INFORMCO INC.

Décisions


INFORMCO INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-056

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 15 août 1997

Appel n o AP-96-056

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 janvier 1997 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national le 19 avril et les 7 et 21 juin 1996 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

INFORMCO INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de déterminations du ministre du Revenu national en date des 4 et 25 juin 1993 qui ont eu pour effet de rejeter les demandes présentées par l'appelant relativement à des remboursements de la taxe de vente fédérale payée sur les ventes de divers livrets et manuels de polices d'assurance.

DÉCISION : L'appel est rejeté. À la suite de l'examen des deux exemples disponibles de publications décrites comme livrets de polices et de l'examen des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les publications en cause renferment de la publicité et ne servent pas « exclusivement » à des fins éducatives ou techniques, puisqu'elles servent à des fins commerciales comme éléments auxiliaires des polices d'assurance. En outre, le Tribunal constate que l'une des deux publications produites à titre d'exemples comprenait des renseignements au sujet de la société d'assurance particulière et des produits d'assurance offerts ce qui, de l'avis du Tribunal, constitue de la publicité.

L'examen direct du seul exemple disponible d'une publication décrite comme étant un manuel de polices n'a pas convaincu le Tribunal que les marchandises en cause sont admissibles à l'exemption aux termes du paragraphe 3(1) de la partie III de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Bien que la publication produite à titre d'exemple comprenne une certaine description des divers éléments des polices particulières, on y trouve surtout des tables de taux et des renseignements qui servent à déterminer et à connaître les taux applicables. De ce fait, le Tribunal est d'avis que lesdites publications sont des tables de taux ou des imprimés de même nature et sont donc exclues de l'exemption.

Ayant conclu que les ventes des publications ne sont pas exemptes de la taxe de vente fédérale, le Tribunal a examiné si l'appelant est ou non le fabricant ou producteur des publications. Le Tribunal conclut que l'appelant vend les publications qu'il fabrique aux sociétés d'assurance, à titre de vendeur, et n'agit ni au nom des sociétés d'assurance, ni pour les sociétés d'assurance, ni pour le compte de ces dernières.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 17 janvier 1997 Date de la décision : Le 15 août 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Lyle M. Russell, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Paul E. Hawa, pour l'appelant Janet Ozembloski, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de déterminations du ministre du Revenu national en date des 4 et 25 juin 1993 qui ont eu pour effet de rejeter les demandes présentées par l'appelant relativement à des remboursements de la taxe de vente fédérale (TVF) payée sur les ventes de diverses publications. Au cours de l'audience, l'avocat de l'appelant a reconnu que, des questions soulevées dans le mémoire de l'appelant, ce dernier n'interjetait appel que des déterminations qui ont eu pour effet de rejeter les remboursements de la TVF payée sur ses ventes de diverses publications décrites comme étant des livrets et manuels de polices d'assurance.

L'avocat de l'appelant a soutenu que les ventes des divers livrets et manuels de polices d'assurance étaient exemptes de la TVF aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi qui prévoit, entre autres, ce qui suit :

La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III.

Le paragraphe 3(1) de la partie III de l'annexe III de la Loi prévoit, entre autres, ce qui suit :

a) annuaires d'écoles et de collèges; documents littéraires non reliés, régulièrement publiés à des intervalles définis, au moins quatre fois par année; musique en feuilles; manuscrits; annuaires nationaux portant sur l'industrie ou le commerce; livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires; articles et matières destinés exclusivement à la fabrication ou production de ce qui précède;

à l'exclusion des albums, des relevés et rapports biographiques, financiers ou statistiques, des livres servant à écrire ou à dessiner, des catalogues, des livres à colorier, des annuaires de toutes sortes non mentionnés au présent article, des livres de mode, des guides, des rapports périodiques, des bordereaux de prix, des livres de taux, des horaires, des annuaires, des autres imprimés de même nature et des imprimés — en tout ou en partie — ou catégories d'imprimés désignés par le gouverneur en conseil.

À titre d'argument de rechange, l'avocat de l'appelant a soutenu que si les ventes des divers livrets et manuels de polices d'assurance ne sont pas exemptes de la TVF, le Tribunal devrait conclure que l'appelant n'est pas le fabricant aux fins de la Loi et n'est donc pas redevable de la TVF.

