YVES PONROY CANADA

Décisions


YVES PONROY CANADA
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n
o AP-96-117

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 5 décembre 1997

Appel n o AP-96-117

EU ÉGARD À un appel entendu le 30 avril 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 23 septembre 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

YVES PONROY CANADA Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause, décrites par l'appelant comme « diverses préparations biologiques » et par l'intimé comme « divers compléments alimentaires », sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2106.90.99 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre d'autres médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Bien que le Tribunal soit d'avis que les marchandises en cause ne répondent généralement pas à la définition courante du terme « aliment », il reconnaît que les « compléments alimentaires » peuvent être considérés comme étant des « préparations alimentaires » aux fins du classement dans le Tarif des douanes. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont des compléments alimentaires. Cela dit, selon le Tribunal, les termes des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 30.04 indiquent que les compléments alimentaires qui ont des « indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie » peuvent être classés dans la position no 30.04, à condition d'être « présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail », conditions auxquelles les marchandises en cause répondent.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 30 avril 1997 Date de la décision : Le 5 décembre 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Michael A. Sherbo, pour l'appelant Guy A. Blouin, pour l'intimé





Le présent appel, entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 23 septembre 1996 aux termes de l'article 63 de la Loi.

Les marchandises en cause sont décrites par l'appelant comme étant « diverses préparations biologiques », appelées spécifiquement Arterodiet, Buccozyme, Cyclobiol, Leritone Junior, Leritone « Magnésium » Vitamine E, Leritone Senior, Leritone Vitality, Nutricap, Optibiol, Osteomineral, Pectibran et Effidigest. Les produits « Leritone » semblent être collectivement désignés comme le groupe de produits Leritone. L'intimé appelle les marchandises en cause « divers compléments alimentaires ». La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2106.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre d'autres médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, comme l'a soutenu l'appelant. Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

21.06 Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

2106.90 -Autres

2106.90.99 ----Autres

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

3004.90 -Autres

3004.90.99 ----Autres

Deux témoins ont comparu au nom de l'appelant. Le premier témoin, Mme Lise Lefebvre, directrice de l'Institut de recherche biologique, une division de Yves Ponroy Canada, a expliqué que M. Yves Ponroy est biochimiste et titulaire d'un doctorat en sciences. Elle a ajouté que l'appelant, en activité en Europe depuis 25 ans, exporte maintenant ses produits vers presque trente pays. Elle a témoigné que les produits Leritone forment la gamme principale de produits de l'appelant. Mme Lefebvre a fait savoir que, au Canada, 60 p. 100 des ventes sont faites aux pharmaciens et le reste, aux professionnels de la santé et aux magasins d'aliments de santé. Elle a témoigné que chaque produit est commercialisé en tant que traitement contre une maladie ou une affection spécifique, par exemple les troubles du sommeil, de la mémoire ou de la concentration chez les personnes âgées, ou la ménopause. Mme Lefebvre a souligné que les employés de l'appelant, y compris M. Ponroy lui-même, tiennent des séminaires pour expliquer aux pharmaciens et aux professionnels de la santé les avantages des marchandises en cause.

Mme Lefebvre a confirmé que la recherche est effectuée au siège social, en France, mais qu'il se fait aussi certaines recherches cliniques au Canada. Environ 10 p. 100 du chiffre d'affaires de la société est consacré à la recherche. Elle a témoigné que les résultats de certains des essais cliniques de l'appelant ont été publiés dans des revues médicales. Des études cliniques sur les produits Pectibran et Leritone ont été produites en preuve. Elle a expliqué que certaines des marchandises en cause sont vendues en capsules ou en comprimés, le mode d'emploi étant alors indiqué sur l'emballage, tandis que d'autres sont vendues sous forme de poudres. Dans ce dernier cas, le contenu du paquet ou du sachet constitue la dose appropriée. Par contre, le Pectibran s'ajoute à des aliments tels que de la soupe ou du bœuf haché, la dose se mesurant alors en cuillerées.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. Magued A. Wasfy, un pharmacien qui travaille à titre d'expert-conseil dans l'industrie pharmaceutique et qui connaît bien certaines des marchandises en cause. Il a témoigné que, à son avis, un seul produit, le Pectibran, répond à la définition du terme « complément alimentaire » au sens des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives) de la position no 21.06, c'est-à-dire qu'il est « à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc. ». Il a expliqué que la plupart des autres produits, et plus précisément les produits Leritone, sont à base de phospholipides et soit de minéraux soit de vitamines. Optibiol, par exemple, contient de l'extrait de poisson, un produit qui n'entre pas dans le champ d'application de la définition de « complément alimentaire ». M. Wasfy a indiqué que toutes les marchandises en cause sont commercialisées comme devant servir en tant que traitement contre une maladie ou une affection précise. Les produits Leritone, par exemple, sont vendus en tant que traitement contre les troubles du sommeil. M. Wasfy a ensuite expliqué que les « phospholipides cérébraux » sont composés d'acides gras à longue chaîne, dérivés d'un extrait de cerveau de porc, et a précisé qu'ils sont utilisés dans les produits Leritone. La différence essentielle entre les « phospholipides cérébraux » et les « phospholipides végétaux », selon M. Wasfy, est que les premiers traversent la barrière cérébrale et atteignent le système nerveux central.

