FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.

Décisions


FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-052

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 24 septembre 1998

Appel n o AP-97-052

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 mai 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 15 avril 1997 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les produits Floradix Floravit, Formule Floradix - Extrait de fer aux herbes, Floradix Kindervital - Tonique vitaminé pour enfants et Floradix Epresat - Multivitamines aux herbes sont correctement classés dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d'autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes de la position no 20.09, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 3004.50.99 à titre d'autres médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, contenant des vitamines ou d'autres produits de la position no 29.36, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve révèlent clairement que les marchandises en cause sont des boissons toniques. À ce titre, elles ne peuvent être classées dans le Chapitre 30 en vertu de la Note 1 a) du Chapitre 30 de l'annexe I du Tarif des douanes qui prescrit que « [l]e présent Chapitre ne comprend pas : les [...] compléments alimentaires, boissons toniques et eaux minérales ». De fait, le fabricant décrit chacune des marchandises en cause, que ce soit sur l'emballage ou sur la bouteille, comme étant un tonique. Certains des témoins à l'audience en ont également fait état à titre de toniques. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve révèlent clairement que les marchandises en cause ne sont pas des médicaments qui relèvent de la position no 30.04, mais plutôt des compléments alimentaires du Chapitre 21 ou du Chapitre 22. Les marchandises en cause, étant toutes présentées sous une forme liquide, sont correctement classées dans le Chapitre 22. Le Tribunal convient qu'il faut donner au terme « beverage» (« boisson ») son sens clair et courant. Le Tribunal signale que The New Lexicon Webster's Dictionary of the English Language le définit simplement comme « a drink » (« une boisson »). Le mot « drink» (« boisson ») est défini comme « a liquid to be swallowed » (« un liquide qui s'avale »). Selon le Tribunal, les marchandises en cause sont manifestement des liquides destinés à être avalés. Par conséquent, le Tribunal reconnaît que les marchandises en cause doivent être considérées comme des « boissons ». Le fait que les marchandises en cause ne contiennent pas d'alcool n'a pas été contesté. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d'autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes de la position no 20.09.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 6 mai 1998 Date de la décision : Le 24 septembre 1998
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Raynald Guay, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Alan Morley, pour l'appelante Jan Brongers, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 15 avril 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les produits Floradix Floravit (Floravit), Formule Floradix - Extrait de fer aux herbes (Formule Floradix), Floradix Kindervital - Tonique vitaminé pour enfants (Kindervital) et Floradix Epresat - Multivitamines aux herbes (Epresat) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 2202.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes de la position no 20.09, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 3004.50.99 à titre d'autres médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, contenant des vitamines ou d'autres produits de la position no 29.36, comme l'a soutenu l'appelante.

Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

22.02 Eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, additionnées de sucre ou d'autres édulcorants ou aromatisées, et autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes du no 20.09.

2202.90 -Autres

2202.90.90 ---Autres

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

3004.50 -Autres médicaments contenant des vitamines ou d'autres produits du no 29.36

3004.50.99 ----Autres

L'appelante a fait entendre quatre témoins. Le premier, M. Volker Kutscher, pharmacien à l'emploi de la société Salus-Haus, le fabricant allemand des marchandises en cause, a expliqué que la Formule Floradix est un supplément de fer utilisé pour prévenir l'anémie. Il a expliqué que la Formule Floradix contient les vitamines B1, B2, B6, B12 et C. Elle renferme également un ingrédient actif de fer, divers extraits, tels que l'extrait de levure, l'extrait sec de germe de blé, des concentrats de jus de fruits, du miel, un arôme naturel et de l'eau purifiée. Il a signalé que la Formule Floradix est décrite sur l'emballage comme un tonique contenant du fer. Il a expliqué que ce produit et les autres marchandises en cause visent la prévention plutôt que le traitement. Il a également expliqué qu'il est recommandé de prendre les marchandises en cause en petites doses parce qu'il a été prouvé scientifiquement qu'il est préférable de prendre le fer de cette façon puisque l'organisme l'absorbe difficilement. Dans son témoignage, M. Kutscher a précisé que la Formule Floradix est un supplément de fer auquel des vitamines B et C ont été ajoutées et qui sert à prévenir l'anémie. Il a souligné que la Formule Floradix est homologuée en Allemagne et dans plusieurs autres pays à titre de médicament dont le but est d'aider à prévenir la carence en fer, de compenser une perte de fer élevée, par exemple pendant la grossesse, la croissance ou pendant la convalescence à la suite d'une maladie ou à titre de fortifiant général, spécialement destiné à accroître la puissance des athlètes ou des adeptes du sport en général. Il a fait remarquer que la carence en fer peut entraîner des maladies. Étant donné que les marchandises en cause doivent être prises en doses limitées, elles ne peuvent être considérées comme des boissons ou des breuvages.

