ENTRELEC INC.

Décisions


ENTRELEC INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-029

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 28 septembre 1998

Appel no. AP-97-029

EU ÉGARD À un appel entendu les 23 février et 10 mars 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 5, 6, 11, 14, 19, 20, 21 et 27 mars 1997 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ENTRELEC INC. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national. Au moment de leur importation, les marchandises en cause, décrites comme étant divers composants électriques, ont été classées dans la position no 85.48 à titre de parties électriques de machines ou d'appareils, non dénommées ni comprises ailleurs dans le Chapitre 85, ou dans le numéro tarifaire 8536.90.90 à titre d'autre appareillage pour le branchement ou la protection des circuits électriques, pour une tension n'excédant pas 1 000 volts. L'appelante a déposé des demandes de réexamen du classement tarifaire et a soutenu que les marchandises en cause étaient admissibles aux avantages du code 2101 de l'annexe II du Tarif des douanes. L'intimé a rejeté les demandes. La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour entendre la demande de l'appelante selon laquelle les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101. Si le Tribunal décide qu'il a compétence pour rendre une décision, alors la deuxième question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101, qui prévoit l'entrée en franchise d'articles (autres que les marchandises des numéros tarifaires énumérés), devant servir, notamment, aux marchandises du numéro tarifaire 9032.90.20, mais non aux marchandises de la sous-position no 8536.49.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Selon le Tribunal, les éléments de preuve montrent clairement dans le présent appel que l'appelante connaissait, au moment de leur importation, l'utilisation à laquelle les marchandises étaient destinées. Les témoins de l'appelante ont déclaré qu'ils la connaissaient; cependant, selon ces témoins, l'appelante a omis de demander les avantages du code 2101 parce qu'elle en ignorait l'existence. La question en litige porte donc non pas sur une réaffectation, prévue à l'article 77 de la Loi sur les douanes, mais sur un classement tarifaire, prévu à l'article 67. À ce titre, le Tribunal conclut qu'il a compétence pour déterminer si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101. Quant à la deuxième question qui fait l'objet du présent appel, il n'y a pas de litige entre les parties sur le fait que les marchandises en cause sont susceptibles de servir dans des appareils de processus industriel de la position no 90.32. La question en litige porte donc sur l'interprétation à donner à l'expression « devant servir aux » qui se trouve dans le code 2101. Selon le Tribunal, l'expression « devant servir aux » dans le code 2101 s'entend d'une « utilisation véritable ». Le Tribunal conclut que l'appelante n'est pas admissible aux avantages du code 2101 parce qu'elle n'a pas démontré que certaines des marchandises en cause servaient effectivement aux appareils de processus industriel. Plutôt, l'appelante a démontré que toutes les marchandises en cause étaient susceptibles de servir à de telles marchandises. Cependant, les éléments de preuve ont aussi montré que les marchandises en cause étaient susceptibles de servir à d'autres marchandises, et en particulier à celles de la position no 85.37. De plus, l'intimé a donné à l'appelante toutes les occasions possibles de démontrer l'utilisation véritable des marchandises en cause, mais cette dernière n'a pas réussi à le faire.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 23 février et 10 mars 1998 Date de la décision : Le 28 septembre 1998
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Raynald Guay, membre Peter F. Thalheimer, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffiers : Anne Jamieson et Margaret Fisher
Ont comparu : Michael Kaylor et Michael A. Sherbo, pour l'appelante Louis Sébastien, pour l'intimé





CONTEXTE

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi.

Au moment de leur importation, les marchandises en cause, décrites comme étant divers composants électriques [2] , ont été classées dans la position no 85.48 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre de parties électriques de machines ou d'appareils, non dénommées ni comprises ailleurs dans le Chapitre 85, ou dans le numéro tarifaire 8536.90.90 à titre d'autre appareillage pour le branchement ou la protection des circuits électriques, pour une tension n'excédant pas 1 000 volts. L'appelante a déposé des demandes de réexamen du classement tarifaire et a soutenu que les marchandises en cause étaient admissibles aux avantages du code 2101 de l'annexe II du Tarif des douanes. L'intimé a rejeté les demandes.

La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour entendre la demande de l'appelante selon laquelle les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101. Selon l'intimé, la question en litige porte sur une réaffectation, prévue à l'article 77 de la Loi, plutôt que sur un classement tarifaire, prévu à l'article 67. Si le Tribunal décide qu'il a compétence pour statuer sur la question, alors la deuxième question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101, qui prévoit l'entrée en franchise d'articles (autres que les marchandises des numéros tarifaires énumérés), devant servir, notamment, aux marchandises du numéro tarifaire 9032.90.20, mais non aux marchandises de la sous-position no 8536.49.

Le Tribunal fait observer que, bien que la question du classement tarifaire correct des blocs de jonction de fusibles ait été soulevée dans les mémoires des parties, elle n'a pas été traitée à l'audience. Il semblerait, au départ, que les avocats de l'appelante aient concédé qu'ils étaient correctement classés dans le numéro tarifaire 8536.90.90 à titre d'autre appareillage pour la connexion ou la protection des circuits électriques, pour une tension n'excédant pas 1 000 volts, comme l'a déterminé l'intimé, plutôt que dans le numéro tarifaire 8537.10.91 à titre de tableaux et panneaux, pour une tension n'excédant pas 1 000 volts, du type utilisé avec les marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI du Tarif des douanes, comme l'a initialement soutenu l'appelante. Quoi qu'il en soit et pour éviter la confusion, le Tribunal conclut que les blocs de jonction de fusibles sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8536.90.90. Par conséquent, la partie susmentionnée du présent appel est rejetée.

Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente se lit comme suit :

85.36 Appareillage pour la coupure, le sectionnement, la protection, le branchement, le raccordement ou la connexion des circuits électriques (interrupteurs, commutateurs, relais, coupe-circuit, étaleurs d'ondes, fiches et prises de courant, douilles pour lampes, boîtes de jonction, par exemple), pour une tension n'excédant pas 1 000 volts.

