LES INDUSTRIES ET ÉQUIPEMENTS LALIBERTÉ LTÉE

Décisions


LES INDUSTRIES ET ÉQUIPEMENTS LALIBERTÉ LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-070

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 23 décembre 1998

Appel n o AP-97-070

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 août 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 23 juin 1997 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LES INDUSTRIES ET ÉQUIPEMENTS LALIBERTÉ LTÉE Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre présidant

Anita Szlazak ______ Anita Szlazak Membre

Richard Lafontaine ______ Richard Lafontaine Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les caillebotis importés par l'appelante sont correctement classés dans le numéro tarifaire 7308.90.90 à titre d'autres constructions et parties de constructions en acier, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8436.80.10 à titre d'autres machines et appareils pour l'agriculture, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal considère que les caillebotis en cause sont correctement classés dans la position no 73.08 à titre de parties de constructions en acier. Le Tribunal a eu l'occasion à plusieurs reprises dans le passé d'entendre des appels impliquant le classement de marchandises comme parties. Le Tribunal a mentionné que chaque affaire doit être jugée selon ses particularités propres et qu'il n'existe pas de critère universel permettant de déterminer si un produit est une partie d'un autre produit. Les trois critères suivants sont pertinents dans le cadre du présent appel : 1) le caillebotis est-il physiquement intégré à la construction? 2) le caillebotis est-il une partie nécessaire et intégrante de la construction? 3) les pratiques et usages commerciaux courants.

Dans le présent appel, les caillebotis en cause satisfont aux trois critères et constituent des parties de constructions. Les caillebotis, bien qu'ils ne soient pas fixés au béton, sont physiquement intégrés à la construction. Ils reposent sur le béton, coulé spécifiquement à cette fin, et ne se déplacent pas, à moins d'une action humaine visant spécifiquement à les enlever. De même, les caillebotis sont une partie nécessaire et intégrante de la construction en cause, soit la porcherie. Celle-ci ne serait pas utilisable sans caillebotis puisque, alors, les fosses ne seraient pas couvertes. Le fait que le béton soit coulé spécialement pour recevoir les caillebotis démontre bien jusqu'à quel point ceux-ci font partie intégrante de la construction. Les pratiques et usages commerciaux courants confirment que les caillebotis sont des parties de la construction. En effet, c'est l'appelante, la vendeuse des caillebotis, qui communique elle-même avec l'entrepreneur en construction afin de lui communiquer les coupes du béton qui permettront l'intégration des caillebotis à la construction.

Le Tribunal n'accepte pas la position de l'appelante suivant laquelle les caillebotis en cause devraient être classés dans la position no 84.36 à titre de machines et appareils pour l'agriculture. Tel que l'a indiqué l'avocat de l'intimé, il existe une divergence entre les termes de la version française de la position, soit « machines et appareils pour l'agriculture », et ceux de la version anglaise correspondante, soit « agricultural […] machinery » (« machines agricoles »). En effet, le terme « appareils » comprend des marchandises qui ne sont pas des « machines ». Puisque la loi doit être cohérente et que les deux versions linguistiques sont officielles, ces dernières doivent avoir un sens commun. Lorsque, comme dans le cas présent, une version a un sens plus large et l'autre un sens plus restreint, c'est le sens restreint qui doit être favorisé puisque c'est le seul qui soit commun aux deux versions linguistiques. Dans le présent appel, les termes « agricultural machinery » de la version anglaise de la position no 84.36 ont un sens plus restreint que les termes « machines et appareils pour l'agriculture » de la version française, puisque seule la version française comprend les appareils pour l'agriculture. Ainsi, seules les machines pour l'agriculture peuvent être classées dans ladite position. Le Tribunal est d'avis que l'absence de pièces mobiles dans les caillebotis en cause empêche ceux-ci de satisfaire à la définition du terme « machine » telle qu'établie par la jurisprudence.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 13 août 1998 Date de la décision : Le 23 décembre 1998
Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant Anita Szlazak, membre Richard Lafontaine, membre
Avocat pour le Tribunal : Philippe Cellard
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Jean-Robert Noiseux, pour l'appelante Louis Sébastien, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 23 juin 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les caillebotis importés par l'appelante sont correctement classés dans le numéro tarifaire 7308.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres constructions et parties de constructions en acier, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8436.80.10 à titre d'autres machines et appareils pour l'agriculture, comme l'a soutenu l'appelante. Subsidiairement, l'intimé a soutenu que, si le Tribunal devait refuser de classer les caillebotis en cause dans le numéro tarifaire 7308.90.90, ils devraient être classés dans le numéro tarifaire 7322.90.99 à titre d'autres radiateurs pour le chauffage central, en acier. Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