Le premier témoin de l'appelant, M. Ali Hirji, le conseiller fiscal chargé de déposer les demandes de remboursement au nom de l'appelant, a produit deux exemples de marchandises décrites comme livrets de polices d'assurance [2] dotés d'une couverture en carton portant le nom de la société d'assurance, pliés et brochés. Un des exemples contient les dispositions d'une police d'assurance de biens personnels et l'autre, les dispositions d'une police d'assurance automobile. Le verso de la police d'assurance automobile porte une description des divers services offerts par la société d'assurance dont le nom figure sur la page couverture. Il est indiqué dans les polices qu'elles font partie d'un contrat d'assurance et que d'autres documents doivent accompagner la police pour former le contrat complet.

À titre d'exemple des marchandises en cause décrites comme étant des manuels de polices, M. Hirji a produit un cartable à trois anneaux de l'Otter Dorchester Insurance Company Limited [3] , divisé en quatre sections intitulées : Automobile Manual Ontario; Habitational Manual Ontario; Farm Manual; Commercial Manual. La table des matières de la section Automobile Manual Ontario comprend des sous-sections traitant des règles générales (incluant les tables d'annulation); des directives et notes de souscription; de la tarification selon le territoire Ontario; des groupes de tarification; des primes de voitures de tourisme en Ontario; des domaines commercial et agricole; et de sujets divers. La table des matières de la section Habitational Manual Ontario comprend des sous-sections traitant des règles générales; des directives et notes de souscription; des propriétaires (comprenant une table des primes annuelles); des polices multirisques à l'intention des locataires (comprenant une table des primes annuelles); des propriétaires de condominiums (comprenant une table des primes annuelles); des résidences secondaires de loisir (comprenant une table de taux); des risques des entrepreneurs de construction; de sujets divers (comprenant les taux pour les beaux arts, les bijoux, le matériel de sport, etc.); et des responsabilités (comprenant une table des primes supplémentaires pour une protection accrue). La table des matières de la section Farm Manual comprend des sous-sections traitant des règles générales; des directives et notes de souscription; d'une description de la police multirisque à l'intention des fermiers (comprenant une table des taux annuels); de la couverture pour une responsabilité tous risques à l'intention des fermiers (comprenant une table des primes); et de sujets divers (comprenant les taux d'articles divers).

M. Hirji a produit des lettres [4] dont les destinataires étaient Ninecan Management Inc. et Taxsave Consultants Limited qui montrent que d'autres publications de même nature que celles en cause ont été reconnues comme admissibles à l'exemption aux termes de l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi.

L'appelant fabrique et produit des imprimés pour ses divers clients, principalement des sociétés d'assurance. Le deuxième témoin de l'appelant, M. J. David Stephens, président d'Informco Inc., a décrit le procédé de production des marchandises en cause. Les clients remettent à l'appelant une version préliminaire du contenu des publications ainsi que certaines prescriptions concernant le graphisme et la conception de la page couverture. L'appelant exécute ensuite la conversion du texte et des illustrations qui lui ont été remis, produit des négatifs et des plaques métalliques, et imprime les épreuves et les concepts de design qu'il fournit au client aux fins d'examen et d'observation. Après avoir approuvé les marchandises, le client remet à l'appelant une commande visant un certain nombre d'exemplaires. Dans le cas des marchandises en cause, l'appelant a commandé tout le matériel nécessaire à la production des publications, y compris le métal pour produire les plaques.

M. Stephens a indiqué que, ainsi qu'il est courant dans le secteur de l'imprimerie, selon les modalités des ventes de l'appelant aux sociétés d'assurance, ce sont les sociétés d'assurance qui sont propriétaires des plaques et qui détiennent les droits d'auteur de l'information. Il n'a pas été en mesure de produire une copie des modalités et conditions. Cependant, il a indiqué qu'il s'agit des modalités et conditions normalement utilisées par les membres de l'Association canadienne de l'imprimerie. Lorsqu'il lui a été demandé qui assumerait le risque de la perte en cas d'incendie durant les travaux d'impression et avant la vente du matériel à la société d'assurance, M. Stephens a témoigné que ce serait l'appelant.