8536.90 -Autres appareils

8536.90.90 ---Autres :

85.37 Tableaux, panneaux, consoles, pupitres, armoires et autres supports, comportant plusieurs appareils des nos 85.35 ou 85.36, pour la commande ou la distribution électrique, y compris ceux incorporant des instruments ou appareils du Chapitre 90 ainsi que les appareils de commande numérique, autres que les appareils de commutation du no 85.17.

8537.10 -Pour une tension n'excédant pas 1 000 V

8537.10.91 ----Du type utilisé avec les marchandises classées dans les numéros tarifaires énumérés à l'annexe VI de la présente loi

85.48 Déchets et débris de piles, de batteries de piles et d'accumulateurs électriques; piles et batteries de piles électriques hors d'usage et accumulateurs électriques hors d'usage; parties électriques de machines ou d'appareils, non dénommées ni comprises ailleurs dans le présent Chapitre.

90.32 Instruments et appareils pour la régulation ou le contrôle automatiques.

9032.89 --Autres

9032.89.20 ---Appareils de processus industriel à l'exclusion des détecteurs, qui co[n]vertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa

9032.90 -Parties et accessoires

9032.90.20 ---Des marchandises des nos tarifaires 9032.89.20 ou 9032.89.30

PREUVE

À l'audience, trois personnes ont témoigné au nom de l'appelante. Le premier témoin, M. Marcel G. Roy, directeur général à la société Entrelec Inc., a expliqué que le bureau principal de l'appelante est situé en France et que les marchandises en cause y sont fabriquées. L'appelante les importe au Canada. M. Roy a identifié les marchandises en cause en se reportant à diverses annonces publicitaires publiées par certains concurrents de l'appelante. Il a souligné que certaines de ces marchandises sont appelées « modules de commande de processus », à savoir, les modules de protection contre la surtension, les blocs de jonction, les modules de relais, les modules de conversion et les conditionneurs de signaux analogiques. Il a aussi souligné divers passages de ces annonces comprenant l'expression « commande de processus » (aussi appelée « contrôle industriel » ou « contrôle de processus industriel »). Il a témoigné qu'il est possible d'importer un appareil de commande de processus complet. Il a expliqué que le fait qu'aucun droit de douane ne soit imposé sur les appareils de commande de processus industriel complet tandis que les marchandises en cause, qui sont assemblées par les clients de l'appelante, sont assujetties à des droits de douane de 10,3 p. 100, a une incidence néfaste sur les affaires de l'appelante. Il a témoigné que, au moment de leur importation, l'appelante connaît l'utilisation à laquelle les marchandises en cause sont destinées. Il a expliqué qu'elles sont fabriquées pour servir dans des applications de commande de processus.

Au cours du contre-interrogatoire et en réponse à des questions du Tribunal, M. Roy a expliqué que certains des clients de l'appelante se servent des marchandises en cause, c'est-à-dire, qu'ils les assemblent et les placent sur un panneau, tandis qu'environ 70 p. 100 des marchandises sont revendues par des distributeurs autorisés. Il a expliqué que certains clients de l'appelante revendent les marchandises en cause à des usines de pâtes et papiers ou à des sociétés minières, par exemple. Il a témoigné que, au moment de leur importation, l'appelante savait que les marchandises en cause devaient servir à des applications de commande de processus, mais n'a pas demandé les avantages du code 2101 parce qu'elle en ignorait l'existence. M. Roy a ajouté que, à son avis, les marchandises en cause étaient trop coûteuses pour servir à autre chose qu'à des armoires de commande de processus industriel. Il a expliqué qu'il s'agit de produits à grande capacité, destinés à des fins industrielles. Il a reconnu, cependant, qu'il est concevable qu'elles puissent servir à d'autres fins. Il a dit que l'appelante ne sait jamais ce qu'un client fera avec ses produits; cependant, il a répété que les marchandises sont conçues pour servir dans la commande de processus. M. Roy a témoigné que l'appelante n'importe pas les marchandises en cause en fonction des commandes reçues de ses clients. Il a expliqué que les marchandises sont gardées en stock à l'usine de l'appelante, à Brossard (Québec).

Le deuxième témoin de l'appelante était M. Vincent Ménager, directeur technique et qualité à la société Entrelec Inc.; le Tribunal lui a reconnu le titre de témoin expert en « commande de processus ». Il a expliqué que la fonction d'un relais en commande de processus est d'établir ou d'interrompre le passage d'un signal électrique. Il peut s'agir de tension ou de courant. Il a témoigné qu'il existe divers types de relais, notamment des modules de relais d'interface ou blocs de relais d'interface. M. Ménager a expliqué que la différence entre les relais en cause et de simples relais, qu'il est possible d'acheter chez Radio Shack, par exemple, est que les relais en cause sont spécifiquement conçus pour servir dans la commande de processus industriel. Plus précisément, ils sont mis dans un habitacle et ont un socle sur leur partie inférieure qui permet leur empilement en assemblages électriques constitués de différents composants. Ils sont aussi dotés de blocs de jonction qui permettent de les relier au champ d'application. M. Ménager a expliqué qu'un simple relais ne peut être connecté directement au fil. Il a aussi souligné que le dessus du module porte un indicateur de fonctionnement des relais en cause, ce qui est très important pour le préposé. En outre, les relais en cause intègrent de nombreuses fonctions de protection qui ne se trouvent pas dans un relais ordinaire. Les relais en cause coûtent de 20 $ à 30 $, tandis que les relais simples coûtent de 2 $ à 3 $ environ. M. Ménager a expliqué que, en tant qu'ingénieur, il accepte de payer les coûts additionnels pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus et parce qu'il suffit de 10 secondes pour installer un tel relais dans un panneau. Le même travail avec un simple relais exige davantage d'efforts. Pour utiliser un relais simple, il faudrait d'abord le monter en un article similaire aux relais en cause.