Il a été expliqué que, pour simplifier la présentation, il était possible, dans l'ensemble, de diviser les marchandises en cause en trois groupes : le premier comprendrait sept produits, à savoir, Arterodiet, Buccozyme, Cyclobiol, Effidigest, Optibiol, Osteomineral et Pectibran; le deuxième groupe ne comprendrait que le produit Nutricap; et le troisième groupe comprendrait les produits Leritone.

Des échantillons d'emballage des divers produits en cause et de la documentation sur ces derniers ont été produits en preuve, et on y retrouve les déclarations suivantes au sujet des produits : Optobiol « a été soumis à de nombreux tests et contrôles d'efficacité et de tolérance, qui en font un produit inégalé pour promouvoir le bien-être des yeux et lutter contre la fatigue visuelle associée au vieillissement [5] » [traduction]; Arterodiet, qui, « [g]râce à ces quatre principes actifs [acides gras polyinsaturés EPA et DHA, ail et vitamine E], accompagne les règles hygiéno-diététiques indispensables recommandées aux personnes hypertendues [6] », Nutricap « a été spécialement conçu pour prévenir la chute des cheveux, la séborrhée et les pellicules [7] » [traduction]; Osteomineral « est un complément nutritionnel à teneur garantie en sels minéraux (calcium et magnésium) et en vitamines C, riche en oligo-éléments. Spécialement recommandé aux adolescents en pleine croissance, aux femmes enceintes ou à celles qui allaitent, pour préserver et reconstituer leurs réserves, aux femmes ménopausées dont les os se fragilisent en raison d'une production réduite d'oestrogène, et aux personnes âgées, pour ralentir l'inévitable perte osseuse aggravée par le manque d'activité physique [8] » [traduction]; Leritone « Magnésium » vitamine E sert à « [l]utter contre la fatigue nerveuse et à réapprendre à dormir naturellement [9] » [traduction]; Buccozyme : « [c]onçu pour apaiser les gorges irritées, revigorer les gencives fragiles et pour assainir la bouche, BUCCOZYME renforce vos défenses naturelles contre la pollution des villes, la fumée, l'irritation du tabac, l'air conditionné, les microbes [10] »; Cyclobiol « a été conçu pour aider la femme à mieux surmonter ses désagréments cycliques : sensations de ballonnement, irritabilité, fatigue, etc. [11] » [traduction]; Effidigest contient des « enzymes digestives naturelles [qui] participent à la dégradation des aliments et aident à éliminer lourdeurs et inconfort après les repas [12] » et « aide à éliminer les problèmes liés à la mauvaise digestion, tels que : ballonnements, étourdissements, mauvaise haleine, teint couperosé, lourdeurs, constipation [13] » [traduction]; Pectibran combat la constipation.

M. Philippe G. St-Amour, chimiste principal à la Direction des services scientifiques et de laboratoire du ministère du Revenu national (Revenu Canada), a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal lui a reconnu le titre de témoin-expert dans le domaine de la chimie. Il dit avoir procédé à des tests sur onze des produits en cause. Dans un premier temps, il a analysé les produits pour vérifier qu'ils contenaient bien les ingrédients indiqués sur les étiquettes. D'après les résultats des tests, la liste des ingrédients de chacun des produits semble exacte et la plupart des produits sont des compléments vitaminiques et minéraux ou d'autres types de suppléments contenant des substances nutritionnelles.

M. St-Amour dit avoir tenté de déceler la présence, dans les produits, d'ingrédients qui pourraient être considérés comme des ingrédients médicamenteux ou des médicaments. Il a conclu que tous les ingrédients sont des ingrédients nutritionnels ou alimentaires qui complètent les éléments nutritifs normalement présents dans le régime alimentaire et qu'aucun des ingrédients ne peut être qualifié de médicament ou d'ingrédient médicamenteux actif. Il a en outre expliqué que les principaux ingrédients sont des sels minéraux et des vitamines, habituellement présents dans une diète normale et nécessaires au métabolisme. Ces ingrédients ne sont pas considérés comme étant des substances pharmaceutiques ou médicamenteuses. Il a ajouté que de tels ingrédients ne sont recensés dans aucune pharmacopée en tant que médicaments, mais plutôt en tant qu'éléments nutritifs. Il a reconnu ne pas avoir testé un des produits, à savoir Effidigest. Cependant, il a indiqué que, d'après la liste des ingrédients qui figure sur l'étiquette, il serait arrivé à la même conclusion sur sa nature.