M. Stephens a déclaré que les pièces produites par M. Hirji étaient représentatives de l'ensemble des marchandises en cause. Il a décrit les « livrets de polices » comme présentant les modalités et conditions techniques qui s'appliqueraient dans la description du type d'assurance qu'il était possible d'acheter aux termes de la police particulière. Il a indiqué que les renseignements spécifiques à la personne assurée ne feraient pas partie des livrets de polices. Selon M. Stephens, l'identification de l'assureur sur le livret est une condition nécessaire du contrat d'assurance. Interrogé sur l'utilisation de la publicité dans les publications, M. Stephens a indiqué qu'elles ne contenaient aucune publicité et a contesté que certaines expressions, comme « Feeling safe. Feeling secure. It's a mutual feeling » (« Avoir un sentiment de sécurité. Avoir un sentiment de sûreté. C'est un sentiment réciproque »), et des renseignements factuels au sujet d'un assureur devraient être considérés comme étant une forme de publicité.

En ce qui a trait aux manuels de polices, M. Stephens a témoigné que ces derniers renferment des renseignements techniques dont a besoin un employé d'une société d'assurance ou un agent ou courtier qui vend de l'assurance.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a soutenu que, pour déterminer si les livrets de polices sont exempts de la taxe aux termes de l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi, il doit être déterminé que les marchandises en cause : 1) sont des livres; 2) ne contiennent aucune annonce; 3) servent exclusivement à des fins éducatives ou techniques. L'avocat a soutenu que les marchandises en cause satisfont aux trois critères ci-dessus.

En ce qui a trait à la question de savoir si les marchandises en cause sont des livres, l'avocat de l'appelant a renvoyé à la définition du mot anglais « book» (« livre ») comme étant « a written or printed work consisting of pages glued or sewn together along one side and bound in covers [5] » (« ouvrage écrit ou imprimé constitué d'un assemblage de pages collées ou cousues sur un bord et reliées dans une couverture »). L'avocat a renvoyé à un exemple d'une publication qui a été considérée comme étant un livre, soit le Perly's BJ Map Book Metro Toronto and Vicinity [6] (Perly's BJ Map Book). L'avocat a aussi renvoyé à la décision 5740/55-2 [7] du ministère du Revenu national (Revenu Canada) qui prévoit que les trois publications ci-après sont des livres imprimés aux fins de l'article 3 de la partie III de l'annexe III de la Loi : « 1. Un manuel servant de guide aux programmes d'un club social sur la tâche des agents et des conseillers contient des chapitres sur la structure, l'administration et les activités des clubs. 2. Un livre à feuilles mobiles qui est un cours d'étude à l'intention des vendeurs d'une société pétrolière renferme des instructions concernant les produits du pétrole, les appareils domestiques, les contrats de vente, les baux, les hypothèques, etc. [...] 3. Une brochure imprimée expliquant les modalités du régime de retraite des salariés d'une société ». Enfin, l'avocat a renvoyé à la décision 5740/114 [8] de Revenu Canada qui prévoit que des « brochures constituant un relevé des prestations [...] préparées annuellement pour chaque membre d'une caisse fiduciaire d'employés » sont des livres qui donnent droit à une exemption aux termes de l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi.

En ce qui a trait à la question de savoir si les marchandises en cause sont « éducatives » ou « techniques », l'avocat de l'appelant a renvoyé aux définitions de ces termes qu'a appliquées la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Maclean Hunter Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [9] . Le terme « éducatif » a alors été considéré comme visant « un processus fondamental d'acquisition d'habiletés et de connaissances ayant pour objet de préparer une personne soit à la vie en général soit en vue d'un objectif large tel la pratique d'un métier ou d'une profession : l'objet visé, quoi qu'il en soit, n'a pas un caractère utilitaire immédiat [10] ». Le terme « technique » a été considéré comme signifiant « [q]ui appartient à un art ou à des arts particuliers; qui est approprié ou particulier à un art, à une science ou à une profession donnés ou qui caractérise un tel art, une telle science ou une telle profession; également, qui ressortit ou a trait de façon générale à la mécanique et aux sciences appliquées [11] ». L'avocat a aussi renvoyé à la décision 5740/83 [12] de Revenu Canada qui prévoit que « [l]a liste des règlements et le manuel d'un jeu, qui sont tous deux présentés sous forme de livres, ont été publiés à des fins techniques ou éducatives puisqu'ils fournissent des renseignements, des règlements, etc., aux personnes intéressées à jouer un certain jeu ». L'avocat a soutenu que, si les règlements d'un jeu, le contrat indiquant les modalités d'emploi et une carte sont de nature technique ou éducative, alors les marchandises en cause sont de nature technique ou éducative.

