P & S FILTRATION INC.

Décisions


P & S FILTRATION INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-056

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 29 juillet 1998

Appel n o AP-97-056

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 janvier 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 6 mai et 19 juillet 1997 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

P & S FILTRATION INC. Appelant

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national. Les marchandises en cause sont des courroies de filtration en matières textiles, fabriquées au moyen d'un processus de jonction de monofilaments. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 5911.90.90 à titre d'autres produits et articles textiles pour usages techniques, visés à la Note 7 du Chapitre 59, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8421.99.30 à titre de parties d'appareils pour la filtration des liquides ou, à titre de solution de rechange, dans le numéro tarifaire 5910.00.10 à titre de courroies transporteuses en matières textiles, coupées à la longueur désirée, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 59.10 à titre de « courroies transporteuses » et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 5910.00.10 à titre de courroies transporteuses coupées à la longueur désirée. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal note tout d'abord que les marchandises en cause constituent des courroies transporteuses (« belts ») et non des ensembles de courroies (« belting »). À l'appui de cette conclusion, le Tribunal se reporte à la documentation sur le produit, aux nombreuses pièces au dossier et à la déclaration du témoin. De plus, les marchandises en cause satisfont à la définition du dictionnaire du terme « belts » (« courroies ») citée par le représentant de l'appelant ainsi qu'à la description du même terme figurant dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 59.10.

Quant à la décision du Tribunal selon laquelle les marchandises en cause sont des « courroies transporteuses » pouvant être classées dans la position no 59.10, le Tribunal signale qu'une « courroie transporteuse » est définie comme étant « une bande sans fin (de toile, de caoutchouc, de métal) en mouvement, sur laquelle les articles, colis ou matériaux peuvent être déposés pour être déplacés et qui fonctionne sur des poulies terminales ou des rouleaux en conjonction avec des appareils de réception et de livraison » [traduction]. La preuve matérielle présentée par le témoin ainsi que la déclaration de ce dernier établissent que les marchandises en cause satisfont à cette description. Les marchandises en cause transportent généralement de la boue ou du coulis entre des rouleaux afin d'en filtrer les matières solides et en extraire le liquide. Bien que la filtration puisse constituer le but principal des marchandises en cause, le Tribunal n'est pas convaincu qu'elles ne satisfont pas à la définition susmentionnée. Étant donné que la Note 7 du Chapitre 59 exclut spécifiquement de la position no 59.11 les marchandises pouvant être classées dans la position no 59.10, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent, prima facie, être classées dans la position no59.11. Le Tribunal remarque également que la Note 1 e) de la Section XVI exclut spécifiquement de cette section, qui comprend la position no 84.21, « les courroies transporteuses ou de transmission en matières textiles (no 59.10) ». Par conséquent, le Tribunal conclut également que les marchandises en cause ne peuvent, prima facie, être classées dans la Section XVI et, plus précisément, dans la position no 84.21.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 5 janvier 1998 Date de la décision : Le 29 juillet 1998
Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Michael Wagen, pour l'appelant Edward (Ted) Livingstone, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national. Les marchandises en cause sont des courroies de filtration en matières textiles, fabriquées au moyen d'un processus de jonction de monofilaments. À cause de ce processus, une fois les marchandises en cause installées sur une machine, elles deviennent en réalité sans fin. Les marchandises en cause sont vendues sous la marque de commerce « Filterlink ».

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 5911.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres produits et articles textiles pour usages techniques, visés à la Note 7 du Chapitre 59, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8421.99.30 à titre de parties d'appareils pour la filtration des liquides ou, à titre de solution de rechange, dans le numéro tarifaire 5910.00.10 à titre de courroies transporteuses en matières textiles, coupées à la longueur désirée, comme l'a soutenu l'appelant.

La nomenclature pertinente est la suivante :

5910.00 Courroies transporteuses ou de transmission en matières textiles, même renforcées de métal ou d'autres matières.

5910.00.10 ---Courroies transporteuses coupées à la longueur désirée

59.11 Produits et articles textiles pour usages techniques, visés à la note 7 du présent Chapitre.

5911.90 -Autres

5911.90.90 ---Autres

84.21 Centrifugeuses, y compris les essoreuses centrifuges; appareils pour la filtration ou l'épuration des liquides ou des gaz.

