GREAT CANADIAN CASINO COMPANY LTD.

Décisions


GREAT CANADIAN CASINO COMPANY LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appels nos AP-96-230 à AP-96-236

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 26 février 2002

Appels nos AP-96-230 à AP-96-236

EU ÉGARD À des appels entendus le 20 novembre 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 17 janvier 1997 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

GREAT CANADIAN CASINO COMPANY LTD. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

Les appels sont admis en partie.



Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard du classement de machines automatiques à battre les cartes (batteurs de cartes) et d'appareils à trier les jetons Chipper ChampMD. La première question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les batteurs de cartes peuvent être classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90 à titre d'« articles » autonomes ou d'« accessoires » d'autres articles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple), comme l'a soutenu l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8472.90.90 à titre d'autres machines et appareils de bureau (duplicateurs hectographiques ou à stencils, machines à imprimer les adresses, distributeurs automatiques de billets de banque, machines à trier, à compter ou à encartoucher les pièces de monnaie, appareils à tailler les crayons, appareils à perforer ou à agrafer, par exemple) ou dans le numéro tarifaire 9504.40.00 à titre d'accessoires de cartes à jouer, comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les appareils à trier les jetons peuvent être classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90 à titre d'« articles » autonomes ou d'« accessoires » d'autres articles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple), comme l'a soutenu l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8472.90.90 à titre d'autres machines et appareils de bureau, comme l'a soutenu l'appelante.

L'appelante a soutenu que les batteurs de cartes sont d'« [a]utres machines et appareils de bureau ». Dans le cadre d'une position subsidiaire, l'appelante a soutenu que, si les batteurs de cartes sont des accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux articles du Chapitre 95, ils doivent alors être classés à titre d'« accessoires » de « [c]artes à jouer ». Quant aux appareils à trier les jetons, l'appelante a soutenu qu'il s'agit de machines utilisées dans un environnement de bureau et qu'ils devraient être classés à titre d'« [a]utres machines et appareils de bureau ». Les appareils à trier les jetons sont des machines à « compter » ou à « trier » les « pièces de monnaie » qui accomplissent la fonction comptable consistant à compter et à trier les jetons, tout comme les machines et appareils à compter ou à trier les pièces de monnaie le font dans d'autres entreprises. L'appelante a contesté le classement des appareils à trier les jetons à titre d'« accessoires », puisqu'un « accessoire » doit ajouter une certaine mesure d'excitation, d'intérêt ou de nouveauté dans la participation au jeu, comme telle.

L'intimé a d'abord soutenu que les batteurs de cartes sont des « accessoires », d'autres « [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement ». Il a aussi soutenu qu'il s'agit d'« accessoires », puisque les batteurs de cartes sont des « accessoires » communs à la plupart des jeux et ont un caractère analogue à celui des « cornets [à dés] » ou des « marques de points » en tant que types d'articles qui se trouvent à la Note 13) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (Notes explicatives) de la position no 95.04. Subséquemment, l'intimé a soutenu que les batteurs de cartes sont des « [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement », autonomes. Il a soutenu que les appareils à trier les jetons sont des « [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement », autonomes. Subsidiairement, il a soutenu que les appareils à trier les jetons sont des « accessoires » communs à plusieurs jeux dénommés dans la position no 95.04 et peuvent être considérés comme des accessoires de « [t]ables de jeux ». L'intimé a dit ne pas être d'accord que les appareils en cause sont des « machines ou appareils de bureau » qui accomplissent « du travail de bureau ».

DÉCISION : Les appels sont admis en partie. Le Tribunal a conclu que les batteurs de cartes sont analogues aux « cornets [à dés] » dont il est fait mention à la Note 13) des Notes explicatives de la position no 95.04 et sont donc aussi des accessoires. Selon le Tribunal, les batteurs de cartes sont reconnaissables comme étant destinés exclusivement ou principalement à servir aux cartes à jouer et doivent être classés dans le numéro tarifaire 9504.40.00. À la lumière de la Note de Section 1 p) de la Section XVI, le Tribunal est d'avis que les batteurs de cartes ne peuvent être classés dans la position no 84.72 à titre de « machines et appareils de bureau ». Le Tribunal n'est pas convaincu que l'action de battre les cartes soit pour sa part du « travail de bureau ». Pour ce qui a trait aux appareils à trier les jetons, le Tribunal est d'avis qu'ils peuvent être classés dans la position no 95.04. À son avis, les appareils à trier les jetons sont aux jetons ce que les batteurs de cartes sont aux cartes à jouer. Le Tribunal est donc d'avis qu'ils sont des accessoires reconnaissables comme étant destinés exclusivement ou principalement à des jetons et qu'ils sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90. Le Tribunal est également d'avis que les appareils à trier les jetons ne peuvent être classés dans la position no 84.72 à titre de « machines ou appareils de bureau ».