En ce qui a trait au troisième critère d'exemption de la TVF, que les marchandises ne comprennent aucune annonce, l'avocat de l'appelant a renvoyé à la décision 5740/85-1 [13] de Revenu Canada qui prévoit ce qui suit au sujet des logos : « lorsque le logo d'une personne est placé dans un livre par l'imprimeur avec ou sans le consentement de la personne, à des fins d'identification seulement, on ne considère pas qu'il s'agit d'une annonce aux fins de l'article 3 de la Partie III de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise ». L'avocat a soutenu que le nom de la société d'assurance figure sur les marchandises en cause pour satisfaire des exigences juridiques concernant l'identification de l'assureur et non pour faire la promotion de la vente d'un produit.

En ce qui a trait aux manuels de polices, l'avocat de l'appelant a renvoyé à la décision 5740/55-2 [14] de Revenu Canada qui prévoit que les livres à feuilles mobiles sont considérés comme des livres. L'avocat a fait valoir que les publications sont des manuels de formation à l'intention des agents d'assurance et, de ce fait, admissibles à titre de livres techniques. De plus, l'avocat a fait valoir qu'il n'y a manifestement pas de publicité dans lesdites publications et qu'elles ne sont pas des contrats d'assurance.

Par ailleurs, l'avocat de l'appelant a allégué que si les marchandises en cause ne sont pas des livres, elles sont alors des parties de contrats d'assurance, et les sociétés d'assurance, et non l'appelant, sont les fabricants. L'avocat a fait valoir que si les marchandises en cause font l'objet d'une cotisation à titre de contrats d'assurance, alors les sociétés d'assurance, et non l'appelant, sont les fabricants aux termes de la définition de « fabricant ou producteur » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi. L'alinéa b) de la définition de « fabricant ou producteur » énoncée au paragraphe 2(1) indique qu'y sont assimilés « toute personne, firme ou personne morale qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres, que cette personne, firme ou personne morale vende, distribue, consigne ou autrement aliène les marchandises ou non ».

Enfin, l'avocat de l'appelant a fait valoir qu'une décision selon laquelle les marchandises en cause étaient exemptes de la TVF avait déjà été rendue et que l'appelant n'avait jamais reçu avis de l'annulation de cette décision.

L'avocate de l'intimé a soutenu que le Tribunal doit déterminer deux questions. En premier lieu, il doit déterminer si les marchandises en cause sont des livres ou non. En deuxième lieu, le Tribunal doit déterminer si l'appelant en est le fabricant légal.

À titre de question préliminaire, l'avocate de l'intimé a reconnu que, à un certain moment, Revenu Canada a délivré une décision à l'appelant selon laquelle les livrets de polices étaient exempts de la TVF. Cependant, elle a fait valoir que la décision est une décision administrative et n'est pas déterminante relativement à aucune des questions sur lesquelles le Tribunal doit statuer dans le présent appel. L'avocate a aussi souligné qu'il y a plus de 100 divers manuels et livrets en cause.

En ce qui a trait plus précisément aux livrets de polices, l'avocate de l'intimé a fait valoir qu'ils font partie d'un contrat et ne peuvent, de ce fait, être appelés livres. Elle a soutenu que leur contenu porte sur des sortes de dispositions contractuelles et que le fait que leur contenu soit imprimé sous forme de livrets ne change pas la nature du contenu. Quant à savoir si le contenu peut être considéré comme servant exclusivement à des fins éducatives ou techniques, l'avocate a renvoyé aux définitions des termes « éducatif » et « technique » dans l'affaire MacLean Hunter et a avancé que les livrets de polices, en tant que contrats d'assurance, ne sont ni « éducatifs » ni « techniques ».

