ARMSTRONG BROS. TOOL CO.

Décisions


ARMSTRONG BROS. TOOL CO.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n
o AP-96-105

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 15 août 1997

Appel n o AP-96-105

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 avril 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 30 octobre 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ARMSTRONG BROS. TOOL CO. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie. La question est renvoyée à l'intimé pour réexamen de l'appréciation de la valeur en douane des marchandises en cause d'une façon conforme aux motifs de la présente décision.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire






L'appelant possédait un entrepôt à Mississauga (Ontario), où étaient expédiés des outils pour revente à des clients au Canada. L'appelant a porté en appel la décision de l'intimé selon laquelle la valeur en douane des outils doit être déterminée en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables. Les questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer : 1) si les marchandises qui sont importées sans vente à l'exportation peuvent être évaluées en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables; 2) lorsque les marchandises importées sans vente à l'exportation peuvent être évaluées en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables, si l'une de ces méthodes peut être utilisée dans ce cas; 3) lorsque la valeur en douane des outils importés doit être établie en fonction de la valeur de référence des outils, si les bénéfices et frais généraux reflétés dans le prix de vente des outils peuvent être déduits du prix unitaire des outils.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Il n'est permis d'utiliser la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables pour déterminer la valeur en douane des marchandises que si les marchandises sont importées dans le cadre d'une vente à l'exportation. Par conséquent, c'est la valeur de référence qu'il faut utiliser. Comme les ventes au Canada n'ont pas été effectuées par un agent ni à la commission, les déductions appropriées aux termes du paragraphe 51(4) de la Loi sur les douanes étaient pour les bénéfices et les frais. Seuls les bénéfices et les frais engagés au Canada qui étaient reliés aux ventes au Canada sont admis.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 15 avril 1997 Date de la décision : Le 15 août 1997
Membres du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant Robert C. Coates, c.r., membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Brenda C. Swick-Martin et Kenneth H. Sorensen, pour l'appelant R. Jeff Anderson, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national en application de l'article 63. L'appelant a porté en appel la décision de l'intimé selon laquelle les articles 49 et 50 étaient les méthodes indiquées d'évaluation de certaines marchandises importées au Canada pendant la période de juillet 1993 à octobre 1995.

L'appelant est un fabricant d'outils. Il est basé à Chicago (Illinois) et a des usines à Chicago et à Fayetteville (Arkansas). Pendant la période en question, l'appelant possédait un entrepôt à Mississauga (Ontario), où il expédiait des outils pour revente à des clients au Canada. Les outils demeuraient la propriété de l'appelant jusqu'à leur vente. Le directeur général et le personnel travaillant à l'entrepôt étaient des employés salariés de l'appelant et non des agents rémunérés à la commission.

Les outils étaient vendus aux clients de l'appelant après importation dans le cadre de ventes qui n'étaient pas conclues au moment de l'importation. Le premier témoin de l'appelant, M. Jeff McNamara, a dit que les ventes de l'entrepôt étaient effectuées à des distributeurs au niveau commercial du gros [2] . Le client typique passait une commande directement à l'entrepôt. La commande était introduite dans un système d'entrée des commandes, puis traitée, emballée et expédiée directement au client. M. McNamara a dit que l'appelant gardait la propriété des outils jusqu'à ce qu'ils soient expédiés au client. Après livraison, le client était facturé par l'entrepôt et payait par chèque, en fonds canadiens.

Pour promouvoir ses ventes, l'appelant avait recours à des représentants indépendants, rémunérés à la commission [3] . Le deuxième témoin de l'appelant, M. John A. Tatasciore, a expliqué que ces agents avaient comme fonction de visiter les clients de l'appelant pour présenter la ligne de produits de l'appelant et de veiller à ce qu'ils reçoivent un bon service à la clientèle et un produit de qualité. Les outils n'étaient pas achetés par l'entremise des agents. Les agents étaient payés par le bureau de Chicago de l'appelant, sur la foi des factures envoyées par l'entrepôt de Mississauga. M. Tatasciore a dit au Tribunal qu'il considérait les commissions comme une dépense de marketing engagée par l'appelant.