M. Kutscher a expliqué que le Floravit est la version sans levure de la Formule Floradix. Cela signifie qu'il renferme du fer, des vitamines B et C, une décoction d'herbes, mais pas de levure, de sucre, de miel ou d'agents de conservation. Sa fonction est essentiellement la même que celle de la Formule Floradix, c.-à-d. aider à prévenir la carence en fer. Il a expliqué que l'Epresat contient huit vitamines, y compris des vitamines A et D. Comme il contient des vitamines A et D, lesquelles en Allemagne et en Australie sont classées parmi les produits pharmaceutiques, l'Epresat doit être homologué à titre de médicament. Il a expliqué que l'Epresat renferme aussi des extraits de plantes et qu'il a des effets préventifs. En dernier lieu, M. Kutscher a expliqué que le Kindervital renferme une décoction de diverses plantes ayant des effets digestifs. Il a précisé que le Kindervital stimule l'appétit, ce qui améliore le processus digestif. Le Kindervital renferme également du calcium, du magnésium et différentes vitamines. Il a ajouté que les enfants ont besoin d'un supplément de vitamine D, plus particulièrement en hiver, à cause de leur plus petite surface de peau. Ils peuvent obtenir la vitamine D nécessaire en prenant le Kindervital. M. Kutscher a aussi expliqué que, parce qu'il renferme du magnésium et du calcium, le Kindervital aide aussi à prévenir des maladies telles que le rachitisme. Il renforce aussi les os, spécialement chez les enfants en pleine croissance.

En contre-interrogatoire, M. Kutscher a reconnu que les marchandises en cause sont des toniques. Il a aussi admis que les marchandises en cause doivent être bues. Il a fait état d'une « absorption orale ». Il a dit que, personnellement, il se sert d'une tasse pour boire les marchandises en cause. M. Kutscher, toutefois, n'était pas d'accord avec le fait qu'il s'agit de boissons toniques parce qu'elles ne peuvent être consommées qu'en doses limitées. Il a également refusé de reconnaître que les humains peuvent absorber l'ensemble des vitamines et minéraux dont ils ont besoin pour vivre simplement en consommant des aliments ordinaires. Selon lui, il existe des situations dans la vie où une personne a besoin de plus, que ce soit au début d'une maladie, pour fortifier l'organisme ou pour compenser certaines intolérances, comme l'intolérance au lait. À son avis, les aliments ordinaires ne suffisent pas à fournir à l'ensemble de l'organisme une quantité spécifique de minéraux et de vitamines. Il a expliqué qu'il arrive parfois que le corps a besoin de plus que ce que lui procure une alimentation normale.

En réponse aux questions du Tribunal, M. Kutscher a expliqué que, pour lui, un tonique est une sorte de médicament utilisé pour prévenir ou fortifier tandis qu'un médicament renvoie à des comprimés concentrés ou à d'autres préparations destinés à traiter des maladies graves. Il a expliqué que, pour prévenir des maladies ou pour lutter contre des maladies légères, il faut un type spécial de médicament, notamment un « Tonika », qui est le terme allemand de « tonique ». L'expression « non médicinale » signifie que l'effet d'un produit n'est pas si puissant qu'il doive être vendu par ordonnance.