L'avocate de l'intimé a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Le ministère des Transports du gouvernement de l'Ontario c. Le ministre du Revenu national [15] où il a été conclu que les documents d'appel d'offres étaient des livres imprimés servant à des fins techniques. L'avocate a soutenu que le Tribunal a considéré les documents d'appel d'offres comme étant des documents techniques parce qu'ils contenaient de nombreux renvois à d'autres documents techniques, y compris les plans des travaux à exécuter, les normes relatives à l'acier à béton et le rapport d'étude sur les fondations. L'avocate a soutenu que les livrets de polices en cause n'ont rien à voir avec les arts mécaniques ni avec les sciences appliquées et sont donc différents des documents d'appel d'offres.

Quant aux manuels, l'avocate de l'intimé a fait valoir que ce sont, dans leur totalité, des tables de taux et qu'ils seraient admissibles à titre d'exception à une exemption aux termes de la Loi.

En ce qui a trait à la question de savoir si l'appelant est le fabricant légal des marchandises en cause, l'avocate de l'intimé a renvoyé aux décisions du Tribunal dans les affaires Gerrard - Ovalstrapping, division de EII Limitée c. Le ministre du Revenu national [16] et Security Card Systems Inc. c. Le ministre du Revenu national [17] , où les dispositions de l'alinéa b) de la définition de « fabricant ou producteur » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi se trouvent interprétées. Le Tribunal a alors déclaré que pour qu'une personne, une firme ou une personne morale soit considérée comme un fabricant légal aux termes de l'alinéa b), deux conditions doivent être remplies : 1) la personne, la firme ou la personne morale doit posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication; 2) les marchandises doivent être fabriquées par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres. En ce qui a trait à la deuxième condition, le Tribunal a déclaré qu'il devait déterminer s'il existait une entente mandant-mandataire entre les deux sociétés et que, si un véritable lien vendeur-acheteur existait entre les deux sociétés, l'une des sociétés ne pourrait être considérée comme celle qui fabrique les marchandises au nom de, pour ou pour le compte de l'autre société. L'avocate n'a pas contesté que les sociétés d'assurance peuvent détenir le droit d'auteur sur le contenu des marchandises en cause. Cependant, elle a fait valoir qu'il existe un lien vendeur-acheteur entre l'appelant et les sociétés d'assurance et que l'appelant n'a fabriqué les marchandises en cause ni au nom des sociétés d'assurance ni pour le compte de ces dernières.

En réponse, l'avocat de l'appelant a déclaré que l'avocate de l'intimé s'est appuyée sur l'affaire Maclean Hunter pour donner une définition étroite des termes « technique » et « éducatif » et que si l'on se servait de l'affaire susmentionnée d'une telle façon, aucune des nombreuses diverses publications qui ont été jugées admissibles à l'exemption à titre de livres servant à des fins techniques ou éducatives, comme le Perly's BJ Map Book et un livre de règlements, ne pourrait être exemptée.

Enfin, l'avocat de l'appelant a renvoyé à une lettre en date du 20 avril 1990 provenant de la Direction générale de l'accise de Revenu Canada qui indique que les ventes de la publication intitulée « Tables de cotisations au Régime de pensions du Canada et de primes d'assurance-chômage » sont admissibles à l'exemption sans condition de la TVF à titre de livre imprimé conçu et publié à des fins techniques. La publication comprend une introduction, une description des responsabilités de l'employeur et des fiduciaires, de la couverture et des cotisations du Régime de pensions du Canada, des tables de cotisations au Régime de pensions du Canada ainsi qu'une description des responsabilités concernant la couverture et les primes d'assurance-chômage. L'avocat a souligné que le livre susmentionné contient des tables de taux, mais n'a pas été considéré comme étant un livre de taux.

À la suite de l'examen des éléments de preuve et des arguments présentés par les deux parties, le Tribunal n'est pas convaincu que ni les ventes des marchandises décrites comme livrets de polices ni les ventes des marchandises décrites comme manuels de polices sont exemptes de la TVF aux termes de l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi.