-Parties :

8421.99 --Autres

8421.99.30 ---Des marchandises des nos tarifaires 8421.21.00, 8421.22.00, 8421.29.90, 8421.31.10, 8421.39.20 ou 8421.39.90

M. Arthur Nussbaum, directeur commercial de la société Scapa Filtration [3] , a témoigné pour l'appelant. En ce qui a trait à la documentation du fabricant, M. Nussbaum a déclaré que le produit Filterlink est une version améliorée, et plus dispendieuse, du tissu habituellement utilisé pour les courroies. Les extrémités des courroies tissées sont liées au moyen d'une jonction « éclair », tandis que les marchandises en cause sont installées sur une machine en remmaillant ensemble les extrémités de la courroie, de la même façon qu'une fermeture à glissière, et une broche est insérée à travers les mailles pour assurer la stabilité du joint. Ce processus rend les marchandises en cause effectivement sans couture et à l'épreuve des déchirures.

S'appuyant sur divers documents de l'industrie [4] , M. Nussbaum a indiqué que l'industrie donne généralement aux marchandises en cause l'appellation de « courroies », « courroies de machine », « courroies Filterlink » ou « courroies de déshydratation ». M. Nussbaum a réfuté la suggestion selon laquelle les marchandises en cause sont des tissus filtrants. Selon lui, les tissus filtrants sont beaucoup moins dispendieux que les marchandises en cause. De plus, ils ne sont pas conçus de façon à se déplacer une fois installés sur la machine, contrairement aux marchandises visées. M. Nussbaum a expliqué que les marchandises en cause sont principalement conçues pour être utilisées avec des presses à courroies filtrantes pour le traitement industriel des égouts municipaux. Même si les presses à courroies peuvent servir à fabriquer du papier, M. Nussbaum a insisté sur le fait que les marchandises en cause ne sont pas vendues spécifiquement pour la fabrication du papier.

Au moyen d'un modèle, M. Nussbaum a montré de quelle façon les marchandises en cause sont installées et comment elles fonctionnent par la suite. Essentiellement, la boue ou les déchets sont déposés sur la courroie pour être ensuite acheminés entre des rouleaux pour éliminer l'eau. Les matières solides sont ensuite transvidées dans un autre appareil. La largeur des courroies peut varier de 3,28 pi à 10,50 pi et leur longueur, de 10 pi à 15 pi, selon les dimensions de l'appareil. Dans le cas d'une presse à courroies, au moins deux courroies sont utilisées pour presser la boue.

Selon M. Nussbaum, les marchandises en cause utilisent la technique du « gâteau de filtration » (ou de filtration par sédimentation). Dans le cas de cette technique, les perforations du tissu sont plus grandes que les particules à capter. Au cours du processus de filtration, les matières solides contenues dans la boue s'accumulent sur le dessus du filtre pour former un « gâteau ». Le gâteau retient les particules plus fines des matières solides.

M. Nussbaum a souligné qu'il n'existe pas de rouleaux de tissu tout préparés desquels les courroies sont coupées. Même si l'acheteur détermine la dimension des perforations de la courroie, les dimensions de la courroie même sont déterminées en fonction de l'appareil. Au moment de l'importation, le client installe habituellement la courroie sur l'appareil, insère la broche et colle les extrémités au moyen de colle époxy.

En contre-interrogatoire, M. Nussbaum a expliqué que la différence entre les courroies transporteuses standard et les marchandises en cause réside dans le fait que les perforations de ces dernières permettent le drainage, contrairement aux courroies transporteuses standard.

Le représentant de l'appelant a fait valoir que les marchandises en cause, au moment de l'importation, sont correctement classées à titre de parties d'appareils pour la filtration dans le numéro tarifaire 8421.99.30. Toutefois, pour établir le bien-fondé de l'assertion de l'appelant, le représentant a expliqué que, compte tenu du libellé de la nomenclature tarifaire, il doit nécessairement s'attacher à déterminer si les marchandises en cause peuvent être considérées comme étant des courroies transporteuses ou des courroies relevant de la position no 59.10. Cela résulte essentiellement du fait que la Note 1 e) de la Section XVI du Tarif des douanes,qui s'applique au Chapitre 84, exclut les marchandises suivantes de cette section :

[L]es courroies transporteuses ou de transmission en matières textiles (no 59.10), ainsi que les articles pour usages techniques en matières textiles (no 59.11).