Le deuxième témoin de l'appelante, M. David D. Kitts, professeur agrégé au Département des sciences de l'alimentation de l'Université de Colombie-Britannique, a été reconnu par le Tribunal comme témoin expert dans la différenciation des aliments et boissons des autres substances. Il a expliqué dans son témoignage qu'il n'avait pas effectué de recherches sur les marchandises en cause mais que, après avoir lu les recommandations contenues sur les étiquettes au sujet de leurs utilisations prévues, il était d'avis que ces produits ne s'inscriraient pas dans la catégorie de ce qu'il considère être des boissons. À son avis, la fonction primordiale d'une boisson consiste à étancher la soif et peut-être d'agir comme stimulant. Par exemple, une boisson gazéifiée non alcoolisée, telle qu'un soda ou une eau, permet de remplacer les fluides perdus, tandis qu'une boisson alcoolisée, telle que le vin, ou une boisson non gazéifiée, non alcoolisée, comme le thé ou le café, peut agir à titre de stimulant. Toutefois, elles peuvent aussi étancher la soif dans une certaine mesure. Compte tenu des faibles doses quotidiennes recommandées, le Pr Kitts a affirmé qu'il ne considérerait pas les marchandises en cause comme des boissons.

Le Pr Kitts a expliqué qu'un aliment est un mélange complexe à la fois de macro-éléments et de micro-éléments, les macro-éléments étant, à titre d'exemple une source identifiable de protéines et de lipides, une série de glucides complexes et de glucides simples; les micro-éléments sont des sources de vitamines et de minéraux. Se référant de nouveau aux étiquettes des marchandises en cause, il a dit constater principalement la présence de micro-éléments. Selon le Pr Kitts, les herbes pourraient aussi fort bien renfermer des composants de macro-éléments; toutefois, ceux-ci ne sont pas identifiés. De plus, pour lui, un aliment est quelque chose qui est consommé en quantités beaucoup plus importantes ou qui fait appel à l'utilisation d'additifs pour prévenir l'altération microbienne ou la perte des éléments bioactifs des ingrédients. Il a précisé que la durée de deux ans indiquée sur les étiquettes des marchandises en cause est très longue. À son avis, un aliment ne pourrait résister à des problèmes de qualité pendant une si longue période sans l'aide d'additifs. Par conséquent, le Pr Kitts a témoigné que, à son avis, les marchandises en cause ne sont ni des aliments ni des compléments alimentaires.

En contre-interrogatoire, le Pr Kitts a reconnu que les deux définitions qui suivent pourraient décrire ce qui peut être considéré comme « beverage » (« boisson ») : 1) « Any liquid used or prepared for drinking is a beverage » [3] (« tout liquide utilisé ou préparé pour être bu est une boisson »); et 2) « any of various liquid refreshments, usually excluding water » [4] (« tout type de consommation liquide, excluant habituellement l'eau »). Il a reconnu qu'un liquide ne constituerait pas une boisson si, pour satisfaire à ses besoins en fluides, une personne devait éprouver des problèmes de toxicité. Selon le Pr Kitts, cette situation s'applique aux marchandises en cause. Il a signalé, à titre d'exemple, que la quantité de vitamine A contenue dans la dose quotidienne recommandée de 20 ml d'Epresat correspond à cinq fois la dose quotidienne minimum recommandée et à quatre fois la dose quotidienne maximum recommandée. Le Pr Kitts a expliqué que, si une personne tentait d'obtenir son apport quotidien de vitamines en buvant ce produit, elle ne survivrait probablement pas très longtemps. C'est la raison pour laquelle l'Epresat ne peut être appelé une boisson. Il a témoigné qu'il n'était pas certain si cela s'appliquait également à la vodka ou au scotch. Tout ce qu'il a pu dire au sujet de ces derniers est que, à son avis, il s'agit de boissons alcoolisées parce qu'ils fournissent un effet stimulant.

En réponse aux questions du Tribunal, le Pr Kitts a expliqué que les vitamines et les minéraux sont des composants alimentaires. Il a également expliqué que la plupart des personnes consomment des boissons principalement dans le but de conserver ou de restaurer leur équilibre hydrique. Cependant, certaines personnes boivent beaucoup de café également pour conserver un certain niveau de vivacité et de conscience. Certains produits, comme le Gatorade, peuvent également être consommés pour rétablir l'équilibre des nutriments. À son avis, « boire » signifie « avaler ».

