ASEA BROWN BOVERI INC.

Décisions


ASEA BROWN BOVERI INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-98-001

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 21 février 2000

Appel n o AP-98-001

EU ÉGARD À un appel entendu le 14 avril 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 6 janvier et les 11 et 25 mars 1998 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ASEA BROWN BOVERI INC. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines traversées importées par l'appelante sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8544.60.00 à titre d'autres conducteurs isolés pour l'électricité, pour tensions excédant 1.000 V, munis ou non de pièces de connexion, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.91 à titre de parties des marchandises des numéros tarifaires 8504.21.20, 8504.22.00, 8504.23.00 ou 8504.34.00 (transformateurs électriques), comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si lesdites traversées sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont des parties, puisqu'elles forment une unité complète avec le transformateur de puissance et sont nécessaires à son emploi. De plus, les marchandises sont destinées aux transformateurs de puissance puisqu'elles ont été conçues spécifiquement pour le transformateur de puissance et n'ont pas d'autre emploi. Le Tribunal est également d'avis que les marchandises en cause sont plus complexes que les conducteurs visés par la position no 85.44. Par conséquent, aux termes des Notes de la Section XVI, le Tribunal doit classer les marchandises en cause, si elles sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées à servir une machine particulière, dans la position afférente à cette machine. Étant donn 9‚ que le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont exclusivement ou principalement destinées aux transformateurs de puissance, elles doivent être classées avec les transformateurs de puissance dans la position no 85.04. Les marchandises en cause importées avant le 1er janvier 1994 doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.10. Les marchandises en cause importées le 1er janvier 1994 ou par la suite doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.91.

Le Tribunal est aussi d'avis que les marchandises en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101. Le Tribunal fait observer que, dans le cadre d'une question préliminaire, les parties ont convenu que les changeurs de prise en charge doivent être classés à titre de parties de transformateurs, dans le numéro tarifaire 8504.90.91. Dans l'appel no AP-97-123, le Tribunal a conclu que les changeurs de prise en charge étaient admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux appareils de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20. Étant donné que les changeurs de prise en charge sont des parties des transformateurs de puissance, le Tribunal est d'avis que lesdits transformateurs ont des emplois et des fonctions qui comprennent celles des changeurs de prise en charge. Le transformateur de puissance, en tant qu' « ensemble » dont fait partie le changeur de prise en charge, est donc destiné à servir aux appareils de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20. Étant donné ce qui précède, le Tribunal conclut que les autres parties du transformateur de puissance, notamment les marchandises en cause, sont aussi des articles devant servir aux appareils de processus industriel.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 avril 1999 Date de la décision : Le 21 février 2000
Membres du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant Raynald Guay, membre Peter F. Thalheimer, membre
Avocats pour le Tribunal : Tamra Alexander Marie-France Dagenais
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Peter E. Kirby et Michael Sherbo, pour l'appelante Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) le 6 janvier et les 11 et 25 mars 1998 aux termes de l'article 63 de la Loi. La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines traversées importées par l'appelante sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8544.60.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres conducteurs isolés pour l'électricité, pour tensions excédant 1.000 V, munis ou non de pièces de connexion, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.91 à titre de parties des marchandises des numéros tarifaires 8504.21.20, 8504.22.00, 8504.23.00 ou 8504.34.00 (transformateurs électriques), comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si lesdites traversées sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 de l'annexe II du Tarif des douanes à titre d'articles devant servir aux marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20. La nomenclature tarifaire pertinente prévoit ce qui suit :

85.04 Transformateurs électriques, convertisseurs électriques statiques (redresseurs, par exemple), bobines de réactance et selfs.

8504.90 -Parties

8504.90.91 ----Des marchandises des nos tarifaires 8504.21.20, 8504.22.00, 8504.23.00 ou 8504.34.00 [3]

85.44 Fils, câbles (y compris les câbles coaxiaux) et autres conducteurs isolés pour l'électricité (même laqués ou oxydés anodiquement), munis ou non de pièces de connexion; câbles de fibres optiques, constitués de fibres gainées individuellement, même comportant des conducteurs électriques ou munis de pièces de connexion.

8544.60.00 -Autres conducteurs électriques, pour tensions excédant 1.000 V [4] .

PREUVE

Les parties ont convenu d'inclure au dossier de la présente procédure les éléments de preuve versés au dossier des appels nos AP-97-123, AP-97-124 et AP-97-125 ainsi que AP-97-137.

