WEIL COMPANY LIMITED

Décisions


WEIL COMPANY LIMITED
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-043

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 19 août 1997

Appel n o AP-96-043

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 mars 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 13 et 15 mai 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WEIL COMPANY LIMITED Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 13 et 15 mai 1996. Les marchandises en cause sont des tire-bouchons ainsi que des ouvre-bocaux, appelés « Strongboy ». Les deux questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer 1) si les tire-bouchons en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.51.00 à titre d'outils et outillage à main d'économie domestique, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8210.00.00 à titre d'appareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, comme l'a soutenu l'appelant, et 2) si les ouvre-bocaux en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.70.90 à titre d'autres étaux, serre-joints et similaires, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent aussi être classés dans le numéro tarifaire 8210.00.00, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. L'examen des termes de la position no 82.10 convainc le Tribunal que les tire-bouchons et les ouvre-bocaux en cause doivent être classés dans ladite position à titre d'« [a]ppareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, utilisés pour préparer, conditionner ou servir les aliments ou les boissons », comme l'a soutenu l'appelant. Le Tribunal fonde sa décision sur le fait qu'il est convaincu que, en plus de répondre au libellé explicite de la position, les marchandises en cause sont dotées des caractéristiques mécaniques considérées dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 82.10.

Par conséquent, puisque le Tribunal conclut que les tire-bouchons et les ouvre-bocaux en cause peuvent être classés dans la position no 82.10, il ne lui est pas nécessaire d'examiner s'ils peuvent être classés dans la position no 82.05 puisqu'ils se trouvent dénommés ou compris ailleurs.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 7 mars 1997 Date de la décision : Le 19 août 1997
Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Parties : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Lyndsay K. Jeanes, pour l'intimé





Le présent appel, qui est entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 13 et 15 mai 1996. Les marchandises en cause sont des tire-bouchons ainsi que des ouvre-bocaux, appelés « Strongboy ». Les deux questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer 1) si les tire-bouchons en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.51.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'outils et outillage à main d'économie domestique, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8210.00.00 à titre d'appareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, comme l'a soutenu l'appelant, et 2) si les ouvre-bocaux en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.70.90 à titre d'autres étaux, serre-joints et similaires, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent aussi être classés dans le numéro tarifaire 8210.00.00, comme l'a soutenu l'appelant.

Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont, entre autres, les suivantes :

82.05 Outils et outillage à main [....] non dénommés ni compris ailleurs; [...] étaux, serre-joints et similaires, autres que ceux constituant des accessoires ou des parties de machines-outils.

8205.51 --D'économie domestique

8205.70 -Étaux, serre-joints et similaires

8205.70.90 ---Autres

8210.00.00 Appareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, utilisés pour préparer, conditionner ou servir les aliments ou les boissons.

Le présent appel a été entendu sur la foi d'exposés écrits en application de l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] , à partir du dossier du Tribunal, incluant un exposé conjoint des faits et les mémoires présentés par les parties.

Dans leur exposé conjoint des faits, les parties ont établi des descriptions des marchandises en cause. Selon les parties, le tire-bouchon en cause sert à extraire le bouchon d'une bouteille de vin. L'usager le place sur le col de bouteille et appuie ensuite sur un bouton situé sur le côté du tire-bouchon, ce qui a pour effet d'enfoncer une petite lame dans la capsule en aluminium qui coiffe le bouchon et le goulot de la bouteille. Dans cette position, il faut alors faire faire un tour complet au tire-bouchon ou à la bouteille, à la main, ce qui coupe et détache le recouvrement métallique. Une fois ce dernier enlevé, la vis métallique du tire-bouchon est enfoncée dans le bouchon par un mouvement de rotation dans le sens des aiguilles d'une montre. Lorsque la vis métallique est entièrement insérée dans le bouchon, il faut continuer à tourner le tire-bouchon, ce qui a pour effet de faire grimper le bouchon de la bouteille le long de la vis et hors de la bouteille.

Selon la description qu'en donne les parties, les ouvre-bocaux sont des dispositifs de préhension montés sur un manche qui servent à enlever les couvercles des petits pots ou à décapsuler les bouteilles. Un bouton rotatif situé à un bout de l'ouvre-bocal permet de serrer le ruban d'acier (bande de prise) sur le couvercle à enlever. Une fois le ruban d'acier en place, une rotation du levier permet d'enlever le couvercle ou la capsule.

Dans son mémoire, le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre d'appareils mécaniques actionnés à la main, chacun pesant moins de 10 kg. Les deux marchandises se vendent dans les rayons des appareils ménagers de cuisine et servent à la préparation ou au service des aliments. De plus, la lame ou les parties travaillantes de chaque article sont en métal commun, ainsi que le prévoit la Note 1 a) du Chapitre 82 de l'annexe I du Tarif des douanes. En outre, les tire-bouchons et les ouvre-bocaux en cause répondent aux exigences des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] (les Notes explicatives) de la position no 82.10 [6] .

