ATLAS ALLOYS

Décisions


ATLAS ALLOYS
Appel n
o AP-97-073

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 23 avril 1998

Appel n o AP - 97 - 073

EU ÉGARD À une question préliminaire de compétence relative à un appel déposé au nom de la société Atlas Alloys, une division de Rio Algom Limitée, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À trois décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 2 mai 1997 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 77 de la Loi sur les douanes.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par la présente qu'il n'a pas compétence pour entendre des appels de décisions, rendues aux termes de l'article 77 de la Loi sur les douanes, rejetant des demandes de remboursement. Par conséquent, l'appel est rejeté.


Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté à l'égard de trois décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national, qui ont eu pour effet de rejeter une demande de remboursement aux termes de l'article 77 de Loi sur les douanes [1] (la Loi). L'appel a été déposé auprès du Tribunal sous réserve de la détermination de la compétence du Tribunal à entendre l'affaire [2] .

Les marchandises en cause sont des tuyaux et des tubes en acier inoxydable. Trois demandes de remboursement ont été déposées, aux termes de l'alinéa 77(1)a) de la Loi, invoquant les dispositions statutaires prévoyant des concessions du code 1573 de l'annexe II du Tarif des douanes [3] (version 1997). Le code prévoit un allégement tarifaire, notamment, pour le matériel devant servir à la fabrication des marchandises du Chapitre 73, qui englobe les marchandises visées dans le présent appel.

Le paragraphe 77(1) se lit, en partie, comme suit :

77.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le ministre peut accorder à une personne un remboursement de droits qu'elle a payés sur des marchandises importées qui n'ont encore reçu au Canada aucune utilisation autre que leur incorporation à d'autres marchandises, dans les cas où celles-ci ou celles-là sont :

a) soit vendues ou cédées à une personne qui aurait eu droit à leur dédouanement en franchise ou à un taux réduit.

Le montant du remboursement est égal à la différence entre les droits payés sur les marchandises et les droits éventuels dont elles auraient été passibles si leur dédouanement s'était effectué au profit de l'acheteur ou du cessionnaire, ou en vue de l'usage auquel elles ont été affectées. (Soulignement ajouté)

Les demandes de remboursement ont été rejetées par les représentants du ministère du Revenu national (Revenu Canada). L'appelant a subséquemment déposé des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi. La réponse de Revenu Canada a été la suivante dans chaque cas : « Demande annulée. Vous ne pouvez soumettre de K14D pour l'autorisation 77. Ces demandes sont présentées après le délai prévu pour l'article 77 [4] » [traduction]. Les « K14D » sont des codes informatiques pour un réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi.

La position de l'appelant était que le refus d'accorder un remboursement aux termes de l'article 77 de la Loi peut faire l'objet d'un appel auprès du Tribunal parce qu'« une révision aux termes de l'article 77 de la Loi sur les douanes équivaut à une révision ou à un réexamen aux termes de l'article 60 ou 61 de la Loi sur les douanes [5] » (Soulignement ajouté) [traduction]. L'appelant a fait observer que la définition de « classement tarifaire », aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi, indique :

« classement tarifaire » Le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire dans l'annexe I du Tarif des douanes et, le cas échéant, dans un code des annexes II ou VII de cette loi ou dans un décret d'application des articles 62 ou 68 de cette loi. (Soulignement ajouté)

L'appelant a soutenu que, puisque le Tribunal entend les appels portant sur le classement tarifaire (qui, incidemment, peuvent inclure l'examen de codes tarifaires), il s'ensuit logiquement que le Tribunal doit avoir compétence pour entendre la présente affaire, son objet étant aussi une question de « classement tarifaire ».

L'appelant a fait valoir que même la propre documentation de Revenu Canada reconnaît que les demandes aux termes de l'article 77 de la Loi « influent évidemment sur la manière dont les marchandises sont classées dans le Tarif des douanes [6] ». L'appelant a ajouté cependant que Revenu Canada, un peu plus loin dans ce mémorandum, interprète erronément les dispositions de l'article 77 en déclarant que les décisions rendues aux termes de l'article 77 « ne sont aucunement liées aux dispositions des articles 60 ou 63 de la Loi sur les douanes en matière de révision ou de réexamen du classement tarifaire. Ces autorisations ne peuvent être employées indifféremment pour le traitement des demandes de remboursement par les Douanes [7] ».