Le représentant de l'appelant a fait valoir que cette exclusion ne comprend pas les ensembles de courroies qui relèvent de la position no 59.10. Par conséquent, si les marchandises en cause sont considérées comme étant des ensembles de courroies, elles peuvent être classées dans la position no 84.21. En ce qui a trait à la diversité des définitions des expressions « belt » (« courroies ») et « belting » (« ensemble de courroies »), le représentant semble laisser entendre que l'une ou l'autre expression serait applicable aux marchandises en cause. Par conséquent, à titre d'ensembles de courroies, les marchandises en cause ne sont pas exclues de la position no 84.21.

Le représentant de l'appelant a rejeté la suggestion de l'avocat de l'intimé selon laquelle les marchandises en cause constituent des tissus filtrants et non des courroies ou des ensembles de courroies filtrantes. Pour soutenir ce point de vue, le représentant a renvoyé le Tribunal au témoignage de M. Nussbaum et aux pièces au dossier où les marchandises en cause ont été décrites comme étant des « courroies ». À partir des diverses décisions des douanes, il a également établi certaines comparaisons entre les marchandises en cause et les tissus filtrants moins dispendieux.

Poursuivant sa plaidoirie selon laquelle les marchandises en cause sont des « courroies » et non des marchandises relevant de la position no 59.11, le représentant de l'appelant a cité une définition du terme, donnée dans le Webster's Third New International Dictionary of the English Language [5] . Cette définition se lit, en partie, comme suit : « a continuous band of tough flexible material (as leather, rubber, fabric, wire) for transmitting motion and power from one pulley to another or for conveying materials »( B® une bande continue en matière souple et résistante (comme le cuir, le caoutchouc, le tissu, la broche) destinée à transmettre le mouvement et la force d'une poulie à une autre ou pour transporter des matériaux »). En se fondant sur la définition de « spiral fabric [6] » (« tissu à boucles »), le représentant a de plus fait valoir que les marchandises en cause ont subi des transformations supplémentaires qui leur donnent les caractéristiques essentielles des ensembles de courroies.

En réponse au classement par l'intimé des marchandises en cause dans la position no 59.11, le représentant de l'appelant a fait valoir que la Note 7 a) du Chapitre 59 exclut de la position no 59.11 les marchandises « ayant le caractère de produits des nos 59.08 à 59.10 ». Le représentant a soutenu que cette phrase s'applique aux marchandises en cause. Selon le représentant, cette note signifie que toute courroie ou tout ensemble de courroies qui conserve parmi ses caractéristiques la capacité de transmettre la force ou de transporter des matériaux est également exclu de la position no 59.11. Selon le représentant, la Note 7 a), prise avec la Note 7 b) [7] du Chapitre 59 et les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] (les Notes explicatives) de la position no 59.11, élimine tout doute quant au fait que les articles textiles à usages techniques, qui pourraient autrement être classés dans la Section XI à titre d'étoffes tissées ou tricotées, ne seraient pas classés dans cette section, mais plutôt dans le Chapitre 59. Plus important encore, les exclusions comprises dans les Notes explicatives de la position no 59.11 visent également des produits qui présentent les caractéristiques de ceux qui peuvent être classés dans les positions nos 59.08 à 59.10.

Le représentant de l'appelant a également renvoyé le Tribunal à la Note 2 de la partie B des Notes explicatives de la position no 59.11 qui porte sur les « articles textiles à usages techniques ». Selon le représentant, cette note ne décrit pas les marchandises en cause puisqu'il a été établi qu'elles sont utilisées sur des appareils autres que des machines à papier ou des appareils similaires.

