HIBERNIA MANAGEMENT AND DEVELOPMENT COMPANY LTD.

Décisions


HIBERNIA MANAGEMENT AND DEVELOPMENT COMPANY LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-228

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 10 juin 1998

Appel n o AP-96-228

EU ÉGARD À un appel entendu le 31 octobre 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 18 décembre 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HIBERNIA MANAGEMENT AND DEVELOPMENT COMPANY LTD.Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes. L'appelant a importé au Canada le « Selantic Evacuation System SES - 2» (système d'évacuation Selantic SES-2), qui peut être décrit, en termes généraux, comme étant un système d'évacuation d'urgence conçu pour être installé sur une plate-forme de forage en mer.

Deux questions sont en litige dans le présent appel. La première consiste à déterminer si le système est correctement classé dans le numéro tarifaire 8907.10.00 à titre d'engin flottant et, plus précisément, à titre de radeau gonflable, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre de machine ou appareil mécanique ayant une fonction propre, non dénommé ni compris ailleurs dans le Chapitre 84, comme l'a soutenu l'appelant. La deuxième question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le système est admissible aux avantages du code 2360.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Étant donné que le système n'est pas, d'aucune façon, un engin flottant, le Tribunal est d'avis que le système n'est pas correctement classé dans le numéro tarifaire 8907.10.00. Il est plus correctement dénommé, selon le Tribunal, à titre de machine ou appareil mécanique ayant une fonction propre et doit, par conséquent, être classé dans le numéro tarifaire 8479.89.99. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que le système est un article « en métal commun » et est, par conséquent, d'avis que le système n'est pas admissible aux avantages du code 2360.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 31 octobre 1997 Date de la décision : Le 10 juin 1998
Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant Raynald Guay, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Bernard J. Collins, pour l'appelant Darrell L. Kloeze, pour l'intimé





INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. En janvier 1996, l'appelant a importé au Canada le « Selantic Evacuation System SES - 2» (système d'évacuation Selantic SES-2) (SES-2), qui peut être décrit, en termes généraux, comme étant un système d'évacuation d'urgence conçu pour être installé sur une plate-forme de forage en mer.

Deux questions sont en litige dans le présent appel. La première consiste à déterminer si le SES-2 est correctement classé dans le numéro tarifaire 8907.10.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'engin flottant et, plus précisément, de radeau gonflable, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre de machine ou appareil mécanique ayant une fonction propre, non dénommé ni compris ailleurs dans le Chapitre 84, comme l'a soutenu l'appelant. La deuxième question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le SES-2 est admissible aux avantages du code 2360 de l'annexe II du Tarif des douanes.

La nomenclature tarifaire pertinente de l'annexe I du Tarif des douanes est la suivante :

84.79 Machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

8479.89 --Autres

8479.89.99 ----Autres

89.07 Autres engins flottants (radeaux, réservoirs, caissons, coffres d'amarrage, bouées et balises, par exemple).

8907.10.00 -Radeaux gonflables

Le code 2360 prévoit des concessions comme suit :

Ce qui suit, en métaux communs, des Sections XV, XVI, XVII, XVIII, XIX ou XX, devant servir à la construction ou à l'équipement des navires, des bateaux ou des engins flottants du Chapitre 89, conformément aux règlements que peut prendre le Ministre :

Embrayages doubles de transmission, d'un diamètre de plus de 46 cm;

Éléments propulseurs de moteurs semi-hors-bord;

Tuyères propulsives combinées avec des moteurs;

Feux de navigation pour les navires dépassant 8 m de longueur;

Serrures et barres pour portes de bateaux;

Moteurs hydrauliques;

Matériel de transmission hydraulique, y compris les soupapes mais à l'exclusion des dispositifs de commande d'un couple inférieur à 282,5 kNm;

Moteurs hors-bord, de course;

Prises de mouvement, transmission;

Propulseurs, hors-bord ou semi-hors-bord, ne dépassant pas 23 cm de diamètre;

Pompes de cale ou à eau;

Pompes rotatives à double vis, d'une puissance supérieure à 303,1 l/s sous une pression de 3 447,4 kPa;

Réchauds à alcool, un ou deux brûleurs, pour les navires dépassant 8 m de longueur;

Blocs-moteurs en V pour les moteurs de type marine de la sous-position no 8407.29;

Parties de moteurs hors-bord pour les navires semi-hors-bord;

Autres produits, d'une classe ou d'une espèce non fabriquée au Canada.