Ensuite, M. Ménager a expliqué que la fonction des modules de détecteurs de température à résistances (DTR) de platine, un des conditionneurs de signaux analogiques en cause, est de mesurer la température. Il a expliqué qu'un détecteur connecté à un côté du DTR mesure la température puis la convertit en signal électrique que le module de contrôle peut reconnaître. Il a expliqué que les marchandises susmentionnées présentent les mêmes caractéristiques physiques externes que les relais décrits ci-dessus, ce qui les rend aussi convenables pour des fins de commande de processus industriel. M. Ménager a témoigné que tous les conditionneurs de signaux en cause sont fondamentalement semblables. Leur seule différence réside dans le type de signaux qu'ils convertissent.

M. Ménager a expliqué que les interfaces électroniques en cause ont des fonctions semblables à celles des relais en cause. Fondamentalement, elles isolent les signaux et les mettent en circuit ou hors circuit au moyen de commutateurs. Ce sont des commutateurs électroniques, tandis que les relais décrits ci-dessus sont des commutateurs électromécaniques. Il a expliqué qu'ils accomplissent la même fonction, mais selon un concept différent. Ce qui importe ici, c'est que les interfaces électroniques en cause présentent aussi des caractéristiques qui les rendent convenables pour des fins de commande de processus industriel.

M. Ménager a expliqué que les blocs de jonction industriels en cause servent à connecter les fils du champ au panneau de commande. Il s'agit de produits qui présentent aussi des caractéristiques uniques, qui les rendent convenables pour des fins de commande de processus industriel. Il a expliqué qu'ils sont à l'épreuve des vibrations. Ils sont pourvus de points de mesure qui permettent de mesurer la tension, par exemple. Ils sont aussi « isolés », ce qui signifie qu'il est possible de les toucher, peu importe l'angle, sans toucher de partie active. Il a expliqué que toutes les marchandises en cause sont « isolées ».

M. Ménager a expliqué que les connecteurs en cause sont comme de petits blocs de jonction. Ils présentent aussi des caractéristiques uniques qui les rendent convenables à la commande de processus.

Tout comme le premier témoin, M. Ménager s'est vu présenter diverses annonces publiées par des concurrents de l'appelante, qui identifiaient certaines des marchandises en cause et affirmaient qu'elles servent dans la commande de processus. M. Ménager s'est dit d'accord avec les affirmations susmentionnées. À l'aide de transparents, M. Ménager a décrit les trois principaux composants d'un système de commande de processus. En premier lieu, un dispositif capte ou détecte un signal ou un état, par exemple, la température. Puis, un module de commande ou de contrôle analyse l'information reçue et prend une décision. Enfin, un dispositif reçoit la décision du module de contrôle et agit, d'une façon quelconque, sur le processus. Ce dernier appareil est un dispositif de démarrage et d'arrêt, habituellement un relais. M. Ménager a ensuite expliqué, également à l'aide de transparents, le rôle particulier ou l'utilisation des marchandises en cause dans la commande de processus. Il a expliqué que les marchandises en cause servent toujours à relier les trois fonctions fondamentales dans la commande de processus, soit la détection, l'analyse et la décision. M. Ménager a ensuite présenté les diverses étapes propres à deux applications de commande de processus, à savoir la commande de la température d'une sécheuse et la régulation du niveau d'eau dans une station de traitement d'eau, et a expliqué à quoi servent les marchandises en cause dans ces applications.

Enfin, M. Ménager a témoigné que les marchandises en cause sont vendues à titre de composants de commande de processus. Il a témoigné qu'elles sont conçues en vue d'une telle utilisation. Il a aussi expliqué que, au moment de leur importation, l'appelante connaît l'utilisation ultime à laquelle les marchandises sont destinées. Par exemple, si l'appelante vend certaines marchandises au fabricant d'autobus Provost, elle sait qu'il existe plusieurs composants de commandes de processus dans un autobus. Par exemple, les freins sont pourvus de commande de température ou de pression. M. Ménager a expliqué que la même chose est vraie des ventes faites à la société Bombardier.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Ménager a expliqué que les expressions « automate programmable », « contrôleur programmable », « appareil de contrôle et de régulation », « organe de commande de processus » et « ordinateur industriel » sont toutes synonymes de l'expression « appareil de processus industriel ». Ce sont toujours les mêmes fonctions, c'est-à-dire, commander, recevoir des données d'entrée et agir sur les données de sortie. Il a expliqué que, parfois, le mode de fonctionnement est en boucle fermée, et, dans d'autres occasions, en boucle ouverte. Il a expliqué que la commande de processus est une combinaison d'opérations en boucle fermée et en boucle ouverte. Par exemple, le contrôle constant de la température serait considéré comme étant une opération en boucle fermée, tandis que le démarrage d'un ventilateur, comme étant une opération en boucle ouverte. Par conséquent, M. Ménager a témoigné que les marchandises en cause sont utilisées dans la commande de processus qui comporte parfois à la fois des opérations en boucle fermée et en boucle ouverte. M. Ménager s'est vu présenter un document d'un des concurrents de l'appelante qui indique que des marchandises similaires aux marchandises en cause pourraient servir dans une vaste gamme de secteurs, depuis l'informatique et les télécommunications jusqu'à la médecine, la fabrication mécanique, l'automobile, les services publics, les commandes de processus et les services de consommation. Il a convenu que les produits de l'appelante pourraient servir dans la plupart des branches de production susmentionnées, mais non dans celle des services « de consommation ». Il a précisé que le concurrent particulier susmentionné pouvait avoir des produits différents de ceux de l'appelante, qui peuvent servir dans ce dernier secteur. Il a reconnu, cependant, que n'importe qui pourrait prendre les produits de l'appelante et s'en servir à d'autres fins que celles auxquelles elles sont destinées.