Le représentant de l'appelant a ensuite fait valoir que, pour que l'appelant réussisse à convaincre le Tribunal que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 84.21, il doit établir qu'elles possèdent les caractéristiques des produits décrits dans la position no 59.10. Selon lui, pour que les courroies puissent être classées dans la position no 59.10, il n'est pas nécessaire qu'elles soient « principalement » utilisées pour la transmission de la force ou le transport des marchandises, comme le soutient l'avocat de l'intimé. Plus loin dans son exposé, le représentant a renvoyé le Tribunal aux définitions des termes « conveyor » (« convoyeur ») et « conveyor belt » [9] (« courroies transporteuses »). En l'occurrence, les marchandises en cause possèdent une double fonction en ce sens qu'elles constituent des courroies utilisées pour le transport de boue ou de coulis et qu'elles sont également dotées de caractéristiques spéciales qui les rendent particulièrement adaptées à l'élimination des liquides. Selon le représentant, le fait que les marchandises en cause ne soient pas des courroies transporteuses ordinaires n'empêche pas qu'elles puissent relever de la position no 59.10.

Le représentant de l'appelant a rejeté l'assertion de l'avocat de l'intimé selon laquelle le terme « belting » n'englobe pas les courroies, mais fait seulement allusion au matériau dont sont fabriquées les courroies transporteuses ou de transmission. Le représentant a signalé plusieurs autres positions de la nomenclature qui ont trait à des courroies qui, de par leur conception, servent à transmettre la force ou à transporter des matériaux, et qui sont également des courroies spécialisées. Compte tenu de l'inclusion des courroies synchrones (appelées aussi courroies de réglage) dans la position no 40.10 en dépit des termes presque identiques figurant dans la position no 59.10, le représentant a fait valoir qu'il n'est pas nécessaire que l'unique but des courroies consiste à transmettre la force ou à transporter des marchandises pour qu'elles puissent être classées dans la position no 59.10.

Le représentant de l'appelant a également soutenu que les marchandises pouvant être classées dans la position no 59.11 sont des produits ou des articles textiles qui demeurent généralement stationnaires, tandis que les machines ou le matériel sur lesquels elles sont installées exécutent tout le travail. Par opposition, les courroies de la position no 59.10 et celles qui sont exclues de la position no 59.11 sont conçues à titre d'objets en mouvement.

Attendu que les marchandises en cause peuvent être considérées comme étant des courroies relevant de la position no 59.10, le représentant de l'appelant a fait valoir qu'elles ne sont pas exclues de la position no 84.21 aux termes de la Note 1 e) de la Section XVI. Le représentant a ensuite cité les décisions du Tribunal dans les affaires Snydergeneral Canada Inc.c. L e sous-ministre du Revenu national [10] , Bionaire Inc.c. L e sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [11] et Procedair Industries Inc.c. L e sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [12] à l'appui de son assertion selon laquelle les marchandises en cause peuvent être classées à titre de « parties » au sens de la nomenclature tarifaire.

À titre de solution de rechange, le représentant de l'appelant a soutenu que les marchandises en cause sont des courroies transporteuses et, par conséquent, peuvent être classées dans la position no 59.10.

L'avocat de l'intimé a fait valoir que les marchandises en cause, comme le reconnaît l'intimé, ressemblent à des courroies, s'inscrivent directement dans les termes de la Note 7 b) du Chapitre 59. Par conséquent, de l'avis de l'intimé, les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 59.11. Les Notes explicatives de la position no 59.11 soutiennent ce point de vue. Ces notes, plus précisément la Note 7 b) du Chapitre 59, comprennent une liste des types de marchandises comprises dans les positions. Plus particulièrement, les Notes explicatives énoncent ce qui suit : « Les produits et articles textiles dont il est question ici présentent, de par leur conception, des caractéristiques particulières qui les désignent comme étant des types utilisés dans des machines, appareils, installations ou instruments ou comme outils ou parties d'outils ». De plus, à la partie B des Notes explicatives de la position no 59.11, il est précisé que les articles suivants relèvent de la position no 59.11 :

3) Les articles constitués par des spirales jointives en monofilaments utilisés de manière analogue aux tissus et aux feutres du type employé sur les machines à papier ou des machines similaires mentionnées au paragraphe 2) ci-dessus [13] .

L'avocat de l'intimé a soutenu que la Note 3 constitue une description précise des marchandises en cause. Même si celles-ci ne peuvent effectivement être utilisées sur une machine pour la production de papier, elles sont utilisées dans le processus de fabrication du papier. Bien que le témoin de l'appelant ait révélé que les marchandises servent principalement dans les installations de traitement des eaux usées, l'avocat est d'avis que de telles installations utilisent des machines semblables à celles qui servent à la fabrication du papier.

