SUNBEAM CORPORATION (CANADA) LIMITED

Décisions


SUNBEAM CORPORATION (CANADA) LIMITED
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-054

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 14 février 1997

Appel n o AP - 96 - 054

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 décembre 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 10 avril 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SUNBEAM CORPORATION (CANADA) LIMITED Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer le classement tarifaire de coussins chauffants importés en septembre 1993. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 à titre d'autres articles confectionnés d'autres matières textiles, et l'intimé a confirmé ce classement lors d'un réexamen. L'appelant soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8516.79.99 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause ne servent aucune fonction utile sans la capacité de production de chaleur que leur confère le composant électrique et, par conséquent, conclut qu'elles sont dénommées plus spécifiquement dans la position no 85.16 que dans la position no 63.07. Les marchandises en cause doivent donc être classées dans le numéro tarifaire 8516.79.99 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 décembre 1996 Date de la décision : Le 14 février 1997
Membre du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Gregory Kanargelidis, pour l'appelant Josephine A.L. Palumbo, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 10 avril 1996. Le présent appel est entendu par un seul membre du Tribunal [2] .

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer le classement tarifaire de coussins chauffants importés en septembre 1993. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'autres articles confectionnés d'autres matières textiles, et l'intimé a confirmé le classement lors d'un réexamen. L'appelant soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8516.79.99 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques. Le litige procède d'avis différents sur la question de savoir si les marchandises en cause sont dénommées ou non dans la Note 1 a) du Chapitre 85 de l'annexe I, qui exclut de ce chapitre «les couvertures, coussins, chancelières et articles similaires chauffés électriquement; les vêtements, chaussures, chauffe-oreilles et autres articles chauffés électriquement se portant sur la personne».

Deux témoins ont comparu pour l'appelant. M. Richard J. Prins, ingénieur de la sécurité des produits chez Sunbeam Corporation, de Hattiesburg (Mississippi), a expliqué la composition et la méthode de fabrication des marchandises en cause. Il a démontré qu'un coussin chauffant typique se compose d'un élément chauffant constitué d'un alliage nickel-chrome, auquel sont fixés deux thermostats, d'un cordon d'alimentation électrique d'une longueur de six pieds muni d'un commutateur de commande, d'un matériau isolant cousu qui recouvre et tient en place l'élément chauffant et d'un recouvrement externe scellé fait de vinyle. Afin de prévenir tout inconfort pour l'utilisateur, la société Sunbeam Corporation recommande et fournit un revêtement extérieur textile supplémentaire amovible. Les marchandises en cause, le modèle 792, sont plus perfectionnées que le coussin «typique» décrit ci-dessus, en ce que leur élément chauffant se compose d'un fil à «coefficient de température positif» qui n'exige pas de thermostat distinct pour éviter la surchauffe. L'élément est recouvert d'un matériau textile qui est scellé de façon permanente. Le cordon d'alimentation est amovible, et le coussin peut se laver à la machine. Les marchandises en cause se composent aussi d'une commande électronique munie d'un interrupteur et d'un régulateur de chaleur, plutôt que d'une commande mécanique comme les anciens modèles.

Dans son témoignage, M. Prins a affirmé que la fonction des deux types de coussin chauffant est de produire suffisamment de chaleur pour soulager les douleurs musculaires ou arthritiques. Les coussins sont vendus accompagnés d'une fiche d'avertissement qui met l'utilisateur en garde contre certaines activités qui présentent un risque de choc électrique ou de brûlure pour l'utilisateur ou qui suscitent un danger d'incendie. De plus, une étiquette fixée au coussin avertit l'utilisateur de ne pas dormir sur le coussin. M. Prins a expliqué qu'il est nécessaire de donner un tel avertissement parce que le coussin chauffant produit suffisamment de chaleur pour causer des brûlures en cas de contact prolongé avec la peau. On en fait donc la promotion aux fins d'un usage intermittent uniquement; un tel usage et la différence de taille distinguent les coussins chauffants des couvertures et matelas chauffés électriquement. À l'origine, les coussins chauffants ont été conçus pour remplacer les bouillottes et avaient bien peu de choses en commun avec les vêtements, les couvertures ou les matelas chauffés électriquement. Plus précisément, M. Prins a exprimé l'avis que, sans la chaleur dégagée par l'élément électrique, les marchandises en cause ne serviraient aucune fonction utile.

M. Gus Marcelino, directeur de l'Exploitation chez Sunbeam Corporation (Canada) Limited, a informé le Tribunal que les 10 ou 11 modèles de coussin chauffant, dont les marchandises en cause, que l'appelant commercialise au Canada ont tous été certifiés conformes à la norme de l'Association canadienne de normalisation pour les coussins chauffants, l'homologation étant une condition préalable obligatoire à la vente de tels produits au Canada. Il a fait observer que la norme ne prescrit pas la fourniture d'un revêtement textile. Il a aussi confirmé le témoignage de M. Prins selon lequel les coussins sont annoncés et vendus pour usages domestiques, plutôt qu'à des fins commerciales. Il a enfin déclaré que tous les modèles de coussin chauffant importés par l'appelant, sauf un, sont vendus avec un revêtement textile, dont la valeur représente de 8,5 p. 100 à 10,0 p. 100 de la valeur globale du coussin.

