HUNG GAY ENTERPRISES LTD.

Décisions


HUNG GAY ENTERPRISES LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-044

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 5 juin 1997

Appel n o AP-96-044

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 mars 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 20 mars 1996 conformément à une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HUNG GAY ENTERPRISES LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si un vin médicamenteux chinois, connu sous l'appellation Sze Chuan Dah Poo Chiew, importé par l'appelant est correctement classé dans le numéro tarifaire 2208.90.99 à titre de boisson spiritueuse, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre de médicament préparé pour la vente au détail, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que, conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé, le produit en cause est correctement classé à titre de boisson spiritueuse. Les éléments de preuve présentés indiquent que le produit est potable, non dénaturé, fabriqué par une brasserie et présenté sous forme de vin, bien qu'il s'agisse d'un vin médicamenteux. Tout en prenant note que le produit en cause pourrait aussi être dénommé à titre de produit pharmaceutique du Chapitre 30 de l'annexe I du Tarif des douanes, puisqu'il s'agit d'un médicament traditionnel chinois à base d'herbes, le Tribunal observe que les éléments de preuve indiquent que le produit est mieux décrit à titre de « tonique » et les boissons toniques sont explicitement exclues du Chapitre 30 aux termes de la Note 1 a) du chapitre. Étant donné que les pièces de correspondance envoyées par l'appelant au ministère du Revenu national, que l'emballage dans lequel le produit est vendu au détail et que plusieurs des descriptions détaillées des effets des herbes particulières mentionnent tous le mot « tonique », le Tribunal conclut que le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2208.90.99.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 19 mars 1997 Date de la décision : Le 5 juin 1997
Membre du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Susanne Grimes
Ont comparu : James Warnock, pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Le présent appel, entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si un vin médicamenteux chinois, connu sous l'appellation Sze Chuan Dah Poo Chiew, importé par l'appelant est correctement classé dans le numéro tarifaire 2208.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre de boisson spiritueuse, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre de médicament préparé pour la vente au détail, comme l'a soutenu l'appelant. Si le produit en cause est correctement classé, il est assujetti à une taxe de 11,066 $ le litre ou moins aux termes de la Loi sur la taxe d'accise [4] . Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

22.08 Alcool éthylique non dénaturé d'un titre alcoométrique volumique de moins de 80 % vol; eaux-de-vie, liqueurs et autres boissons spiritueuses; préparations alcooliques composées des types utilisés pour la fabrication des boissons.

2208.90 -Autres

2208.90.99 ----Autres

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses [...] pour la vente au détail.

3004.90 -Autres

3004.90.99 ----Autres

Le premier témoin de l'appelant, M. Frank Ng, directeur général de Hung Gay Enterprises Ltd., une société qui importe des produits d'Asie du Sud-Est, a témoigné que le nom du produit en cause se traduit en anglais par « a tonic wine with ten herbs » (« un vin tonique renfermant dix espèces d'herbes »). Il a aussi témoigné que le produit est fabriqué par le département des vins médicamenteux de la brasserie Hwa Kwang Brewery, de Shanghai (République populaire de Chine). Il a témoigné que l'appelant vend le produit, qui est également présenté sous forme de capsules ou sous forme séchée, à des herboristeries chinoises. Bien que la teneur en alcool du produit soit de 24,5 p. 100, la régie des alcools de la Colombie-Britannique en permet l'importation, ayant statué que le produit est exempté à titre de préparation médicinale. Le produit en cause est importé pour la vente uniquement en Colombie-Britannique, puisque les autres provinces, selon M. Ng, n'en permettent plus la vente dans les herboristeries. Au cours du contre-interrogatoire, M. Ng a maintenu n'avoir jamais vu une lettre que son frère, le président de Hung Gay Enterprises Ltd., a rédigée et a fait parvenir au ministère du Revenu national (Revenu Canada); il a dit ne pas être d'accord avec la description qu'a donnée son frère du produit, soit une « boisson tonique » [traduction]. Il a soutenu qu'il y a là une difficulté de traduction, et que, en médecine chinoise, le terme « tonique » peut avoir un sens différent et que le produit en cause n'est pas une boisson, mais un médicament.