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 20 novembre 2000

Date de la décision :

Le 26 février 2002

   

Membres du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Jeffrey S. Thomas, pour l'appelante

 

M. Kathleen McManus et F.B. (Rick) Woyiwada, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) le 17 janvier 1997 au sujet de marchandises importées au Canada en 1994 et 1995. Les marchandises en cause dans les présents appels sont des machines automatiques à battre les cartes (batteurs de cartes) et des appareils à trier les jetons Chipper ChampMD.

La première question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les batteurs de cartes peuvent être classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes 2 à titre d'« articles » autonomes ou d'« accessoires » d'autres articles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple), comme l'a soutenu l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8472.90.90 à titre d'autres machines et appareils de bureau (duplicateurs hectographiques ou à stencils, machines à imprimer les adresses, distributeurs automatiques de billets de banque, machines à trier, à compter ou à encartoucher les pièces de monnaie, appareils à tailler les crayons, appareils à perforer ou à agrafer, par exemple) ou dans le numéro tarifaire 9504.40.00 à titre d'accessoires de cartes à jouer, comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les appareils à trier les jetons peuvent être classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90 à titre d'« articles » autonomes ou d'« accessoires » d'autres articles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple), comme l'a soutenu l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8472.90.90 à titre d'autres machines et appareils de bureau, comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire pertinente aux questions en litige dans les présents appels est la suivante :

84.72 Autres machines et appareils de bureau (duplicateurs hectographiques ou à stencils, machines à imprimer les adresses, distributeurs automatiques de billets de banque, machines à trier, à compter ou à encartoucher les pièces de monnaie, appareils à tailler les crayons, appareils à perforer ou à agrafer, par exemple).
8472.90 -Autres
95.04 Articles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quille automatiques (bowlings, par exemple).
9504.40.00 -Cartes à jouer
9504.90 -Autres
9504.90.90 ---Autres
9504.90.90.23 ------Tables de jeux

L'appelante et l'intimé ont convenu d'une audience tenue sur la foi d'exposés écrits.

CONTEXTE

L'appelante a été fondée en 1982 pour répondre aux besoins du secteur des casinos de bienfaisance en Colombie-Britannique. Elle exploite sept « casinos à mises limitées » en Colombie-Britannique3 . L'appelante fournit les installations, l'équipement et le personnel aux casinos de bienfaisance. Ses activités sont régies par la province.

Les batteurs de cartes sont de petits appareils électriques qui battent les cartes automatiquement. Un joueur ou un croupier place le jeu de cartes à jouer dans un orifice de l'appareil, et les cartes sont battues automatiquement puis dirigées vers un autre orifice de l'appareil. L'appareil bat les cartes beaucoup plus rapidement qu'il est possible de le faire manuellement et les mêle mieux. Il y en a trois modèles, dont deux servent à battre les cartes d'un seul jeu, tandis que le troisième modèle, appelé « multi-jeux », comme son nom l'indique, bat les cartes de plusieurs jeux à la fois.

Les appareils à trier les jetons sont des appareils électriques qui trient les jetons selon la couleur et les éjecte dans un cabaret de sortie. Un membre du personnel dépose un lot de jetons non triés dans un petit entonnoir situé sur le dessus de l'appareil. Un capteur de couleur et un processeur informatique permettent à l'appareil de trier les jetons en fonction de leur couleur. L'appareil peut être monté sur les tables de jeux correspondantes ou demeurer autonome.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que les batteurs de cartes sont des « machines et appareils » et doivent être classés dans le numéro tarifaire 8472.90.90 à titre d'autres machines et appareils de bureau.