Lorsqu'il a abordé les diverses exclusions de la position no 59.11, l'avocat de l'intimé s'est concentré sur les marchandises pouvant être classées dans la position no 59.10. Il a fait valoir que cette position couvre les courroies principalement utilisées pour la transmission de la force ou le transport des matériaux, tandis que les marchandises en cause servent principalement à la filtration. En réponse à l'argument du représentant de l'appelant selon lequel, eu égard au sens du terme « belting », les marchandises en cause relèvent de la position no 59.10, l'avocat a fait valoir que ce terme fait simplement allusion aux matériaux à partir desquels le produit fini, c'est-à-dire la « courroie », est fabriqué, par exemple, le matériel qu'une usine conserve en rouleaux et qui sera coupé afin d'obtenir une courroie. De l'avis de l'avocat, si le Tribunal devait établir une distinction entre les termes, la preuve montre clairement que les marchandises en cause sont des courroies et non des matériaux destinés à la fabrication de courroies [14] .

Quant à l'argument du représentant de l'appelant selon lequel la position no 59.10 peut également couvrir les courroies spécialisées comme les marchandises en cause parce que la position no 40.10 comprend les courroies synchrones (ou courroies de réglage), l'avocat de l'intimé a soutenu que les Notes explicatives de la position no 40.10 incluent spécifiquement les courroies synchrones tandis que les Notes explicatives de la position no 59.10 ne mentionnent pas les courroies de filtration.

Ayant établi que les marchandises relèvent de la position no 59.11, l'avocat de l'intimé a fait valoir que la Note 1 e) de la Section XVI exclut précisément leur classement dans cette section. En guise de conclusion, l'avocat a établi une distinction entre les décisions rendues par le Tribunal dans les affaires Bionaire, Procedair et Snydergeneral et la présente.

Dans l'établissement du classement des marchandises en cause, le Tribunal reconnaît l'importance primordiale de la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [15] . Celle-ci précise que le classement est tout d'abord déterminé par les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes. L'article 11 du Tarif des douanes précise qu'il doit être tenu compte des Notes explicatives dans l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I.

Ayant examiné les éléments de preuve et les arguments présentés dans la présente affaire ainsi que la nomenclature pertinente, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 59.10 à titre de « courroies transporteuses » et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 5910.00.10 à titre de courroies transporteuses coupées à la longueur désirée. Le Tribunal en arrive à cette conclusion en notant tout d'abord qu'il considère que les marchandises en cause constituent des « courroies » et non des « accessoires de courroies ». À l'appui de cette conclusion, le Tribunal se reporte à la documentation sur le produit, aux nombreuses pièces au dossier et au témoignage de M. Nussbaum. Dans un très grand nombre d'occasions, pour ne pas dire dans tous les cas, les marchandises en cause ont été désignées comme étant des « courroies ». De plus, les marchandises en cause sont conformes à la définition du dictionnaire du terme « belt » (« courroies ») citée par le représentant de l'appelant, ainsi qu'à la description des « courroies » figurant dans les Notes explicatives de la position no 59.10. Dans ces notes, les « courroies » sont décrites de la façon suivante : « qu'elles soient alors présentées en longueur indéterminée, coupées de longueur et munies ou non d'agrafes ». De l'avis du Tribunal, cette description s'applique clairement aux marchandises en cause, le terme anglais « belting » servant à désigner des matériaux destinés à la fabrication de courroies. Le Tribunal signale que le terme anglais « belting », tel qu'il est utilisé en l'instance, correspond à la définition citée par le représentant de l'appelant.

