VIESSMANN MANUFACTURING COMPANY INC.

Décisions


VIESSMANN MANUFACTURING COMPANY INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels n
os AP-96-196 à AP-96-198

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 14 novembre 1997

Appels n os AP-96-196 à AP-96-198

EU ÉGARD À des appels entendus le 2 juin 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 9 octobre 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

VIESSMANN MANUFACTURING COMPANY INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont rejetés.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si des marchandises décrites comme étant des échangeurs de chaleur, gaines isolantes, collecteurs, tubes de brûleur et évents en tôle sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8403.10.10 à titre de chaudières des types utilisés pour le chauffage de bâtiments, sauf du genre domestique, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8403.90.00 à titre de parties de chaudières pour le chauffage central ou, subsidiairement, dans le numéro tarifaire 8419.50.99 à titre d'autres échangeurs de chaleur, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. La Règle 2 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé étend la portée du terme « [c]haudières » dans la position no 84.03 pour inclure les chaudières incomplètes et démontées ou non montées, de sorte que, si les marchandises en cause, en l'état incomplet et démonté ou non monté, présentent les caractéristiques essentielles d'une chaudière complète ou finie, elles sont classées dans la position no 84.03 à titre de chaudières. En appliquant la Règle 2 a) aux faits des présents appels, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont des chaudières incomplètes ou non montées, puisqu'elles présentent les caractéristiques essentielles des chaudières. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal montrent que les marchandises en cause, en l'état où elles sont importées, doivent faire l'objet d'opérations considérables de montage, de fabrication et d'essai, puis être démontées en partie, avant d'être prêtes pour la livraison et l'installation. Il ne fait aucun doute que les marchandises en cause sont ni complètement montées ni fonctionnelles au moment de l'importation. En vérité, il leur manque plusieurs pièces qui doivent leur être ajoutées, y compris, et ce sont peut-être là les éléments les plus importants, le panneau de commande, les conduites de gaz et les accessoires électriques. Cependant, la caractéristique principale d'une chaudière, c.-à-d. l'échangeur de chaleur, est présente, comme le sont le brûleur, le collecteur, les panneaux extérieurs et divers autres composants. Le Tribunal est d'avis qu'il ne peut être dit que la caractéristique essentielle des marchandises en cause a été modifiée soit par le montage des marchandises en cause soit par l'essai de la chaudière montée, des opérations qui représentent une partie substantielle de la valeur de la chaudière montée.

Quant à l'argument subsidiaire des avocats de l'appelant, que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8419.50.99 à titre d'autres échangeurs de chaleur, le Tribunal a examiné les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 84.19 et, plus précisément, les Notes qui décrivent les échangeurs de chaleur. Le Tribunal n'est pas convaincu, sur la foi des éléments de preuve présentés, que les marchandises en cause, et, plus précisément, l'échangeur de chaleur, répondent à la description générale énoncée ni qu'elles entrent dans le champ d'application de la liste des marchandises énumérées à titre d'exemples d'appareils et dispositifs de chauffage et de refroidissement. De plus, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises prévoient, entre autres, que la position no 84.19 n'inclut pas les chaudières pour le chauffage central de la position no 84.03.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 2 juin 1997 Date de la décision : Le 14 novembre 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Richard A. Wagner et Larry N. James, pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Les présents appels, entendus par un seul membre du Tribunal [1] , sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si des marchandises décrites comme étant des échangeurs de chaleur, gaines isolantes, collecteurs, tubes de brûleur et évents en tôle sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8403.10.10 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre de chaudières des types utilisés pour le chauffage de bâtiments, sauf du genre domestique, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8403.90.00 à titre de parties de chaudières pour le chauffage central ou, subsidiairement, dans le numéro tarifaire 8419.50.99 à titre d'autres échangeurs de chaleur, comme l'a soutenu l'appelant. Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire à l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivantes :

84.03 Chaudières pour le chauffage central autres que celles du no 84.02.

8403.10 -Chaudières

8403.10.10 ---Des types utilisés pour le chauffage de bâtiments, sauf du genre domestique

8403.90.00 -Parties

84.19 Appareils et dispositifs, même chauffés électriquement, pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que le chauffage, la cuisson, la torréfaction, la distillation, la rectification, la stérilisation, la pasteurisation, l'étuvage, le séchage, l'évaporation, la vaporisation, la condensation ou le refroidissement, autres que les appareils domestiques; chauffe-eau non électriques, à chauffage instantané ou à accumulation.