POSITION DES PARTIES

Éléments de preuve

Le représentant de l'appelant a fait témoigner M. John J. Henley, coordonnateur des mouvements du brut de l'Équipe des exigences de rendement dans l'enlèvement et le transport, de la société Hibernia Management and Development Company Ltd. M. Henley a déclaré que la plate-forme Hibernia est une plate-forme de forage gravitaire située au large des côtes de Terre-Neuve. Le pont le plus bas de la plate-forme est à 34 mètres au-dessus de la surface de l'océan. M. Henley a témoigné que, dans certains cas d'urgence, l'équipage de la plate-forme peut avoir besoin d'un moyen pour quitter la plate-forme et pour descendre, d'une manière maîtrisée, jusqu'à la surface de l'océan afin de monter à bord d'une embarcation de sauvetage ou de gonfler des radeaux de sauvetage. M. Henley a témoigné que les marchandises en cause accomplissent la fonction susmentionnée.

Par l'intermédiaire de M. Henley, le représentant de l'appelant a présenté une bande-vidéo du fonctionnement du SES-2, tel qu'il est installé à la plate-forme Hibernia. Le système est logé dans un contenant d'acier. Ses principaux composants sont une glissière d'évacuation, un contrepoids fixé à l'extrémité de la glissière, un système de treuil et de câbles fixés à la glissière et un radeau à la base de cette dernière. Le système est lancé par relâchement du frein du treuil. Lorsque le frein est relâché, la gravité entraîne le contrepoids qui tire la glissière jusqu'au niveau de l'océan. Un dispositif centrifuge de freinage règle la vitesse de descente et empêche la glissière et le contrepoids de tomber en chute libre jusqu'à la surface de l'océan. Le contrepoids poursuit sa descente jusqu'à environ 10 mètres au-dessous de la surface de l'océan. À cette profondeur, le contrepoids actionne un mécanisme qui libère le bioxyde de carbone contenu dans une bonbonne afin de gonfler le radeau situé à la base de la glissière. Lorsque la glissière est bien en place, l'opérateur remet le frein. Les membres d'équipage peuvent descendre jusqu'au radeau par la glissière. M. Henley a ajouté que le système est doté d'une boîte d'engrenages motorisée qui permet de remonter la glissière.

M. Henley a expliqué que le radeau situé à la base de la glissière n'est pas un radeau de sauvetage, puisqu'il est traversé de trois câbles et n'a pas de tente. M. Henley a indiqué que ce radeau constitue une aire de transbordement au niveau de la mer pour évacuer les membres d'équipage. Selon le scénario préféré, le personnel évacué monterait à bord d'une embarcation rapide de sauvetage (ERS), depuis le radeau situé à la base de la glissière. L'ERS les emmènerait ensuite rapidement à un plus grand navire de réserve. Si les circonstances rendaient l'usage d'une ERS impossible, les membres d'équipage pourraient gonfler des radeaux de sauvetage à partir du radeau à la base de la glissière. M. Henley a expliqué que, bien que le SES-2 puisse être vendu sans embarcation de sauvetage, l'appelant a choisi d'en acheter. Ces embarcations sont descendues jusqu'au niveau de l'océan avec le radeau à la base de la glissière, mais, à l'encontre de ce dernier, elles ne sont pas gonflées automatiquement. Enfin, M. Henley a indiqué que les composants en métal représentent 80 p. 100 du poids total du système d'évacuation.

Au cours du contre-interrogatoire, il a été demandé à M. Henley d'indiquer quelles parties du SES-2 seraient actionnées au cours d'une évacuation. M. Henley a déclaré que le treuil, le dispositif de freinage et les câbles seraient utilisés puisqu'ils retiennent ensemble tout le système. Évidemment, la glissière et le radeau à sa base serviraient aussi. Il a reconnu que, au cours d'une évacuation, la glissière comme telle ne bouge pas; les membres d'équipage ne font qu'y glisser. Il a aussi déclaré que le SES-2 fonctionne sans énergie électrique.