Au cours du contre-interrogatoire, M. St-Amour a témoigné que quelqu'un qui lit l'étiquette apposée sur le produit Effidigest, par exemple, sur laquelle il est indiqué que le produit est un « stimulant digestif » pourrait peut-être l'acheter pour régler un trouble de digestion. La même chose peut être dite au sujet du produit Nutricap, qui est vendu pour prévenir la séborrhée. En réponse à des questions du Tribunal, M. St-Amour a expliqué que les phospholipides sont des composés dérivés du gras. Il a cependant témoigné ne pas être au courant des effets physiologiques particuliers des phospholipides. Il a expliqué que, bien que le calcium puisse servir dans le traitement ou la prévention de l'ostéoporose, qui est une maladie, il n'en demeure pas moins une substance qui se trouve dans les aliments. À son avis, aucun des ingrédients contenus dans les marchandises en cause ne serait efficace pour traiter une maladie ou une affection spécifique.

Le représentant de l'appelant a soutenu qu'il n'est exigé nulle part dans la nomenclature tarifaire qu'un produit ait une certaine teneur en substances médicamenteuses pour être reconnu comme un médicament efficace. Une mention possible de l'efficacité d'un produit peut se trouver dans les Notes explicatives de la position no 30.03, qui indique que la position comprend les « préparations médicamenteuses, sous forme de mélanges, de la nature de celles qui figurent dans les pharmacopées officielles, et les spécialités pharmaceutiques, [...] etc. ». Le représentant a soutenu qu'un tel énoncé est spécifique à la position no 30.03 et qu'il n'a aucune incidence sur la position no 30.04. À l'appui de son argument, il a renvoyé à l'affaire Intercraft Industries of Canada Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national [14] , dans laquelle le Tribunal a conclu que les Notes explicatives de la position no 44.10 ne pouvaient être interprétées comme s'appliquant à la position no 44.11, à moins d'une mention explicite.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause ne sont ni des « préparations alimentaires » ni des « compléments alimentaires », mais que ce sont plutôt des « compléments vitaminiques et minéraux ». Il a renvoyé à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Shaklee Canada Inc. c. Sa Majesté la Reine [15] , qui concernait des produits très similaires. Dans l'affaire susmentionnée, la Cour a décrit les marchandises comme étant des « suppléments alimentaires ou nutritifs et non des aliments [16] ». Le représentant a reconnu que certaines des Notes explicatives de la position no 21.06 semblaient étendre la position au-delà de ce qu'il serait normalement convenu de considérer des préparations alimentaires, mais a soutenu que les marchandises qui sont destinées à servir à la prévention ou au traitement de maladies ou d'affections doivent être exclues de ladite position. Il a réitéré que les marchandises en cause ne sont pas des compléments alimentaires, puisqu'elles ne sont pas « à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc. [17] ». Plutôt, les marchandises sont des compléments diététiques ou nutritionnels. Il a soutenu que chacun des quatre produits, que l'intimé a décrits comme des « compléments alimentaires », cible une affection particulière et qu'aucun n'est destiné au bien-être général.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas visées dans les Notes explicatives de la position no 30.04, qui exclut de la position « les compléments alimentaires contenant des vitamines ou des sels minéraux qui sont destinés à conserver l'organisme en bonne santé, mais qui n'ont pas d'indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie ». De plus, les marchandises en cause ne sont pas des plantes ni des parties de plantes servant à la préparation d'infusions ou de tisanes qui sont censées apporter le soulagement de certains maux ou contribuer au bon état général et au bien-être, mais dont les infusions ne constituent pas une dose thérapeutique ou prophylactique d'un composant actif spécifique d'une maladie particulière, qui sont des produits également exclus de la position no 30.04, en conformité avec les Notes explicatives de ladite position.