Le deuxième témoin en faveur de l'appelant a été le Dr Samuel Chiu; le Tribunal lui a reconnu le titre de témoin expert en application des herbes dans la pratique de la médecine traditionnelle chinoise. Dr Chiu est titulaire d'un baccalauréat en médecine traditionnelle chinoise, a déjà tenu un cabinet de consultation à Hong Kong et a obtenu un diplôme de médecine de la University of Toronto; il a commencé son témoignage en expliquant que la médecine traditionnelle chinoise et la médecine occidentale moderne sont fondamentalement différentes. Il a précisé que, dans le premier cas, la maladie est attribuée à un déséquilibre des deux forces vitales, le « yin » et le « yang ». Le yin équivaut aux aspects tangibles du corps et le yang, à l'intellect ou l'esprit. En médecine chinoise, les herbes sont choisies pour des raisons thérapeutiques, c.-à-d. pour tenter de restaurer l'équilibre entre les deux forces vitales susmentionnées, lorsqu'un ou plusieurs systèmes fonctionnels sont touchés. Il a décrit le produit en cause comme étant une préparation médicinale, parce qu'elle est formulée en vue du traitement d'une disharmonie spécifique ou d'une affection extrême du Qi, traduit par le terme « énergie », et du Xue, traduit librement par le terme « sang ». Il ne conseillerait pas le produit en cause à moins que quelqu'un ne souffre de l'anomalie spécifique susmentionnée, décrite cliniquement en médecine traditionnelle chinoise par l'expression « déficience combinée du Qi et du Xue [...] et déficience du yang associé à une froideur intérieure » [traduction]. Les symptômes comprennent la fatigue, la pâleur, des troubles de la vue, des palpitations, l'insomnie, le manque d'appétit, la faiblesse et des frissons. Le cycle menstruel des femmes peut être irrégulier, et les hommes peuvent éprouver des problèmes d'ordre sexuel. Il n'existe, en médecine occidentale, aucune affection comparable à ce syndrome, ou à cet ensemble de symptômes. Il ne s'agit pas d'une maladie comme en médecine occidentale, mais plutôt d'une disharmonie. Le produit aide une personne à se rétablir de cet état de disharmonie. Le témoin a recommandé de ne pas en boire à moins d'être malade, ni d'en prendre si un seul des symptômes se manifeste, mais plutôt d'en prendre uniquement en présence d'une série de ces symptômes, sans qu'ils soient nécessairement tous présents.

Dr Chiu a ensuite décrit en détail l'application de chacune des 10 herbes, s'appuyant sur divers manuels chinois. Les 4 premières herbes constituent le groupement classique d'herbes pour tout déficit en Qi de l'organisme. Les 3 herbes suivantes sont les principaux ingrédients dans tous les cas de déficience sanguine. La huitième, fu pen zi, sert dans les cas de dysfonction sexuelle chez l'homme. La neuvième herbe augmente « l'énergie protectrice » et la dixième, réchauffe. Le Dr Chiu a ajouté que le vin est considéré, en médecine chinoise, comme un moyen de stimuler la réaction et d'accélérer le processus de rétablissement. Selon lui, le consommateur peut être induit en erreur par l'étiquetage du produit comme boisson tonique plutôt que comme préparation médicinale, puisque le terme tonique est trop vague. À son avis, le mot « tonique » est utilisé par les gens qui ne sont pas de la profession pour inciter le consommateur à acheter le produit. Au cours du contre-interrogatoire, Dr Chiu a expliqué que le produit en cause n'a pas fait l'objet d'épreuves en laboratoire, comme le font les médicaments occidentaux, mais qu'il a été éprouvé du fait qu'on s'en sert depuis le xesiècle en Chine pour traiter les symptômes déjà indiqués.