M. Jean-Pierre Haché, directeur du Marketing chez Asea Brown Boveri Inc., a témoigné au nom de l'appelante. M. Haché est ingénieur et le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en techniques des centrales électriques capable de présenter des éléments de preuve sous forme d'opinions sur les questions liées au contrôle du processus [aussi parfois désigné, dans diverses sources pertinentes aux présentes, processus industriel, commande de processus, régulation de processus] et à la fabrication des marchandises en cause. Dans les appels nos AP-97-123 et AP-97-137, M. Haché a témoigné que la production, le transport et la distribution de l'électricité est un processus. Il a déclaré que l'équipement qui mesure, interprète une mesure ou réagit à un phénomène a une incidence directe sur la régulation et le contrôle du processus, et en fait donc partie. M. Haché a déclaré que le contrôle s'effectue, tout d'abord, au niveau local ou de la sous-station. En cas de défaillance d'une ligne, l'équipement de protection intervient, et soit déclenche un disjoncteur soit ouvre un circuit, et, au même moment, envoie un signal au centre de commande régional. Au niveau régional, les décisions quant à la façon de contourner le problème sont prises, et des circuits sont ouverts ou fermés pour réacheminer l'énergie électrique. D'une façon similaire, le problème est signalé au centre de commande central et, si des ajustements doivent être effectués dans plus d'une région pour y remédier, le centre de commande central veille à ce que soient prises les mesures correctives indiquées. M. Haché a déclaré que les trois niveaux de commande sont entièrement reliés et intégrés.

Dans la présente procédure, M. Haché a témoigné que les marchandises en cause sont des traversées à haute et moyenne tension devant servir dans des transformateurs de puissance à haute tension. Les traversées sont les pièces d'équipement à travers lesquelles le transformateur de puissance est relié au réseau électrique. Les marchandises en cause comprennent à la fois les traversées GOB et les traversées GOE. La principale différence entre ces deux types de traversées est leur tension nominale. La tension nominale des traversées GOB varie de 52 kV à 170 kV, tandis que celle des traversées GOE dépasse 300 kV.

M. Haché a décrit les marchandises en cause comme étant composées, à partir de leur partie supérieure, d'un fil de cuivre ou d'aluminium nu muni d'une bride de serrage ou d'un raccord flexible qui sert à relier le transformateur de puissance à la barre omnibus. Le cuivre ou l'aluminium forme un conducteur qui entre par la partie supérieure de la traversée et en sort par la partie inférieure, où il est relié à l'enroulement du transformateur de puissance, ce qui permet à l'énergie électrique de passer de la barre omnibus, à travers la traversée, jusqu'au transformateur de puissance. Le conducteur est entouré d'un isolateur, en porcelaine ou en caoutchouc de silicone, qui confère aussi à la traversée une rigidité diélectrique et une résistance mécanique. Le conducteur baigne dans l'huile à l'intérieur de l'isolateur en porcelaine. L'huile sert à la fois à refroidir le conducteur et à l'isoler électriquement. Le conducteur est également enveloppé dans des couches de papier et des feuilles d'aluminium. Le papier, après avoir absorbé l'huile, est un bon isolant. L'aluminium sert à uniformiser le gradient de tension tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la traversée pour prévenir les défectuosités. La traversée est fixée à une borne à l'intérieur du transformateur de puissance. La borne est située dans la cuve du transformateur et est, tout comme la partie inférieure de la traversée, immergée dans l'huile. La partie inférieure de la borne loge un transformateur de courant qui mesure la quantité de courant qui entre ou sort du transformateur de puissance. Le transformateur de courant est directement relié au relais de protection situé dans la sous-station.

M. Haché a expliqué qu'un transformateur de puissance est muni d'environ sept ou huit traversées, chacune étant dotée de son propre transformateur de courant. Un transformateur de puissance peut compter jusqu'à 16 transformateurs de courant. Les transformateurs de courant sont reliés à des relais de surveillance et de régulation. S'il détecte une défectuosité, d'après les signaux qu'il reçoit du transformateur de courant, le relais déclenche un disjoncteur afin d'isoler la défectuosité. Dans le témoignage qu'il a présenté dans le cadre des appels nos AP-97-123 et AP-97-137, M. Haché a expliqué comment le changeur de prise en charge situé dans le transformateur de puissance réagit aux signaux des relais et change de prise vers le haut ou vers le bas, ce qui, en changeant la connexion avec le transformateur de puissance, règle la tension.

M. Haché a témoigné que les traversées sont vendues séparément du transformateur de puissance seulement lorsqu'elles doivent servir de pièces de rechange. Il a déclaré que le client qui commande une traversée de rechange doit fournir des détails au sujet du transformateur de puissance sur lequel la traversée sera montée, soit, habituellement, le numéro de série du transformateur de puissance. Les traversées ne sont pas interchangeables.