Il a ensuite été fait mention du paragraphe b) des Notes explicatives de la position no 30.04, qui prescrit que la position comprend les médicaments, à condition qu'ils soient présentés « sous un conditionnement de vente au détail en vue d'usages thérapeutiques ». Les Notes prescrivent aussi que « [s]ont à considérer comme tels, les produits [...] qui, en raison de leur conditionnement et notamment de la présence sous une forme quelconque d'indications appropriées (nature des affections contre lesquelles ils doivent être employés, mode d'emploi, posologie, etc.) sont identifiables comme destinés à la vente directe et sans autre conditionnement aux utilisateurs » et confirment que de telles indications peuvent être données sur le récipient ou l'emballage, sur des notices ou de toute autre manière. Le représentant de l'appelant a soutenu que la note susmentionnée indique que la portée de la position est très vaste.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les éléments de preuve montrent que le produit en cause est destiné à servir à la prévention ou au traitement d'une maladie ou d'une affection spécifique. Par exemple, Nutricap sert à prévenir ou à traiter la séborrhée; Leritone sert à prévenir ou traiter des troubles tels les troubles du sommeil. En outre, tous les produits présentés sous forme de doses, et l'usage prévu ou la dose devant être prise sont, dans tous les cas, indiqués sur l'emballage. Il a été avancé que Revenu Canada a comme attitude de traiter la position no 21.06 comme une sorte de position « fourre-tout » comprenant tout ce qu'il ne sait pas où classer. Selon le représentant, une position résiduelle comme la position no 21.06 ne devrait servir que lorsqu'un autre classement pertinent ne peut être trouvé.

L'avocat de l'intimé a souligné que, dans l'affaire Shaklee Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national [18] , une autre loi était en cause, à savoir la Loi sur la taxe d'accise [19] , et que la question en litige dans cette affaire portait sur l'interprétation à donner à l'expression « marchandises relatives à la santé ». Il a aussi souligné que le Tribunal, dans sa décision, qui a été maintenue par la Cour d'appel fédérale, a conclu que les marchandises en cause n'étaient pas des « aliments », mais des « suppléments alimentaires ». L'avocat a ensuite soutenu que les marchandises en cause dans le présent appel sont des suppléments alimentaires [aussi appelés compléments alimentaires].

L'avocat de l'intimé a ensuite soutenu que l'appelant n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour montrer que les marchandises en cause sont destinées à un usage thérapeutique ou prophylactique et qu'il aurait fallu que le Tribunal entende le témoignage expert d'un médecin ou d'un nutritionniste pour étayer une telle conclusion. L'avocat a renvoyé à plusieurs des Notes explicatives de la position no 30.04 à l'appui de son affirmation selon laquelle l'appelant doit démontrer que les marchandises ont un effet médicamenteux pour que lesdites marchandises y soient classées. Il a soutenu qu'il n'existe aucun élément de preuve d'un effet médicamenteux quelconque relativement à l'un ou l'autre des produits. L'avocat a fait observer que les résultats des essais cliniques qui ont été produits en preuve ont tous été préparés par l'appelant, qu'ils n'ont pas été attestés par la signature de leur auteur, et qu'aucun témoin compétent n'a comparu pour les expliquer.

La Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [20] est d'une importance cruciale dans le classement des marchandises à l'annexe I du Tarif des douanes. Cette règle prescrit que le classement est d'abord déterminé d'après le libellé des positions et des Notes de Chapitre pertinentes. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont dénommées ou désignées de façon générique dans une position donnée. Si elles le sont, elles doivent y être classées sous réserve de toute Note de Chapitre pertinente. L'article 11 du Tarif des douanes prescrit que, lorsqu'il interprète les positions et sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives.

Ainsi qu'il a été indiqué, la position no 21.06 prévoit que seront classées dans cette position les «[p]réparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs ». Les Notes explicatives de la position no 21.06 prévoient en outre que les « [p]réparations, désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires, à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc. additionnées de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer [sont comprises]. Ces préparations sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues ([nos] 30.03 ou 30.04) ».Bien que le Tribunal soit d'avis que les marchandises en cause ne répondent généralement pas à la définition courante du terme « aliment » et tout en s'appuyant sur la décision qu'il a rendue dans Shaklee pour corroborer cette opinion, le Tribunal reconnaît que les « compléments alimentaires » peuvent être considérés comme étant des « préparations alimentaires » aux fins du classement dans le Tarif des douanes.

Le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas des « compléments alimentaires », mais qu'elles sont plutôt des « suppléments nutritionnels ou diététiques ». Le Tribunal est d'avis qu'il n'y a aucune différence significative entre les deux expressions susmentionnées. Bien que les marchandises en cause ne soient en général pas à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel ou de fructose, le Tribunal estime qu'il ne s'agit pas là d'un facteur prédominant qui l'empêche de conclure que les marchandises en cause sont des « compléments alimentaires ». Les marchandises en cause sont des produits comestibles, en général faits de denrées contenant des vitamines et des minéraux. Elles sont donc, selon le Tribunal, des compléments alimentaires.