8419.50 -Échangeurs de chaleur

---Autres :

8419.50.99 ----Autres

L'appelant a importé certaines marchandises qu'il décrit comme étant des « parties utilisées dans la fabrication de divers modèles de chaudières pour le chauffage central au gaz naturel ou au propane » [traduction]. L'appelant soutient que les chaudières de certaines séries ou de certains modèles, les séries AR et RS, sont fabriquées en utilisant les parties importées susmentionnées et sont ensuite vendues à des clients des secteurs résidentiel et commercial ou industriel au Canada. Les marchandises pour la série AR ont été importées de la société Viessmann Werke GmbH & Co., d'Allemagne (Viessmann Allemagne), et les marchandises pour la série RS ont été importées de la société Fonderie Sime SPA, d'Italie.

Le premier témoin de l'appelant, M. Harald Prell, vice-président du marketing et de la fabrication et directeur général de la société Viessmann Manufacturing Company Inc., a déclaré être responsable des opérations de l'appelant en Amérique du Nord, c.-à-d. pour le Canada et les États-Unis, et dit être au service de cette société depuis 1980. M. Prell, qui est ingénieur, a indiqué que ses attributions incluent notamment la fabrication, la distribution et les ventes.

M. Prell a fait savoir que 24 personnes travaillent aux installations de l'appelant à Waterloo (Ontario), dont six employés de production, les autres étant des ingénieurs, qui sont requis aux fins des processus d'approbation en Amérique du Nord, ou des membres du personnel de commercialisation et d'administration.

Selon M. Prell, pour pouvoir fabriquer les chaudières au Canada, les installations de l'appelant à Waterloo ont dû être homologuées par l'American Society of Mechanical Engineers (l'ASME) et satisfaire les exigences des codes de l'Association Canadienne du Gaz (l'ACG), maintenant désignée sous l'appellation International Approval Services (l'IAS). En outre, l'appelant doit enregistrer les vaisseaux sous pression sous un numéro d'enregistrement canadien dans chaque province et territoire. M. Prell a témoigné que l'usine de Waterloo est la seule de ce genre en Amérique du Nord et que les opérations aux États-Unis se limitent à l'entreposage.

En plus de ses installations de fabrication, l'appelant exploite un centre de formation, où environ 600 stagiaires par année reçoivent une formation en installation, entretien et réparation des produits Viessmann.

Selon M. Prell, l'appelant conçoit et imprime une bonne partie de la documentation sur le produit au Canada, étant donné qu'il ne conviendrait pas de simplement se servir des publications originaires d'Allemagne. Il a expliqué que la raison pour ce faire était de satisfaire des exigences et des normes différentes ou tenir compte de composants différents qui pourraient exister en Allemagne.

Ainsi que l'a décrit M. Prell, les principaux composants d'une chaudière comprennent un échangeur de chaleur doté d'une soupape de décharge, des conduites de gaz reliées à l'assemblage du brûleur et d'autres composants nécessaires. En outre, une chaudière comprend un système de commande nécessaire à son fonctionnement sécuritaire et efficient. Au moyen d'une série de photographies abondamment annotées, prises aux installations de l'appelant à Waterloo, M. Prell a décrit la façon dont une chaudière est fabriquée ou montée à partir de ses parties constitutives et, en particulier, les étapes réalisées à l'usine, de l'arrivée des marchandises en cause jusqu'à ce qu'elles soient complètes et prêtes pour la vente et l'installation.