73.08 Constructions et parties de constructions (ponts et éléments de ponts, portes d'écluses, tours, pylônes, piliers, colonnes, charpentes, toitures, portes et fenêtres et leurs cadres, chambranles et seuils, rideaux de fermeture, balustrades, par exemple), en fonte, fer ou acier, à l'exception des constructions préfabriquées du no 94.06; tôles, barres, profilés, tubes et similaires, en fonte, fer ou acier, préparés en vue de leur utilisation dans la construction.

7308.90 -Autres

7308.90.90 ---Autres

73.22 Radiateurs pour le chauffage central, à chauffage non électrique, et leurs parties, en fonte, fer ou acier; générateurs et distributeurs d'air chaud (y compris les distributeurs pouvant également fonctionner comme distributeurs d'air frais ou conditionné), à chauffage non électrique, comportant un ventilateur ou une soufflerie à moteur, et leurs parties, en fonte, fer ou acier.

-Radiateurs et leurs parties :

7322.19.00 --Autres

7322.90 -Autres

---Autres

7322.90.99 ----Autres

84.36 Autres machines et appareils pour l'agriculture, l'horticulture, la sylviculture, l'aviculture ou l'apiculture, y compris les germoirs comportant des dispositifs mécaniques ou thermiques et les couveuses et éleveuses pour l'aviculture.

8436.80 -Autres machines et appareils

8436.80.10 ---Des types agricoles ou horticoles

Au cours de l'audience, M. Jean-Charles Laliberté, président et directeur général de la société Les Industries et Équipements Laliberté Ltée, a témoigné. M. Laliberté a indiqué que les caillebotis sont formés de barres d'acier parallèles espacées de 10 mm et traversées d'autres barres d'acier. Une caractéristique unique des caillebotis en cause consiste en ce qu'une partie du caillebotis est recouverte d'une plaque d'acier sous laquelle se trouve un tuyau dans lequel circulera de l'eau chaude, de la laine isolante ainsi qu'une tôle galvanisée qui empêchera la chaleur de s'échapper et la dirigera vers la plaque qui recouvre le caillebotis.

M. Laliberté a expliqué que les caillebotis sont utilisés dans la partie d'une porcherie qui est destinée à la mise bas des porcelets (ci-après simplement la porcherie). Ils forment la base de cages de mise bas qui contiennent la truie et les porcelets. Ils sont appelés à supporter la truie ainsi que ses petits, à permettre l'évacuation des excréments de ces animaux et à assurer le confort des porcelets. M. Laliberté a mentionné que le nom exact des marchandises en cause est « caillebotis », mais que, puisque ce dernier terme n'est pas très connu, dans le langage agricole on parle plus souvent de « plancher » ou de « plancher ajouré ». Le terme « caillebotis » est celui utilisé par le fabricant des marchandises en cause.

M. Laliberté a indiqué que les caillebotis en cause surplombent des fosses de un à deux mètres de profondeur qui reçoivent les excréments des animaux. Il a reconnu que, par conséquent, la porcherie serait inutilisable sans la présence des caillebotis. L'utilisation de ces caillebotis nécessite que le béton de la base de la porcherie soit coulé de façon à ce que les côtés des caillebotis puissent y reposer. C'est l'appelante elle-même qui fournit les coupes du béton à l'entrepreneur chargé de la construction de la porcherie. M. Laliberté a précisé que les caillebotis ne sont installés au-dessus des fosses qu'une fois que les travaux majeurs et même les travaux de finition de la porcherie sont à peu près terminés. Généralement, les caillebotis, qui ne sont pas fixés au béton, n'ont pas à être déplacés puisque les fosses peuvent être nettoyées sans qu'on les enlève.