Dans le cadre du réinterrogatoire, la définition suivante du terme « beverage » (« boisson ») a été soumise au Pr Kitts : « Beverages are consumed to replace body water, and for enjoyment » [5] (« Les boissons sont consommées pour rétablir l'équilibre hydrique de l'organisme et pour le plaisir »). le Pr Kitts a signalé que l'organisme d'une personne peut perdre de l'eau si celle-ci boit trop de vodka ou de scotch, mais qu'il existe un facteur de plaisir associé à la consommation de telles boissons. À son avis, cette définition ne s'appliquerait pas aux marchandises en cause. Il a conclu en disant que le seul fait qu'il s'agisse d'un liquide n'en fait pas une boisson.

Le témoin suivant de l'appelante, le Dr Zoltan P. Rona, médecin de famille, a été reconnu par le Tribunal comme un témoin expert dans le diagnostic, la prévention et le traitement des maladies et des affections de l'organisme humain. Il a affirmé qu'il utilise les marchandises en cause dans sa pratique médicale. Il a expliqué que de nombreuses personnes considéraient comme des maladies ou des affections les divers syndromes de déficience vitaminique. Il a fait état de maladies telles que le scorbut, le béribéri, la pellagre et le rachitisme, ainsi que d'autres maladies enzymatiques. Il a précisé que le traitement reconnu pour de telles maladies consiste à fournir au patient divers suppléments de vitamines ou de minéraux. Le Dr Rona a affirmé qu'il prescrit la Formule Floradix, le Floravit et le Kindervital à des patients concernés par la prévention et le traitement de diverses déficiences et qu'il a constaté l'efficacité de ces produits.

En contre-interrogatoire, le Dr Rona a expliqué que, biochimiquement, la structure des vitamines présentes dans les marchandises en cause serait identique à la structure de celles qui existent à l'état naturel dans des aliments ordinaires comme les oranges ou le foie. Il a expliqué qu'une personne qui est végétarienne, et qui souffrirait, par conséquent, d'une carence de vitamine B12, peut prévenir l'anémie en consommant les marchandises en cause. Il a reconnu qu'une personne atteinte d'une carence vitaminique particulière peut soit prendre des suppléments, comme les marchandises en cause, ou consommer beaucoup d'aliments qui renferment cette vitamine particulière.

En réponse aux questions du Tribunal, le Dr Rona a expliqué qu'il recommande à ses patients d'acheter les marchandises en cause dans un magasin d'aliments naturels ou dans une pharmacie. Il a précisé que, à l'instar de nombreux produits en vente libre comme les antihistaminiques, les décongestionnants, les pilules contre les céphalées et les anti-inflammatoires, une ordonnance n'est pas requise. Il a toutefois ajouté qu'il existe certains suppléments de fer en doses beaucoup plus élevées pour lesquels une ordonnance doit être obtenue. Il a signalé qu'il recommande les marchandises en cause à la fois pour utilisation thérapeutique et prophylactique. Il a expliqué qu'il préfère recommander les marchandises en cause comme suppléments de fer aux femmes enceintes parce qu'elles n'entraînent pas de surdose pour la mère ou le fœtus. Il a précisé qu'il ne recommanderait pas les marchandises en cause à un patient souffrant d'anémie grave. Selon le Dr Rona, un patient qui prend les marchandises en cause ne subit pratiquement aucun effet secondaire. Étant donné que des identifications numériques de la drogue sont attribuées aux marchandises en cause, a-t-il précisé, celles-ci constituent des drogues aux termes de la Loi sur les aliments et drogues [6] . Il a affirmé que, bien que certaines personnes considéreraient les marchandises en cause comme des compléments alimentaires, les médecins eux, les considèrent comme des produits qui corrigent des déficiences, c.-à-d. des compléments médicinaux.

Le quatrième et dernier témoin de l'appelante, Mme Ingrid Pincott, naturopathe autorisée, a été reconnue par le Tribunal comme un témoin expert dans le diagnostic, la prévention et le traitement des maladies et affections associées à une carence en vitamines ou en minéraux. Elle a expliqué que, depuis 12 ans, elle prescrit les marchandises en cause aux femmes enceintes pour le traitement et la prévention de l'anémie. Elle a témoigné qu'elle prescrit le Kindervital pour les enfants parce que ceux-ci en aiment le goût; par conséquent, ils acceptent de le prendre. De plus, elle juge les marchandises en cause efficaces sur le plan de la prévention ou du traitement de carences en vitamines et en minéraux. Elle a affirmé avoir obtenu de bons résultats.