Par exemple, pour ce qui est du premier modèle présenté, l'Atola RS-14, les marchandises en cause arrivent dans deux caisses distinctes. La plus grande caisse contient la « pièce moulée », aussi appelée l'« échangeur de chaleur ». La pièce moulée est retirée de la caisse et des « puits de détection » sont installés pour contrôler la température de l'eau. Un boyau d'essai à pression d'eau est fixé à la pièce moulée, et un essai à pression d'eau est effectué; le boyau d'essai est par la suite déconnecté et l'eau drainée de la pièce moulée. La deuxième caisse contient divers accessoires, y compris le brûleur, le collecteur et la veilleuse d'allumage. M. Prell a montré au Tribunal des illustrations de divers composants utilisés dans la construction de l'assemblage des conduites de gaz et des dispositifs électriques et de commande. Ces marchandises comprenaient les tubulures de gaz, la robinetterie, le câblage électrique, etc., ainsi qu'un panneau de commande. Tous ces articles, à l'exclusion du panneau de commande, sont achetés au Canada et sont des produits courants en plomberie et en électricité qui servent normalement dans les installations au gaz ou à l'électricité. Les panneaux de commande, bien qu'ils soient aussi importés, arrivent en vrac et ne font pas l'objet du litige.

À l'aide d'une série de photographies, M. Prell a expliqué l'assemblage plutôt élaboré des conduites de gaz, l'installation du brûleur et l'assemblage de la veilleuse d'allumage. L'assemblage comporte nécessairement le câblage électrique, les boîtes de jonction et articles connexes, ainsi que les tubulures de gaz, les raccords et, évidemment, le panneau de commande. M. Prell a expliqué que l'assemblage doit être fait pour procéder à l'essai de combustion de chaque chaudière avant la vente. Cet essai doit être effectué pour se conformer aux diverses normes et pouvoir y apposer les certificats, étiquettes, plaques signalétiques nécessaires, etc. Si l'essai de combustion est réussi, la chaudière est démontée partiellement puis remballée pour sa livraison, avec toutes les parties et les raccords achetés localement.

Selon M. Prell, toutes les opérations susmentionnées, qui sont exécutées pour compléter la chaudière, la monter, en faire l'essai et la démonter, ajoutent de 40 p. 100 à 45 p. 100, selon le modèle, à la valeur de cette dernière.

En réponse à la question de savoir pourquoi, en passant une commande, l'appelant précise un numéro de modèle particulier alors qu'il insiste qu'il ne commande pas une chaudière comme telle, mais plutôt des parties de chaudière, M. Prell a répondu que le numéro de modèle vise à indiquer le modèle qui sera façonné au Canada et les parties spécifiques au dit modèle.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Prell a convenu que Viessmann Allemagne met une estampille de l'ASME sur l'échangeur de chaleur, alors que l'appelant met une estampille de type « H » après l'assemblage pour indiquer que l'unité a été mise à l'essai et est sécuritaire, et que l'appelant est responsable du montage et de la délivrance d'un certificat de sécurité de la chaudière.

L'avocate de l'intimé a produit en preuve une facture de Viessmann Allemagne à l'appelant et fait observer que la facture précisait un modèle particulier de chaudière. M. Prell l'a reconnu, mais a déclaré que l'article était incomplet et qu'il n'était désigné par un numéro de modèle que pour des fins de commodité. L'avocate a aussi produit en preuve un document du client qui renvoyait aussi à un numéro de modèle spécifique. L'avocate a demandé à M. Prell de confirmer que, dans la documentation sur le produit de l'appelant, par exemple dans les manuels d'installation et d'entretien, les articles sont désignés à titre de chaudières d'un certain modèle, même en l'état incomplet. M. Prell a dit en convenir, mais que, au moment de l'expédition de l'appelant à l'acheteur, l'article est complet, bien que démonté suffisamment pour en permettre l'expédition.