M. Laliberté a expliqué que, une fois les caillebotis en place, la partie supérieure des cages est fixée au béton sur lequel reposent les caillebotis. Chaque cage, formée d'un caillebotis et d'une partie supérieure, est divisée en trois parties. L'une des parties est, normalement, inoccupée. La partie du milieu est occupée par la truie qui se trouve elle-même dans une cage afin qu'elle n'écrase pas ses petits. L'autre partie est réservée aux porcelets. M. Laliberté a précisé que c'est la portion des caillebotis qui forme la base de cette dernière partie de la cage, qui est couverte, en partie, d'une plaque d'acier. C'est lors de l'installation des caillebotis que sont installés, sous chacune des plaques d'acier, le tuyau, la laine isolante et la tôle galvanisée. Les plaques sont chauffées par le biais des tuyaux à travers desquels circule de l'eau chauffée par une chaudière située dans la porcherie. Les plaques, dont la température est égale à celle des porcelets, assurent le confort de ces derniers et, ce faisant, les empêchent de se presser les uns contre les autres. Les porcelets bénéficient ainsi de conditions facilitant les gains de croissance et prévenant les maladies. M. Laliberté a aussi expliqué que le fabricant des caillebotis décrivait ceux-ci en utilisant l'expression « système caillebotis » parce que les caillebotis en cause contiennent plusieurs produits différents.

L'avocat de l'appelante a soutenu que les caillebotis en cause constituent des appareils agricoles et devraient, en conséquence, être classés dans le numéro tarifaire 8436.80.10. Il a soutenu que l'inclusion dans le libellé de la position no 84.36 de germoirs thermiques indiquait qu'il était possible de classer les caillebotis dans la même position puisqu'ils comportaient aussi un dispositif thermique. Selon lui, c'est ce dispositif qui fait des caillebotis des appareils. Il a aussi soutenu que la divergence entre la version française de la position no 84.36, qui comprend les termes « machines et appareils », et la version anglaise de la position, qui ne comprend que le terme « machinery » (machines), devait être résolue en faveur d'une interprétation large qui engloberait les appareils. Selon lui, cette interprétation est validée par les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [3] (les Notes explicatives) qui indiquent que les abreuvoirs automatiques, des appareils qui ne sont pas des machines au sens courant du terme, selon l'avocat, doivent être classés dans la position no 84.36.

L'avocat de l'appelante a mentionné que les marchandises en cause étaient des caillebotis et non des planchers. Il a soutenu que les caillebotis ne sont pas fixés au béton à perpétuelle demeure et a souligné qu'ils peuvent être déplacés bien qu'ils ne le soient pas souvent. L'avocat a cité à l'appui de sa position la décision du Tribunal dans l'affaire Krueger International Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [4] où le Tribunal n'a pas classé comme constructions des systèmes unifiés de panneaux mobiles servant à subdiviser des espaces dans un immeuble. Il a soumis que la décision du Tribunal dans les affaires Nailor Industries Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [5] , où le Tribunal a classé des diffuseurs d'air comme des parties de constructions, n'était pas par contre applicable dans le cas présent puisque les marchandises en cause dans l'affaire Nailor étaient intégrées à perpétuelle demeure à une construction. L'avocat a aussi avancé que l'on ne pouvait conclure du classement effectué suivant les Notes explicatives de la position, de stalles dans la position no 73.08 que les caillebotis devraient aussi être inclus dans cette position. Citant la Règle 3 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [6] (les Règles générales), l'avocat a soutenu que la position no 84.36 était plus spécifique que la position no 73.08 et que, par conséquent, la première devait être préférée à la seconde.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les caillebotis en cause sont correctement classés dans la position no 73.08. Citant les Notes explicatives relatives à cette position, il a souligné que les constructions devaient demeurer fixes en principe et que c'était le cas pour les caillebotis, bien qu'il soit possible de les déplacer. Il a avancé que les caillebotis correspondaient à la description des produits couverts qui est contenue dans les Notes explicatives. Il a aussi mentionné que les Notes explicatives couvraient un très grand nombre de produits. Considérant la divergence entre les versions française et anglaise de la position no 84.36, l'avocat a soumis que les deux versions devaient concorder et a soutenu que, pour cela, on devait favoriser une interprétation restrictive qui n'inclurait que les appareils de nature mécanique dans ladite position. Il a poursuivi en affirmant que la définition de « machine », telle que contenue dans deux décisions du Tribunal, ne couvrait pas les caillebotis en cause puisque ceux-ci ne contiennent pas de pièce mobile et n'accomplissent pas un travail. Invoquant à son tour la Règle 3 a) des Règles générales, l'avocat de l'appelante a soutenu que la position no 73.08 est plus spécifique que la position no 84.36. L'avocat a aussi mentionné brièvement que, si on devait appliquer la Règle 3 b) des Règles générales, les caillebotis devraient être classés comme radiateurs. L'avocat a aussi soumis que les dispositions ayant pour effet de permettre l'importation de marchandises en franchise devaient être interprétées de façon restrictive.