M. Henley a dit ne pas être d'accord avec l'avocat de l'intimé sur le fait que le radeau à la base de la glissière soit un radeau de sauvetage. Il a fait observer que le radeau à la base de la glissière ne répond pas aux normes établies par les accords internationaux pertinents, notamment, pour les radeaux de sauvetage. Il a de nouveau fait mention qu'il est perforé en trois endroits et n'a pas de tente, et il a indiqué que le radeau ne contient aucune ration ni autre élément d'équipement de survie requis et ne peut quitter la plate-forme Hibernia, puisqu'il est attaché à des câbles qui maintiennent le système en place. L'avocat a souligné que la documentation du fabricant décrit le radeau à la base de la glissière comme un « radeau de sauvetage sans toit pour 25 personnes » [traduction].

En réponse à une question du Tribunal, M. Henley a indiqué que, lorsque l'appelant a commandé le SES-2 du fabricant, il a demandé à ce dernier d92'inclure des radeaux de sauvetage avec le système. M. Henley a déclaré que les radeaux de sauvetage ont été produits par un autre fabricant. Il a ajouté que l'appelant aurait pu acheter ces radeaux de sauvetage directement de l'autre fabricant, mais voulait que ce soit le fabricant du SES-2 qui fasse, pour lui, l'assemblage de tout le matériel.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. Bruce Colbourne, auquel le Tribunal a reconnu le titre d'expert en dynamique des vents et des vagues en mer. M. Colbourne est ingénieur et chef du Groupe de recherche du génie océanologique à l'Institut de dynamique marine, qui relève du Conseil national de recherches du Canada. M. Colbourne a témoigné qu'en cours de déploiement, le SES-2 se comporte comme un simple dispositif mécanique. Le contrepoids fait descendre la glissière, et le treuil dévide les câbles de soutien. Le mécanisme centrifuge de freinage règle la vitesse de descente. M. Colbourne a déclaré que, sans le treuil et le dispositif centrifuge de freinage, la glissière tomberait en chute libre et la plate-forme de transbordement ainsi que les radeaux de sauvetage se briseraient vraisemblablement à la surface de l'océan. Selon M. Colbourne, deux forces agissent sur le système après son déploiement. La première est celle du vent, qui, en l'absence du contrepoids, ferait bouger la glissière et en rendrait l'utilisation difficile. Le contrepoids sert aussi à stabiliser la plate-forme de transbordement et à diminuer l'effet des vagues.

M. Colbourne a témoigné que le déploiement et la récupération du SES-2 sont des opérations mécaniques. Ces opérations sont exécutées au moyen d'un treuil, qui est un dispositif mécanique. Sans le treuil, le SES-2 ne pourrait pas accomplir sa fonction. Selon M. Colbourne, le treuil est essentiel au fonctionnement du SES-2 puisqu'il est nécessaire au déploiement de la glissière lors d'une urgence. Le système doit être périodiquement mis à l'essai pour en vérifier le bon fonctionnement et doit alors être complètement déployé, puis récupéré. Le treuil et un moteur électrique, utilisés pour la récupération de la glissière, sont des éléments essentiels à ces opérations.

Au cours du contre-interrogatoire, il a été fait mention à M. Colbourne qu'aucune manœuvre mécanique n'est exécutée une fois le système complètement déployé. M. Colbourne a précisé sa description de la glissière d'évacuation en tant que machine. Il a déclaré qu'une machine est quelque chose qui applique une force afin de causer un résultat. M. Colbourne a aussi souligné l'existence de parties de dispositifs mécaniques qui soutiennent la glissière lorsque les personnes s'y laissent glisser. Il a reconnu que, au sens de la définition susmentionnée, une simple glissoire répond à la définition de machine.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Colbourne a déclaré que le déploiement du SES-2 ne doit pas être considéré isolément de son usage une fois déployé. À son avis, il est erroné de dire que le système est une machine pendant son déploiement, puis cesse d'être une machine une fois déployé. Le Tribunal a aussi renvoyé M. Colbourne à la définition suivante de l'expression « à commande mécanique » énoncée dans la Note supplémentaire 1 de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes :

l'expression « à commande mécanique » se rapporte aux produits comprenant une combinaison plus ou moins complexe de parties mobiles et stationnaires et contribuant à la production, la modification ou la transmission de la force et du mouvement.

M. Colbourne a déclaré que le SES-2 est à commande mécanique au sens de la définition susmentionnée. En premier lieu, pendant son déploiement, les poulies, le treuil, la boîte d'engrenages et le dispositif centrifuge de freinage sont autant d'éléments qui servent à modifier la force de gravité pour que la glissière descende à une vitesse convenable. Une fois le SES-2 déployé, le treuil s'oppose à la force de gravité et retient la glissière en place. Enfin, la glissière elle-même, en appliquant une force de friction sur les gens qui y descendent, modifie la force de gravité.