En réponse à une question du Tribunal, M. Prell a témoigné que l'appelant conservait des stocks de marchandises comme, par exemple, des tubulures de brûleurs ou des pièces de fonte et que ces marchandises ont été importées à titre de « parties » sans soulever de contestation de la part des représentants du ministère du Revenu national.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. F.J. (Ted) Clark, directeur des relations avec la clientèle de l'IAS. Le Tribunal a reconnu à M. Clark la qualité de témoin expert relativement aux normes et aux dispositifs dans le domaine du gaz. M. Clark a décrit l'IAS comme étant une organisation de mise à l'essai pour l'American Gas Association et l'ACG des appareils, dispositifs et accessoires au gaz. M. Clark a expliqué que les employés de l'IAS sont chargés de la certification des chaudières et de l'inspection des usines, comme celle de l'appelant à Waterloo. Il a de plus expliqué que les normes énoncent les diverses exigences pour la certification d'une chaudière en termes de la fabrication, des matériaux, des systèmes de commande et du rendement.

M. Clark a témoigné que le brûleur et le panneau de commande, de même que le câblage électrique approuvé, sont des parties essentielles d'une chaudière et doivent satisfaire des normes spécifiques. Il a témoigné avoir vu les marchandises en cause telles qu'elles étaient au moment de leur importation et aux diverses étapes de leur montage ou de leur fabrication et a dit qu'il considérait les marchandises, en l'état où elles sont importées, comme des parties de chaudière. À son avis, les marchandises, telles qu'elles sont au moment de l'importation, ne seraient pas conformes aux normes pertinentes et obligatoires.

L'avocate de l'intimé a présenté comme témoin M. Thomas C. Rawley, ingénieur mécanicien et gestionnaire principal de projet à la société Babcock & Wilcox, et elle a demandé que lui soit reconnue la qualité d'expert en conception, fabrication, montage et production d'énergie électrique. Les avocats de l'appelant ont exprimé des réserves, faisant observer que les marchandises avec lesquelles M. Rawley est associé sont des dispositifs de plus grande taille qui se servent de la vapeur pour produire de l'électricité. Après avoir pris davantage connaissance de l'expérience et des compétences de M. Rawley, le Tribunal lui a reconnu la qualité de témoin expert dans le domaine de compétence susmentionné.

M. Rawley a défini une chaudière comme étant l'« assemblage des parties qui permettent la transmission de la chaleur à l'eau tout en conservant leur intégrité du point de vue physique en présence de conditions de pression et de température [4] » [traduction]. Il a témoigné que la société Babcock &Wilcox produit un type différent de chaudières et n'est pas en concurrence avec l'appelant. Il a témoigné que sa société vend ses chaudières sous forme de chaudières sans brûleur, commande, ventilateur, piège à chaleur, soufflerie ou divers autres accessoires et que, lorsqu'un client souhaite avoir un de ces articles, ou tous, ces derniers font l'objet d'une facture distincte. Il a aussi témoigné que sa société ne fabrique aucune marchandise de ce genre au Canada, mais les importe plutôt à titre de chaudières sans les composants susmentionnés, en provenance de son usine des États-Unis.

M. Rawley a convenu que, en vertu des présentes normes, il est impossible de faire fonctionner une chaudière qui n'est pas dotée d'un panneau de commande et d'autres composants. Cependant, il a déclaré que de telles exigences réglementaires ne modifiaient pas son avis qu'une chaudière est, pour l'essentiel, un échangeur de chaleur. Il a aussi témoigné que, dans ce secteur de l'industrie, une chaudière signifie uniquement la chaudière ou l'échangeur de chaleur comme tel. Il a dit être d'avis que la différence entre son point de vue et celui de l'autre témoin expert, M. Clark, est que M. Clark a défini une chaudière dans le contexte du critère de la norme 4.9 de l'ACG pour les chaudières à vapeur et à eau chaude alimentées au gaz, norme qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1969.