Suivant l'article 10 du Tarif des douanes, le Tribunal doit effectuer le classement des marchandises importées en conformité avec les Règles générales. La Règle 1 des Règles générales est primordiale. Elle prévoit que le classement est déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles qui la suivent.

Le Tribunal est d'avis que les caillebotis en cause sont correctement classés dans la position no 73.08 à titre de parties de constructions en acier. Il n'est pas contesté que les caillebotis soient en acier. Dans le présent appel, la construction en cause est l'immeuble qui abrite la porcherie.

Le Tribunal a eu l'occasion, à plusieurs reprises, dans le passé d'entendre des appels impliquant le classement de marchandises comme parties [7] . Le Tribunal a mentionné que chaque cause doit être jugée selon ses particularités propres et qu'il n'existe pas de critère universel permettant de déterminer si un produit est une partie d'un autre produit. Néanmoins, les critères suivants ont été estimés pertinents dans le cadre d'une telle détermination : 1) le produit en question est-il essentiel au fonctionnement de l'autre produit? 2) le produit en question est-il une partie nécessaire et intégrante de l'autre produit? 3) le produit en question est-il installé dans l'autre produit? 4) les pratiques et usages commerciaux courants [8] .

Les critères énoncés par le Tribunal ont été appliqués, dans la plupart des cas, à des articles utilisés avec des appareils ou des machines. Lorsqu'appliqués à l'analyse visant à déterminer si un article est une partie d'une construction, le premier critère énoncé n'est pas applicable puisqu'une construction, en soi, ne fonctionne pas. Les trois derniers critères énumérés plus haut peuvent, pour le présent appel, être reformulés ainsi : 1) le caillebotis est-il physiquement intégré à la construction? 2) le caillebotis est-il une partie nécessaire et intégrante de la construction? 3) les pratiques et usages commerciaux courants.

Dans le présent appel, les caillebotis en cause satisfont aux trois critères et constituent des parties de constructions. Les caillebotis, bien qu'ils ne soient pas fixés au béton, sont physiquement intégrés à la construction. Ils reposent sur le béton, coulé spécifiquement à cette fin, et ne se déplacent pas, à moins d'une action humaine visant spécifiquement à les enlever. De même, les caillebotis sont une partie nécessaire et intégrante de la construction. Tel que l'a affirmé M. Laliberté lors de son témoignage, la porcherie ne serait pas utilisable sans caillebotis puisque, alors, les fosses ne seraient pas couvertes. Le fait que le béton soit coulé spécialement pour recevoir les caillebotis démontre bien jusqu'à quel point ceux-ci font partie intégrante de la construction. Les pratiques et usages commerciaux courants confirment que les caillebotis sont des parties de la construction. En effet, c'est l'appelante, la vendeuse des caillebotis, qui communique elle-même avec l'entrepreneur en construction afin de lui communiquer les coupes du béton qui permettront l'intégration des caillebotis à la construction.

Ainsi, les caillebotis en cause sont correctement classés dans la position no 73.08 à titre de parties de constructions en acier. Le Tribunal n'estime pas que cette conclusion doive être affectée par la décision qu'il a rendue dans l'affaire Krueger. Le Tribunal est d'avis que les faits de cette affaire diffèrent considérablement de ceux du présent appel. Il suffit de mentionner ici que les panneaux mobiles dans l'affaire Krueger ne présentaient pas les caractéristiques de nécessité et d'intégration à la construction que l'on retrouve dans le présent appel.

Le Tribunal n'accepte pas la position de l'appelante suivant laquelle les caillebotis en cause devraient être classés dans la position no 84.36 à titre de machines et appareils pour l'agriculture. Tel que l'a indiqué l'avocat de l'intimé, il existe une divergence entre les termes de la version française de la position, soit « machines et appareils pour l'agriculture », et ceux de la version anglaise correspondante, soit « agricultural machinery » (« machines agricoles »). En effet, le terme « appareils » comprend des marchandises qui ne sont pas des « machines ». Les définitions des deux termes sont éclairantes. Un appareil se définit, tel qu'indiqué par l'avocat de l'appelante, comme étant un « [a]ssemblage de pièces ou d'organes réunis en un tout pour exécuter un travail, observer un phénomène, prendre des mesures » [9] . Une machine, tel qu'indiqué par le Tribunal dans sa décision dans l'affaire Canper Industrial Products Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national [10] cité par l'avocat de l'intimé, a été définie par la jurisprudence comme étant « un ensemble plus ou moins complexe de pièces mobiles et fixes qui effectuent un travail par la production, la transformation ou la transmission d'une force et d'un mouvement ». Ainsi, par exemple, il n'est pas nécessaire pour un appareil, contrairement à une machine, d'être composé d'un ensemble de pièces mobiles et fixes.