Le troisième témoin de l'appelante était M. Michel Marcotte, directeur général de Contrôles C.E.I. Inc., une société qui produit des panneaux de commande utilisés à des fins industrielles; le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en commande de processus. Il a décrit comment les composants de commande de processus fonctionnent dans une pompe pour la régulation du niveau d'eau. Il a ensuite expliqué la manière dont les marchandises en cause servent dans une telle application. Il s'est dit d'accord avec les autres témoins sur le fait que les marchandises en cause sont conçues pour servir dans la commande de processus. Il a témoigné qu'elles doivent servir dans la commande de processus industriel. Il a expliqué que, isolément, elles ne fonctionnent pas. Il a expliqué que c'est leur interconnexion qui les rend fonctionnelles.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Marcotte a témoigné que Contrôles C.E.I. Inc. fabrique les panneaux de commande selon les besoins de chacun de ses clients. Il a expliqué que sa société achète des produits de l'appelante parce qu'ils sont fiables. Il a déclaré que l'application de commande de processus qu'il a décrite est du type commande en boucle fermée. M. Marcotte a ensuite donné son opinion sur la différence entre une application en boucle fermée et une application en boucle ouverte. Il a convenu avec M. Ménager que, en commande de processus, les deux types peuvent coexister. En réponse à des questions du Tribunal, il a dit ne pouvoir garantir que les produits qui servent dans la commande de processus ne pouvaient servir à rien d'autre. Il a témoigné que même les représentants de l'appelante ne pouvaient pas donner une telle assurance. Il a déclaré que, en dernière analyse, c'est le client qui décide à quoi vont servir les produits.

Trois témoins ont témoigné au nom de l'intimé. Le premier témoin, M. Ignatius Leron, directeur, Produits électriques et instruments scientifiques, une division de la Direction de la politique commerciale et de l'interprétation du ministère du Revenu national (Revenu Canada), a expliqué que l'agent responsable de ce dossier relevait de lui et que, à ce titre, il avait une connaissance générale des faits de la présente affaire. Il a expliqué que, selon la politique de Revenu Canada sur l'administration des dispositions concernant l'utilisation ultime prévues dans le Tarif des douanes, les importateurs doivent convaincre Revenu Canada que les marchandises importées sont réellement utilisées en conformité avec les exigences desdites dispositions. M. Leron a renvoyé au Mémorandum D11-8-1 [4] , qui établit la politique de Revenu Canada. Il y est prévu que Revenu Canada acceptera une déclaration de la part de l'utilisateur ultime précisant que les marchandises importées servent à une application particulière comme preuve que l'importateur a satisfait aux exigences des dispositions concernant l'utilisation ultime.

M. Leron a expliqué que les importateurs qui ne peuvent déterminer l'utilisation ultime au moment de l'importation des marchandises peuvent passer diverses ententes avec Revenu Canada. Il peut s'agir, par exemple, d'ententes procentuelles, en vertu desquelles des agents du Ministère se rendront aux installations de l'importateur et détermineront le pourcentage des marchandises qui satisfont aux exigences concernant l'utilisation ultime, d'après les données historiques des ventes de la société. Une telle entente pourrait aussi prendre la forme d'une autorisation d'entreposage, permettant à une société qui importe des marchandises pour en faire l'entreposage de les déclarer aux termes de la disposition concernant l'utilisation ultime; cependant, l'importateur doit faire rapport de toute réaffectation à Revenu Canada et payer les droits applicables. Enfin, il peut s'agir de décisions portant sur des marchandises « destinées à un usage particulier en raison de leur conception ou de leur nature ». Ces décisions s'appliquent dans les cas où Revenu Canada est convaincu que les marchandises importées ne sont destinées qu'à un seul usage et qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir de preuve supplémentaire de la part de l'importateur.

M. Leron a témoigné que Revenu Canada a étudié la possibilité de conclure une entente procentuelle avec l'appelante; cependant, au moment de l'appel, aucune entente de ce type n'avait été conclue. Il a aussi témoigné qu'une autorisation d'entreposage aurait pu être accordée à l'appelante à condition que des moyens suffisants soient mis en place pour démontrer à Revenu Canada que certaines des marchandises importées étaient véritablement utilisées dans des appareils de processus industriel (commande de processus). M. Leron a déclaré avoir été informé que, lorsque les agents du Ministère ont visité les locaux de l'appelante dans une tentative de mise en place d'une entente procentuelle, les représentants de l'appelante n'étaient pas disposés à effectuer le travail supplémentaire nécessaire pour démontrer que les marchandises en cause étaient, effectivement, utilisées dans des appareils de commande de processus. Il a témoigné que l'appelante a déposé auprès de Revenu Canada plus de 101 demandes pour recevoir les avantages du code 2101.

Enfin, M. Leron a expliqué que deux formes d'expressions différentes sont utilisées dans le Tarif des douanes, les expressions « devant servir dans » ou « devant servir à » signifiant entrer « dans la composition d'autres marchandises “par voie d'ouvraison”, “de fixation” ou “d'incorporation” », et les expressions « du type utilisé » ou « des types utilisés » qui ne sont pas définies. Cependant, cette dernière expression a été interprétée par le Tribunal comme signifiant « à la condition qu'elles soient reconnaissables comme étant destinées à être utilisées, ou susceptibles de l'être, dans une application particulière ». M. Leron a expliqué que, lorsque l'importateur déclare que les marchandises importées sont des marchandises « devant servir dans » ou « devant servir à » d'autres marchandises, Revenu Canada demande une preuve de l'utilisation effective, tandis que, si l'importateur déclare que les marchandises importées sont « du type utilisé » ou « des types utilisés » avec d'autres marchandises, Revenu Canada ne demande pas une telle preuve et accepte la simple preuve que les marchandises importées sont reconnaissables comme étant destinées à être utilisées, ou susceptibles de l'être, avec d'autres marchandises. Il a expliqué que, depuis que le législateur se sert de deux formes d'expressions différentes, Revenu Canada applique deux interprétations différentes.

