LES PRODUITS MAISON JASCOR INC.

Décisions


LES PRODUITS MAISON JASCOR INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-277

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 3 décembre 1996

Appel n o AP-95-277

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 août 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2esuppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 23 et 24 novembre 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LES PRODUITS MAISON JASCOR INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si un appareil décrit comme un «siphon à crème fouettée» est correctement classé dans le numéro tarifaire 8205.51.00 à titre d'outil ou outillage à main d'économie domestique, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 8210.00.00 à titre d'appareil mécanique actionné à la main utilisé pour préparer les aliments, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que l'expression «non dénommés ni compris ailleurs» de la position no 82.05 signifie que, si le produit en cause est dénommé ou compris dans la description d'une autre position, il doit être classé dans cette autre position et non dans la position no 82.05. Le Tribunal conclut que le siphon à crème fouettée répond à la description, énoncée à la position no 82.10, d'un appareil mécanique actionné à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, utilisé pour préparer, conditionner ou servir les aliments ou les boissons. L'ouverture et la fermeture de la soupape d'admission en réaction à la pression exercée sur ses parties mobiles par l'oxyde nitreux comprimé sont, de l'avis du Tribunal, une opération mécanique. De plus, les dispositifs mécaniques de l'appareil sont suffisamment complexes pour répondre à la définition d'«appareils mécaniques» énoncée dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (lesNotes explicatives) de la position no 82.10, c'est-à-direun appareil qui comporte «des mécanismes, tels que manivelles, engrenages, dispositifs à vis d'Archimède, pompe». Considéré comme un tout, le produit en cause a au moins autant de dispositifs mécaniques que plusieurs des appareils mécaniques donnés en exemple dans les Notes explicatives de la position no 82.10. De plus, de l'avis du Tribunal, la fonction d'un de ces exemples, soit les batteurs à crème, est la même que celle du produit en cause.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 7 août 1996 Date de la décision : Le 3 décembre 1996
Membre du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Guy A. Blouin, pour l'intimé





Le présent appel, qui a été entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si un appareil décrit comme un «siphon à crème fouettée» est correctement classé dans le numéro tarifaire 8205.51.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'outil et outillage à main d'économie domestique, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 8210.00.00 à titre d'appareil mécanique actionné à la main utilisé pour préparer les aliments, comme l'a soutenu l'appelant. Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

82.05 Outils et outillage à main (y compris les diamants de vitriers) non dénommés ni compris ailleurs; lampes à souder et similaires; étaux, serre-joints et similaires, autres que ceux constituant des accessoires ou des parties de machines-outils; enclumes; forges portatives, meules avec bâtis, à main ou à pédale.

8205.51.00 --D'économie domestique

8205.51.00.10 -----Ouvre-boîtes

8205.51.00.90 -----Autres

8210.00.00 Appareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, utilisés pour préparer, conditionner ou servir les aliments ou les boissons.

8210.00.00.10 -----Appareils à hacher, à couper, à trancher, à émincer ou à déchiqueter les aliments

