LA CIE CANADIENNE DE PRODUITS OPTIQUES LTÉE

Décisions


LA CIE CANADIENNE DE PRODUITS OPTIQUES LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-048

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 21 février 1997

Appel n o AP - 96 - 048

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 novembre 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 11 et 25 avril 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LA CIE CANADIENNE DE PRODUITS OPTIQUES LTÉE Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. Les marchandises en cause sont décrites comme étant des lunettes de soleil « RXable » (« de qualité de prescription »), y compris la monture, en matière plastique ou en métal, importées comme article complet comprenant des verres de démonstration, sans prescription. Les lunettes de soleil peuvent se porter telles quelles, c.-à-d. avec des verres ordinaires, ou avec des verres correcteurs. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9004.10.00 à titre de lunettes solaires, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans les numéros tarifaires 9003.11.10 et 9003.19.10 à titre de montures en matière plastique ou en métal, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Dans l'affaire Centennial Optical Limited c. Le sous-ministre du Revenu national, le Tribunal a déclaré que « l'expression “[l]unettes solaires”, telle qu'elle figure dans la sous-position […] et dans les Notes explicatives, n'a été précisée d'aucune façon pour renvoyer exclusivement aux lunettes de soleil en vente libre ». Le Tribunal a aussi déclaré dans cette instance que, à son avis, « il ressort clairement de l'examen des Notes explicatives que l'intention était de faire en sorte que l'expression “lunettes solaires” englobe les lunettes de soleil avec prescription et les lunettes de soleil en vente libre ». Le Tribunal adopte la même ligne de pensée dans la présente affaire. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent clairement qu'au moment de leur importation, les marchandises en cause ne sont pas des montures, comme l'a soutenu l'appelant. Ce sont des lunettes de soleil. Il est bien établi que le moment correct pour déterminer le classement tarifaire de marchandises est celui de leur entrée au Canada. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9004.10.00 à titre de lunettes solaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 28 novembre 1996 Date de la décision : Le 21 février 1997
Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Raylene Van Vliet et Michael Sherbo, pour l'appelant Guy A. Blouin, pour l'intimé





Le présent appel, entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard de décisions rendues les 11 et 25 avril 1996 par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi.

Les marchandises en cause sont décrites comme étant des lunettes de soleil « RXable » (« de qualité de prescription »), y compris la monture, en matière plastique ou en métal, importées comme article complet comprenant des verres de démonstration, sans prescription. Les lunettes de soleil peuvent se porter telles quelles, c.-à-d. avec des verres ordinaires, ou avec des verres correcteurs. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9004.10.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre de lunettes solaires, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans les numéros tarifaires 9003.11.10 et 9003.19.10 à titre de montures en matière plastique ou en métal, comme l'a soutenu l'appelant. Aux fins du présent rappel, les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

90.03 Montures de lunettes ou d'articles similaires, et leurs parties.

-Montures :

9003.11 --En matières plastiques

9003.11.10 ---Pour lunettes de sûreté conçues pour des travailleurs qui exécutent un travail dangereux; pour verres prismatiques pour la lecture

9003.19 --En autres matières

9003.19.10 ---Pour lunettes de sûreté conçues pour des travailleurs qui exécutent un travail dangereux; pour verres prismatiques pour la lecture

90.04 Lunettes (correctrices, protectrices ou autres) et articles similaires

9004.10.00 -Lunettes solaires

Au cours de l'audience, M. Pierre Haw, contrôleur et directeur général de la Cie canadienne de produits optiques Ltée, a témoigné au nom de l'appelant. Il a expliqué que l'appelant importe et distribue des montures de lunettes et que la plupart de ses clients sont des opticiens et des optométristes. M. Haw a témoigné que toutes les montures de l'appelant sont de qualité de prescription, ce qui signifie qu'elles sont conçues pour loger des verres correcteurs. Il a expliqué que les opticiens et les optométristes qui achètent les montures remplacent les verres de démonstration, sans prescription, par des verres de prescription. M. Haw a aussi expliqué que les verres de démonstration, qui peuvent être clairs ou teintés, fortifient les montures afin de les protéger contre la déformation durant l'expédition et la manutention ou lorsqu'elles sont en présentoir. Les verres servent également à une fin esthétique et permettent aux clients de mieux juger de leur apparence lorsqu'ils portent les lunettes solaires. Les verres de démonstration peuvent également servir de modèle pour la coupe de verres de prescription à la taille des montures. M. Haw a fait savoir que les montures de qualité de prescription sont de construction plus robuste que les montures ordinaires pour convenir aux verres correcteurs. Elles coûtent aussi plus cher que les montures ordinaires.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Haw a témoigné que les marchandises en cause peuvent être portées dans l'état où elles sont importées. Il a ajouté que, bien que sa clientèle se compose principalement d'optométristes et d'opticiens, l'appelant vend aussi les marchandises en cause à des magasins d'articles de sport.