À titre de position subsidiaire, l'appelante a soutenu que, si la Note 3 du Chapitre 95 s'applique, à savoir que les batteurs de cartes sont exclusivement ou principalement destinés aux articles dudit chapitre, alors les batteurs de cartes doivent être classés avec l'article du Chapitre 95 auquel ils sont exclusivement ou principalement destinés. Selon l'exposé de l'appelante, l'objet exclusif des batteurs de cartes est de battre les cartes; sans les cartes, les machines n'accomplissent aucune fonction et ne peuvent être utilisées à titre d'accessoires de quelque jeu de cartes que ce soit. Si la Note 3 s'applique, alors elle doit s'appliquer à un article du Chapitre 95 auquel l'utilisation de l'« accessoire » est exclusivement liée, à savoir les « cartes à jouer ».

En ce qui concerne la question de savoir si les taux de droit « le paquet » peuvent empêcher le classement dans le numéro tarifaire 9504.40.00, l'appelante a soutenu que les taux de droit effectifs n'ont aucune pertinence dans l'interprétation du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 4 et dans le classement des articles qu'il comprend.

Les batteurs de cartes doivent donc être classés dans le numéro tarifaire 9504.40.00 à titre d'« accessoires » d'« [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quille automatiques (bowlings, par exemple) » - de cartes à jouer.

En ce qui a trait à son argument au sujet des appareils à trier les jetons, l'appelante a soutenu que la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 5 s'appliquait étant donné que le Tribunal doit, en premier lieu, tenir compte des positions ou sous-positions, et qu'il ne doit tenir compte des autres Règles générales que lorsque les marchandises ne peuvent être classées exclusivement d'après la Règle 1. L'appelante a affirmé que les appareils à trier les jetons pouvaient être classés aux termes de la Règle 1 et qu'il n'était pas nécessaire en l'espèce de recourir aux autres Règles générales. Elle a aussi soutenu que le classement préconisé par l'intimé contredisait directement la Règle 1. À son avis, les appareils à trier les jetons sont manifestement des machines « à compter » ou « à trier » des « pièces de monnaie » qui doivent être classées dans la position no 84.72. L'appelante a contesté le classement des appareils à trier les jetons à titre d'« accessoires » et a soutenu que ce terme était incorrectement interprété, puisque lesdits appareils sont de l'équipement autonome. Pour que les appareils à trier les jetons soient des « accessoires », il faudrait qu'ils ajoutent une certaine mesure d'excitation, d'intérêt ou de nouveauté dans la participation au jeu, comme telle. Les appareils à trier les jetons n'accomplissent pas de telles fonctions; leur objet exclusif est d'accroître l'efficience comptable.

L'appelante a soutenu que les Chapitres 84 et 85 visent les « machines, appareils et engins mécaniques; parties de ces machines ou appareils » et les « machines, appareils et matériels électriques et leurs parties » respectivement. Elle a soutenu qu'il doit être tenu compte des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 de la position no 84.72 qui prévoient, notamment, que « [l]'expression machines et appareils de bureau doit être prise dans un sens très large [...] elle couvre [...] les machines et appareils utilisés dans les bureaux » et les machines et appareils « à trier [...] les pièces de monnaie » ou « à compter [...] les pièces de monnaie ». De l'avis de l'appelante, les appareils à trier les jetons entrent clairement dans la catégorie des machines et appareils à « compter » ou à « trier » les « pièces de monnaie ». En outre, les appareils sont utilisés dans un « environnement de bureau », au sens donné à cette expression dans la position no 84.72. Les appareils à trier les jetons accomplissent du « travail de bureau », à savoir la fonction comptable qui consiste à compter et à trier les jetons, tout comme les machines et appareils à compter ou à trier les pièces de monnaie le font dans d'autres entreprises. À l'appui de son argument selon lequel les machines et appareils trient des « jetons » plutôt que des « pièces de monnaie », l'appelante a soutenu que les jetons et les pièces de monnaie sont la monnaie officielle dans un environnement de casino et sont interchangeables. Par conséquent, les jetons, qui sont triés par les appareils, sont des « pièces de monnaie », au sens donné à cette expression dans la position no 84.72.

L'appelante a demandé que les appareils à trier les jetons soient classés à titre d'« [a]utres machines et appareils de bureau » en tant que machines et appareils « à compter [...] les pièces de monnaie » ou « à trier [...] les pièces de monnaie » dans le numéro tarifaire 8472.90.90.

L'intimé a d'abord soutenu que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 9504.90.90 à titre d'« accessoires » d'autres « [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple) ». L'intimé a invoqué la Note 3 du Chapitre 95, qui prévoit que les « parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux articles du présent Chapitre sont classés avec ceux-ci ». Il a aussi invoqué la Note 13) des Notes explicatives de la position no 95.04, qui prévoit que « [l]es accessoires communs à la plupart des jeux, tels que dés, cornets, jetons, marques de points, indicateurs d'atout, tapis spéciaux (tapis de roulette et similaires, par exemple) » sont repris dans ladite position.