En réponse aux questions du Tribunal, Mme Pincott a expliqué qu'elle considère les marchandises en cause comme des médicaments plutôt que des toniques. À son avis, des médicaments peuvent servir de toniques pour fortifier l'organisme ou de médicaments pour prévenir et traiter l'anémie.

M. Sam Kacew, toxicologue et professeur de pharmacologie à l'Université d'Ottawa a témoigné pour l'intimé. Le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert dans le domaine de la pharmacologie pour qu'il témoigne sur la question qui consiste à déterminer si les documents présentés par l'appelante établissent que les marchandises en cause constituent des médicaments dont des effets sont scientifiquement prouvés. Il a expliqué que, à son avis, seulement une des études déposées par l'appelante traite en réalité des marchandises en cause. Selon lui, l'étude ne fournit pas de données scientifiques examinées par des spécialistes de disciplines connexes. Il ne s'agissait pas d'une étude « à double insu » et les paramètres utilisés pour la population des patients n'étaient pas scientifiquement acceptables parce que l'étude ne visait que des personnes âgées de 18 à 70 ans. Il est reconnu, a-t-il dit, qu'il peut exister différents types d'anémie, selon l'âge du patient. De plus, l'étude n'est pas fiable parce qu'elle combine des patients de sexes masculin et féminin, ce qui n'est pas scientifiquement acceptable puisque les hommes et les femmes souffrent de différents types d'anémie. Il a conclu que, compte tenu de la façon dont les données ont été compilées, l'étude ne révèle pas si les marchandises en cause ont quelque effet que ce soit.

En contre-interrogatoire, le Pr Kacew a témoigné que le ministère de la Santé n'accepte pas la façon dont l'étude a été menée. À son avis, aucun élément de preuve de l'efficacité des marchandises en cause n'a été présenté en l'espèce. Il n'a pas été établi qu'un patient souffrant d'un trouble se trouvait dans un état différent après avoir pris les marchandises en cause. À son avis, de dire simplement que le produit est prescrit à des patients ne suffit pas. Des données doivent montrer la concentration de fer dans l'organisme avant et après avoir pris les marchandises en cause.

Le représentant de l'appelante a fait valoir que les éléments de preuve révèlent clairement que les marchandises en cause ne sont pas des boissons. Par conséquent, ils ne sont pas exclus du Chapitre 30 en vertu de la Note 1 a) du Chapitre 30 de l'annexe I du Tarif des douanes qui précise que « [l]e présent Chapitre ne comprend pas : les [...] compléments alimentaires, boissons toniques et eaux minérales ». De telles marchandises doivent être classées dans la Section IV de l'annexe I. À l'appui de l'argument selon lequel les marchandises en cause ne sont pas des boissons, le représentant a renvoyé aux éléments de preuve qui ont montré qu'elles doivent être ingérées en doses très limitées et qu'elles ne sont pas destinées ou aptes à compenser la perte des fluides de l'organisme. Il a soutenu que le fait que les marchandises en cause soient présentées sous forme liquide est accessoire à leur utilisation. De plus, il a soutenu que les éléments de preuve révèlent clairement que les marchandises en cause ne sont pas des aliments. Il a renvoyé aux éléments de preuve qui ont montré que le Règlement sur les aliments et drogues [7] les définit comme étant des drogues.