Le deuxième témoin de l'intimé était M. Mark Turnbull. Le Tribunal lui a reconnu le titre de témoin expert en appareils de commande de processus et en automates programmables. Il a expliqué que, selon lui, les marchandises en cause ne sont pas exclusivement destinées à servir dans des appareils de commande de processus. Il a témoigné qu'elles pourraient servir dans d'autres applications. Il a ajouté que les convertisseurs analogiques en cause pourraient servir, par exemple, dans des systèmes d'alarme. Il a témoigné que les modules de DTR de platine en cause pourraient servir dans une salle d'ordinateurs pour contrôler la température ou, plus précisément, commander les systèmes de refroidissement pour empêcher une surchauffe du matériel. Il a expliqué qu'il ne s'agirait pas là nécessairement d'une fonction de commande de processus. Il pourrait s'agir d'un système en boucle ouverte, ou, autrement dit, programmable par l'utilisateur. Il a témoigné que les blocs de jonction en cause peuvent servir partout pour connecter deux ou plusieurs conducteurs ou fils. M. Turnbull a aussi traité d'autres applications possibles de certaines des autres marchandises en cause, y compris les modules d'interface de relais.

Au moyen de graphiques, M. Turnbull a expliqué la différence entre un système en boucle ouverte et un système en boucle fermée. Il a expliqué qu'un système où il n'y a pas d'interaction entre l'entrée et la sortie, ou autrement dit dans lequel il n'y a pas d'interaction entre le dispositif de détection et le dispositif de commande, est un système en boucle ouverte. Une sonnerie et une sirène sont des exemples de systèmes en boucle ouverte. Il a ajouté que, bien qu'un tel système pourrait faire partie d'un appareil de commande de processus, il n'est pas, en lui-même, un appareil de commande de processus. Il a expliqué qu'un système en boucle fermée est un système où il y a contrôle constant d'un état particulier. Un système de régulation de la température est un exemple d'un système en circuit fermé.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Turnbull a témoigné que, parce que les marchandises en cause sont normalisées en termes de forme et d'ajustage, et habituellement aussi de fonction, elles sont interchangeables avec les articles d'autres fabricants. Il a répété que la commande de processus n'est qu'une des applications auxquelles les marchandises en cause peuvent servir. Il a affirmé avoir vu certains blocs de jonction de l'appelante servir dans un système d'alarme en boucle ouverte. Cependant, il a reconnu que le système d'alarme susmentionné faisait partie d'une application plus vaste de commande de processus en boucle fermée.

Les avocats de l'appelante ont rappelé M. Ménager. Ce dernier a témoigné qu'il n'avait, d'expérience, jamais vu les marchandises de l'appelante servir dans un système uniquement en boucle ouverte, puisqu'un système est toujours une combinaison de différents processus. Il a expliqué que tout processus comporte différents paramètres qu'il faut mesurer, par exemple, une température ou une vitesse. Il s'agit là d'applications en boucle fermée, et un commutateur démarrage-arrêt est une application en boucle ouverte. Il a témoigné que certains des produits de l'appelante peuvent se trouver dans un système d'alarme, mais qu'un tel système fera toujours partie d'un système global de commande de processus. Il a dit que tout le monde peut ouvrir le panneau de commande dans une résidence et trouver des blocs à fusibles et des blocs de jonction, mais jamais ceux que produit l'appelante. Il a répété que les marchandises en cause sont uniquement destinées à servir dans une utilisation industrielle.

Le dernier témoin de l'intimé était M. Tony Illuzzi, chef de section de l'Unité de vérification de l'observation de Revenu Canada. Au moment du traitement des demandes en cause, il occupait le poste d'administrateur régional du tarif et des valeurs. Selon lui, l'appelante a demandé les avantages du code 2101 au moment de leur importation. Il a cependant témoigné ne pas avoir pu accepter la demande de l'appelante parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour montrer l'observation de la disposition « devant servir aux » du code 2101. L'appelante n'a pas prouvé que les marchandises en cause étaient effectivement utilisées dans un appareil de commande de processus. M. Illuzzi a témoigné qu'il a communiqué avec l'appelante pour tenter d'obtenir plus d'éléments de preuve. Il a ajouté qu'il aurait accepté des éléments de preuve du type certificat d'utilisation ultime, commande, facture ou autre document se rapportant clairement aux marchandises en cause. M. Illuzzi a témoigné avoir reçu des certificats d'utilisation ultime des clients de l'appelante; cependant, ceux-ci ne visaient qu'une partie des marchandises en cause. De plus, selon certains certificats, les marchandises en cause n'étaient pas utilisées dans des appareils de commande de processus. Il a transmis cette information à l'appelante, l'informant qu'elle pouvait s'avérer de l'option « marchandises destinées à un usage particulier en raison de leur conception ».

L'appelante a donc présenté une demande en vue d'obtenir une telle décision. Revenu Canada a cependant rejeté la demande parce que, une fois encore, des documents indiquaient que certaines des marchandises en cause servaient à des marchandises relevant de numéros tarifaires autres que le numéro tarifaire 9032.90.20. Plus particulièrement, des documents indiquaient que certaines des marchandises en cause étaient utilisées avec des marchandises de la position no 85.37. L'appelante a donc été avisée que l'option « marchandises destinées à un usage particulier en raison de leur conception » ne lui était plus accessible. M. Illuzzi a donc proposé de procéder par voie de l'entente procentuelle. Cependant, une telle entente n'a pas pu être conclue parce que, à ce moment, l'appelante n'était pas disposée à affecter les ressources et le personnel nécessaires à l'application d'un tel système. M. Illuzzi a expliqué que l'appelante avait soumis des renseignements sur d'autres projets dans lesquels les marchandises en cause étaient utilisées, mais que rien ne prouvait que les marchandises en cause étaient effectivement utilisées dans des appareils de commande de processus. Plutôt, l'information fournie a révélé que la plupart de ces projets avaient trait à des marchandises de la position no 85.37.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Illuzzi a expliqué que, pour faire droit à la demande, il doit disposer d'éléments de preuve que les marchandises en cause sont effectivement utilisées dans les marchandises du numéro tarifaire 9032.90.20. Il a expliqué qu'une façon de fournir à Revenu Canada de tels éléments de preuve est de lui faire parvenir une copie d'une commande d'un client qui entend se servir des marchandises obtenues de l'appelante dans un appareil de commande de processus. Il a expliqué de nouveau les différentes options disponibles à un importateur. Il a répété que les éléments de preuve fournis par l'appelante n'avaient pas suffi, pour les raisons déjà indiquées, pour déterminer que les marchandises étaient effectivement utilisées dans un appareil de commande de processus. Il a ajouté que, dès qu'ils se sont rendu compte qu'une des marchandises avec lesquelles les marchandises en cause étaient utilisées n'était pas un appareil de commande de processus, les agents du Ministère ne pouvaient plus accepter la déclaration de l'appelante selon laquelle toutes les marchandises en cause servaient toujours ultimement à une telle application. M. Illuzzi a témoigné que, même s'il avait été conclu que toutes les marchandises auxquelles, selon l'appelante, étaient destinées les marchandises en cause étaient des marchandises du numéro tarifaire 9032.90.20, les demandes visant les avantages du code 2101 n'auraient quand même pas pu être accordées, puisqu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve sur l'utilisation véritable des marchandises en cause. Enfin, M. Illuzzi a expliqué que, si des marchandises étaient utilisées avec des marchandises de la position no 85.37 et que, à leur tour, ces dernières marchandises étaient incorporées dans des marchandises de la position no 90.32, les marchandises initiales seraient admissibles aux avantages du code 2101.