Quant à la conclusion du Tribunal selon laquelle les marchandises en cause sont des « courroies transporteuses » pouvant être classées dans la position no 59.10, le Tribunal signale que l'expression « conveyor belt » (« courroie transporteuse ») est définie comme étant «an endless moving belt (as of canvas, rubber, metal) on which items, packages, or material to be moved may be placed and which operates over terminal pulleys or rollers together with receiving and delivery appliances » [16] (« une bande sans fin (de toile, de caoutchouc, de métal) en mouvement, sur laquelle les articles, colis ou matériaux peuvent être déposés pour être déplacés et qui fonctionne sur des poulies terminales ou des rouleaux en conjonction avec des appareils de réception et de livraison »). La preuve matérielle présentée par le témoin ainsi que la déclaration de ce dernier établissent que les marchandises en cause satisfont à cette description. Les marchandises en cause transportent généralement de la boue ou du coulis entre des rouleaux afin d'en filtrer les matières solides et en extraire le liquide. Bien que la filtration puisse constituer le but principal des marchandises en cause, le Tribunal n'est pas convaincu qu'elles ne satisfont pas à la définition susmentionnée. Cette dernière n'exclut pas spécifiquement les courroies perforées qui permettent le drainage de liquides.

En ce qui a trait au classement par l'intimé des marchandises en cause dans la position no 59.11, le Tribunal fait remarquer que cette position s'applique aux « [p]roduits et articles textiles pour usages techniques, visés à la Note 7 du présent Chapitre ». La Note 7 du Chapitre 59 est, en partie, libellée comme suit :

Le no 59.11 comprend les produits suivants, qui sont considérés comme ne relevant pas d'autres positions de la Section XI :

b) les articles textiles à usages techniques (autres que ceux des nos 59.08 à 59.10) (tissus et feutres sans fin ou munis de moyens de jonction, des types utilisés sur les machines à papier ou sur des machines similaires (à pâte, à amiante-ciment, par exemple), disques à polir, joints, rondelles et autres parties de machines ou d'appareils, par exemple).

Étant donné que cette note exclut spécifiquement de la position no 59.11 les marchandises pouvant être classées dans la position no 59.10, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent, prima facie, être classées dans la position no 59.11. En dépit des termes génériques de la position no 59.11 qui, n'eût été de l'exclusion, auraient pu couvrir les marchandises en cause, le Tribunal est convaincu que cette position exclut généralement les courroies en mouvement. Pour étayer ce point de vue, le Tribunal signale qu'aucun des articles textiles dont il est fait mention dans les Notes explicatives de la position no 59.10 ne laissent entendre que leurs usages techniques comprennent le déplacement des marchandises.

Le Tribunal signale également que la Note 1 e) de la Section XVI exclut spécifiquement du classement dans cette section, qui comprend la position no 84.21, « les courroies transporteuses ou de transmission en matière textiles (no 59.10) ». Par conséquent, le Tribunal conclut également que les marchandises en cause ne peuvent, prima facie, être classées dans la Section XVI et, plus précisément, dans la position no 84.21.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Selon le témoin, la société P & S Filtration Inc. est exploitée au Canada sous le nom de « Scapa Filtration », soit le nom de la société mère américaine de P & S Filtration Inc.

4. Voir le cahier des pièces de l'appelant, onglets 2 et 3.

5. Springfield, Merriam-Webster, 1986 à la p. 202.

6. Cahier de jurisprudence de l'appelant, onglet 3.

7. La Note 7 b) est ainsi libellée : « les articles textiles à usages techniques (autres que ceux des nos 59.08 à 59.10) (tissus et feutres sans fin ou munis de moyens de jonction, des types utilisés sur les machines à papier ou sur des machines similaires (à pâte, à amiante-ciment, par exemple), disques à polir, joints, rondelles et autres parties de machines ou d'appareils, par exemple) ».

8. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

9. Supra note 5 à la p. 499.

10. Appel no AP-92-091, le 19 septembre 1994.

11. Appel no AP-92-110, le 29 juin 1993.

12. Appel no AP-92-152, le 22 juillet 1993.

13. La Note 2 est ainsi libellée : « Les tissus et feutres sans fin ou munis de moyens de jonction, des types utilisés sur les machines à papier ou sur des machines similaires (à pâte, à amiante-ciment, par exemple) (à l'exclusion des courroies du no 59.10 ) ».

14. À l'appui de ce point de vue, l'avocat de l'intimé a également cité la décision rendue par la Commission du tarif dans l'affaire Leslie Taylor Manufacturing Company Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, 8 R.C.T. 772.

15. Supra note 2, annexe I.

16. Supra note 5 à la p. 499.


Publication initiale : le 1 octobre 1998