Les représentants de l'appelant ont soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre de montures pour verres prismatiques. Plus précisément, celles qui sont en matière plastique doivent être classées dans le numéro tarifaire 9003.11.10 et celles qui sont en métal doivent être classées dans le numéro tarifaire 9003.19.10. Ils ont fait valoir que les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de lunettes solaires, pour des motifs de conception, de commercialisation et d'usage prévu, et étant donné leur caractéristique essentielle. De plus, seules les montures sont de qualité de prescription, car elles sont faites pour recevoir des verres correcteurs. Les verres inclus sont faits de verre ordinaire. Les représentants ont soutenu que ces faits distinguent la présente affaire de celle qui a fait l'objet de la décision du Tribunal dans l'affaire Centennial Optical Limited c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [4] , où les marchandises en cause étaient des lunettes de soleil avec prescription. Dans cette affaire, non seulement les montures étaient de qualité de prescription, mais les verres étaient des verres correcteurs. Selon les représentants, les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de lunettes solaires du fait de leur caractéristique intrinsèque ou de leur utilisation primaire en tant que montures. Ils ont fait valoir que les montures qui peuvent faire l'objet d'une prescription sont commercialisées d'une façon différente des montures ordinaires. Les montures de qualité de prescription portant des verres de démonstration ne sont pas vendues à titre de lunettes de soleil complètes. Elles sont principalement vendues à des opticiens et à des optométristes qui se spécialisent dans la fabrication d'articles de lunetterie de prescription et dont l'intention manifeste est de remplacer les verres de démonstration par des verres de prescription. Afin d'appuyer leur argument selon lequel la commercialisation d'un produit et l'usage qui en est fait sont des facteurs importants pour en déterminer le classement tarifaire correct, les représentants ont renvoyé aux décisions du Tribunal dans les affaires Les industries Majestic (Canada) Ltée c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] et L&F Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [6] .

L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9004.10.00 à titre de lunettes solaires. Il a soutenu que les marchandises doivent être classées selon leur nature au moment de l'importation. L'avocat a fait observer que le témoin de l'appelant a avoué que les marchandises en cause étaient des lunettes de soleil. Selon l'avocat, le fait que, dans certains cas, les verres importés soient retirés des lunettes de soleil au Canada et remplacés par des verres de prescription ne modifie pas le classement tarifaire des marchandises. À l'appui de son argument que les marchandises en cause sont correctement classées à titre de lunettes solaires, l'avocat a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Centennial Optical.

L'application de la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonis é [7] (les Règles générales) est d'une importance cruciale pour le classement des marchandises dans l'annexe I du Tarif des douanes. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Chapitres pertinentes. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont dénommées ou désignées de façon générique dans une position particulière. Si elles le sont, alors elles doivent y être classées sous réserve des Notes de Chapitres pertinentes. L'article 11 du Tarif des douanes précise que, lorsqu'il interprète les positions et sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] .

Dans l'affaire Centennial Optical, le Tribunal a déclaré que « l'expression “[l]unettes solaires”, telle qu'elle figure dans la sous-position […] et dans les Notes explicatives, n'a été précisée d'aucune façon pour renvoyer exclusivement aux lunettes de soleil en vente libre [9] ». Le Tribunal a aussi déclaré dans cette instance que, à son avis, « il ressort clairement de l'examen des Notes explicatives que l'intention était de faire en sorte que l'expression “lunettes solaires” englobe les lunettes de soleil avec prescription et les lunettes de soleil en vente libre [10] ». Le Tribunal adopte la même ligne de pensée dans la présente affaire. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent clairement qu'au moment de leur importation, les marchandises en cause ne sont pas des montures, comme l'a soutenu l'appelant. Ce sont des lunettes de soleil. Il est bien établi que le moment correct pour déterminer le classement tarifaire des marchandises est celui de leur entrée au Canada [11] .

Le Tribunal fait observer qu'il n'est pas nécessaire d'examiner l'argument des représentants de l'appelant concernant la caractéristique essentielle des marchandises en cause, puisqu'un tel argument ne vaut que lorsque le Tribunal classe des marchandises conformément à la Règle 3 b) des Règles générales, dont le Tribunal ne tient compte que s'il ne peut classer les marchandises conformément aux Règles 1, 2 ou 3 a) desdites Règles [12] .

Compte tenu de toutes les raisons susmentionnées, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9004.10.00 à titre de lunettes solaires.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Appel no AP-95-121, le 14 mai 1996.

5. Appel no AP-92-235, le 7 janvier 1994.

6. Appel no AP-95-076, le 8 août 1996.

7. Supra note 3, annexe I.

8. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

9. Supra note 4 à la p. 5.

10. Ibid.

11. Voir, par exemple, l'affaire Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. MacMillan & Bloedel (Alberni) Limited, [1965] R.C.S. 366.

12. Voir les Règles générales, supra note 7; et l'affaire Weil Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, appel no AP-92-096, le 10 mai 1993.


Publication initiale : le 11 juillet 1997