ARGUMENTATION

Les avocats de l'appelante ont soutenu que les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause sont conçues, commercialisées et vendues pour servir dans la commande de processus et qu'il n'existe pas d'autres utilisations desdites marchandises. Ils ont soutenu qu'elles ne sont pas utilisées dans des systèmes en boucle ouverte. Plutôt, elles servent dans des applications en boucle fermée. Les avocats ont renvoyé aux documents présentés en preuve à l'appui de leur argument selon lequel les marchandises en cause sont commercialisées en tant que composants de commande de processus, tant par l'appelante que par ses concurrents. Ils ont aussi renvoyé au témoignage de M. Ménager et à sa description d'organigrammes de projets pour démontrer que les marchandises auxquelles les marchandises de l'appelante sont incorporées sont des appareils de commande de processus. De plus, ils ont invoqué une lettre d'un agent de Revenu Canada qui indique que tous les projets décrits dans les organigrammes soumis par l'appelante à Revenu Canada semblent être des appareils de la position no 90.32. Ils ont soutenu que l'utilisation véritable a donc été démontrée et qu'il aurait dû être fait droit aux demandes de l'appelante. Les avocats ont aussi renvoyé au témoignage de M. Marcotte et à l'explication de ce dernier sur la manière dont les marchandises en cause sont utilisées dans des « appareils pour le contrôle du niveau des liquides », qui, ont-ils dit, selon les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] (les Notes explicatives), sont clairement des appareils de processus industriel. Ils ont aussi soutenu que les déclarations du témoin expert de l'intimé corroborent la position de l'appelante, à savoir, que les marchandises en cause sont des marchandises devant servir aux appareils de commande de processus.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que l'expression « devant servir aux » qui se trouve dans le code 2101 doit être interprétée dans son sens large. À l'appui de leur argument, ils ont cité des expressions plus spécifiques qui se trouvent dans d'autres codes tarifaires, par exemple « devant servir à la fabrication de », « destinées exclusivement à servir dans », « destinées à servir dans » et « parties exclusivement ou principalement destinées aux ». À leur avis, le fait que des mots comme « exclusivement » ou « uniquement » ne soient pas repris dans le code 2101 signifie que sa portée d'application est plus vaste que celle des autres codes. Renvoyant aux Notes explicatives, les avocats ont soutenu que la commande de processus comprend trois composants : un dispositif de mesure, qui peut être un convertisseur ou un thermocouple, un dispositif de contrôle électronique et un commutateur ou un dispositif de commande ou d'allumage et d'arrêt. Ils ont soutenu que tous ces composants peuvent être importés séparément et que c'est ce que l'appelante a fait. Ils ont souligné qu'importés séparément, ces composants sont assujettis à des droits de douane et que, pourtant, lorsqu'un appareil de commande de processus est importé en tant qu'unité complète, il est importé en franchise de droits. Les avocats ont soutenu que le code 2101 existe pour protéger la branche de production canadienne. Ils ont déclaré que, si le code 2101 n'est pas interprété dans un sens large, les producteurs canadiens d'appareils de commande de processus seront en position désavantageuse par rapport aux producteurs étrangers de telles marchandises. Les avocats ont aussi renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Kappler Canada Ltd. c. L e sous-ministre du Revenu national [6] , qui a conclu que des vêtements servant dans le travail de retrait de matériaux en amiante étaient admissibles aux avantages du code 1001. Ils ont fait valoir que le Tribunal a conclu que les vêtements en cause étaient « pour usage dans » « un air ambiant délétère » comme le prévoit le code 1001 même s'ils pouvaient servir dans diverses applications.

