VITRERIE VERTECH INC.

Décisions


VITRERIE VERTECH INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-084

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 30 septembre 1997

Appel n o AP-96-084

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 avril 1997 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 26 juin 1996 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

VITRERIE VERTECH INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national pour la période du 31 octobre 1986 au 31 mars 1990. À l'audience, une question préliminaire, qui consistait à déterminer si le Tribunal avait compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant, a été soulevée. L'avocat de l'intimé a plaidé que le Tribunal n'avait pas compétence pour se prononcer sur les conditions d'application de politiques administratives élaborées par l'intimé. L'avocat de l'appelant a soutenu qu'il est absurde que l'appelant ne puisse contester la méthode de calcul utilisée par l'intimé pour calculer le montant de taxe à payer. Dans l'éventualité où le Tribunal accepte la position de l'intimé, l'avocat de l'appelant a avancé que le Tribunal a néanmoins compétence pour entendre cet appel afin de déterminer si l'intimé a agi avec diligence en réexaminant la cotisation.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Bien que correctement saisi de l'appel d'une cotisation aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, le Tribunal reçoit les arguments invoqués par l'avocat de l'intimé selon lesquels le Tribunal n'a pas compétence pour traiter des conditions d'application du Mémorandum de l'Accise ET 202. Le Tribunal n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'application des conditions prévues dans une politique ministérielle dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire, telle que celle établie dans le Mémorandum de l'Accise ET 202. En fait, cette politique crée un mécanisme de détermination de l'obligation fiscale fondé sur une autre base que celle du prix de vente ou du volume, comme le prévoit la Loi sur la taxe d'accise. Le Tribunal conclut donc qu'il n'a pas compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant, faute de preuve que les allégations d'erreurs commises lors de l'établissement de la cotisation était fondées en regard des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise.

Pour ce qui est de l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel le Tribunal peut déterminer si l'intimé a agi de façon diligente en laissant écouler presque six ans entre l'avis d'opposition et l'avis de décision, le Tribunal est d'avis que le redressement demandé par l'appelant relève du domaine de l'équité. Il est très bien établi que le Tribunal n'est pas habilité à appliquer des principes d'équité ou à accorder un redressement fondé sur l'équité lorsqu'il statue sur des appels.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 avril 1997 Date de la décision : Le 30 septembre 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Patricia M. Close, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Charles Tibshirani, pour l'appelant Guy Blouin, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation datée du 15 août 1990 établie par le ministre du Revenu national pour la période du 31 octobre 1986 au 31 mars 1990. La cotisation de 44 234,72 $, y compris l'intérêt et la pénalité, relevait de taxes impayées pour des fenêtres en aluminium. L'appelant a signifié un avis d'opposition daté du 14 novembre 1990. Dans un avis de décision daté du 26 juin 1996, l'intimé a rejeté l'opposition et confirmé la cotisation.

L'appelant exploite une entreprise de vente, service et installation de fenêtres en aluminium depuis 1986. Pendant la période susmentionnée, l'appelant était titulaire d'une licence de fabricant et produisait des portes et châssis en aluminium vendus exclusivement à des particuliers ou à des particuliers et des utilisateurs commerciaux. En novembre 1986, le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a informé l'appelant qu'il pouvait calculer la taxe de vente fédérale (TVF) sur la base d'une valeur déterminée, c'est-à-dire, pour les portes et châssis en aluminium comprenant l'installation, en se fondant sur le prix de vente moins la déduction pour l'installation en conformité avec les directives du Mémorandum de l'Accise ET 205 [2] (Mémorandum ET 205) et moins un escompte global de 35 p. 100 devant être déduit du solde.