Puisque la loi doit être cohérente et que les deux versions linguistiques sont officielles, ces dernières doivent avoir un sens commun. Lorsque, comme dans le cas présent, une version a un sens plus large et l'autre un sens plus restreint, c'est le sens restreint qui doit être favorisé puisque c'est le seul qui soit commun aux deux versions linguistiques. Cette méthode d'interprétation est bien établie en droit canadien, tel que l'atteste le passage suivant de l'ouvrage intitulé Interprétation des lois [11] :

Dans un troisième type de situation, l'une des deux versions a un sens plus large que l'autre, elle réfère à un concept d'une plus grande extension. Le sens commun aux deux versions est alors celui du texte ayant le sens le plus restreint.

Ainsi, dans Toronto Railway Co. c. The Queen, le français « tramway » a précisé le sens de l'anglais « railway », plus large. Dans R. c. Dubois, le français « chantier public » a limité le sens plus général de l'anglais « public works ». Dans Pollack Ltée c. Comité paritaire du commerce de détail, l'adjectif « mentioned » a vu son sens restreint au français « énumérés ». Dans Pfizer Co. c. Sous-ministre du Revenu national et dans Gravel c. Cité de Saint-Léonard, le juge Pigeon a fait prévaloir le texte le plus restreint, soit, dans les deux cas, le texte français.

[notes omises]

La Commission du tarif a d'ailleurs utilisé cette méthode d'interprétation dans l'appel Caribex Seafoods Limited c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [12] cité par l'avocat de l'intimé.

Dans le présent appel, les termes B® agricultural machinery » de la version anglaise de la position no 84.36 ont un sens plus restreint que les termes « machines et appareils pour l'agriculture » de la version française, puisque seule la version française comprend les appareils pour l'agriculture. Ainsi, seules les machines pour l'agriculture peuvent être classées dans ladite position. Cette interprétation est d'ailleurs conforme à la nature des marchandises énumérées dans les Notes explicatives relatives à cette position. En ce qui concerne la mention de germoirs thermiques dans le libellé de la position, selon le Tribunal elle n'accrédite pas la position de l'appelante. En effet, s'il eût suffi de la présence d'un dispositif thermique pour qu'un article soit classé dans la position, il n'aurait pas été nécessaire de mentionner spécifiquement les germoirs thermiques. Cette mention a pour effet d'inclure les germoirs thermiques dans la position, non d'inclure tous les articles comportant un dispositif thermique. Le Tribunal note aussi que les abreuvoirs automatiques, inclus dans la position no 84.36 par les Notes explicatives relatives à cette position, comportent une pièce mobile (une palette) contrairement aux caillebotis en cause. Le Tribunal est d'avis que l'absence de pièces mobiles dans les caillebotis en cause empêche ceux-ci de satisfaire à la définition du terme « machine » telle qu'établie par la jurisprudence.

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal considère que les caillebotis en cause ont été correctement classés par l'intimé dans le numéro tarifaire 7308.90.90 à titre d'autres constructions et parties de constructions en acier. Par conséquent, le présent appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

4. Appel no AP-94-357, le 14 février 1996.

5. Appels nos AP-97-083 et AP-97-101, le 13 juillet 1998.

6. Supra note 2, annexe I.

7. Voir, par exemple, SnyderGeneral Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, appel no AP-92-091, le 19 septembre 1994; York Barbell Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, appel no AP-90-161, le 19 août 1991.

8. Ibid.

9. Le Nouveau Petit Robert, Montréal, DICOROBERT, 1995, à la p. 100.

10. Appel no AP-94-034, le 24 janvier 1995.

11. Pierre-André Côté, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1990 à la p. 309. Voir aussi les pp. 307-8.

12. Appel no 1229, le 31 janvier 1978.


Publication initiale : le 23 décembre 1998