Les avocats de l'appelante ont renvoyé à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire L e sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Steel Company of Canada Limited [7] , qui a conclu que l'expression « destinés à être utilisés » énoncée à l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de l'ancienne Loi sur la taxe d'accise [8] signifiait que l'admissibilité à une exemption de la taxe de vente devait être déterminée avant l'utilisation des marchandises. Les avocats ont soutenu que la présente affaire correspond exactement à la conclusion susmentionnée et que le Tribunal devrait s'y reporter pour déterminer le sens qu'il convient d'accorder à l'expression qui se trouve dans le code 2101. Les avocats ont renvoyé à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Her Majesty the Queen c. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [9] , où la Cour suprême du Canada a invoqué des décisions des Douanes pour interpréter les mots « fabriqué » ou « produit » se trouvant dans la Loi sur la taxe d'accise. Les avocats ont soutenu qu'il est clairement établi que la question du classement tarifaire doit être décidée au moment de l'importation. Puisque l'applicabilité d'un code tarifaire est une question de classement tarifaire, elle doit aussi être déterminée au même moment. Ils ont soutenu qu'il est déraisonnable de demander à un importateur de faire la preuve de l'utilisation effective de marchandises qui n'ont pas encore servi. Selon les avocats, telle ne peut avoir été l'intention du législateur et pourtant, c'est ainsi que l'interprète encore Revenu Canada. Ils ont soutenu que la politique administrative de Revenu Canada n'est pas compatible avec la loi. Ils ont cité plusieurs affaires où il est mentionné que la pratique administrative peut être invoquée uniquement en cas de doute au sujet de la signification de la loi et que, même alors, elle ne peut servir que d'outil d'interprétation ou de guide, et non de source contraignante.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que la position de l'appelante dans le présent appel trouve un appui dans la décision du Tribunal dans l'affaire Ballarat Corporation Ltd. c. L e sous-ministre du Revenu national [10] , qui a conclu que les expressions « du type utilisé » et « des types utilisés » n'imposaient pas une utilisation ultime véritable et qu'il suffisait de démontrer que les marchandises importées étaient reconnaissables comme étant destinées à une utilisation particulière, ou susceptibles de l'être. Invoquant cette affaire, les avocats ont soutenu qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que les marchandises en cause ont été utilisées dans la commande de processus. Il suffit de démontrer que les marchandises peuvent servir dans une telle application. À leur avis, l'appelante l'a clairement fait dans la présente affaire. De plus, les avocats ont soutenu que les marchandises en cause sont susceptibles d'être « fixées » à un appareil de commande de processus. Par conséquent, elles répondent à la définition des expressions « devant servir dans » ou « devant servir à » qui se trouvent à l'article 4 du Tarif des douanes. Les avocats ont renvoyé à diverses autres causes entendues aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, dans lesquelles la Cour fédérale du Canada a conclu qu'un fabricant n'était pas juridiquement tenu de démontrer l'utilisation effective pour démontrer que des marchandises « doivent servir à » ou « doivent servir dans » d'autres marchandises.

En ce qui concerne la question de compétence, les avocats de l'appelante ont soutenu que, pour invoquer l'article 77 de la Loi, il doit y avoir eu modification de l'utilisation des marchandises par rapport à l'utilisation initialement prévue. Ils ont soutenu que tel n'est pas le cas en l'espèce. Ils ont renvoyé aux éléments de preuve qui ont montré que l'appelante savait clairement, au moment de leur importation, que les marchandises en cause devaient servir dans la commande de processus. Tout ce qu'il y a eu, c'est son ignorance de l'existence du code 2101. Les avocats ont donc soutenu que la question en litige est en l'espèce une question de classement tarifaire et que, par conséquent, le Tribunal a compétence pour statuer.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la question en litige dans le présent appel est une question de réaffectation, visée à l'article 77 de la Loi, et non une question de classement tarifaire, visée à l'article 67, pour la raison que l'appelante n'a pas demandé les avantages du code 2101 au moment de l'importation des marchandises en cause. Quant à la deuxième question en litige, l'avocat n'a pas contesté la possibilité que les marchandises en cause puissent servir aux marchandises de la position no 90.32; cependant, il a soutenu que les éléments de preuve présentés par l'appelante quant à l'utilisation effective des marchandises dans la commande de processus n'étaient pas probants. Il a fait valoir que les éléments de preuve montrent que certaines des marchandises en cause ont servi à des marchandises de la position no 85.37, une position qui, selon lui, vise des applications en boucle ouverte plutôt que des applications en boucle fermée, ces dernières étant, a-t-il avancé, le type des marchandises comprises dans la position no 90.32. À l'appui de son argument, il a invoqué les témoignages des témoins experts et les Notes explicatives.

Invoquant la décision de la Commission du tarif dans l'affaire Superior Brake & Hydraulic Specialists Ltd. c. L e sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [11] , l'avocat de l'intimé a soutenu qu'il incombe à l'importateur d'établir que les marchandises sont admissibles en termes d'utilisation ultime, conformément au principe bien établi que la partie qui affirme qu'une chose existe doit assumer le fardeau de la preuve. Renvoyant au témoignage de M. Illuzzi, l'avocat a soutenu que l'intimé a fait tout ce qui était possible pour accéder aux demandes de l'appelante, mais que les éléments de preuve sur l'utilisation ultime véritable n'ont jamais été fournis. Par conséquent, l'avocat a soutenu que l'intimé a eu raison de refuser d'accorder les avantages du code 2101 que l'appelante a demandés. Renvoyant à la définition des expressions « devant servir dans » et « devant servir à » qui se trouvent à l'article 4 du Tarif des douanes, l'avocat a soutenu que les marchandises importées doivent effectivement entrer dans la composition des marchandises de la position no 90.32 « par voie d'ouvraison » pour être admissibles aux avantages du code 2101. Selon l'avocat, en présence de mots comme « entrer dans la composition par voie d'ouvraison », il n'est pas besoin de mots comme « exclusivement » ou « uniquement » pour exprimer que ce qu'il faut, c'est une utilisation véritable. Il a soutenu que les éléments de preuve dans le présent appel montrent clairement que les marchandises en cause peuvent servir ailleurs que dans la commande de processus.

DÉCISION

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, la première question dans le présent appel consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour traiter de l'affirmation de l'appelante selon laquelle les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101. La position de l'intimé est que la question en est une de réaffectation, visée à l'article 77 de la Loi, et non une question de classement tarifaire, visée à l'article 67 de la Loi. L'intimé a soulevé une question similaire dans l'affaire Asea Brown Boveri Inc. c. L e sous-ministre du Revenu national [12] ; cependant, l'avocat de l'intimé l'a retirée à l'audience parce que, ayant entendu les éléments de preuve, il a admis que l'appelante connaissait l'utilisation ultime des marchandises en cause au moment de leur importation, mais avait par erreur omis de demander les avantages du code 2101. Selon le Tribunal, les éléments de preuve dans le présent appel montrent clairement que l'appelante connaissait, au moment de leur importation, l'utilisation à laquelle les marchandises étaient destinées. Les témoins de l'appelante ont témoigné qu'ils la connaissaient; cependant, selon lesdits témoins, l'appelante a omis de demander les avantages du code 2101 parce qu'elle en ignorait l'existence. La question n'est donc pas une question de réaffectation, visée à l'article 77 de la Loi, mais une question de classement tarifaire, visée à l'article 67. Le Tribunal est d'avis que la situation est en l'espèce la même que celle dans l'affaire Asea Brown Boveri et, de ce fait, conclut qu'il a compétence pour déterminer si les marchandises visées dans le présent appel sont admissibles aux avantages du code 2101.