8210.00.00.20 -----Ouvre-boîtes

8210.00.00.30 -----Mélangeurs

8210.00.00.90 -----Autres

Comparaissant à titre de témoin de l'appelant, M. Jerry Solomon, président de la société Les produits maison Jascor Inc., a fait la démonstration du mode d'emploi du produit en cause et a décrit le fonctionnement de ses parties mobiles. Il a déclaré que l'appareil sert à transformer des liquides, la plupart du temps de la crème, en substances épaisses et mousseuses. L'appareil comporte deux composants principaux : une bouteille et une tête qui se visse sur la bouteille après qu'elle a été remplie de crème. La tête est munie d'une soupape d'admission de l'oxyde nitreux (N2O) dans la bouteille sous pression ainsi que d'une soupape de sortie de la crème «fouettée» ou d'un autre produit alimentaire. Pour faire entrer le N2O dans la bouteille, l'utilisateur visse, à la main, un petit cylindre contenant du N2O comprimé dans le raccord fileté de la soupape d'admission, décrite par le témoin comme un [traduction] «système de soupape à pression différentielle». Lorsque le cylindre est vissé dans le raccord, une aiguille perce le matériau d'étanchéité du cylindre et le N2O sous pression s'engouffre dans la chambre de vanne. La pression du N2O fait s'ouvrir le siège de soupape et un clapet de non-retour, ce qui permet au N2O d'entrer dans la bouteille. Une fois atteint le point d'équilibre des pressions du cylindre du chargeur et de la bouteille, la soupape se ferme et retient le N2O dans la bouteille. L'utilisateur secoue ensuite l'appareil brièvement, à la main, et la crème fouettée (ou tout autre produit alimentaire soumis à la pression du N2O dans la bouteille) sort par une autre soupape que l'utilisateur commande en actionnant manuellement une détente ou levier à ressort.

L'avocat de l'appelant a soutenu que la position no 82.10 décrit spécifiquement le produit en cause tandis que la position no 82.05 ne le fait pas. L'avocat a fait valoir que le produit en cause est manifestement un appareil mécanique actionné à la main, d'un poids de moins de 10 kg, utilisé pour préparer, conditionner ou servir les aliments. Comme l'avocat l'a souligné dans son exposé, le produit en cause répond à la description d'appareil mécanique énoncée dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) de la position no 82.10, puisque ses dispositifs mécaniques sont plus complexes que ceux d'un simple levier ou d'un simple piston-pousseur. L'avocat a soutenu que même le mécanisme de distribution est plus qu'un simple levier puisqu'il comprend un ressort qui ferme la soupape de tête lorsqu'il y a relâchement de la détente ou de l'orifice de sortie. L'avocat a soutenu que, lorsqu'il est tenu compte du fonctionnement complet du produit en cause, y compris du nombre de parties que compte la combinaison de parties mobiles et de parties stationnaires actionnées par le chargeur du N2O, le produit en cause répond manifestement à la définition du terme «machine» adoptée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Ingersoll-Rand Door Hardware Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] . Enfin, selon l'avocat, le produit en cause est mécaniquement plus complexe que plusieurs autres produits spécifiquement mentionnés dans les Notes explicatives de la position no 82.10, comme les ouvre-boîtes, batteurs à crème et à œufs, etc. En réponse à une question du Tribunal, l'avocat a confirmé que, dans son exposé, les termes «appareil mécanique» et «machine» sont synonymes.

L'avocat de l'intimé a soutenu que le seul procédé mécanique inclus dans le fonctionnement du produit en cause est l'action d'un simple levier qui commande la sortie de la crème fouettée de la bouteille. Il a soutenu que, puisque les Notes explicatives de la position no 82.10 indiquent spécifiquement qu'un simple levier n'est pas considéré comme un dispositif mécanique, il s'ensuit que la position no 82.05 et non la position no 82.10 s'applique. Il a allégué que le procédé selon lequel le N2O est combiné à la crème est de nature chimique ou physique et non mécanique. Enfin, quant au point soulevé par le Tribunal, il s'est dit d'avis que le terme «machine» a une portée plus vaste que celui d'«appareil mécanique».

Aux termes de l'article 10 du Tarif des douanes, le Tribunal doit classer les marchandises conformément aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [6] (les Règles générales) et des Règles canadiennes [7] . La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement des marchandises est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres, et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les principes énoncés dans les Règles 2 à 6 ainsi que dans les Règles canadiennes qui suivent. Aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal doit aussi tenir compte des Notes explicatives pour l'interprétation des positions et sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes. Le Tribunal doit donc d'abord examiner si le produit en cause correspond à l'un ou l'autre des libellés, ou aux deux, des positions nos 82.10 et 82.05 interprétés à la lumière des Notes de Sections et de Chapitres et des Notes explicatives pertinentes.