M. McNamara a expliqué que certaines marchandises étaient vendues avant l'importation et expédiées directement aux clients. Selon ses dires, ces marchandises représentaient environ 1 p. 100, en valeur, de l'ensemble des marchandises expédiées au Canada. M. McNamara a expliqué que ces ventes étaient typiquement des ventes hautement prioritaires nécessitant un traitement expéditif [4] .

M. McNamara a mentionné au Tribunal l'existence de listes de prix de l'appelant et expliqué que de nouvelles listes étaient publiées lors d'augmentation des prix, du lancement de nouveaux articles ou de l'abandon de vieux articles. Il a expliqué que la liste de prix représentait un point de départ sur lequel l'appelant appliquait des remises. Les remises courantes offertes par l'appelant étaient le prix de liste diminué de 50 p. 100, puis d'encore 10 p. 100. En plus des remises courantes, d'autres remises étaient disponibles. Par conséquent, lorsqu'il voulait majorer le prix d'un outil, l'appelant publiait une nouvelle liste de prix [5] . Par ailleurs, s'il voulait baisser un prix pour un client particulier, il se contentait d'offrir une autre remise en sus des remises courantes.

Le troisième témoin de l'appelant a été Mme Hélène Lecours, comptable agréée, qui a été reconnue comme une experte en comptabilité ayant des connaissances spécialisées dans le domaine de l'évaluation en douane. Aux fins du présent appel, Mme Lecours a calculé la valeur en douane d'un outil spécimen (pièce A-3) en utilisant la méthode de la valeur de référence pour les années se terminant les 31 décembre 1993, 1994 et 1995 (pièce 11.1). Elle a fait une déclaration détaillée pour illustrer ses calculs, parlant de choses comme les remises sur la liste de prix ainsi que les bénéfices et frais généraux liés aux ventes des outils.

Les questions en litige dans le présent appel consistent à déterminer :

1) si les marchandises qui sont importées sans vente à l'exportation peuvent être évaluées en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables (article 49 ou 50);

2) lorsque les marchandises importées sans vente à l'exportation peuvent être évaluées en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables, si l'une de ces méthodes peut être utilisée dans ce cas, vu que les marchandises identiques et semblables utilisées par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) aux fins de l'évaluation des outils importés ont été vendues dans des conditions différentes (p. ex., en quantités différentes à des dates différentes);

3) lorsque la valeur en douane des outils importés doit être établie en fonction de la valeur de référence des outils, si les bénéfices et frais généraux reflétés dans le prix de vente des outils peuvent être déduits du prix unitaire des outils.

Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent comme suit :

47.(1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

(2) Lorsque la valeur en douane des marchandises n'est pas déterminée par application du paragraphe (1), elle l'est d'après les valeurs suivantes [...] prises dans l'ordre où elles s'appliquent :

a) la valeur transactionnelle de marchandises identiques [...]

b) la valeur transactionnelle de marchandises semblables [...]

c) la valeur de référence des marchandises;

d) la valeur reconstituée des marchandises.

49.(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), la valeur en douane des marchandises, dans les cas où elle n'est pas déterminée par application de l'article 48, est, si elle est déterminable, la valeur transactionnelle de marchandises identiques vendues pour exportation au Canada et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à apprécier, pourvu que cette valeur transactionnelle soit la valeur en douane des marchandises identiques et que la vente de celles-ci et la vente des marchandises à apprécier réunissent les conditions suivantes :

a) elles sont réalisées approximativement au même niveau commercial;

b) elles portent sur une quantité égale ou sensiblement égale.

50.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et 49(2) à (5), la valeur en douane des marchandises, dans les cas où elle n'est pas déterminée par application de l'article 48 ou 49, est, si elle est déterminable, la valeur transactionnelle de marchandises semblables vendues pour exportation au Canada et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à apprécier, pourvu que cette valeur transactionnelle soit la valeur en douane des marchandises semblables et que la vente de celles-ci et la vente des marchandises à apprécier réunissent les conditions suivantes :

a) elles sont réalisées au même niveau commercial ou approximativement au même niveau commercial;

b) elles portent sur une quantité égale ou sensiblement égale.