L'avocat de l'intimé a fait témoigner le capitaine Allen S. Williams, inspecteur de navires à la Garde côtière canadienne. La Section de la sécurité des navires est chargée d'approuver le matériel de sauvetage utilisé en mer. Le Tribunal a reconnu au capitaine Williams le titre d'expert en sécurité maritime. Le capitaine Williams a témoigné que la plate-forme de transbordement, ou le radeau à la base de la glissière, qui fait partie du SES-2 est une espèce de radeau de sauvetage. Il a souligné que la toile de caoutchouc utilisée dans la construction de la plate-forme est « presque identique » à celle qui sert dans la fabrication d'un radeau de sauvetage. Il a fait observer, cependant, que, à l'encontre d'un radeau de sauvetage, la plate-forme n'a ni tente ni stabilisateurs. Il a aussi indiqué que, telle qu'elle est présentement constituée, la plate-forme ne satisfait pas les exigences d'homologations des radeaux de sauvetage. Enfin, le capitaine Williams a témoigné que la glissière et la plate-forme sont des composants essentiels du SES-2.

Au cours du contre-interrogatoire, le capitaine Williams a reconnu que le SES-2 pourrait fonctionner en tant que dispositif d'évacuation sans la plate-forme de transbordement, le personnel se servant du SES-2 pour passer d'un point situé à une grande hauteur, jusqu'au niveau de l'océan. Il a aussi convenu que le SES-2 ne peut pas fonctionner sans ses composants mécaniques et que ces derniers sont essentiels à son fonctionnement. Au cours du réinterrogatoire, le capitaine Williams a déclaré que, selon lui, le SES-2 fonctionne comme un dispositif mécanique lorsqu'il est déployé.

Plaidoirie

Le représentant de l'appelant a soutenu que le SES-2 est conçu pour faire descendre un radeau à la base d'une glissière et des radeaux de sauvetage périphériques jusqu'au niveau de l'océan. Il a soutenu que le SES-2 est une machine ou un appareil mécanique ayant une fonction propre et doit donc être classé dans le numéro tarifaire 8479.89.99. Le représentant a fait valoir que la documentation sur le produit qu'il a versée au dossier, et qui a été présentée par l'avocat, démontre clairement le caractère mécanique du système. Plus précisément, le représentant s'est référé au treuil et aux composants mécaniques connexes qui sont nécessaires pour descendre la glissière d'une manière sécuritaire et maîtrisée. Le représentant a souligné le témoignage de M. Colbourne selon lequel, sans le treuil, le frein et les câbles et accessoires, le système ne pourrait pas fonctionner.

À l'appui de son argument selon lequel le SES-2 est une machine ou un appareil mécanique, le représentant de l'appelant a renvoyé le Tribunal aux décisions que ce dernier a rendues dans les affaires Bernard Monastesse Inc. c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [3] et Société Canadian Tire Ltée c. Le sous-ministre du Revenu nationa l [4] . Enfin, le représentant a renvoyé le Tribunal à la Note supplémentaire 1 de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes, qui précise ce qui suit :

Dans la présente Section, l'expression « à commande mécanique » se rapporte aux produits comprenant une combinaison plus ou moins complexe de parties mobiles et stationnaires et contribuant à la production, la modification ou la transmission de la force et du mouvement.

Le représentant de l'appelant a soutenu que le SES-2, en tant que système d'évacuation à commande mécanique dont le fonctionnement dépend essentiellement de son caractère mécanique, doit être classé dans le numéro tarifaire 8479.89.99.

Quant à la deuxième question en litige dans le présent appel, qui consiste à déterminer si le SES-2 est admissible aux avantages du code 2360, le représentant de l'appelant a soutenu très brièvement que, parce que le métal commun représente plus de 80 p. 100 en poids du SES-2 et que ce dernier n'était pas fabriqué au Canada au moment de son importation, il doit être admissible aux avantages du code 2360.