En avril 1990, Revenu Canada a procédé à une vérification des livres de l'appelant pour la période du 31 octobre 1986 au 31 mars 1990, soit la période visée par cet appel. À ce moment-là, le vérificateur a informé l'appelant que la méthode de calcul de la TVF utilisée était conforme à la pratique administrative de Revenu Canada. Lors d'une visite subséquente, le vérificateur a informé l'appelant que la méthode de calcul de la TVF avait été modifiée et que, aux termes de cette modification, l'appelant perdait son droit à l'escompte global de 35 p. 100. Le vérificateur a donc dû refaire le calcul et a cotisé l'appelant pour le montant de taxe impayée. L'appelant dit ne jamais avoir reçu de lettre ou autrement avoir été informé du changement.

À l'audience, une question préliminaire, qui consistait à déterminer si le Tribunal avait compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant, a été soulevée. L'avocat de l'intimé a plaidé que le Tribunal n'avait pas compétence pour se prononcer sur les conditions d'application de politiques administratives élaborées par l'intimé. Il a soutenu que les décisions du Tribunal dans les affaires Empire Homes Ltd. c. Le ministre du Revenu nationa l [3] , Esselte Pendaflex Canada Inc. c. Le ministre du Revenu nationa l [4] et Les Ateliers Yves Bérubé Inc c. Le ministre du Revenu nationa l [5] s'appliquaient directement au présent appel.

L'avocat de l'appelant a plaidé que les trois décisions sur lesquelles s'est fié l'avocat de l'intimé se distinguent de la présente affaire du fait qu'elles traitent toutes du Mémorandum de l'Accise ET 202 [6] (Mémorandum ET 202). Selon l'avocat de l'appelant, le Mémorandum ET 205, et non le Mémorandum ET 202, s'applique dans la présente affaire. Il a plaidé que le Tribunal devrait limiter le raisonnement adopté dans les trois décisions susmentionnées au mémorandum qui est visé par ces décisions et ne pas l'appliquer dans tous les cas où la méthode de calcul de la valeur imposable fait l'objet d'un litige entre un contribuable et Revenu Canada. Dans l'éventualité où le Tribunal accepte la position de l'intimé, l'avocat de l'appelant a avancé que le Tribunal a néanmoins compétence pour entendre cet appel afin de déterminer si l'intimé a agi avec diligence en réexaminant la cotisation. Selon l'avocat de l'appelant, le fait que presque six ans se soient écoulés entre l'avis d'opposition et l'avis de décision montre que l'intimé n'a pas agi avec toute « la célérité raisonnable » en réexaminant la cotisation, tel que l'exige le paragraphe 81.15(4) de la Loi.

En réplique, l'avocat de l'intimé a avancé que le Mémorandum ET 202 guide le contribuable dans le calcul de la valeur imposable déterminée tandis que le Mémorandum ET 205 prévoit la méthode de calcul de la déduction pour les frais d'installation. Par conséquent, le Mémorandum ET 202 s'applique en l'espèce, contrairement a ce qu'a affirmé l'avocat de l'appelant. L'avocat de l'intimé a également soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour appliquer des principes d'équité et déterminer si l'intimé a agi avec diligence dans l'exercice de ses fonctions. Il a ajouté que, de toute façon, l'appelant pouvait faire appel de la cotisation directement au Tribunal ou à la Cour fédérale du Canada sans attendre tout le processus administratif.

Après avoir entendu les représentations de l'avocat de l'intimé et de l'avocat de l'appelant, le Tribunal a ajourné quelques instants, puis a décidé d'entendre le témoin de l'appelant et a informé les parties qu'il prendrait sa décision sur la question de sa compétence en temps et lieu. M. Luc P. Labossière a témoigné au nom de l'appelant, pour lequel il exerce les fonctions de contrôleur. Dans son témoignage, M. Labossière a plus ou moins réitéré les faits énoncés dans le mémoire de l'appelant, résumés ci-haut. Il a de plus expliqué comment, selon lui, le vérificateur a calculé le montant de taxe impayée et pourquoi l'appelant avait droit à l'escompte global de 35 p. 100 même à la suite des modifications de 1988.