51.(1) Sous réserve des paragraphes (5) et 47(3), la valeur en douane des marchandises est, dans les cas où elle n'est pas déterminée par application des articles 48 à 50, leur valeur de référence, si elle est déterminable.

(2) La valeur de référence des marchandises à apprécier est un prix unitaire [...]

(3) Pour l'application du paragraphe (2), le prix unitaire des marchandises à apprécier, de marchandises identiques ou de marchandises semblables désigne le prix unitaire auquel ces marchandises sont vendues, au premier niveau commercial après leur importation, à des personnes qui, à la fois :

a) ne sont pas liées, au moment de la vente, aux vendeurs des marchandises en question;

b) n'ont fourni, directement ou indirectement, sans frais ou à coût réduit, aucune des marchandises ou aucun des services visés au sous-alinéa 48(5)a)(iii) pour être utilisés lors de la production et de la vente à l'exportation des marchandises en question.

Le prix unitaire retenu à cet égard est le prix unitaire de vente du plus grand nombre de ces marchandises lorsque, selon le ministre ou son délégué, ce nombre est suffisamment important pour permettre la détermination de ce prix.

(4) Pour l'application du paragraphe (2), le prix unitaire qui y est visé est ajusté en en retranchant la somme des montants suivants :

a) le montant, déterminé de la manière réglementaire, représentant, dans le cadre de la vente au Canada de marchandises de même nature ou de même espèce que les marchandises en question :

(i) soit le montant de la commission normale payée sur une base unitaire,

(ii) soit le montant pour les bénéfices et frais généraux, considérés comme un tout et comprenant tous les frais de commercialisation, normalement inclus dans le prix unitaire.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que la valeur en douane des marchandises ne peut être déterminée en utilisant la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables que si, à la fois, les marchandises à évaluer (les outils) et les marchandises identiques ou semblables ont été sujettes à une vente au moment de l'importation. À l'appui de cette thèse, les avocats invoquent les alinéas 49(1)a) et 50(1)a), qui exigent que les ventes de marchandises identiques ou semblables soient réalisées « au même niveau commercial ou approximativement au même niveau commercial ». Il ne suffit pas que les marchandises à apprécier soient vendues après leur importation au Canada. Comme les outils de l'appelant, ont-ils fait valoir, n'ont pas été importés dans le cadre d'une vente, leur valeur en douane ne peut pas être établie en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables.

Selon la méthode de la valeur de référence, la valeur en douane est fondée sur un « prix unitaire » (paragraphe 51(2)), qui est déterminé selon le paragraphe 51(3). À cet égard, les avocats de l'appelant ont soutenu que le prix unitaire prédominant des marchandises est le prix de catalogue de l'appelant moins les remises courantes de distributeur de 50 p. 100 et 10 p. 100. Le prix unitaire est rajusté conformément au paragraphe 51(4) par retranchement de certaines déductions.

Quant à ces déductions, les avocats de l'appelant ont affirmé qu'il n'y avait pas de commissions gagnées sur la vente des outils. Par conséquent, il faut rajuster le prix unitaire des outils en déduisant à la fois les bénéfices et frais généraux qui sont généralement reflétés dans le prix de vente des outils pour les ventes au Canada. S'appuyant sur le témoignage de Mme Lecours et sur la pièce 11.1, les avocats ont affirmé qu'il faut permettre des déductions pour les bénéfices avant impôt, plus les frais d'administration et les frais de vente [6] engagés au Canada relativement aux ventes au Canada et les frais de vente [7] engagés aux États-Unis relativement aux ventes au Canada.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises peuvent être évaluées en fonction de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables même si elles n'ont pas été importées dans le cadre d'une vente. Autrement, les articles 49 et 50 seraient redondants, puisque toutes les ventes au moment de l'importation ne tomberaient alors logiquement que sous le coup de l'article 48, alors que toutes les autres ne tomberaient que sous le coup de l'article 51.