L'avocat de l'intimé a entamé sa plaidoirie en faisant observer que les marchandises doivent être classées en l'état au moment de leur importation. Après avoir renvoyé le Tribunal à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] (les Règles générales), l'avocat a guidé le Tribunal dans une description des divers composants qui forment le SES-2. Ces composants comprennent une glissière, un contenant dans lequel elle est logée, un treuil, des câbles, une plate-forme de transbordement et quatre radeaux de sauvetage périphériques. L'avocat a soutenu que, puisque les « systèmes d'évacuation » ne sont pas expressément dénommés dans aucune position de l'annexe I du Tarif des douanes, la Règle 1 des Règles générales n'est d'aucune utilité en l'espèce.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelant veut obtenir le classement dans une position tarifaire « résiduelle », loin dans la position no 84.79, et que, dans un tel cas, les marchandises doivent être d'un caractère similaire à d'autres marchandises classées dans la même catégorie ou dans des catégories résiduelles voisines. L'avocat a ensuite souligné que les diverses marchandises dénommées dans la position no 84.79, comme les compacteurs d'ordures, les balayeuses mécaniques, les appareils mécaniques pour contrôler la composition de solutions de stérilisation ou de nettoyage et plusieurs autres, ne ressemblent en aucune façon à un système d'évacuation d'une plate-forme de forage en mer.

L'avocat de l'intimé a soutenu que le SES-2 ne doit pas être considéré comme un dispositif mécanique parce que « lorsqu'il accomplit la fonction pour laquelle il a été conçu, aucune fonction mécanique n'est exécutée » [traduction]. Selon l'exposé de l'avocat, la fonction du SES-2 n'est pas d'être déployé et récupéré, mais d'évacuer des gens.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, pour déterminer si le SES-2 est une machine, le Tribunal doit prendre en compte la définition de « machine » adoptée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Ingersoll - Rand Door Hardware Canada Inc.c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] .

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'intimé a ensuite de nouveau fait mention des Règles générales. Il a soutenu que les Règles 2 et 3 a) ne s'appliquent pas en l'espèce. Cependant, l'avocat a soutenu que la Règle 3 b), qui renvoie aux produits mélangés et aux ouvrages composés est révélatrice. La Règle 3 b) prévoit ce qui suit :

Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a), sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination. (Soulignement ajouté)

L'avocat de l'intimé a soutenu que c'est le radeau gonflable fixé à la base de la glissière qui confère au SES-2 son caractère essentiel. L'avocat a soutenu que, bien que la glissière soit un composant important, le radeau gonflable à sa base, qui facilite l'évacuation, confère au système son caractère essentiel. Accessoirement, l'avocat a soutenu que le Tribunal doit considérer la glissière et le radeau à sa base comme étant une unité intégrée et classer le système en conséquence.

Enfin, quant au code 2360, l'avocat de l'intimé a avancé deux arguments. En premier lieu, le SES-2 ne répond pas à la description « [a]utres produits, d'une classe ou d'une espèce non fabriquée au Canada » énoncée dans le code 2360. Pour étayer son argument, l'avocat s'est à nouveau appuyé sur la règle de construction du même genre. En deuxième lieu, l'avocat a soutenu qu'il ne peut être dit que le SES-2 est en métal commun au sens du code 2360. L'avocat a invoqué les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] (les Notes explicatives) de la Section XV à l'appui de son argument selon lequel lorsque les ouvrages sont composés de deux ou plusieurs métaux communs ou comportent des parties non métalliques, ils peuvent être classés comme étant des ouvrages en métaux communs sous réserve des conditions suivantes :

a) les composants en métal commun prédominent en poids;

b) les composants en métal commun confèrent à l'ouvrage son « caractère essentiel ».

Selon l'exposé de l'avocat, les composants en métal commun du SES-2 ne lui confèrent pas son caractère essentiel.

DÉCISION

Le Tribunal est d'accord avec l'appelant sur le classement du SES-2 dans l'annexe I du Tarif des douanes. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que le SES-2 est admissible aux avantages du code 2360.

Pour ce qui est de la première question en litige, le Tribunal considère que le SES-2 doit être classé dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre de machine ou appareil mécanique ayant une fonction propre, non dénommé ni compris ailleurs dans le Chapitre 84. Le Tribunal tire cette conclusion en tenant compte que le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est déterminé conformément aux Règles générales. Le Tribunal est d'avis que la Règle 1 des Règles générales régit le classement du SES-2 dans le cadre du présent appel. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes. De plus, le Tribunal fait observer que l'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] et des Notes explicatives.

Le représentant de l'appelant a soutenu que le SES-2 doit être classé dans la position no84.79 à titre de machine ou appareil mécanique ayant une fonction propre, non dénommé ni compris ailleurs dans le Chapitre 84. L'avocat de l'intimé a soutenu que le SES-2 est correctement classé dans la position no 89.07 à titre d'engin flottant (radeau, réservoir, caisson, coffre d'amarrage, bouée et balise, par exemple).