Dans leur plaidoirie, les avocats de l'appelant ont tenté d'arriver à une définition convenable de « boiler » (« chaudière ») en renvoyant aux définitions que donnent les dictionnaires de ce terme, comme étant « a fuel - burning apparatus for heating a hot-water supply [5] » (« dispositif qui brûle un combustible pour chauffer une quantité d'eau chaude ») et« a container in which water can be heated under pressure and converted into steam … a stove which heats water for conveyance to a hot-water system [6] » (« un contenant dans lequel l'eau peut être chauffée sous pression et convertie en vapeur [...] un poêle qui chauffe l'eau en vue de son adduction à un système à eau chaude »), ainsi qu'à la norme 4.9 de l'ACG qui décrit une chaudière comme étant « self-contained gas-burning appliance for supplying hot water or low pressure steam, primarily intended for domestic and commercial space heating application » (« un appareil autonome alimenté au gaz pour fournir de l'eau chaude ou de la vapeur à basse pression, principalement pour le chauffage des bâtiments domestiques et commerciaux »). Selon les avocats, l'élément commun de ces descriptions est qu'une chaudière est un appareil qui sert à fournir de l'eau chaude. Les avocats ont ensuite passé en revue les éléments de preuve pertinents selon lesquels les marchandises en cause n'incluent pas les systèmes de commandes sans lesquels, ont-ils fait valoir, les marchandises en cause ne peuvent pas chauffer l'eau. Selon les avocats, il s'ensuit que les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de chaudières.

Les avocats de l'appelant ont contesté l'application de la Règle 2 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [7] (les Règles générales) qui prévoit, notamment, que toute référence à un article dans une position déterminée vise cet article, même incomplet ou non fini, à la condition qu'il présente, en l'état, les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini. À l'appui de leur argument, les avocats ont renvoyé aux définitions du terme « essential » (« essentiel ») comme étant « 1 absolutely necessary; indispensable. 2 fundamental , basic [8] » (« 1 absolument nécessaire, indispensable. 2 fondamental, de base ») et « necessary, such that one cannot do without it … of the utmost importance … relating to, or arising from, the … nature of a thing or person, basic, fundamental [9] » (« nécessaire, tel qu'on ne peut s'en passer [...] d'une importance cruciale [...] ayant trait, ou découlant, de [...] nature d'une chose ou d'une personne, de base, fondamental ») et ont soumis que les commandes sont essentielles au fonctionnement de la chaudière. Par conséquent, sans les commandes, les marchandises en cause ne présentent pas les caractéristiques essentielles d'une chaudière. Les avocats ont soumis que le renvoi à une machine à laquelle le moteur ferait défaut, dans les Notes générales des Notes explicatives du Système de désignation et de codification des marchandises [10] (les Notes explicatives) de la Section XVI, comme présentant les caractéristiques essentielles d'une machine ne se justifie que parce que le montage du moteur dans l'exemple donné est une opération très simple. Cependant, les marchandises en cause nécessitent davantage qu'un simple montage, comme l'indique le fait que de 40 p. 100 à 45 p. 100 de la valeur des chaudières fabriquées en utilisant les marchandises en cause découlent des opérations effectuées après l'importation desdites marchandises. Pour appuyer davantage leur argument que les marchandises en cause, sans les commandes, ne présentent pas les caractéristiques essentielles des chaudières, les avocats ont renvoyé à une décision analogue du Tribunal dans l'affaire Shop-Vac Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national [11] selon laquelle un couvercle à groupe moteur d'aspirateur industriel n'est pas un aspirateur avant d'être monté sur un baril ou un autre contenant, puisqu'il n'a pas les caractéristiques essentielles d'un aspirateur.

Après avoir soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de chaudières, les avocats de l'appelant ont passé à l'examen des facteurs que le Tribunal a précédemment retenus pour déterminer si un article était une partie [12] et ont soutenu que, puisque les marchandises en cause sont des composants essentiels, nécessaires et intégrants des chaudières et qu'elles sont montées sur des chaudières, elles sont des parties de chaudières. Les avocats ont soutenu que les marchandises en cause peuvent être essentielles et nécessaires aux chaudières. Cependant, cela ne signifie pas que les marchandises en cause sont essentiellement des chaudières.