Comme les outils n'ont pas été importés dans le cadre d'une vente à l'exportation au Canada, l'article 48 ne s'applique pas. Par conséquent, aux termes du paragraphe 47(2), la valeur en douane des outils doit être établie selon la valeur transactionnelle de marchandises identiques et, si cette disposition ne s'applique pas, selon la valeur en douane de marchandises semblables. L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises que Revenu Canada a utilisées pour établir la valeur en douane des outils étaient identiques ou semblables aux outils à apprécier. En outre, s'appuyant sur le Mémorandum D13-5-1 [8] , l'avocat a fait valoir que les marchandises identiques ou semblables ont été importées « au même moment ou à peu près au même moment que les [outils] à apprécier ».

Les prix de vente de l'appelant ont été déterminés selon une liste de prix canadienne qui ne changeait pas selon que les outils étaient vendus à l'exportation au Canada ou importés pour revente. Par conséquent, sous réserve des corrections pour les différences des conditions de vente, la valeur en douane selon la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables vendues à l'exportation au Canada devrait être la même que la valeur en douane des marchandises importées pour revente.

Relativement à la deuxième question, l'avocat de l'intimé a avancé que le fait que les marchandises identiques ou semblables n'ont pas été vendues dans les mêmes conditions que les outils à apprécier (p. ex., à un niveau commercial différent et en quantités différentes) ne rend pas les articles 49 et 50 inapplicables. Les paragraphes 49(3) et 50(2) permettent d'ajuster la valeur transactionnelle des marchandises identiques ou semblables pour tenir compte de ces différences. De fait, Revenu Canada a fait de tels rajustements aux marchandises identiques ou semblables pour la détermination de la valeur en douane des outils. Ceux-ci comprenaient des rajustements pour tenir compte des ventes à différents niveaux commerciaux, des remises offertes par l'appelant sur ses prix de vente et des rajustements pour les coûts de transport.

Relativement à la troisième question, l'avocat de l'intimé a déclaré que, si la méthode de la valeur de référence est applicable, le montant des bénéfices et frais généraux réclamé par l'appelant n'est pas une déduction admissible. C'est plutôt le montant de la commission généralement gagnée qui est déductible. S'appuyant sur le Commentaire 15.1 du Comité technique de l'évaluation en douane [9] , il a fait valoir que « des montants devraient normalement être déduits lorsque la vente dans le pays d'importation des marchandises à évaluer s'est effectuée ou doit s'effectuer par l'intermédiaire d'un agent ou sur la base d'une commission [10] ».

Une déduction pour les bénéfices et frais généraux ne devrait pas être admise car elle fausserait la « valeur réelle » des marchandises importées. Ces déductions donneraient une valeur en douane reflétant les coûts de production de l'appelant. L'avocat de l'intimé a fait valoir que la méthode de la valeur de référence suppose une vente de marchandises au Canada et une revente de ces marchandises au Canada. À ce titre, la valeur en douane des marchandises doit comprendre le coût de production des marchandises, plus les bénéfices réalisés sur la vente des marchandises et les frais généraux engagés pour l'importation des marchandises au Canada.

Quant aux frais engagés, l'avocat de l'intimé a affirmé que l'appelant a eu de nombreuses activités à l'extérieur du Canada relativement à l'importation et à la revente au Canada des outils. En réalité, les activités menées au Canada sont minimes. Par conséquent, une déduction fondée sur la « moyenne de l'industrie » pour les bénéfices gagnés et les frais engagés ne tiendrait pas compte de ce fait et donnerait lieu à une déduction excessive.

Le Tribunal fait remarquer que, conformément au paragraphe 47(1), « [l]a valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48 ». Les deux parties conviennent, tout comme le Tribunal, que l'article 48 ne s'applique pas vu que les outils n'ont pas été importés au Canada dans le cadre d'une vente à l'exportation. Ainsi, conformément au paragraphe 47(2), la valeur en douane des outils doit être déterminée selon les autres méthodes envisagées, dans l'ordre fixé par cette disposition de la Loi.

L'avocat de l'intimé a fait valoir, par conséquent, que la valeur en douane des outils doit être déterminée selon l'article 49 ou 50 comme étant la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables. Les avocats de l'appelant ont soutenu que la valeur en douane des outils ne peut être déterminée par l'une de ces méthodes, vu qu'elles ne s'appliquent que lorsque les marchandises à évaluer ont été importées au Canada dans le cadre d'une vente. Les avocats de l'appelant ont plutôt affirmé que la valeur en douane doit être déterminée selon la méthode de la valeur de référence prévue à l'article 51.