Pour ce qui a trait aux batteurs de cartes, l'intimé a subséquemment soutenu que ce sont d'autres « [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple) » classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90. De plus, il a soutenu que les batteurs de cartes sont des articles autonomes qui, sous leur propre régime, sont compris dans la position no 95.04 et sont, à cet égard, clairement analogues aux « jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple) » qui sont expressément classés dans cette position. À titre d'argument de rechange, étant donné que les casinos ont pour pratique de se servir de batteurs de cartes pour leurs divers jeux de cartes, puisque les batteurs sont plus rapides et mêlent mieux les cartes, les batteurs de cartes sont des « accessoires » des jeux de cartes classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90. Si les batteurs de cartes sont des « accessoires » communs à la plupart des jeux, ils sont alors analogues aux « cornets » ou « marques de points » en tant que types de marchandises qui se trouvent à la Note 13) des Notes explicatives de la position no 95.04.

En ce qui concerne les appareils à trier les jetons, l'intimé a subséquemment soutenu qu'ils sont correctement classés dans la position no 95.04 à titre d'« [a]rticles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement, les billards, les tables spéciales pour jeux de casino et les jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple) », et plus précisément dans le numéro tarifaire 9504.90.90. L'intimé a soutenu qu'un appareil à trier les jetons est un article autonome qui entre dans la portée de la position no 95.04 et est analogue aux « jeux de quilles automatiques (bowlings, par exemple) » classés dans cette position.

Subsidiairement, l'intimé a soutenu que, si les appareils à trier les jetons ne sont pas des articles autonomes, ce sont des accessoires communs à la plupart des jeux, dénommés dans la position no 95.04. Il a ajouté que les appareils à trier les jetons peuvent être considérés comme des accessoires pour les « [t]ables de jeux » classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90 conformément à la Note 13) des Notes explicatives de la position no 95.04. À l'appui de son affirmation, l'intimé a envoyé le dépliant du fabricant, qui décrit le Chipper ChampMD comme étant un « moyen, hautement efficace en terme de coûts, d'améliorer l'efficience du jeu de roulettes » [traduction]7 . Par conséquent, les appareils à trier les jetons sont des accessoires de tables de roulettes ou d'autres « [t]ables de jeux » dénommés dans le numéro de classement 9504.90.90.23.

L'intimé a dit ne pas être d'accord sur le classement des marchandises en cause à titre de « machines et appareils de bureau », étant donné qu'un tel classement exige d'interpréter de façon artificielle et irréaliste la notion de « travail de bureau ».

Enfin, l'intimé a soutenu que la Règle 3 a) des Règles générales s'applique et que, étant donné que la position no 95.04 décrit les appareils à trier les jetons d'une manière plus spécifique que la position no 84.72, la position no 95.04 doit s'appliquer.

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales et les Règles canadiennes 8 . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 9 et des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, alors il faut tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

De plus, la Règle 1 des Règles canadiennes réitère que le classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les Règles générales.

Le Tribunal a examiné avec soin les exposés écrits des deux parties.

Selon le Tribunal, les batteurs de cartes sont analogues aux cornets à dés dont il est fait mention dans la Note 13) des Notes explicatives de la position no 95.04 et sont donc aussi des accessoires. Le Tribunal n'est pas convaincu, contrairement à ce qu'a avancé l'intimé, qu'il ne faille pas associer ces machines à un autre article. Plutôt, le Tribunal est d'avis que, comme l'a avancé l'appelante dans le cadre d'une position subsidiaire, les marchandises sont reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux cartes à jouer et que, conformément à la Note 3 du Chapitre 95, elles peuvent donc être classées dans le numéro tarifaire 9504.40.00. Le Tribunal fait observer que les taux de droit applicables dans ledit numéro tarifaire sont fondés sur « le paquet ». Cependant, le Tribunal fait aussi observer que l'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué en conformité avec les Règles générales. Pour leur part, ces règles prévoient, notamment, que le classement est déterminé d'après les termes des Notes de Chapitre pertinentes. Il n'y est aucunement fait mention de taux de droit ou d'unités de mesure. Le Tribunal est donc d'avis que le taux de droit et l'unité de mesure applicables dans le numéro tarifaire 9504.40.00 ne sont pas pertinents aux fins du classement des batteurs de cartes.