Comme argument subsidiaire, advenant que le Tribunal conclue que les marchandises en cause ne sont pas des parties de chaudières, les avocats de l'appelant ont soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre d'autres échangeurs de chaleur dans le numéro tarifaire 8419.50.99.

L'avocate de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8403.10.10, du fait qu'elles présentent les caractéristiques essentielles d'une chaudière complète ou finie, comme le prévoit la Règle 2 a) des Règles générales. À l'appui de son affirmation, l'avocate a soutenu qu'il est manifeste que les marchandises en cause sont destinées à être des chaudières et qu'elles sont facturées en tant que chaudières à un prix unitaire et qualifiées par le fabricant de chaudières non finies dans la commande d'achat.

L'avocate de l'intimé a aussi renvoyé à la Partie IV des Règles générales des Notes explicatives de la Section XVI intitulée « Machines et appareils incomplets » qui prévoit, entre autres, que, pour relever de la même position que des articles incomplets, les articles doivent être des « assemblages de parties, parvenus dans le montage ou la construction à un stade tel qu'ils présentent, en l'état, les principales caractéristiques essentielles des machines complètes » et que, même s'il manque à une machine un composant majeur au moment de l'importation, par exemple le moteur, la machine relève quand même de la position afférente à la machine complète. S'appuyant sur les Notes explicatives, l'avocate a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre de chaudières incomplètes, même si elles ont été importées sans composants électroniques ou commandes. En outre, l'avocate a renvoyé aux Notes explicatives de la position no 84.03 qui prévoient, entre autres, que les chaudières pour le chauffage central « peuvent être munies de dispositifs accessoires tels que régulateurs de pression, manomètres, niveaux d'eau, robinetterie, brûleurs », et a soutenu que cela signifie qu'un article classé à titre de chaudière dans cette position peut soit être muni des dispositifs énumérés soit ne pas l'être.

Quant à l'argument subsidiaire avancé par les avocats de l'appelant, que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8419.50.99, l'avocate de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause, en l'état où elles sont importées, comprennent davantage qu'un simple échangeur de chaleur. En outre, l'avocate de l'intimé a soutenu qu'il existe des échangeurs de chaleur qui n'ont aucun rapport avec le chauffage de l'eau.

Aux termes de l'article 10 du Tarif des douanes, le Tribunal doit classer les marchandises conformément aux Règles générales et aux Règles canadiennes [13] . Aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal doit aussi tenir compte des Notes explicatives pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes.

La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement des marchandises est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres, et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les principes énoncés dans les règles 2 à 6 ainsi que dans les Règles canadiennes qui suivent. La Règle 2 a) des Règles générales prévoit que toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu'il présente, en l'état, les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini. Cela inclut un article incomplet ou non fini présenté à l'état démonté ou non monté.

Le Tribunal fait observer que, bien que les marchandises en cause ne forment pas une chaudière complète au moment de l'importation, la Règle 2 a) des Règles générales étend la portée du terme « [c]haudières » dans la position no 84.03 aux chaudières même incomplètes ou non finies, de sorte que, à la condition que les marchandises en cause présentent, en l'état incomplet et non fini, les caractéristiques essentielles d'une chaudière complète ou finie, elles doivent être classées dans la position no 84.03 à titre de chaudières. Le Tribunal est d'avis que, lorsqu'elle mentionne un article incomplet, la Règle 2 a) inclut manifestement un article auquel il peut manquer certains composants et qui n'est, par conséquent, probablement pas en mesure de fonctionner. Le Tribunal n'est donc pas convaincu que le fait que les marchandises en cause ne puissent pas fonctionner sécuritairement, et même du tout, soit déterminant dans la question de savoir si elles peuvent être classées à titre de chaudière.