Le Tribunal se range à l'avis des avocats de l'appelant selon lequel les marchandises à évaluer selon la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables doivent avoir été importées au Canada dans le cadre d'une vente à l'exportation. À l'appui de cette conclusion, le Tribunal fait remarquer que les alinéas 49(1)a) et 50(1)a) exigent que les ventes de marchandises identiques ou semblables soient réalisées « au même niveau commercial ou approximativement au même niveau commercial [que celui de l'acheteur des marchandises à apprécier] [[Note du réviseur] Membre de phrase ajouté pour refléter la version anglaise des alinéas 49(1)a) et 50(1)a).] » (soulignement ajouté). La mention, dans la version anglaise, d'un « acheteur des marchandises à apprécier » [traduction] ou, dans la version française, de « la vente des marchandises à apprécier » convainc le Tribunal que ces marchandises doivent avoir été vendues. Par ailleurs, comme l'article 51 donne une méthode d'évaluation par rapport à une revente à l'importation, le Tribunal est persuadé que, aux fins des articles 49 et 50, la vente doit avoir coïncidé avec l'importation des marchandises à évaluer.

Conformément au paragraphe 51(1), la valeur en douane des marchandises importées est la valeur de référence de ces marchandises. La valeur de référence des marchandises est le « prix unitaire » de ces marchandises, déterminé selon le paragraphe 51(3), moyennant certains rajustements prévus au paragraphe 51(4).

Aux termes du paragraphe 51(3), le prix unitaire des marchandises à apprécier est le « prix unitaire de vente du plus grand nombre de ces marchandises » à certaines personnes. Les avocats de l'appelant ont fait valoir, et le Tribunal accepte, que le prix unitaire des outils peut être déterminé en prenant les prix de liste du catalogue de l'appelant et en y soustrayant les remises courantes de 50 p. 100 et 10 p. 100 accordées aux distributeurs. Il peut aussi y avoir d'autres remises courantes pour les clients canadiens, comme des escomptes de caisse, dont il faut tenir compte dans la détermination du prix unitaire « prédominant » des outils. Rien ne permet de croire que les clients de l'appelant étaient liés à l'appelant ou qu'ils fournissaient des marchandises ou des services pour utilisation dans le cadre de la production ou de la vente des outils.

Le paragraphe 51(4) prévoit certains rajustements au prix unitaire. Les avocats de l'appelant ont soutenu que les bénéfices et frais généraux doivent être déduits du prix unitaire des outils, tandis que l'avocat de l'intimé a soutenu qu'il devrait y avoir une déduction pour le montant de la commission versée aux représentants indépendants de l'appelant.

Le Tribunal est d'avis que les ventes des outils au Canada n'ont pas été effectuées par l'intermédiaire d'un agent ni à la commission [11] . L'appelant a plutôt expédié les outils à son propre entrepôt-succursale pour les y entreposer et les vendre par la suite. Les clients de l'appelant passaient typiquement leurs commandes directement à l'entrepôt, où les commandes étaient introduites dans un système d'entrée des commandes. Les outils étaient expédiés directement de l'entrepôt aux clients, qui étaient ensuite facturés par l'entrepôt. Par contraste, les représentants de l'appelant servaient à promouvoir, mais non à effectuer, les ventes. Bien qu'ils aient touché une commission pour la commercialisation des outils de l'appelant et la prestation du service à la clientèle, le Tribunal est d'avis que ces commissions ne sont pas celles que prévoit le sous-alinéa 51(4)a)(i).

Pour illustrer les rajustements au prix unitaire des outils effectués afin de tenir compte des bénéfices et des frais généraux, les avocats de l'appelant ont fait valoir qu'il faut donner un sens large à l'expression « dans le cadre de la vente au Canada » qui se trouve à l'alinéa 51(4)a). L'effet de cette interprétation est de permettre d'ajuster les bénéfices réalisés au Canada et les frais engagés au Canada et aux États-Unis relativement aux ventes des outils au Canada. Le Tribunal ne saurait, par contre, se rallier à cette thèse.