La position no 82.05 couvre les «[o]utils et outillage à main [...] non dénommés ni compris ailleurs» et énumère plusieurs outils qui n'ont aucun rapport avec la présente cause. De l'avis du Tribunal, l'expression «non dénommés ni compris ailleurs» indique que, si les marchandises répondent à la description spécifique d'une autre position, elles doivent être classées dans la position où elles sont dénommées et non dans la position no 82.05. Par conséquent, si le produit en cause répond à la description de la position no 82.10, il est «dénommé[ ] [...] ailleurs» et doit être classé dans la position no 82.10 par opposition à la position no 82.05.

La position no 82.10 vise les «[a]ppareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, utilisés pour préparer, conditionner ou servir les aliments ou les boissons». L'avocat de l'intimé n'a pas contesté que le produit en cause est effectivement actionné à la main, pèse moins de 10 kg et sert à préparer, conditionner ou servir les aliments. Le Tribunal conclut, compte tenu de la description du produit en cause donnée par M. Solomon ainsi que de l'examen dudit appareil et de la boîte dans laquelle il est distribué et vendu, que le produit en cause possède effectivement ces qualités. En ce qui concerne la question qui consiste à déterminer si le produit en cause est un appareil mécanique, le Tribunal n'est pas d'accord avec l'opinion de l'avocat de l'intimé selon laquelle le procédé qui sert à l'entrée du N2O dans la bouteille n'est pas un procédé mécanique. De l'avis du Tribunal, l'ouverture et la fermeture de la soupape d'admission, en réaction à la pression qu'exerce le N2O comprimé sur ses parties mobiles, selon la description de M. Solomon, est une opération mécanique. De plus, les dispositifs mécaniques de l'appareil sont suffisamment complexes pour qui ce dernier réponde à la définition d'«appareil mécanique» énoncée dans les Notes explicatives de la position no 82.10, c'est-à-dire un appareil qui «comporte des mécanismes, tels que manivelles, engrenages, dispositifs à vis d'Archimède, pompe». Bien que le fonctionnement de la soupape à ressort qui commande la sortie soit passablement similaire à celui d'un simple levier, considéré comme un tout, le produit en cause comprend au moins autant de dispositifs mécaniques que plusieurs des appareils mécaniques donnés en exemple dans les Notes explicatives de la position no 82.10, c'est-à-dire machines à boucher et à capsuler les bouteilles, ouvre-boîtes mécaniques et batteurs à mayonnaise, à crème et à œufs. De l'avis du Tribunal, le fait que le produit en cause ait la même fonction que celle d'un des exemples susmentionnés, soit les batteurs à crème, appuie aussi son classement dans la position no 82.10.

Compte tenu de la définition d'«appareil mécanique» énoncée dans les Notes explicatives de la position no 82.10, il n'est pas nécessaire, de l'avis du Tribunal, de se référer à la définition du terme «machine» adoptée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Ingersoll-Rand. Le Tribunal remarque, cependant, la très grande similarité entre les deux définitions et le fait qu'il a conclu, lors de deux récents appels [8] , que les expressions «machine» et «appareil mécanique», telles qu'elles sont énoncées dans la position no 84.79, sont étroitement liées en termes de la nature des marchandises qui entrent dans leur champ d'application.

Étant donné que le produit en cause répond à la description de la position no 82.10, le Tribunal conclut qu'il n'est pas correctement classé dans la position no 82.05 parce qu'il est «dénommé[ ] [ou] compris ailleurs». Par conséquent, le Tribunal conclut que le produit en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 8210.00.00 à titre d'outil et outillage à main.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

5. Non publiée, no du greffe A-503-86, le 21 octobre 1987.

6. Supra note 3, annexe I.

7. Ibid.

8. Canper Industrial Products Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national, appel no AP-94-034, le 24 janvier 1995, et Société Canadian Tire Ltée c. Le sous-ministre du Revenu national, appel no AP-94-157, le 12 octobre 1995.


Publication initiale : le 27 février 1997