M. Ted Leung, directeur de la Division du Laboratoire de l'Accise de Revenu Canada, a témoigné en faveur de l'intimé. Le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en analyse chimique et en essai de potabilité des produits contenant de l'alcool. M. Leung a témoigné que le produit en cause a été soumis à des analyses en laboratoire visant à en déterminer la composition et à établir s'il est potable et s'il s'agit d'une boisson spiritueuse. L'analyse chimique a montré que le profil du produit est celui d'une boisson alcoolique étant donné la composition des huiles de fusel dans les congénères. Un produit alcoolisé n'est pas considéré comme une boisson s'il ne contient aucune de ces huiles de fusel ou additifs chimiques, qui confèrent à la boisson son goût et son arôme et causent aussi les maux de tête. La teneur en alcool révélée par l'analyse du produit était de 23,5 p. 100. Une teneur en alcool atteignant plus de 14,0 ou 15,0 p. 100 suppose que le produit, quel qu'il soit, a été soumis à un processus d'alcoolisation ou de purification. L'analyse botanique a aussi révélé que la composition des esters éthyliques du produit est celle qu'on retrouve normalement dans une boisson alcoolique. Ces congénères et substances végétales, selon lui, s'apparentaient à ceux d'une liqueur, tout comme la teneur en sucre du produit (17,5 p. 100, alors que la teneur en sucre de la plupart des liqueurs est de 15,0 à 20,0 p. 100).

Quant à la potabilité, c.-à-d. à la question de savoir si une personne moyenne boirait le produit, M. Leung a témoigné que 80 p. 100 des participants à un groupe de dégustation composé d'experts ont dit qu'ils en boiraient. Le témoin a ajouté que les autres produits pharmaceutiques alcoolisés, comme les sirops contre la toux, diffèrent du produit en cause parce que leur degré d'alcool est moins élevé (le degré d'alcool dans un sirop contre la toux dépasse rarement 12 ou 13 p. 100) et que des ingrédients y sont ajoutés pour dissuader les gens de les boire. Les sirops contre la toux produits au Canada doivent être non potables, c.-à-d. dénaturés. Les autres produits alcooliques ne contiennent pas les congénères et les substances végétales propres à une boisson alcoolique, comme en contient le produit en cause. Au cours du contre-interrogatoire, M. Leung a confirmé que, bien que le mémoire de l'intimé rapporte « qu'aucun ingrédient thérapeutique ou prophylactique actif n'a été décelé » [traduction] dans le produit, le laboratoire n'a pas vraiment testé le produit pour déterminer la présence ou l'absence de tels ingrédients.

L'avocat de l'appelant a soutenu que le produit en cause n'est pas assujetti aux droits aux termes de l'annexe I de la Loi sur la taxe d'accise parce qu'il est incorrectement classé à titre de boisson spiritueuse dans la position no 22.08. Plutôt, il devrait être classé dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre de médicament. L'avocat a soutenu que les éléments des preuve ont montré que le vin de riz fermenté, comme le produit en cause, qui contient 10 herbes médicinales, sert souvent à l'absorption des remèdes traditionnels chinois. Le remède à base d'herbes en question est seulement destiné à rééquilibrer certains types de disharmonies du yin et du yang. Bien qu'il n'existe aucune corrélation directe entre une affection reconnue en médecine occidentale moderne et un déséquilibre correspondant de l'harmonie du yin et du yang, qui est décrit en médecine traditionnelle chinoise, cette dernière considère le produit en cause comme un médicament destiné à des fins thérapeutiques. Par conséquent, en conformité avec la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] (les Règles générales), qui prévoit que « le classement [des marchandises] étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres », le produit en cause, de l'avis de l'avocat, devrait être classé dans la position no 30.04. Les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [6] (les Notes explicatives) de la position no 30.04 prévoient que la position englobe les « médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés [...] présentés […] sous forme de doses [ou conditionnés pour la vente au détail] ».