Considérant d'abord la position no 89.07, le Tribunal constate que la position englobe les « [a]utres engins flottants ». Les Notes explicatives du Chapitre 89 prévoient, notamment ce qui suit :

Le présent Chapitre comprend les bateaux de tous types et pour tous usages, à propulsion mécanique ou non, ainsi que divers engins flottants tels que caissons, coffres d'amarrage, embarcadères, bouées. Il couvre aussi les véhicules à coussin d'air (aéroglisseurs) conçus pour se déplacer au-dessus de l'eau (mer, estuaires, lacs), même s'ils peuvent se poser sur des plages ou des débarcadères ou se déplacer également au-dessus de surfaces glacées.

En conformité avec l'énoncé ci-dessus, les positions qui précèdent la position no 89.07 du Chapitre 89 couvrent des articles comme les paquebots, les transbordeurs, les péniches, les bateaux de pêche, les remorqueurs, les navires de guerre et les bateaux de sauvetage.

Les Notes explicatives de la position no 89.07 précisent que la position « couvre divers engins flottants autres que ceux ayant le caractère des bateaux ». Les « engins flottants » donnés comme exemples dans les Notes explicatives comprennent les caissons utilisés pour supporter les ponts provisoires, les viviers flottants destinés à conserver du poisson vivant, les réservoirs utilisés dans certains ports pour le ravitaillement en eau, en gazole, etc., les caissons-batardeaux utilisés pour la construction de piles de ponts et les débarcadères ou embarcadères flottants. Selon le Tribunal, la liste susmentionnée fait immédiatement ressortir, ce qui n'a rien d'étonnant étant donné le libellé de la position no 89.07, que le caractère commun de tous ces engins est qu'ils flottent.

Le Tribunal reconnaît que la plate-forme de transbordement, qui fait partie du SES-2, et les radeaux de sauvetage qu'il comprend peuvent flotter. Il se peut que, importés seuls, ces articles soient classés dans le Chapitre 89. Cependant, comme l'a rappelé l'avocat de l'intimé dans son exposé au Tribunal, les marchandises doivent être classées en l'état au moment de leur importation.

Le Tribunal est d'avis qu'au moment de son importation, le SES-2 n'était pas, d'aucune façon, un engin flottant. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal dans le présent appel indiquent que le SES-2 est composé de métaux communs dans une proportion de 80 p. 100 en poids. De ce fait, il est hautement improbable que, placé dans l'eau, le SES-2 pourrait flotter bien longtemps. Les éléments de preuve indiquent que le SES-2 est installé sur la paroi latérale de la plate-forme Hibernia. Lorsque la glissière est déployée, elle est suspendue jusqu'à la surface de l'océan et soutenue par le dispositif de treuil et de câbles d'acier. Le Tribunal est d'avis que le radeau flottant qui est fixé à la base de la glissière ne fait pas du SES-2, dans son ensemble, un engin flottant. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal est d'avis que le SES-2 ne peut être dénommé comme étant un engin flottant et ne peut donc pas être classé dans la position no 89.07.

Le Tribunal est d'avis que le SES-2 doit être classé dans la position no 84.79 à titre de machine ou appareil mécanique ayant une fonction propre. L'avocat de l'intimé a soutenu que le Tribunal doit adopter la définition de « machine » énoncée dans la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Ingersoll - Rand. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu :

une machine est un ensemble plus ou moins complexe de pièces mécaniques, telles que leviers, engrenages, pignons, poulies, arbres et axes, cordes, chaînes et courroies de transmission, cames et autres pièces pivotantes et coulissantes, ressorts, fluides renfermés, etc., ainsi que le bâti et les pièces d'assemblage les supportant et les mettant en communication, destinées à transformer une matière d'une façon définie conçue à l'avance [9] .

Le Tribunal est d'avis que, selon le témoignage de MM. Henley et Colbourne, le SES-2 est manifestement une machine ou un appareil mécanique. C'est un ouvrage composé de parties mécaniques, y compris un treuil, un dispositif centrifuge de freinage, des câbles et des poulies, et il ne pourrait fonctionner sans ces parties mécaniques. Ces parties fonctionnent concurremment pour descendre la glissière et la plate-forme jusqu'au niveau de l'océan. De plus, le SES-2 a une fonction propre, celle de procurer un moyen d'évacuation sécuritaire et efficace à partir d'une structure comme la plate-forme Hibernia.