L'appelant a ajouté : « [l]es décisions portant sur des questions de classement tarifaire sont des réexamens ou elles ne le sont pas. Le Ministère ne peut écarter les dispositions de la Loi sur les douanes et mettre de côté les directives administratives qui régissent l'article 77 de la [Loi] [8] » [traduction]. L'appelant a affirmé que « la loi et les directives s'appliquent à TOUTE décision portant sur le classement tarifaire [9] » [traduction]. De plus, « puisqu'Atlas a importé les marchandises aux termes de certains numéros tarifaires et a subséquemment tenté d'appliquer le code 1573, elle a sollicité, au sens de la définition mentionnée [paragraphe 2(1) de la Loi] un nouveau classement tarifaire des tuyaux et tubes en acier inoxydable [10] » [traduction]. Le droit d'interjeter appel auprès du Tribunal existe donc.

L'appelant a soutenu que Revenu Canada a dû réexaminer le bien-fondé de la demande présentée aux termes de l'article 77 de la Loi pour conclure que les dispositions du code 1573 ne s'appliquaient pas. Il s'agit là, selon l'appelant, d'une décision déguisée concernant le bien-fondé de la demande et, de ce fait, il peut en être interjeté appel auprès du Tribunal. À l'appui de son argument, l'appelant a invoqué la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Mueller Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national et le sous-ministre du Revenu national [11] . Dans cette affaire, la demande de réexamen avait été déposée dans le but de bénéficier d'un changement législatif rétroactif. L'intimé a refusé de même étudier la demande. La Cour fédérale a conclu que la réponse de l'intimé, qualifiée comme « ne constituant pas une décision », était, de fait, une décision déguisée sur le bien-fondé.

Enfin, l'appelant a fait valoir que le Tribunal, dans une décision précédente, a conclu que le droit d'en appeler auprès du Tribunal existait dans une affaire liée à la Loi sur la taxe d'accise [12] , où Revenu Canada avait soutenu qu'un tel droit n'existait pas [13] . Dans l'affaire susmentionnée, le Tribunal a déclaré : « [i]ndépendamment des questions de droit, le Tribunal estime que c'est une saine politique que le contribuable ait le droit d'en appeler auprès du Tribunal d'un réexamen d'une détermination [14] ». Il en va de même dans la présente affaire, puisque l'absence de toute forme de recours est tout simplement injuste et laisse un pouvoir discrétionnaire trop grand aux représentants de Revenu Canada.

La position de l'intimé se résumait de façon succincte. Le Tribunal, en tant que créature de la loi, ne peut statuer que sur les questions autorisées par celle-ci. La compétence du Tribunal pour entendre et trancher des questions aux termes de la Loi est énoncée à l'article 67, qui autorise uniquement le Tribunal à entendre des appels de décisions rendues par l'intimé conformément à l'article 63 ou 64 :

67.(1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du sous-ministre rendue conformément à l'article 63 ou 64 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du sous-ministre et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

Dans ses observations, l'intimé a défini son autorité et, par conséquent, la compétence du Tribunal, comme suit :

Le sous-ministre doit rend une décision aux termes de l'article 63 lorsqu'une personne demande un réexamen d'une décision anticipée prise en vertu de l'article 43.1, d'une décision sur la conformité des marques prise en vertu de l'article 57.01, ou d'une décision prise en vertu de l'article 60 ou 61, ou, si le ministre l'estime souhaitable, un réexamen d'une décision sur le classement ou l'appréciation prévu à l'article 58. L'article 63 n'autorise pas une personne à demander le réexamen d'une décision rendue en vertu de l'article 77.