En appliquant la Règle 2 a) des Règles générales au fait des présents appels, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont des chaudières incomplètes ou non montées, puisqu'elles présentent les caractéristiques essentielles des chaudières. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal montrent que les marchandises en cause, en l'état où elles sont importées, doivent faire l'objet d'opérations considérables de montage, de fabrication et d'essai, puis sont démontées en partie, avant d'être prêtes pour la livraison et l'installation. Il ne fait aucun doute que les marchandises en cause ne sont ni complètement montées ni fonctionnelles au moment de l'importation. En vérité, il leur manque plusieurs pièces, y compris, et c'est peut-être là un élément des plus importants, un panneau de commande, les lignes de tubes de gaz et les accessoires électriques. Cependant, la caractéristique principale d'une chaudière est présente, à savoir l'échangeur de chaleur, selon la description qu'en a donnée M. Clark, comme sont présents le brûleur, le collecteur, les panneaux extérieurs et divers autres composants.

Il reste la question de savoir si la valeur qui est ajoutée aux marchandises en cause après leur importation représente une proportion tellement considérable qu'elle rendrait absurde toute prétention que ces marchandises, telles qu'elles sont importées, présentent les caractéristiques essentielles d'une chaudière. Un des témoins de l'appelant a déclaré que le coût de base de l'article importé est majoré de 40 p. 100 à 45 p. 100 pour tenir compte de la main-d'œuvre et des « parties » ajoutées aux marchandises en cause après leur importation. Il est d'abord à noter qu'une proportion considérable de la valeur ajoutée par le travail représente un complément de montage des marchandises en cause et l'essai de la chaudière montée, des opérations qui ne sont pas liées à l'installation des commandes. Le Tribunal est d'avis que ni le montage des marchandises en cause ni l'essai de la chaudière montée peuvent être considérés comme ayant modifié la caractéristique essentielle des marchandises en cause. De plus, d'autres parties utilisées dans le montage d'une chaudière fonctionnelle et, plus précisément, la tuyauterie et les accessoires, ne sont pas, selon les Notes explicatives de la position no 84.03, classées à titre de parties de chaudières comme telles, mais sont classés dans les positions nos 73.03 à 73.07. Par conséquent, le Tribunal n'est pas convaincu que les parties, qui ne sont pas elles-mêmes considérées comme des parties de chaudières, peuvent, qu'elles soient déjà installées ou non, influencer le classement correct de la chaudière ou de l'échangeur de chaleur comme tel.

Quant à l'argument subsidiaire des avocats de l'appelant, que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8419.50.99 à titre d'autres échangeurs de chaleur, le Tribunal a examiné les Notes explicatives de la position no 84.19 et, plus précisément, les Notes qui décrivent les échangeurs de chaleur. Le Tribunal n'est pas convaincu, sur la foi des éléments de preuve présentés, que les marchandises en cause, et, plus précisément, l'échangeur de chaleur, répondent à la description générale énoncée dans les Notes explicatives ni qu'elles entrent dans le champ d'application de la liste des marchandises énumérées à titre d'exemples d'appareils et dispositifs de chauffage et de refroidissement. De plus, les Notes explicatives prévoient, entre autres, que la position no 84.19 n'inclut pas les chaudières pour le chauffage central de la position no 84.03.

Par conséquent, les appels sont rejetés, et les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8403.10.10 à titre de chaudières des types utilisés pour le chauffage de bâtiments, sauf du genre domestique, comme l'a déterminé l'intimé.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.C.R. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Transcription de l'audience publique, le 2 juin 1997 à la p. 143.

5. The Concise Oxford Dictionary of Current English, huitième éd., Oxford, Clarendon Press, 1990 à la p. 123.

6. The New Lexicon Webster's Encyclopedic Dictionary of the English Language, édition canadienne, New York, Lexicon Publications, 1988 à la p. 108.

7. Supra note 3, annexe I.

8. Supra note 5 à la p. 400.

9. Supra note 6 à la p. 322.

10. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

11. Appel no AP-94-353, le 30 janvier 1996.

12. Simark Controls Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national, appel no AP-94-329, le 25 janvier 1996.

13. Supra note 3, annexe I.


Publication initiale : le 19 mars 1998