Renvoyant aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonis é [7] (les Règles générales), le représentant de l'appelant a fait valoir que les termes du numéro tarifaire 8210.00.00 sont plus précis que ceux de l'un ou de l'autre des numéros tarifaires dans lesquels les marchandises en cause ont été classées. Selon le représentant, le fait que les deux produits soient utilisés pour servir des boissons signifie que les termes des numéros tarifaires dans lesquels chacun a été classé sont moins précis que ceux du numéro tarifaire proposé par l'appelant. Particulièrement, en ce qui a trait à l'ouvre-bocal en cause, le représentant a soutenu que ce n'est pas qu'un simple serre-joint puisque son manche donne un effet de levier qui aide à dévisser la capsule de la bouteille, alors qu'un serre-joint est un dispositif fixe. À l'appui de sa position, le représentant a renvoyé le Tribunal aux décisions qu'il a rendues dans les affaires Société Canadian Tire Ltée c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [8] et Bazaar & Novelty Co., A Division of Bingo Press & Specialty Limited c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [9] .

Le représentant de l'appelant a aussi renvoyé le Tribunal à une définition du terme « clamp [10] » (« serre-joint ») dans laquelle il n'est aucunement fait mention d'un manche qui y serait rattaché et qui servirait à produire un effet de levier. Le représentant a soutenu que, puisque, les ouvre-bocaux en cause sont composés de pièces fixes et de pièces mobiles et agissent par la modification de la force et du mouvement, ils doivent être considérés comme étant des appareils mécaniques. En ce qui a trait aux tire-bouchons en cause, le représentant a, de la même façon, soutenu qu'ils répondent à la définition d'appareils mécaniques. Le représentant a aussi souligné que les tire-bouchons de type mécanique sont exclus du classement dans la position no 82.05 aux termes des Notes explicatives de cette position.

Dans son mémoire, l'avocate de l'intimé a soutenu que les tire-bouchons en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.51.00 à titre d'outils et d'outillage à main d'économie domestique du fait, entre autre, de la Note E) des Notes explicatives de la position no 82.05 qui indique que, dans le groupe des « [a]utres outils et outillage à main » pouvant être classés dans cette position, sont inclus « [u]ne série d'objets [...] s'apparentant aux articles de ménage ou d'économie domestique », comme les « [f]ers à repasser [...] décapsuleurs à bouteilles, tire-bouchons ». Puisque les tire-bouchons sont spécifiquement dénommés dans la position no 82.05, l'avocate a soutenu qu'en application de la Règle 3 des Règles générales, ladite position doit avoir la priorité sur la position no 82.10.

Pour appuyer davantage sa position, l'avocate de l'intimé a fait valoir que les Notes explicatives de la position no 82.10 montrent que les tire-bouchons en cause n'entrent pas dans le champ d'application de la position no 82.10. Spécifiquement, l'avocate a soutenu que la simple action de vissage des tire-bouchons ne suffit pas pour les considérer comme des dispositifs mécaniques. En outre, le mécanisme à vis des tire-bouchons n'est pas du même type que les dispositifs; à vis d'Archimède [11] . L'avocate a fait valoir qu'un dispositif à vis d'Archimède sert à déplacer du matériel, par exemple de l'eau, comme un convoyeur en ligne droite d'une manière rotative d'un point à un autre. Par opposition, les tire-bouchons en cause s'enfoncent dans le matériel et ne le déplace pas d'une extrémité à l'autre. L'avocate a aussi soutenu que les tire-bouchons en cause ne sont pas conçus pour être fixés à un meuble, à une paroi, etc., ou pour reposer sur un fondement, auquel cas il comporterait une plaque d'assise, un socle, un bâti, etc., comme l'indique les Notes explicatives de la position no 82.10 dans le cas des articles qui n'utilisent que de simples leviers ou de simples pistons-pousseurs et qui ne seraient autrement pas compris dans la position.

Quant aux ouvre-bocaux en cause, l'avocate de l'intimé a soutenu qu'ils sont correctement classés dans la sous-position no 8205.70 à titre d'étaux, serre-joints et similaires puisque les termes de ladite sous-position sont plus précis que ceux de la sous-position proposée par l'appelant. En outre, les ouvre-bocaux en cause ne sont pas mécaniques au sens donné à ce terme dans les Notes explicatives de la position no 82.10. Selon l'avocate, les ouvre-bocaux en cause ne sont que de simples serre-joints munis d'un manche; un simple effet de levier n'en fait pas des appareils mécaniques. Le fait qu'il ait un manche n'empêche pas, selon l'avocate, que l'ouvre-bocal en cause peut être considéré comme étant un serre-joint.

Le Tribunal est conscient que la Règle 1 des Règles générales est d'une importance cruciale pour déterminer le classement des marchandises. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. L'article 11 du Tarif des douanes précise que, pour interpréter les positions et sous-positions de l'annexe I, il faut tenir compte des Notes explicatives.