Le sous-ministre peut rendre une décision en vertu de l'article 64, si le ministre le juge souhaitable, à l'égard d'une décision ou d'une appréciation rendue aux termes de l'article 58, si le Procureur général du Canada recommande un réexamen ou une seconde appréciation en vertu du paragraphe 63(3), si la personne qui a déclaré en détail les marchandises en cause, en application du paragraphe 32(1), (3) ou (5), ou le destinataire de l'avis de la décision sur la conformité des marques donné en application de l'article 57 ne se sont pas conformés à la Loi ou à ses règlements, si la personne qui a déclaré en détail les marchandises en cause, en application du paragraphe 32(1), (3) ou (5), a présenté une demande aux termes de l'article 76 du Tarif des douanes et au cas où le nouveau classement ou la nouvelle appréciation résultant du réexamen donnerait effet à une décision du [présent] Tribunal ou de la Cour. Le sous-ministre ne peut rendre de décision aux termes de l'article 64 au sujet d'une décision rendue aux termes de l'article 77 de la Loi [15] .

[Traduction]

Après avoir examiné toutes les observations, le Tribunal est d'avis qu'il n'a pas compétence pour entendre des appels à l'égard de décisions, rendues aux termes de l'article 77 de la Loi, rejetant les demandes de remboursement. La compétence du Tribunal est limitée au pouvoir que lui accorde la loi qui l'habilite. Dans les questions qui relèvent de la Loi, la compétence du Tribunal se limite aux appels de décisions de l'intimé rendues conformément aux articles 63 et 64 de la Loi. Ni l'une ni l'autre des dispositions susmentionnées n'autorisent l'intimé ou le Tribunal à réexaminer une demande de remboursement présentée aux termes de l'article 77.

L'article 77 de la Loi est distinct et accorde au ministre du Revenu national (le Ministre) le pouvoir d'accorder un remboursement lorsque certaines conditions sont satisfaites. L'examen, par le Ministre, de l'applicabilité de l'article 77 ne constitue pas, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, un réexamen ou une nouvelle appréciation. Les autres dispositions de la Partie IV de la Loi, (dans laquelle se trouve l'article 77) prévoient les abattements, remboursements, drawbacks et remises. Certaines de ces dispositions [16] font spécifiquement mention des recours disponibles au contribuable dont la demande de remboursement est rejetée. Dans au moins quelques-unes des dispositions de la Partie IV de la Loi, par conséquent, il semble que le Parlement ait délibérément porté attention à la question du recours possible en cas de décision défavorable. Malheureusement pour l'appelant, aucune disposition de ce genre n'est inclue à l'article 77. Il se peut que les parties, comme l'appelant dans le cas présent, disposent d'une autre tribune où adresser un recours, mais ce n'est pas auprès du Tribunal.

Le fait que des appels puissent être présentés au Tribunal aux termes de l'article 63 ou 64 de la Loi à l'égard de questions concernant un code tarifaire n'est d'aucun secours pour l'appelant. Il s'agit là d'appels qui sont interjetés lorsqu'un importateur n'est pas d'accord sur une décision de Revenu Canada concernant le classement de marchandises ou l'applicabilité d'un code tarifaire. Bien qu'une des décisions du Tribunal concernant le classement puisse avoir pour effet l'octroi d'un remboursement, il n'est pas du ressort du Tribunal de statuer sur les demandes de remboursement. Le Tribunal décide simplement de la question de savoir si la décision de l'intimé concernant le classement est correcte.

Il existe une différence fondamentale entre les objectifs visés dans l'article 77 de la Loi et ceux que visent les articles de la Loi qui traitent du classement tarifaire. Les articles 58 à 68 établissent les procédures concernant les décisions, les réexamens et les appels portant sur des questions de classement tarifaire. L'objet de l'article 77 est de donner un remboursement, lorsque le Ministre le juge souhaitable, dans les cas où les marchandises importées ont été vendues, ou cédées, à une personne qui aurait eu droit à leur dédouanement en franchise ou à un taux réduit ou dans les cas où ces marchandises ont été affectées à un usage qui aurait ouvert le droit à leur dédouanement en franchise ou à un taux réduit. Dans l'affaire dont le Tribunal est saisi, l'applicabilité du code tarifaire n'est pas objet de litige. Le litige porte sur la question de savoir si l'appelant a le droit d'obtenir un remboursement du Ministre. Bien que les deux procédures concernent inévitablement le code tarifaire, leur nature est manifestement différente.