L'avocat de l'intimé a soutenu que « lorsque le système accomplit la fonction pour laquelle il a été conçu, aucune fonction mécanique n'est exécutée » [traduction]. Cependant, de l'avis du Tribunal, si les composants mécaniques nécessaires pour déployer et récupérer le système n'étaient pas présents et en bon état de marche, le SES-2 ne pourrait pas accomplir la fonction pour laquelle il a été conçu. L'argument selon lequel, pour qu'un article soit considéré comme étant un appareil mécanique ou une machine, il faut qu'il y ait exécution constante et continue de fonctions mécaniques est indéfendable. À titre d'illustration, pourrait-il être dit d'une plate-forme utilisée pour laver les fenêtres d'un édifice en hauteur qu'elle n'est pas un dispositif mécanique puisqu'elle est fixe au moment du lavage des fenêtres et ne fonctionne qu'entre les changements d'étages?

La deuxième question en litige consiste à déterminer si le SES-2 est admissible aux avantages du code 2360. Le représentant de l'appelant a soutenu que le SES-2 est admissible parce que : 1) il est en métal commun; 2) il peut être classé dans la Section XVI; 3) il est d'une classe ou d'une espèce non fabriquée au Canada.

Le Tribunal est d'avis que le SES-2 n'est pas admissible aux avantages du code 2360. Le Tribunal est d'accord sur l'énoncé de l'avocat de l'intimé, selon lequel la première condition est que l'article doit être « en métal commun ». Le SES-2 est en grande partie composé de métal commun, de caoutchouc et de certains tissus spéciaux.

Les articles en métaux communs et les ouvrages en métaux communs peuvent être classés dans la Section XV de l'annexe I du Tarif des douanes. Relativement aux articles en métaux communs, les Notes explicatives de la Section XV prévoient, notamment, ce qui suit :

Aux termes de la Note 7 de la présente Section, les ouvrages en métaux communs composés de deux ou plusieurs métaux sont classés, sauf dispositions contraires résultant du libellé des positions (c'est le cas, par exemple, des clous avec tige en fer ou en acier et tête en cuivre, qui sont repris avec les clous en cuivre sans égard aux proportions des constituants), avec l'ouvrage correspondant du métal prédominant en poids sur chacun des autres métaux. La même règle s'applique aux ouvrages comportant des parties non métalliques pour autant que par application des Règles générales interprétatives, ce soit le métal commun qui confère à l'ouvrage son caractère essentiel. (Soulignement ajouté)

Il ne fait aucun doute que les métaux communs prédominent en poids sur chacun des autres matériaux utilisés dans la construction du SES-2. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que les métaux communs confèrent au SES-2 son caractère essentiel et, donc, que ce dernier est un ouvrage en métal commun. Le Tribunal fait d'abord observer qu'une partie importante du poids attribuable aux métaux communs se rapporte aux métaux communs utilisés dans la construction du contenant dans lequel le SES-2 est logé. Il est vrai que les composants en métal commun du système, et, plus précisément, le treuil et les câbles et accessoires, sont nécessaires au fonctionnement du SES-2. Cependant, ce dernier a été conçu pour l'évacuation des personnes. Ce sont la glissière et la plate-forme de transbordement qui, alliées au treuil et aux câbles et accessoires, permettent au SES-2 d'accomplir sa fonction. En dernière analyse, si quelque chose confère son caractère essentiel au SES-2, ce sont la glissière et la plate-forme de transbordement. En termes simples, ce sont ces derniers composants qui font que le SES-2 est ce qu'il est. Étant donné l'importance relative des composants susmentionnés dans le fonctionnement de l'ensemble du système, il ne peut être dit que le caractère essentiel du SES-2 lui soit conféré par les métaux communs. Le SES-2 n'est donc pas « en métal commun » et, par conséquent, n'est pas admissible aux avantages du code 2360.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Appel no AP-94-195, le 27 octobre 1995.

4. Appel no AP-94-157, le 12 octobre 1995.

5. Supra note 2, annexe I.

6. Non publiée, numéro du greffe A-503-86, le 21 octobre 1987.

7. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

8. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

9. Supra note 6 à la p. 7.


Publication initiale : le 29 juillet 1998