À la lumière de la Note de Section 1 p) de la Section XVI, qui prévoit que les articles du Chapitre 95 ne sont pas compris dans cette section, le Tribunal est d'avis que les batteurs de cartes ne peuvent être classés dans la position no 84.72 à titre de machines et appareils de bureau. De toute façon, le Tribunal n'est pas convaincu que, comme l'a avancé l'appelante, les batteurs de cartes soient des « machines et appareils de bureau ». Les Notes explicatives de la position no 84.72 prévoient, notamment, ce qui suit :

L'expression machines et appareils de bureau doit être prise dans un sens très large. Sous réserve des exceptions signalées ci-après à propos des duplicateurs, elle couvre non seulement les machines et appareils utilisés dans les bureaux proprement dits, mais aussi ceux qui sont employés dans les magasins, les usines, les ateliers, les écoles, les gares, les hôtels, etc. pour exécuter le travail de bureau, c'est-à-dire le travail concernant les écritures (enregistrement, tenue des documents, correspondances, etc.), le classement, la comptabilité, etc.

Bien que les batteurs de cartes soient utilisés à un endroit qui, à son avis, peut être décrit comme environnement de bureau, le Tribunal n'est pas convaincu que l'action de battre les cartes soit pour sa part du « travail de bureau ». Selon le Tribunal, la fonction de battre les cartes est une activité qui convient aux jeux de cartes de tout type et ne ressemble guère, ou pas du tout, au travail d'administration ou de bureau.

Pour ce qui a trait aux appareils à trier les jetons, le Tribunal est d'avis que, comme l'a avancé l'intimé, lesdits appareils peuvent être classés dans la position no 95.04. Cependant, de nouveau, le Tribunal n'est pas convaincu que, comme l'a avancé l'intimé, il n'est pas nécessaire d'associer ces appareils à un autre article. Selon le Tribunal, ils sont reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux jetons. À cet égard, le dictionnaire The Canadian Oxford Dictionary 10 définit le mot « chip » (jeton) comme suit : « a counter used in some gambling games to represent money » (une marque de points utilisée dans certains jeux de hasard pour représenter l'argent). De plus, le Tribunal fait observer que la Note 13) des Notes explicatives de la position no 95.04 comprend les « marques de points » à titre de certains autres accessoires communs à la plupart des jeux de cette position. Selon le Tribunal, les appareils à trier les jetons sont aux jetons ce que les batteurs de cartes sont aux cartes à jouer et qu'ils sont donc aussi des accessoires. Par conséquent, conformément à la Note 3 du Chapitre 95, le Tribunal est d'avis que les appareils à trier les jetons sont des accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux jetons et qu'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9504.90.90.

À la lumière de la Note de Section 1 p) de la Section XVI, qui prévoit que les articles du Chapitre 95 ne sont pas compris dans cette section, le Tribunal est d'avis que les appareils à trier les jetons ne peuvent être classés dans la position no 84.72 à titre de machines et appareils de bureau. De plus, le Tribunal est d'avis que les termes de la position no 95.04 sont, à tout le moins, aussi spécifiques que les termes de la position no 84.72. Par conséquent, conformément à la Règle 3 des Règles générales, les appareils à trier les jetons pourraient être classés dans la position no 95.04.

En résumé, le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 95.04 à titre d'articles pour jeux de société, y compris les jeux à moteur ou à mouvement. Pour ce qui a trait aux batteurs de cartes, le Tribunal conclut qu'ils doivent être classés avec les cartes à jouer dans le numéro tarifaire 9504.40.00. Pour ce qui a trait aux appareils à trier les jetons, le Tribunal conclut qu'ils sont correctement classés avec les jetons dans le numéro tarifaire 9504.90.90.

Par conséquent, les appels sont admis en partie.


1 . R.C.S. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . L'expression « mises limitées » renvoie au fait que les limites des mises dans les casinos de l'appelante sont strictement régies par la province. Mémoire de l'appelante, para. 2 à la p. 1.

4 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

5 . Supra note 2, annexe I [ci-après Règles générales].

6 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986 [ci-après Notes explicatives].

7 . Mémoire de l'intimé, onglet 8.

8 . Supra note 6.

9 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

10 . 1998, s.v. « chip ».


[ Table des matières]

Publication initiale : le 15 avril 2002