En premier lieu, en ce qui a trait aux publications décrites comme livrets de polices, le Tribunal fait observer que la disposition pertinente de la Loi exempte, entre autres publications, les livres qui ne contiennent aucune publicité et qui doivent servir « exclusivement » à des fins éducatives ou techniques. À la suite de l'examen des deux exemples disponibles de publications décrites comme livrets de polices et de l'examen des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les publications en cause renferment de la publicité et ne servent pas « exclusivement » à des fins éducatives ou techniques.

L'avocat de l'appelant a renvoyé à plusieurs décisions qui, selon lui, corroborent son affirmation que les livrets de polices et les manuels de polices entrent dans le champ d'application des exemptions énumérées à l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi. Bien que le Tribunal reconnaisse que l'interprétation administrative, comme celle des décisions de Revenu Canada, a « une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, [elle peut] être un “facteur important” [18] », le Tribunal reconnaît aussi que de telles décisions administratives, qui se rapportent à d'autres biens et d'autres personnes, ne sont pas déterminantes de la question de savoir si les marchandises en cause sont ou non exemptes.

Le Tribunal a examiné les définitions retenues par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire MacLean Hunter. Plus précisément, le Tribunal fait observer que, dans l'appel susmentionné, le terme « éducatif » a été considéré comme visant « un processus fondamental d'acquisition d'habilités et de connaissances ayant pour objet de préparer une personne soit à la vie en général soit en vue d'un objectif large tel la pratique d'un métier ou d'une profession : l'objet visé, quoi qu'il en soit, n'a pas un caractère utilitaire immédiat [19] ». Le terme « technique » a été considéré comme signifiant « [q]ui appartient à un art ou à des arts particuliers; qui est approprié ou particulier à un art, à une science ou à une profession donnés ou qui caractérise un tel art, une telle science ou une telle profession; également, qui ressortit ou a trait de façon générale à la mécanique et aux sciences appliquées [20] ». Les publications en cause dans l'affaire susmentionnée étaient des livrets et des mises à jour du Financial Post Corporation Service. La Cour d'appel fédérale a alors conclu que l'objet des publications n'était pas éducatif, mais « informatif et axé sur une utilisation commerciale quasi immédiate [21] ». De plus, la Cour d'appel fédérale a conclu que les publications en cause ne servaient pas « exclusivement » à des fins techniques puisqu'elles n'avaient pas trait aux arts mécaniques ni aux sciences appliquées.

De l'avis du Tribunal, les publications décrites comme livrets de polices, qui servent à des fins commerciales comme éléments auxiliaires des polices d'assurance, ne servent pas exclusivement à des fins éducatives ou techniques. Le Tribunal est d'accord sur l'argument de l'avocate de l'intimé selon lequel les publications décrites comme des livrets de polices se distinguent des documents d'appel d'offres et contiennent des caractéristiques semblables à ceux-ci, lesquels, on a conclu, étaient des livres imprimés servant à des fins techniques dans l'affaire Gouvernement de l'Ontario.

En ce qui a trait à la question se rapportant à la publicité, le Tribunal fait observer qu'il a antérieurement considéré que la publicité signifiait « attirer l'attention du public sur une information dans l'intention d'inciter celui-ci à faire certaines décisions d'achat ou de parrainage [22] ». L'avocat de l'appelant a soutenu que le nom des sociétés d'assurance figurait sur les marchandises en cause pour satisfaire l'obligation juridique d'identifier l'assureur et qu'il n'était pas là pour promouvoir la vente d'un produit. Le Tribunal a examiné avec soin les deux échantillons déposés et est d'avis que la description qui paraît à la couverture arrière de la pièce A-4 montre plus que le simple nom de la société d'assurance. On y trouve des renseignements au sujet de la société et des produits d'assurance qu'elle offre qui, de l'avis du Tribunal, répondent à la définition susmentionnée du terme « publicité ». Le Tribunal ne peut donc conclure que les publications décrites comme livrets de polices ne contiennent pas d'annonce.

Le Tribunal a examiné directement le seul exemple disponible d'une publication décrite comme étant un manuel de polices et n'est pas convaincu, sur la foi de son examen, que les publications en cause sont admissibles à l'exemption aux termes du paragraphe 3(1) de la partie III de l'annexe III de la Loi. Bien que l'exemple produit décrive dans une certaine mesure les divers éléments des polices particulières, il comprend surtout des tables de taux et des renseignements qui servent à déterminer et à connaître les taux applicables. De ce fait, le Tribunal est d'avis que lesdites publications sont des tables de taux ou des imprimés de même nature et sont donc exclues de l'exemption.