Les arguments de l'appelant invoquant le libellé du Mémorandum D11-8-2 à l'appui de sa position ne sont pas convaincants. En premier lieu, il s'agit d'un document administratif qui n'a pas préséance sur les dispositions législatives; il n'est simplement qu'un soutien administratif qui « décrit et explique les situations où un remboursement peut être demandé en vertu de l'article 77 de la Loi sur les douanes [17] ». En deuxième lieu, ce document indique clairement que les demandes présentées aux termes de l'article 77 « ne sont aucunement liées aux dispositions des articles 60 ou 63 de la Loi sur les douanes [18] ». Il est donc impossible de considérer ce document comme appuyant de quelque façon l'opinion de l'appelant, selon laquelle une demande de remboursement en application de l'article 77 devrait être traitée de la même façon aux fins d'un appel.

Le présent appel se distingue de l'affaire Mueller. Dans cette affaire, la Cour fédérale a conclu que Revenu Canada avait dû réexaminer le bien-fondé de la demande pour tirer sa conclusion. Par conséquent, le réexamen en question équivalait à une décision au fond, qui, en conformité avec l'esprit de la Loi, aurait fondé le droit d'en interjeter appel auprès du Tribunal. L'affaire Mueller et le présent appel ne sont en aucune manière semblable.

L'affaire Erin Michaels n'aide pas non plus la cause de l'appelant. À la suite d'une audience devant le Tribunal [19] , concernant l'admissibilité à un remboursement de la taxe de vente fédérale, le Tribunal a renvoyé l'affaire à Revenu Canada pour que ce dernier calcule le montant dû à l'appelant. L'appelant n'a pas accepté le calcul subséquent de Revenu Canada et a de nouveau interjeté appel auprès du Tribunal. Revenu Canada a soutenu que le Tribunal n'avait pas compétence pour réentendre l'affaire. Cependant, étant donné les faits particuliers de l'affaire, le Tribunal a été d'avis que le droit d'interjeter appel existait bel et bien. Il en allait comme si le deuxième appel était, de fait, un prolongement du premier. L'affaire Erin Michaels est un cas particulier, selon les faits de l'affaire et les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, et diffère, elle aussi, du présent appel.

En conclusion, le Tribunal n'a pas compétence pour entendre des appels à l'égard de décisions, rendues aux termes de l'article 77 de la Loi, rejetant des demandes de remboursement.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Lettre du Tribunal à l’appelant, datée du 18 septembre 1997.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Relevés détaillés de rajustement, datés du 2 mai 1997.

5. Lettre au Tribunal, datée du 15 août 1997.

6. Mémorandum D11-8-2, « Réaffectations - Article 77 de la Loi sur les douanes », ministère du Revenu national, Accise, Douanes et Impôt, le 18 février 1994 à la p. 4.

7. Ibid. aux pp. 4 et 5.

8. Lettre au Tribunal, datée du 15 août 1997.

9. Ibid.

10. Lettre au Tribunal, datée du 28 octobre 1997.

11. Non publiée, no du greffe T-746-93, le 15 novembre 1993.

12. L.R.C. (1985), ch. E-15.

13. Erin Michaels Mfg. Inc. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP-94-330, le 10 janvier 1997 à la p. 2.

14. Ibid. à la p. 3.

15. Lettre au Tribunal, datée du 6 octobre 1997.

16. Voir, par exemple, les paragraphes 74(4) et (4.1) de la Loi.

17. Supra note 6 à la p. 1.

18. Ibid. aux pp. 4 et 5.

19. Erin Michaels Mfg. Inc. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP-89-233, le 10 mars 1992.


Publication initiale : le 24 avril 1998