La deuxième question en litige consiste donc à déterminer si les marchandises en cause sont admissibles aux avantages du code 2101, qui prévoit l'entrée en franchise d'articles (autres que les marchandises des numéros tarifaires énumérés), devant servir, notamment, aux marchandises du numéro tarifaire 9032.90.20. Il n'y a pas de litige entre les parties sur le fait que les marchandises en cause peuvent servir dans les appareils de processus industriel de la position no 90.32. La question en litige porte sur l'interprétation qu'il convient de donner à l'expression « devant servir aux » qui se trouve dans le code 2101. Le Tribunal est d'avis que l'expression « devant servir aux » dans le code 2101 signifie « utilisation effective ». Dans l'affaire Asea Brown Boveri, le Tribunal a souligné que l'article 4 du Tarif des douanes prévoit que « [l]es expressions “devant servir dans” et “devant servir à”, mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code. » En se fondant sur la disposition susmentionnée, le Tribunal a conclu que l'appelante doit, dans une certaine mesure, démontrer l'utilisation véritable des marchandises pour qu'elles soient admissibles aux avantages du code 2101. Le Tribunal est d'avis que sa décision dans l'affaire Ballarat, qui prévoyait que les expressions « du type utilisé dans » et « des types utilisés dans » signifient que les marchandises doivent être reconnaissables comme étant destinées à être utilisées, ou susceptibles de l'être, avec d'autres marchandises, appuie une telle conclusion. En vérité, le Tribunal est d'avis que les expressions « devant servir dans » et « devant servir à » doivent signifier autre chose que les expressions « du type utilisé dans » et « des types utilisés dans ».

Selon le Tribunal, l'appelante, dans le présent appel, n'est pas admissible aux avantages du code 2101 parce qu'elle n'a pas démontré que certaines des marchandises en cause servaient effectivement aux appareils de processus industriel. Plutôt, l'appelante a démontré que toutes les marchandises en cause étaient susceptibles de servir à de telles marchandises. Cependant, les éléments de preuve ont aussi montré que les marchandises en cause étaient susceptibles de servir à d'autres marchandises, et plus précisément, celles de la position no 85.37. Par conséquent, l'intimé a correctement rejeté la demande de l'appelante. Le Tribunal fait observer que l'intimé a donné toutes les occasions possibles à l'appelante de faire la preuve que certaines des marchandises en cause servaient effectivement aux marchandises du numéro tarifaire 9032.90.20. Les agents de l'intimé ont expliqué à l'appelante le type de preuve dont ils avaient besoin pour établir l'utilisation ultime. De tels éléments de preuve auraient pu inclure des certificats d'utilisation ultime, des commandes, des factures ou d'autres documents qui se rapportaient clairement aux marchandises en cause. Cependant, de tels éléments de preuve n'ont jamais été soumis et, en fait, ceux qui l'ont été ont montré que les marchandises en cause étaient de fait utilisées ou susceptibles de l'être avec des marchandises d'autres positions. Le Tribunal fait observer que l'appelante n'a pas non plus, dans le cadre du présent appel, fourni les éléments de preuve nécessaires susmentionnés.

De plus, le Tribunal fait observer que, étant donné le grand nombre de marchandises importées par l'appelante et la difficulté d'obtenir des preuves de l'utilisation véritable de toutes les marchandises en cause, l'intimé a offert de conclure une « entente procentuelle » avec l'appelante ou la possibilité d'obtenir une décision du type « marchandises destinées à un usage particulier en raison de leur conception ou de leur nature ». Cependant, l'information soumise par l'appelante pour satisfaire aux exigences des options susmentionnées a soit été insuffisante soit démontré que les marchandises en cause étaient susceptibles d'être utilisées avec d'autres marchandises.

Par conséquent, l'appel est rejeté.

APPENDICE

1. Blocs de jonction à fusibles
2. Mise en forme de signaux analogiques Convertisseurs de signaux analogiques Convertisseurs courant/tension Convertisseurs tension/courant Modules de détecteurs de température à résistances (DTR) de platine Convertisseurs thermocouple/tension ou courant Amplificateurs de tension Isolement courant-courant
3. Interfaces électroniques Modules d'interface de relais Modules d'interface de coupleurs optiques
4. Blocs de jonction Blocs de jonction Blocs de jonction de porte-fusibles Blocs de jonction de circuits de mesure Blocs de jonction de test de circuit Blocs de jonction de plaquettes de circuits imprimées
5. Relais
6. Connecteurs






Ottawa, le lundi 28 juin 1999

Appel n o AP-97-029

EU ÉGARD À un appel entendu les 23 février et 10 mars 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 5, 6, 11, 14, 19, 20, 21 et 27 mars 1997 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ENTRELEC INC. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Toute mention, dans la décision du Tribunal datée du 28 septembre 1998, de « numéro tarifaire 9032.90.20 » devrait se lire « numéro tarifaire 9032.89.20 ».


Par ordre du Tribunal,


Michel P. Granger Secrétaire
[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Une liste complète des marchandises en cause figure à l’appendice de la présente décision.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Politique administrative - programme d'utilisation ultime, ministère du Revenu national, Accise, Douanes et Impôt, le 31 mars 1994.

5. Conseil de coopération douanière, 1re éd., 1986.

6. Appel no AP-94-232, le 26 octobre 1995.

7. No du greffe A-239-82, le 13 juin 1983.

8. S.R.C. (1970), ch. E-13.

9. [1968] R.C.S. 140.

10. Appel no AP-93-359, le 19 décembre 1995.

11. 11 R.C.T. 13.

12. Appels nos AP-93-392 et al., le 10 juin 1998.


Publication initiale : le 29 juin 1999