Cela dit, le Tribunal prend note que la position no 30.04 prévoit le classement dans ladite position des « [m]édicaments [...] constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail ». Les Notes explicatives de la position no 30.04 indiquent que « la présente position ne couvre pas les compléments alimentaires contenant des vitamines ou des sels minéraux qui sont destinés à conserver l'organisme en bonne santé, mais qui n'ont pas d'indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie ». Elles indiquent aussi que « [c]es produits, qui sont présentés d'ordinaire sous une forme liquide, mais peuvent également être présentés sous forme de poudres ou de comprimés, relèvent généralement du no 21.06 ou du Chapitre 22 ». Le Tribunal est d'avis que les Notes explicatives susmentionnées signifient que les « compléments alimentaires » qui ont des « indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie » peuvent être classés dans la position no 30.04, à condition d'être « présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail ».

Selon le Tribunal, les Notes explicatives de la position no 30.04 et de la position no 21.06 sont fondamentalement parallèles et, prises ensemble, signifient que les compléments alimentaires qui ont des indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie sont classés dans la position no 30.04, tandis que ceux qui n'en n'ont pas sont classés dans la position no 21.06. Fondamentalement, elles énoncent que les compléments alimentaires qui ont des indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie peuvent être considérés comme étant des « médicaments » et, par conséquent, peuvent être classés dans la position no 30.04. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause répondent à cette condition.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelant doit démontrer les effets thérapeutiques ou prophylactiques des produits pour convaincre le Tribunal que lesdits produits doivent être classés dans la position no 30.04. Bien que le Tribunal soit d'accord avec l'avocat sur le fait que bien peu d'éléments de preuve fiables ont été présentés au sujet de cet aspect de la question, le Tribunal ne trouve nulle part dans les Notes de Sections ou de Chapitres, ou dans les Notes explicatives pertinentes ou dans le libellé de la position, une condition demandant que, pour être classé dans la position no 30.04, un produit doit avoir une certaine teneur en substances médicamenteuses et voir son efficacité en tant que médicament démontrée scientifiquement. Les Notes explicatives exigent uniquement une certaine indication que les marchandises sont destinées au traitement ou à la prévention d'une maladie. Les mots « disease » (« maladie ») et « ailment » (« affection ») ne sont pas définis dans la nomenclature tarifaire. Le mot « disease » est défini dans The New Lexicon Webster's Dictionary of the English Language comme signifiant « an unhealthy condition; a particular malady [21] » (« état de mauvaise santé; une maladie particulière »). Le mot « ailment » est défini comme signifiant « illness of a trivial nature [22] » (« maladie sans gravité »). Mme Lefebvre et M. Wasfy ont présenté certains éléments de preuve selon lesquels les produits servent à prévenir ou à traiter divers troubles. Par exemple, Nutricap sert à prévenir ou à traiter la séborrhée, tandis qu'Effidigest sert à traiter les troubles digestifs, et que les produits Leritone servent à prévenir ou à traiter les troubles du sommeil. L'emballage de la majorité des produits indique aussi que ces produits servent à traiter toute une gamme de troubles divers. Bien que, de l'avis du Tribunal ces troubles ne sont pas considérés comme étant des maladies, elles peuvent être décrites comme étant des affections. Le mot « disorder » (« trouble »), par exemple, est défini comme signifiant « ailment » [23] (« affection »).

Le Tribunal prend note que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont des produits « présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail », comme le prévoient les termes de la position no 30.04.

Puisque toutes les conditions de la position no 30.04 sont satisfaites, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.99.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

5. Pièce A-2.

6. Pièce A-15.

7. Pièce A-19.

8. Pièce A-8.

9. Pièce A-14.

10. Pièce A-7.

11. Pièce A-6.

12. Pièce A-5.

13. Ibid.

14. Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-93-358 et AP-93-353, le 14 mars 1995.

15. Non publié, no du greffe T-3012-90, le 28 février 1995.

16. Ibid. à la p. 22.

17. Les Notes explicatives particulières auxquelles le représentant a renvoyé, prévoient ce qui suit : « (16) Les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires, à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnées de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer. Ces préparations sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues (nos 30.03 ou 30.04) ».

18. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2940, le 6 septembre 1990.

19. L.R.C. (1985), ch. E-15.

20. Supra note 3, annexe I.

21. Édition encyclopédique, New York, Lexicon Publications, 1987 à la p. 271.

22. Ibid. à la p. 17.

23. Ibid. à la p. 272.


Publication initiale : le 19 mars 1998