Le Tribunal fait observer que, étant donné la nature exclusive des termes de la position no 82.05, spécifiquement, que les outils et l'outillage à main pouvant être classés dans cette position sont « non dénommés ni compris ailleurs », le Tribunal ne peut conclure que les tire-bouchons ou les ouvre-bocaux en cause peuvent être, prima facie, classés dans les deux positions proposées par les parties puis trancher la question en déterminant laquelle des deux positions est la plus spécifique, en application de la Règle 3 des Règles générales. Autrement dit, si le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 82.10, alors le libellé de la position no 82.05 interdit leur classement dans la position no 82.05.

L'examen des termes de la position no 82.10 convainc le Tribunal que les tire-bouchons et les ouvre-bocaux en cause doivent être classés dans ladite position à titre d'« [a]ppareils mécaniques actionnés à la main, d'un poids de 10 kg ou moins, utilisés pour préparer, conditionner ou servir les aliments ou les boissons », comme l'a soutenu l'appelant. Le Tribunal fonde sa décision sur le fait qu'il est convaincu que, en plus de répondre au libellé explicite de la position, les marchandises en cause sont dotées des caractéristiques mécaniques considérées dans les Notes explicatives de la position no 82.10.

Les Notes explicatives de la position no 82.10 indiquent qu'« un appareil est considéré comme mécanique lorsqu'il comporte des mécanismes, tels que manivelles, engrenages, dispositifs à vis d'Archimède, pompe ». Bien que les tire-bouchons en cause ne semblent pas répondre à la définition de l'expression « dispositif à vis d'Archimède » énoncée dans le dictionnaire, le Tribunal fait observer que la liste des mécanismes qui font qu'un appareil est considéré comme mécanique aux fins des Notes explicatives de la position no 82.10 n'est pas exhaustive et prévoit l'inclusion de mécanismes similaires. Le Tribunal est d'avis que les tire-bouchons en cause comportent des mécanismes, comme celui qui sert à découper la capsule de bouchage en aluminium et le fonctionnement à vis, qui, considérés ensemble, sont suffisamment complexes pour satisfaire à la définition d'« appareil mécanique » énoncée dans les Notes explicatives. Quant aux ouvre-bocaux en cause, le Tribunal est aussi convaincu que leurs caractéristiques mécaniques, et plus spécifiquement la méthode selon laquelle la bande de préhension est serrée sur le couvercle d'un pot et le bras de levier, tourné pour enlever le couvercle, sont suffisamment complexes pour que les ouvre-bocaux en cause soient considérés comme étant des appareils mécaniques au sens donné à cette expression dans les Notes explicatives de la position no 82.10.

Par conséquent, puisque le Tribunal conclut que les tire-bouchons et les ouvre-bocaux en cause peuvent être classés dans la position no 82.10 et donc dans le numéro tarifaire 8210.00.00, il ne lui est pas nécessaire d'examiner s'ils peuvent être classés dans la position no 82.05 puisqu'ils se trouvent dénommés ou compris ailleurs.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal admet l'appel.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

5. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

6. Les Notes explicatives pertinentes de la position no 82.10 prévoient ce qui suit : Aux fins de cette position, un appareil est considéré comme mécanique lorsqu'il comporte des mécanismes, tels que manivelles, engrenages, dispositifs à vis d'Archimède, pompe; par contre, un simple levier ou un simple piston-pousseur ne sont pas, en eux-mêmes, considérés comme dispositifs mécaniques entraînant la classification dans la présente position, à moins que l'appareil ne soit conçu pour être fixé à un meuble, à une paroi, etc. ou pour reposer sur un fondement, auquel cas il comporte une plaque d'assise, un socle, un bâti, etc.

7. Supra note 3, annexe I.

8. Appel no AP-94-157, le 12 octobre 1995.

9. Appel no AP-95-120, le 10 avril 1996.

10. La définition mentionnée par renvoi du représentant de l'appelant se trouve dans le Webster's Third New International Dictionary of the English Language, Springfield, Merriam-Webster, 1986 à la p. 414 : « a : a device … designed to bind or constrict or to press two or more parts together so as to hold them firmly in their relative position b: any of various instruments or appliances … for holding or compressing something » (« a : dispositif […] conçu pour attacher ou serrer ou comprimer deux ou plusieurs pièces ensemble de façon à les immobiliser fermement dans leur position relative b : l'un ou l'autre de divers instruments ou appareils [...] pour assurer le maintien ou le serrage de quelque chose »).

11. À l'appui de son opinion, l'avocate de l'intimé a fourni au Tribunal la définition suivante de l'expression « Archimedes's screw » (« dispositif à vis d'Archimède ») : « a device consisting of a tube bent spirally around an axis or of a broad-threaded screw incased by a hollow open cylinder and used to raise water by rotating the apparatus when partly immersed in a slantwise direction » (« dispositif constitué d'un tube enroulé autour d'un axe ou d'une vis à large pas encastrée dans un cylindre vide ouvert aux deux extrémités qui sert à assurer le mouvement de l'eau vers le haut par un mouvement de rotation de l'appareil alors qu'il est en partie immergé, en oblique »), ibid. à la p. 112.


Publication initiale : le 17 septembre 1997