Le représentant de l'appelante a fait valoir que les éléments de preuve ont montré que les marchandises en cause sont des médicaments. Plus particulièrement, les éléments de preuve ont révélé qu'une carence de certaines vitamines et de fer dans l'organisme humain peut entraîner certaines maladies ou affections et que le traitement ou la prévention approprié pour ces maladies ou affections consiste à suppléer à l'ingestion de vitamines et de fer. Il a renvoyé au témoignage du Dr Rona et de Mme Pincott, qui ont utilisé les marchandises en cause pour traiter leurs patients. Parce que les marchandises en cause sont des médicaments, le représentant a signalé qu'ils sont exclus du Chapitre 22 en vertu de la Note 1 e) de ce chapitre. Au soutien de la position de l'appelante, le représentant a cité le Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] , dans lequel une préparation semblable, décrite comme étant une préparation renfermant du fer, des vitamines, de l'alcool et un parfum de framboises, destinée au traitement et à la prévention de diverses formes d'anémie, a été jugée correctement classée à titre de médicament dans la sous-position no 3004.50, plutôt qu'à titre de boisson dans la position no 22.02 ou de supplément alimentaire dans la position no 21.06.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les éléments de preuve ont clairement révélé que les marchandises en cause sont des boissons toniques. Par conséquent, compte tenu de la Note 1 a) du Chapitre 30 et de la décision du Tribunal dans l'affaire Hung Gay Enterprises Ltd. c. L e sous-ministre du Revenu national [9] , elles ne peuvent être classées à titre de médicaments dans le Chapitre 30 et, de fait, doivent être classées dans la position no 22.02 à titre de boissons non alcoolisées. L'avocat a fait état, plus particulièrement, des éléments de preuve qui ont montré que les marchandises en cause sont des toniques de vitamines et de fer vendus sous forme de boisson. Il s'agit de préparations liquides renfermant des vitamines, du fer et des ingrédients d'origine végétale et qui sont destinées à être ingérées de façon orale en les buvant et non en les mangeant. De plus, l'avocat a noté que les marchandises en cause ne renferment pas d'alcool. Il a également fait remarquer que les emballages dans lesquels les marchandises en cause sont vendues indiquent qu'elles doivent être prises oralement et qu'elles aident à préserver la vitalité et la bonne santé générale en fournissant à l'organisme les quantités nécessaires de vitamines et de fer. Les emballages décrivent également les marchandises en cause comme des toniques ou des compléments alimentaires. L'avocat a fait état des éléments de preuve qui ont montré que les vitamines et le fer nécessaires à la bonne santé peuvent également être obtenus par la consommation d'aliments ordinaires.

Selon l'avocat de l'intimé, il n'existe aucun doute que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 22.02 parce qu'il s'agit de boissons non alcoolisées. L'avocat a soutenu plus particulièrement que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2202.90.90 parce qu'elles ne sont pas mentionnées ailleurs dans la position no 22.02. L'avocat a soutenu que, même si le Tribunal devait conclure que les marchandises en cause ont un certain effet médicinal, elles seraient tout de même exclues du Chapitre 30 en vertu de la Note 1 a) qui prescrit que les boissons toniques ne sont pas visées par ce chapitre. Se reportant aux Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [10] (les Notes explicatives), l'avocat a fait valoir que les marchandises en cause ne sont pas des médicaments. Il s'agit plutôt de boissons toniques contenant certaines substances nutritives, notamment des vitamines et des minéraux, qui sont destinées à maintenir la santé ou le bien-être général et rien indique qu'elles servent à la prévention ou au traitement de quelque maladie ou affection que ce soit. L'avocat a fait valoir que, parce que les marchandises en cause sont présentées sous une forme liquide, elles doivent être classées dans la position no 22.02 plutôt que dans la position no 21.06.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les Notes explicatives de la position no 22.08 qui précisent que cette position inclut « [l]es boissons spiritueuses, parfois désignées sous le nom de compléments alimentaires, destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Elles peuvent, par exemple, être à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de lécithine, de produits chimiques, etc. et être additionnées de vitamines ou de composés de fer » décrivent clairement les marchandises en cause, sauf qu'elles ne renferment pas d'alcool. De l'avis de l'avocat, les Notes explicatives de la position no 22.08 montrent que les marchandises en cause doivent être classées dans le Chapitre 22.

La Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [11] est d'une importance cruciale dans le classement des marchandises à l'annexe I du Tarif des douanes. Cette règle stipule que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Chapitres. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont dénommées ou désignées de façon générique dans une position particulière. Le cas échéant, elles doivent y être classées sous réserve de toute Note de Chapitre pertinente. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, lorsqu'il interprète les positions et sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives.

