaites, l'intimé doit rendre une décision. Il a soutenu que, depuis la publication du Mémorandum, l'exercice des pouvoirs de l'intimé n'est plus facultatif, mais obligatoire. Puisque l'appelant a satisfait à toutes les conditions, l'intimé aurait dû rendre une décision. Le représentant a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Walker Exhausts, Division of Tenneco Canada Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] à l'appui de son argument, selon lequel la décision de l'intimé d'annuler toutes les demandes de réexamen des classements tarifaires des importations antérieures au 4 mai 1989 constitue une décision au sens de l'article 67 de la Loi et que, par conséquent, le Tribunal a compétence pour entendre l'appel. Il a soutenu que le sous-alinéa 64e)(i) de la Loi vise les marchandises importées au plus tard à la même date que les marchandises qui font l'objet d'un appel auprès du Tribunal ou de la Cour fédérale du Canada (la Cour fédérale). Par conséquent, l'intimé aurait dû procéder à un réexamen du classement des marchandises en cause.

L'avocate de l'intimé a renvoyé aux décisions du Tribunal dans les appels concernant la lunetterie [6] et dans l'affaire Fisher Scientific Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national [7] pour étayer son argument selon lequel le Tribunal n'a pas compétence pour entendre le présent appel. Dans les deux affaires susmentionnées, le Tribunal a statué que le refus de l'intimé d'exercer son pouvoir aux termes de l'article 64 de la Loi ne constitue pas une décision au sens de l'article 67 de la Loi. Seule une décision aux termes de l'article 64 de la Loi concernant le classement tarifaire de marchandises peut faire l'objet d'appel auprès du Tribunal. D'autres actions prises aux termes de l'article 64 de la Loi peuvent faire l'objet d'un réexamen par la Cour fédérale, mais non par le Tribunal.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la décision du Tribunal dans l'affaire Walker Exhausts s'inscrit dans des circonstances différentes des circonstances de la présente affaire, puisqu'elle concernait un appel d'une décision que l'intimé avait rendue aux termes de l'article 63 de la Loi. Elle a aussi fait observer que le Tribunal, dans les affaires susmentionnées, a refusé de suivre le raisonnement de l'affaire Walker Exhausts. L'avocate a soutenu que l'article 64 de la Loi ne donne pas à un importateur le droit de présenter une demande de réexamen et n'oblige pas l'intimé à considérer une telle demande. Elle a soutenu que le Mémorandum énonce les procédures selon lesquelles l'intimé peut procéder au réexamen du classement tarifaire ou de l'appréciation aux termes du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi, mais que le mécanisme qui y est établi ne confère pas à un importateur le droit de présenter des demandes aux termes de l'article 64 de la Loi.

Appuyant de nouveau son argument sur les appels concernant la lunetterie et sur l'affaire Fisher Scientific, l'avocate de l'intimé a soutenu que le Tribunal n'a pas le pouvoir de forcer l'intimé à procéder à un réexamen. Elle a soutenu que toute ordonnance obligeant l'intimé à procéder à un réexamen serait une ordonnance de mandamus, un redressement équitable que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'accorder.

Dans les appels concernant la lunetterie et dans l'affaire Fisher Scientific, le Tribunal a conclu, à la lumière de la décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Mueller Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national et le sous - ministre du Revenu national [8] , que, pour que le Tribunal ait compétence pour entendre un appel aux termes de l'article 67 de la Loi, l'intimé doit avoir clairement rendu une décision sur le bien-fondé du classement tarifaire. Comme dans les appels concernant la lunetterie et dans l'affaire Fisher Scientific, tel n'est pas le cas dans le présent appel. Le Tribunal reprend le même raisonnement que dans les deux affaires susmentionnées et est d'avis que le refus de l'intimé de faire droit aux demandes de réexamen de classements tarifaires aux termes de l'article 64 de la Loi ne constitue pas une décision aux fins de l'article 67 de la Loi.

Dans les appels concernant la lunetterie et dans l'affaire Fisher Scientific, le Tribunal a traité des deux arguments soulevés par le représentant de l'appelant en l'espèce, c.-à-d. son argument concernant l'importance du Mémorandum et son renvoi à la décision du Tribunal dans l'affaire Walker Exhausts. Le Tribunal adopte le même raisonnement que dans les appels concernant la lunetterie et dans Fisher Scientific pour rejeter les deux arguments. Dans les affaires susmentionnées, le Tribunal a conclu que le Mémorandum énonce les procédures selon lesquelles l'intimé peut procéder au réexamen du classement tarifaire ou de l'appréciation aux termes du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi, mais que le mécanisme qui y est établi ne confère pas à un importateur le droit de présenter des demandes aux termes de l'article 64 de la Loi. Le Tribunal a déclaré que l'article 64 de la Loi ne donne pas à un importateur le droit de demander un réexamen et n'oblige pas l'intimé à considérer de telles demandes. Quant à l'affaire Walker Exhausts, le Tribunal a déclaré qu'il est un principe reconnu de droit administratif selon lequel les tribunaux administratifs ne sont pas liés par leurs décisions antérieures, bien qu'ils doivent s'efforcer d'être cohérents [9] . Le Tribunal a aussi statué que, quoi qu'il en soit, les faits dans l'affaire Walker Exhausts étaient suffisamment différents de ceux des appels concernant la lunetterie et de l'affaire Fisher Scientific. Le Tribunal a exprimé l'avis que la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Mueller semblait être beaucoup plus pertinente, et il s'est donc inspiré de cette dernière.

Enfin, le Tribunal est d'avis que toute ordonnance obligeant l'intimé à procéder à un réexamen serait une ordonnance de mandamus, un redressement équitable que le Tribunal n'a clairement pas le pouvoir d'accorder. L'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [10] prévoit explicitement que seule la Cour fédérale a compétence pour rendre une telle ordonnance.

Le Tribunal conclut donc qu'il n'a pas compétence pour entendre le présent appel, étant donné que la décision de l'intimé de refuser de faire droit à des demandes de réexamen de classements tarifaires aux termes du sous-alinéa 64e)(i) de la Loi sur les douanes ne constitue pas une décision aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. Appel no AP-90-211.

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

4. Politique administrative concernant les réexamens aux termes de l'alinéa 64e) de la Loi sur les douanes, ministère du Revenu national, le 20 juillet 1994.

5. Appel no AP-93-063, le 6 juillet 1994.

6. Le 7 mai 1996.

7. Appel no AP-94-324, le 7 mai 1996.

8. Non publié, Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, no du greffe T-746-93, le 15 novembre 1993.

9. Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 R.C.S. 756; supra note 6 à la p. 7; et supra note 7 à la p. 6.

10. L.R.C. (1985), ch. F-7.


Publication initiale : le 23 mars 1998