L'avocat de l'appelant a soutenu, comme argument de rechange, que, si le Tribunal déterminait que les ventes des marchandises en cause n'étaient pas exemptes aux termes du paragraphe 3(1) de la partie III de l'annexe III de la Loi, le Tribunal devrait conclure, aux termes de l'alinéa b) de la définition de « fabricant ou producteur » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi, que l'appelant n'est pas le fabricant des publications aux fins de l'imposition de la TVF prévue par la Loi.

Dans son examen de la question de savoir si l'appelant répond à cette partie de la définition de « fabricant ou producteur », le Tribunal reconnaît, comme il l'a fait dans les affaires Gerrard-Ovalstrapping et Security Card Systems, que pour qu'une personne, une firme ou une personne morale soit considérée comme un fabricant légal aux termes du paragraphe b) de la définition de « fabricant ou producteur » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi, deux conditions doivent être remplies : 1) la personne, la firme ou la personne morale doit posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication; 2) les marchandises doivent être fabriquées par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres. Quant à la deuxième condition, le Tribunal, dans les appels susmentionnés, a déclaré qu'il devait déterminer s'il existait une entente mandant-mandataire entre les deux sociétés et que, si un véritable lien vendeur-acheteur existait entre les deux sociétés, l'une des sociétés ne pourrait être considérée comme celle qui fabrique les marchandises au nom de, pour ou pour le compte de l'autre société.

Le Tribunal reconnaît, aux fins du présent appel, que les sociétés d'assurance peuvent détenir certains droits de propriété sur les droits d'auteur et les plaques qui servent à produire les publications, mais cet aspect n'est pas déterminant de la question de savoir si l'appelant est ou non le fabricant ou producteur. Il est évident que l'appelant fabrique les publications pour les sociétés d'assurance, mais les éléments de preuve montrent clairement que l'appelant vend les publications qu'il fabrique aux sociétés d'assurance, à titre de vendeur, et non au nom des sociétés d'assurance, pour les sociétés d'assurance ou pour le compte de ces dernières. Les éléments de preuve qui montrent que l'appelant, et non les sociétés d'assurance, assume le risque associé à la perte de publications avant leur vente aux sociétés d'assurance et qu'il lui incombe, en autonomie, d'acheter des matières premières pour son propre compte et pour l'impression des marchandises en cause indiquent au Tribunal que la relation entre l'appelant et les sociétés d'assurance n'en est pas une de mandant-mandataire. Le Tribunal conclut donc que l'appelant a correctement été identifié comme étant le fabricant des marchandises en cause.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Pièce A-3, Abstainers’ Insurance, Personal Property Protector; et pièce A-4, Liberty Mutual, Ontario Automobile Insurance Policy (OAP1), mars 1994.

3. Pièce A-5.

4. Pièces A-1 et A-6.

5. The Concise Oxford Dictionary of Current English, 9e éd., Oxford, Clarendon Press, 1995 à la p. 147.

6. Perly's Maps Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1986), 11 R.C.T. 236.

7. Livres, imprimés - exemples, le 25 février 1987.

8. Brochure constituant un relevé de prestations : Livres exempts de taxe ou non ?, le 9 août 1989.

9. No du greffe A-336-86, le 21 janvier 1988.

10. Ibid. à la p.7.

11. Ibid. à la p. 8.

12. Livres, Publicité, Annonces, le 23 août 1983.

13. Livres imprimés — publicité, logos, le 8 novembre 1984.

14. Supra note 7.

15. Appel no AP-90-106, le 13 septembre 1991.

16. Appel no AP-93-289, le 26 septembre 1994.

17. Appel no AP-94-167, le 28 août 1995.

18. Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté la Reine, [1983] 1 R.C.S. 29 à la p. 37.

19. Supra note 10.

20. Supra note 11.

21. Supra note 10.

22. National Geographic Society c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, appel no AP-92-194, le 15 octobre 1993 à la p. 5.


Publication initiale : le 16 septembre 1997