Pour comprendre le sens de l'expression « dans le cadre de la vente au Canada », le Tribunal a tenu compte du contexte plus vaste dans lequel cette expression figure, ainsi que de l'objet du rajustement du prix unitaire des marchandises et de l'intention qu'avait le Parlement en le prévoyant. Le Tribunal est d'avis que les rajustements au prix unitaire que prévoit le paragraphe 51(4) visent « à déduire la majoration qui est habituellement appliquée au [Canada], de manière à ramener le prix de vente à une valeur qui peut être décrite comme s'appliquant au stade de l'importation, plutôt qu'au stade ultérieur de la revente [12] » [traduction]. De l'avis du Tribunal, la déduction pour la majoration se limite aux bénéfices réalisés et aux frais engagés au Canada. De cette façon, le prix unitaire des marchandises est ramené à une approximation raisonnable de leur valeur au moment de l'importation.

Il ressort clairement de l'article 51 que la méthode de la valeur de référence pour déterminer la valeur en douane est articulée sur les « marchandises [...] vendues, au premier niveau commercial après leur importation ». C'est cette transaction qui détermine le prix unitaire prédominant et les rajustements qui y sont apportés. De l'avis du Tribunal, par conséquent, les rajustements permis aux termes du paragraphe 51(4) ont trait à des majorations raisonnables qui tiennent compte des bénéfices et des frais pour cette transaction. Ainsi, pour qu'ils soient « dans le cadre de la vente au Canada », les bénéfices et frais doivent être survenus au Canada, tout comme la transaction a eu lieu au Canada. Cela dit, bien qu'ils aient été engagés au Canada, les frais ont pu être réglés de l'étranger.

Le Tribunal fait remarquer également que la Loi oblige l'intimé à fonder la déduction sur les bénéfices et frais « considérés comme un tout » et appliqués à des « marchandises de même nature ou de même espèce » que les marchandises à apprécier et non seulement sur les bénéfices et frais pour les marchandises effectives à apprécier.

Malheureusement, l'avocat de l'intimé n'a pour ainsi dire pas aidé le Tribunal à évaluer les bénéfices et frais réclamés par l'appelant, selon la pièce 11.1. Le Tribunal s'attendrait que, dans un appel de cette nature, surtout lorsqu'il est le premier en son genre, l'avocat soit en mesure de répondre à la plaidoirie de la partie adverse et de donner au Tribunal les renseignements voulus pour peser les questions soulevées. Le Tribunal renvoie donc la question à l'intimé pour réexamen de l'appréciation de la valeur en douane des outils d'une façon conforme aux présents motifs.

Par conséquent, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.). Tous les renvois à la loi dans le présent appel sont des renvois à la Loi sur les douanes.

2. M. McNamara a ajouté que les distributeurs vendent aux utilisateurs finals des outils.

3. Le recours à des représentants à la commission a pris fin en décembre 1995.

4. M. McNamara a cité l’exemple du projet pétrolier d’Hibernia à Terre-Neuve .

5. Les deux dernières listes de prix datent du 15 mai 1994 et du 1er mars 1997.

6. Ces frais comprenaient les frais de vente dans les régions, les salaires, les avantages sociaux, les indemnités d'automobile, les repas et les frais de représentation.

7. Cela comprenait la publicité, la promotion et le marketing.

8. Application des articles 49 et 50 de la Loi sur les douanes, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1er juin 1986.

9. Accord du GATT et Textes du Comité technique de l'évaluation en douane, Conseil de coopération douanière, Bruxelles.

10. Ibid. Commentaire 15.1, « Application de la méthode de la valeur déductive », paragraphe 12.

11. Ibid.

12. S.L. Herman et H. Glashoff, Customs Valuation: Commentary on the GATT Customs Valuation Code, New York, ICC Publishing S.A., 1988 à la p. 214. Pour décrire la méthode de la valeur de référence à la p. 69, les auteurs indiquent que : « la valeur de référence (VR) est le prix de revente des marchandises en question (ou de marchandises importées comparables) dans le pays d'importation, moins [certains] coûts engagés dans le pays d'importation » [traduction] (soulignement ajouté).


Publication initiale : le 10 septembre 1997