Selon l'avocat de l'appelant, la Note 1 a) du Chapitre 30, qui exclut du chapitre les « boissons toniques », ne s'applique pas. Même si le mot « tonique » est la traduction qui figure sur le contenant du produit en cause, les éléments de preuve présentés montrent que, non seulement il n'y a pas de traduction littérale pour le produit en cause, mais aussi qu'il n'est pas destiné à contribuer au bien-être général, comme l'est un tonique. Plutôt, le produit est prescrit en cas de déséquilibre spécifique du Qi (l'énergie) et du Xue (le sang). L'avocat a aussi soutenu que, puisque les Notes explicatives de la position no 30.03 prévoient que « classées ici, les préparations dans lesquelles les substances alimentaires ou les boissons sont simplement destinées à servir de support, d'excipient ou d'édulcorant à la ou aux substances médicinales, afin notamment d'en faciliter l'absorption », le produit en cause doit donc être classé dans la position no 30.04, puisque les éléments de preuve ont montré que le vin dans le produit en cause est exactement cela, un support conçu pour aider l'absorption du mélange d'herbes.

L'avocat de l'appelant a de plus soutenu que le produit en cause ne pouvait être classé dans le Chapitre 22 parce que la Note 1 e) du chapitre exclut les « médicaments des nos 30.03 ou 30.04 ». En outre, la position no 30.04 envisage clairement que les médicaments qui contiennent de l'alcool sont classés dans cette position, étant donné que le numéro tarifaire 3004.90.91 inclut les médicaments « [r]enfermant plus de 23 % d'alcool éthylique absolu par volume ». L'avocat a cité la décision du Tribunal dans l'affaire I.D. Foods Superior Corp. c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [7] , où le Tribunal a déclaré que « le terme “beverage” (boisson) doit être interprété selon son sens grammatical et courant ». L'avocat a soutenu que les résultats des tests de potabilité de Revenu Canada n'étaient pas fiables, étant donné qu'il n'a pas été demandé au groupe de dégustateurs quelle quantité du produit en cause ils boiraient. Il a soutenu que, parce qu'il est vendu dans des herboristeries chinoises et qu'il est commercialisé auprès d'une population ethnique spécifique qui en connaît les propriétés médicinales, le produit en cause ne devrait pas être considéré comme une boisson alcoolique.

L'avocate de l'intimé a soutenu que le produit en cause est correctement classé dans la position no 22.08, qui vise l'« [a]lcool éthylique non dénaturé d'un titre alcoométrique volumique de moins de 80 % vol ». Le produit en cause est spécifiquement visé par la Note 14 des Notes explicatives de la position no 22.08 qui prescrit que la position comprend « [l]es boissons spiritueuses, parfois désignées sous le nom de compléments alimentaires, destinées à maintenir l'organisme en bonne santé ». Elle a rejeté l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel les résultats des tests de potabilité ne sont pas fiables parce qu'il n'a pas été demandé au groupe de dégustateurs quelle quantité du produit en cause ils boiraient, soutenant que l'aspect pertinent de la réponse du groupe est que 8 des 10 dégustateurs en boiraient.

Passant en revue les fonctions des diverses herbes, comme celles qui tonifient la rate et les poumons et celles qui apaisent l'esprit, l'avocate de l'intimé a soutenu que le produit en cause est davantage un produit qui apporte l'harmonie dans le but de maintenir l'organisme en bonne santé qu'un produit destiné spécifiquement à traiter une affection ou un état comme ceux visés par le Chapitre 30. L'avocate a renvoyé au Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] (les Avis de classement), où le tonique au ginseng a été classé dans le Chapitre 22, même si sa teneur en alcool n'est que de 11,5 p. 100. Elle a soutenu que les deux produits sont similaires et que le produit en cause est une boisson tonique. L'avocate a aussi renvoyé à la traduction anglaise qui figure sur l'emballage, qui décrit le produit en cause comme « a far-reaching tonic wine ... Regular drinkers ... will find themselves full of spirit » (« un vin tonique d'un profond effet [...] ceux qui en boivent régulièrement [...] seront pleins d'entrain »).