M. Haché a témoigné que les traversées ne servent pas à d'autres emplois que celui de parties de transformateur de puissance et qu'elles sont nécessaires au fonctionnement du transformateur de puissance. Sans les traversées, l'électricité ne pourrait pas se rendre au transformateur de puissance. M. Haché a témoigné que les traversées exercent diverses fonctions, y compris celles d'un conducteur isolé, qu'elles ajoutent une résistance mécanique et qu'elles jouent un rôle de diélectrique et d'agent de refroidissement. M. Haché a déclaré que les marchandises en cause sont toujours désignées par le mot « bushings » (traversées) dans l'industrie et que d'autres marchandises sont appelées « conductors » (conducteurs).

M. Réjean M. Breton, président de Breton, Banville & Associés, une firme d'experts-conseils, a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. Breton le titre d'expert en techniques des centrales électriques capable de présenter des éléments de preuve sous forme d'opinions sur les questions liées au contrôle du processus et aux traversées. Dans les appels nos AP-97-123 et AP-97-137, M. Breton a présenté au Tribunal un diagramme du réseau électrique d'Hydro-Québec. M. Breton a expliqué les divers éléments du réseau, de la production au transport et à la distribution. M. Breton a établi une distinction entre l'équipement primaire, p. ex., les génératrices, les transformateurs, les barres omnibus et les lignes de transport, et l'appareillage de protection et de mesure, comme les relais de protection. M. Breton a témoigné que l'équipement de protection et de mesure communique avec le centre de commande au sujet des décisions à prendre. M. Breton a aussi déclaré que les actionneurs sont des instruments, ou de l'équipement, qui réagissent à un signal de commande et qu'ils ne sont pas une partie intégrante du contrôle du processus.

M. Breton a témoigné que le contrôle local ou au niveau de la sous-station n'est pas une partie intégrante du contrôle du processus. Il a déclaré que le contrôle du processus est la somme de toutes les activités de contrôle locales. Il a déclaré que le contrôle du processus n'est effectué qu'aux niveaux régional et central. La distinction que M. Breton a établie entre les activités de contrôle locales et celles aux niveaux régional ou central se rapporte au fait que les activités de contrôle locales ne visent que l'équipement qui avoisine la salle de commande, au sein de la sous-station. Cependant, les activités de contrôle régionales ou centrales rejoignent plusieurs emplacements éloignés différents.

Dans la présente procédure, M. Breton a témoigné que la traversée a pour fonction d'amener l'électricité dans la cuve du transformateur de puissance. Il a confirmé que, sans traversée, le transformateur de puissance est inutile. Il a ajouté que, bien que les transformateurs de courant soient logés dans la borne du transformateur de puissance, sous les traversées, ils ne sont pas connectés aux traversées et n'en font pas partie. Il a ajouté que, lorsqu'on enlève les traversées, les transformateurs de courant demeurent intacts à l'intérieur de la borne. M. Breton a déclaré que les transformateurs de courant sont logés dans la borne seulement parce que c'est un endroit commode.

Dans les appels nos AP-97-123 et AP-97-137, Mme Susan Ryan, agente de la vérification de l'observation au ministère du Revenu national (maintenant l'Agence des douanes et du revenu du Canada), a aussi témoigné au nom de l'intimé. Mme Ryan a témoigné relativement à sa participation à l'élaboration de l'Avis des douanes N-010 [5] .

ARGUMENTATION

Les avocats de l'appelante ont axé la première partie de leur argument sur le classement tarifaire des marchandises en cause. Ils ont soutenu que la première question qu'il faut trancher est celle de savoir si les marchandises en cause sont, ou non, des parties. Ils ont invoqué le Mémorandum D10-0-1 [6] qui établit les critères ci-après pour déterminer si des marchandises sont des parties :

Il faut que les parties :

— forment une unité complète avec la machine;

— n'aient pas d'autre fonction;

— soient commercialisées et expédiées comme une unité;

— soient nécessaires à l'emploi sans danger et prudent de l'unité;

— soient destinées à l'unité [7] .

Les avocats de l'appelante ont soutenu que les transformateurs de puissance ne sont jamais commandés sans traversées. Par conséquent, les traversées forment une unité complète avec le transformateur de puissance. Ils ont soutenu que les marchandises en cause n'ont pas d'autre fonction que celle d'amener l'électricité au transformateur de puissance. Ils ont soutenu que, étant donné que les éléments de preuve ont démontré que les transformateurs de puissance ne sont jamais vendus sans les traversées, les marchandises en cause doivent être commercialisées et expédiées comme une unité avec les transformateurs de puissance. Ils ont soutenu que les éléments de preuve démontraient clairement que les transformateurs de puissance ne peuvent fonctionner sans les traversées et que ces dernières sont spécifiquement conçues pour servir à un transformateur de puissance. Ils ont aussi souligné que, dans son témoignage, M. Breton a renvoyé aux traversées comme étant « une partie d'un transformateur ».