À la toute fin de l'audience, l'avocat de l'appelant a affirmé qu'il était absurde que l'appelant ne puisse contester la méthode de calcul utilisée par l'intimé pour calculer le montant de taxe à payer. Il a par la suite soutenu, en se fondant sur la preuve de M. Labossière, que l'appelant satisfait aux conditions du Mémorandum ET 202, même à la suite des modifications de 1988, et qu'il avait droit à l'escompte global de 35 p. 100 pour toutes les ventes effectuées pendant la période du 31 octobre 1986 au 31 mars 1990. En ce qui a trait à la question de diligence, l'avocat de l'appelant a ajouté que ce n'était pas en renversant l'obligation d'agir à l'appelant, en plaidant l'article 81.22 de la Loi, que l'intimé devrait se disculper de ses propres obligations aux termes du paragraphe 81.15(4) de la Loi. En se fiant sur la jurisprudence citée dans son mémoire, il a demandé au Tribunal de rejeter la cotisation parce que l'intimé n'a pas agi dans un délai raisonnable. L'avocat de l'intimé a plus ou moins réitéré les arguments qu'il avait présentés au début de l'audience.

Bien que correctement saisi de l'appel d'une cotisation aux termes de la Loi, le Tribunal reçoit les arguments invoqués par l'avocat de l'intimé selon lesquels le Tribunal n'a pas compétence pour traiter des conditions d'application du Mémorandum ET 202. Dans les affaires Empire Homes, Esselte Pendaflex et Les Ateliers Yves Bérubé, pour ne nommer que celles-là, le Tribunal a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur l'application des conditions prévues dans une politique ministérielle dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire, telle que celle établie dans le Mémorandum ET 202. Le Tribunal a aussi conclu que, en fait, cette politique crée un mécanisme de détermination de l'obligation fiscale fondé sur une autre base que celle du prix de vente ou du volume, comme le prévoit la Loi. Le Tribunal reprend les décisions des affaires susmentionnées et conclut donc qu'il n'a pas compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant. En effet, à moins que l'appelant eut été capable d'établir, au moyen d'éléments de preuve, que les allégations d'erreurs commises lors de l'établissement de la cotisation étaient fondées aux termes des dispositions de la Loi, le Tribunal n'aurait pu accueillir cet appel.

Pour ce qui est de l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel le Tribunal peut déterminer si l'intimé a agi de façon diligente en laissant écouler presque six ans entre l'avis d'opposition et l'avis de décision, le Tribunal est d'avis que le redressement demandé par l'appelant relève du domaine de l'équité. Il est très bien établi que le Tribunal n'est pas habilité à appliquer des principes d'équité ou à accorder un redressement fondé sur l'équité lorsqu'il statue sur des appels [7] . De toute façon, le Tribunal observe que le paragraphe 81.22(1) de la Loi prévoit que lorsqu'une personne signifie un avis d'opposition et que le ministre du Revenu national omet de lui envoyer un avis de sa décision dans un délai de 180 jours suivant la date de signification de l'avis d'opposition, cette personne peut appeler de la cotisation au Tribunal ou à la Section de première instance de la Cour fédérale. L'appelant aurait donc pu en appeler de la cotisation de l'intimé bien avant qu'il ne l'a fait.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Marchandises érigées ou installées, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 29 mars 1989 .

3. Appel no AP-91-270, le 19 mars 1993.

4. Appel no AP-91-187, le 9 août 1993.

5. Appel no AP-93-239, le 11 mars 1994.

6. Valeurs imposables, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1er décembre 1975.

7. Voir, par exemple, les affaires Joseph Granger c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, [ 1986 ] 3 C.F. 70, confirmée par [ 1989 ] 1 R.C.S. 141; et Jim’s Motor Repairs (Calgary) Ltd. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-93-068, le 28 février 1994.


Publication initiale : le 30 septembre 1997