Dans leur plaidoirie, les avocats des deux parties ont convenu qu'il faut d'abord tenir compte de la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [4] (les Règles générales) dans le classement de marchandises aux termes du Tarif des douanes. La Règle 1 prévoit que le classement est déterminé «d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres». Les avocats ont également convenu que les marchandises en cause comprennent, par voie d'incorporation, une caractéristique électrothermique et qu'elles servent à des usages domestiques. Ils se sont également entendus sur le fait que les marchandises en cause ne sont pas dénommées dans la première proposition de la Note 1 a) du Chapitre 85 («les couvertures, coussins, chancelières et articles similaires chauffés électriquement»). Le principal point en litige consiste à savoir si les marchandises peuvent être décrites comme des «vêtements, chaussures, chauffe-oreilles et autres articles chauffés électriquement se portant sur la personne» comme l'indique la deuxième proposition de la Note 1 a) et, par conséquent, à savoir si elles doivent être exclues à ce titre du Chapitre 85. L'avocat de l'appelant a soutenu que les éléments de preuve et les définitions que donnent les dictionnaires des mots clés de la proposition amènent inévitablement à conclure que les marchandises en cause ne sont pas visées par la note d'exclusion. L'avocate de l'intimé a adopté la position contraire pour le motif que les coussins sont portés sur la personne.

Le Tribunal est d'avis que l'argument de l'avocate de l'intimé à cet égard n'est pas corroboré par les faits. Lorsqu'ils servent, les coussins sont appliqués contre la partie du corps de l'utilisateur qui a besoin de l'effet apaisant de la chaleur qu'ils dégagent. Bien qu'un coussin puisse être posé sur une épaule ou enroulé autour d'un bras, il est trop petit pour entourer d'autres parties du corps et, dans tous les cas, la liberté de mouvement d'une personne qui s'en sert est limitée puisque le cordon électrique doit être branché dans une prise de courant. De l'avis du Tribunal, un tel type d'usage ne correspond pas au sens habituellement donné à l'expression «se portant sur la personne». Comme l'a souligné l'avocat de l'appelant, les définitions que donnent les dictionnaires du verbe «wear» (porter), en rapport avec les vêtements et les parures personnelles, incluent la notion d'un usage habituel par opposition à l'usage intermittent auquel les marchandises en cause sont destinées [5] . En résumé, le Tribunal est d'avis qu'il est extrêmement peu probable qu'une personne qui se sert d'un coussin chauffant dirait qu'elle le «porte». Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas exclues du classement dans le Chapitre 85.

Il reste alors à déterminer laquelle des positions nos 63.07 et 85.16 dénomme le plus correctement les marchandises en cause. En plaidant en faveur de la première, l'avocate de l'intimé a décrit les marchandises comme une matière textile contenant un élément chauffant électrique. L'avocat de l'appelant, en plaidant en faveur du classement dans la position no 85.16, a exhorté le Tribunal à considérer les marchandises comme un élément chauffant recouvert d'une matière textile. L'avocat de l'appelant a cependant admis que, parce que le revêtement textile fait partie intégrante des marchandises en cause, il serait logique de faire valoir que les marchandises pourraient être dénommées à titre d'autres articles confectionnés dans la position no 63.07. Pour cette raison, le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées, prima facie, dans les positions nos 63.07 et 85.16.

La Règle 3 a) des Règles générales prévoit que, dans de telles circonstances, la position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale. L'avocat de l'appelant a soutenu que, puisque l'expression «appareils électrothermiques» dans la position no 85.16 fournit une description complète des marchandises en cause par rapport à leur fonction, elle est plus spécifique que le libellé de la position no 63.07 concernant les «[a]utres articles confectionnés» qui ne mentionne qu'une petite partie des matières dont le coussin chauffant est constitué. Par ailleurs, l'avocate de l'intimé a soutenu que, puisque la fonction des marchandises en cause est la même que celle de coussins chauffants non électriques importés par l'appelant et que ces marchandises sont classées dans la position no 63.07, les marchandises en cause doivent l'être aussi. De l'avis du Tribunal, le classement des coussins chauffants non électriques n'entre pas en ligne de compte dans la question qui consiste à déterminer si la position no 85.16 est la plus spécifique pour les marchandises en cause. L'avocate de l'intimé a aussi soutenu que les marchandises en cause pourraient tout de même fonctionner comme coussins chauffants si elles n'avaient pas de dispositif électrothermique. Le Tribunal ne peut accepter cet argument, non seulement parce que les marchandises en cause comprennent de fait un tel dispositif, mais également parce que les éléments de preuve montrent que, sans ce dispositif, les coussins ne serviraient aucune fonction.

Le Tribunal est d'avis que, puisqu'elles ne serviraient aucune fonction sans la capacité de production de chaleur que leur confère le composant électrique, les marchandises en cause sont plus spécifiquement dénommées dans la position no 85.16 que dans la position no 63.07. Les marchandises en cause doivent donc être classées dans le numéro tarifaire 8516.79.99 à titre d'autres appareils électrothermiques pour usages domestiques.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Ibid. annexe I.

5. Funk & Wagnalls Canadian College Dictionary, Toronto, Fitzhenry & Whiteside, 1989 à la p. 1520; The Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, 3e éd., vol. II, Oxford, Clarendon Press, 1968 à la p. 2399; The Random House Dictionary of the English Language, 2e éd., New York, Random House, 1987 à la p. 2153.


Publication initiale : le 18 mars 1997