De l'avis du Tribunal, les éléments de preuve révèlent clairement que les marchandises en cause sont des boissons toniques. À ce titre, elles ne peuvent être classées dans le Chapitre 30 en vertu de la Note 1 a) qui précise que « [l]e présent Chapitre ne comprend pas : les […] compléments alimentaires, boissons toniques et eaux minérales ». De fait, le fabricant décrit chacune des marchandises en cause, que ce soit sur l'emballage ou sur la bouteille, comme étant un tonique. Certains des témoins à l'audience en ont également fait état à titre de toniques.

Les Notes explicatives de la position no 30.04 prévoient que « [l]es diverses dispositions énoncées dans le libellé de la position ne s'appliquent ni aux aliments ni aux boissons (tels que [...] boissons toniques [...]) lesquels suivent leur régime propre. Tel est essentiellement le cas des préparations alimentaires ne contenant que des substances nutritives. Les éléments nutritifs les plus importants contenus dans les aliments sont les protéines, les hydrates de carbone et les graisses. Les vitamines et les sels minéraux jouent également un rôle dans l'alimentation. [...] En outre, la présente position ne couvre pas les compléments alimentaires contenant des vitamines ou des sels minéraux qui sont destinés à conserver l'organisme en bonne santé, mais qui n'ont pas d'indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie. Ces produits, qui sont présentés d'ordinaire sous une forme liquide, mais peuvent également être présentés sous forme de poudres ou de comprimés, relèvent généralement du n o 21.06 ou du Chapitre 22 ». Le Tribunal est d'avis que les Notes explicatives de la position no 30.04 décrivent les marchandises en cause.

Le Tribunal signale que le fabricant décrit les marchandises en cause sur la boîte d'emballage de la façon suivante : 1) Formule Floradix : « Un supplément alimentaire de source naturelle à base de fer organique, de levure, de plantes, de fruits et de miel - Aide à prévenir la carence en fer »; 2) Floravit : « sans levure - Supplément de fer et de vitamines dans une base de plantes non médicinales - Aide à prévenir la carence en fer »; 3) Kindervital : « particulièrement salutaire en hiver, à des endroits à l'abri du soleil et pour des enfants dont l'approvisionnement en vitamines, et notamment en vitamine D, est insuffisant »; 4) Epresat : « Préparation diététique contenant un mélange équilibré d'extraits d'herbes et de vitamines pour maintenir vitalité et santé ». De l'avis du Tribunal, les éléments de preuve révèlent clairement que les marchandises en cause ne sont pas des médicaments qui relèvent de la position no 30.04, mais plutôt de compléments alimentaires du Chapitre 21 ou du Chapitre 22. Parce que les marchandises en cause sont toutes présentées sous une forme liquide, elles sont correctement classées dans le Chapitre 22. Le Tribunal n'accepte pas qu'une carence en fer constitue une maladie ou une affection. Elle peut entraîner une maladie ou une affection; toutefois, ce n'est pas ce que prévoit le Chapitre 30. Selon le Tribunal, la principale raison qui justifie la consommation des marchandises en cause est le maintien de la santé ou du bien-être général.

Le Tribunal est d'accord avec l'avocat de l'intimé qu'il convient de donner au terme « beverage» (« boisson ») son sens clair et courant. Le Tribunal signale que The New Lexicon Webster's Dictionary of the English Language [12] le définit simplement comme « a drink [13] » (« une boisson »). Le mot « drink» (« boisson ») est défini comme « a liquid to be swallowed » [14] (« un liquide qui s'avale »). Selon le Tribunal, les marchandises en cause sont manifestement des liquides destinés à être avalés. Par conséquent, le Tribunal reconnaît que les marchandises en cause doivent être considérées comme des « boissons ». Le fait que les marchandises en cause ne contiennent pas d'alcool n'a pas été contesté.

Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2202.90.90 à titre d'autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes de la position no 20.09.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Mémoire de l'appelante, annexe 2.

4. Ibid.

5. Ibid.

6. L.R.C. (1985), ch. F-27.

7. C.R.C. 1978, ch. 870.

8. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

9. Appel no AP-96-044, le 5 juin 1997.

10. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

11. Supra note 2, annexe I.

12. New York, Lexicon Publications, 1988.

13. Ibid. à la p. 94.

14. Ibid. à la p. 285.


Publication initiale : le 29 octobre 1998