L'avocate de l'intimé a soutenu que le produit en cause ne peut être classé dans la position no 30.04 parce qu'il s'agit d'un liquide et qu'il n'est donc pas « présenté[ ] sous forme de doses », comme l'exigent les Notes explicatives de la position. Plus précisément, les Notes explicatives prévoient que les marchandises de la position no 30.04 doivent se présenter en « quantités dans lesquelles ils doivent être employés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques […] en ampoules [...], cachets, comprimés pastilles ou tablettes, ou même en poudre s'ils sont présentés sous forme de doses dans des sachets ». L'avocate a soutenu que le produit en cause ne satisfaisait pas une autre condition énoncée dans les Notes explicatives. Plus précisément, il n'est pas présenté dans un emballage pour la vente au détail en vue d'usages thérapeutiques ou prophylactiques et comprenant des indications appropriées aux utilisateurs sur les affections ou les états contre lesquels il doit être employé. Selon l'avocate, l'information qui paraît sur l'emballage ne dit rien de cela. Plutôt, elle renvoie simplement au bon état de santé général et au bien-être des gens qui se servent du produit et indique que ceux qui en boivent « seront pleins d'entrain et alertes » [traduction]. Ils « verront leur appétit s'améliorer, dormiront bien et leur santé sera ainsi assurée » [traduction].

Compte tenu de ce qui précède, l'avocate de l'intimé a soutenu que les faits dans la présente affaire ne sont pas similaires aux faits lors de la décision du Tribunal dans l'affaire Baxter Corporation c. Le sous - ministre du Revenu nationa l [9] , où les éléments de preuve avaient montré que le produit, Peptamen, était un traitement contre la maladie de Crohn. En outre, le produit en cause n'est ni prophylactique ni thérapeutique. Il n'est pas prophylactique parce que, comme l'a dit le témoin expert, le Dr Chiu, il ne sert que lorsque quelqu'un est malade et il n'est pas thérapeutique parce qu'il n'a jamais été éprouvé dans un environnement médical contrôlé. Selon l'avocate, le produit en cause n'est pas similaire à un sirop contre la toux, puisqu'il n'est pas dénaturé. Par conséquent, l'avocate a soutenu que le produit s'apparente davantage aux boissons toniques alcooliques, qui sont exclues du Chapitre 30 en vertu de la Note 1 a) du chapitre et des Notes explicatives de la position no 30.04, qui prévoient que les suppléments liquides qui sont destinés à conserver l'organisme en bonne santé « relèvent généralement du [...] Chapitre 22 ». Enfin, l'avocate a soutenu que, en raison de son classement dans la position no 22.08, le produit en cause est automatiquement assujetti aux droits d'accise de 11,066 $ le litre.

En réponse, l'avocat de l'appelant a contesté le rapport établi par l'avocate de l'intimé avec les Avis de classement et le classement du tonique au ginseng, faisant observer que ce dernier est totalement distinct du produit en cause et qu'il est classé dans une autre position, c.-à-d. la position no 22.05, et non dans la position no 22.08, qui fait l'objet du litige dans le présent appel. L'avocat a réitéré qu'on ne peut établir une comparaison entre la médecine occidentale moderne et la médecine traditionnelle chinoise. De plus, il a soutenu que le produit en cause est préparé pour la vente au détail, faisant observer que l'emballage indique de fait : « à boire régulièrement, deux petites tasses une ou deux fois par jour [...] ou [...] suivre les directives de votre médecin » [traduction].

Aux termes de l'article 10 du Tarif des douanes, le Tribunal doit classer les marchandises conformément aux Règles générales et aux Règles canadiennes [10] . La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement des marchandises est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes et que, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles 2 à 6, ainsi que les Règles canadiennes qui suivent. Aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, il doit être tenu compte des Avis de classement et des Notes explicatives pour l'interprétation des positions et sous-positions. Le Tribunal doit donc d'abord examiner si le produit en cause entre dans le champ d'application de l'une ou l'autre des positions nos 22.08 et 30.04.

La position no 22.08 vise l'« [a]lcool éthylique non dénaturé d'un titre alcoométrique volumique de moins de 80 % vol; eaux-de-vie, liqueurs et autres boissons spiritueuses; préparations alcooliques composées des types utilisés pour la fabrication des boissons ». Des éléments de preuve en provenance du laboratoire de Revenu Canada ont été présentés et les tests ont montré que le produit en cause était potable, c.-à-d. buvable ou non dénaturé, et que sa teneur en alcool était de 23,5 p. 100, un degré qui ne s'atteint pas par simple fermentation. En outre, le produit s'est révélé avoir un profil chimique similaire à celui d'une liqueur, étant doté d'une composition similaire d'huiles de fusel, de substances végétales et de sucre. De même, le produit est fabriqué par une brasserie, bien que ce soit par le département des vins médicamenteux de cette brasserie, et, même s'il est vendu dans des herboristeries chinoises, il est commercialisé à titre de boisson spiritueuse, ou de « vin tonique », dans une bouteille qui ressemble à une bouteille de liqueur. Sur la foi de ces éléments de preuve, le Tribunal conclut que le produit en cause possède les qualités d'un produit dénommé dans la position no 22.08.

Quant à la position no 30.04, le Tribunal est d'avis que le produit en cause peut être décrit comme un médicament, étant donné les éléments de preuve convaincants que le produit est un remède traditionnel chinois à base d'herbes prescrit pour guérir un état de disharmonie du yin et du yang. Le Tribunal en arrive à cette opinion malgré l'affirmation énoncée dans le mémoire de l'intimé selon laquelle « aucun ingrédient thérapeutique ou prophylactique actif n'a été décelé » [traduction] dans le produit. Le Tribunal observe qu'aucun élément de preuve n'a été présenté pour indiquer que le produit en cause avait déjà été soumis à des épreuves scientifiques dans le but de confirmer ou d'infirmer ses propriétés médicinales. De plus, les éléments de preuve montrent que le produit en cause est préparé pour la vente au détail et contient un verre à mesure, ainsi que des directives sur la posologie, et répond donc à une autre condition de la position.

Bien que le Chapitre 30 englobe clairement des médicaments d'une teneur en alcool aussi élevée que celle du produit en cause, la Note 1 a) du chapitre exclut un type particulier de médicament — les boissons toniques. En dépit de l'argument de l'avocat de l'appelant et du témoignage du Dr Chiu selon lesquels le produit en cause n'est pas un tonique, mais un remède à base d'herbes destiné à traiter une disharmonie spécifique, la traduction, du chinois à l'anglais, présentée en preuve indique autre chose. Un des témoins de l'appelant a déclaré que la traduction du nom du produit en cause est « un vin tonique renfermant dix espèces d'herbes » [traduction]. Le fabricant décrit le produit, sur l'emballage de vente au détail, comme un « vin tonique d'un profond effet » [traduction] et il y est écrit que ceux qui en boivent régulièrement « seront pleins d'entrain et alertes [...] dormiront bien et leur santé sera ainsi assurée » [traduction]. Les éléments de preuve montrent aussi que l'appelant, dans sa correspondance avec le gouvernement, a désigné le produit par l'expression « une boisson tonique » [traduction].

À la lumière des éléments de preuve portant sur l'emploi du mot « tonique » pour décrire le produit en cause et des résultats des analyses chimiques et des tests de potabilité menées au laboratoire de Revenu Canada, le Tribunal conclut que le produit en cause doit être considéré comme une « boisson tonique » et qu'il est donc correctement classé dans le numéro tarifaire 2208.90.99 à titre de boisson spiritueuse. Le produit en cause est de ce fait assujetti à des droits supplémentaires aux termes de la Loi sur la taxe d'accise.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. L.R.C. (1985), ch. E-15.

5. Supra note 3, annexe I.

6. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

7. Appel no AP-94-102, le 8 juin 1995.

8. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

9. Appel no AP-93-092, le 26 juillet 1994.

10. Supra note 3, annexe I.


Publication initiale : le 22 août 1997