Les avocats de l'appelante ont en outre soutenu qu'il ressort clairement, à l'examen des dispositions des codes 5235 et 9653 et du Décret de remise des droits de douane sur des transformateurs électriques et leurs pièces [8] , que le Parlement prévoyait le classement des marchandises en cause à titre de parties de transformateurs de puissance. Conclure autrement reviendrait à rendre inutiles les codes et le Décret de remise.

Les avocats de l'appelante ont donc soutenu que les marchandises en cause sont des parties. Ils ont ajouté que les marchandises en cause ne sont pas spécifiquement désignées dans une position du Tarif des douanes, puisqu'elles ne sont pas de simples conducteurs. Ils ont soutenu que les marchandises en cause ne sont jamais appelées conducteurs dans l'industrie. Les marchandises en cause ont bien d'autres fonctions en plus de celle de conducteur. Ils ont ajouté que, pour que les marchandises soient spécifiquement désignées dans une position, il faudrait que les termes de cette dernière comprennent le mot « bushings » (traversées). Par conséquent, les avocats ont soutenu que les marchandises en cause doivent être classées à titre de parties de transformateurs.

Les avocats de l'appelante ont axé la deuxième partie de leur argumentation sur la question de savoir si les marchandises en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101. Ils ont soutenu que la distribution de l'énergie électrique est un processus et qu'il y a contrôle du processus à tous les niveaux, à savoir les niveaux local, régional et central du processus. Ils ont soutenu que les transformateurs de courant participent au processus industriel et qu'ils interviennent du niveau local jusqu'au niveau central. Ils ont soutenu que, puisque les transformateurs de courant mesurent le courant lorsqu'il traverse les marchandises en cause, ces dernières entrent dans la composition des transformateurs de courant par voie de fixation et leur sont fonctionnellement unies. Ils ont soutenu que les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause sont destinées à une sous-station dotée d'un centre de commande étant donné leurs tensions nominales. Puisque l'avocat de l'intimé a convenu que les marchandises en cause sont situées dans une station ou une sous-station dotée d'un centre de contrôle du processus, les avocats de l'appelante n'ont pas eu besoin de traiter de cet aspect de la question dans leur argumentation.

L'avocat de l'intimé a demandé que les arguments qu'il a présentés dans le cadre des appels nos AP-97-123, AP-97-124 et AP-97-125, et AP-97-137 soient considérés dans la présente procédure. Il a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées à titre de conducteurs isolés pour l'électricité dans la position no 85.44. Il a soutenu que la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [9] prévoit que le classement est déterminé d'après les termes des positions. Même si les marchandises en cause sont des parties, la Note 2a) de la Section XVI du Tarif des douanes prescrit que les parties relèvent de la position dans laquelle elles sont comprises et non de la position qui vise les articles auxquels la partie est destinée. L'avocat a soutenu que les traversées sont comprises dans une position spécifique, puisque ce sont des conducteurs électriques.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les termes des codes et du Décret de remise invoqués par les avocats de l'appelante ne peuvent être retenus pour déterminer le classement tarifaire. Il a soutenu que les codes ne sont pas compris dans l'annexe I du Tarif des douanes et que les analogies entre les termes ne peuvent être établies qu'entre l'annexe I et l'annexe II aux termes des dispositions du paragraphe 68(3) du Tarif des douanes.

Quant à l'applicabilité du code 2101, l'avocat de l'intimé a soutenu qu'il ressort des éléments de preuve qu'il n'y a pas de lien entre les marchandises en cause et les transformateurs de courant. Par conséquent, les marchandises en cause ne sont pas des articles qui doivent servir dans un appareil de processus industriel. Il a soutenu que les marchandises en cause servent à la production, au transport et à la distribution de l'énergie électrique, mais qu'elles ne servent pas au contrôle du processus.

DÉCISION

La première question dont le Tribunal est saisi est le classement tarifaire des marchandises en cause. L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est déterminé conformément aux Règles générales et aux Règles canadiennes [10] . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [12] .

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il doit alors être tenu compte de la Règle 2, etc. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

Les notes de la Section XVI prévoient que les parties de machines doivent être classées dans leurs positions respectives où les parties sont des articles compris dans les positions des Chapitres 84 ou 85. Les autres parties, lorsqu'elles sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées à une machine particulière, sont classées dans la position afférente à cette machine. Par conséquent, la première question que le Tribunal doit examiner est celle de savoir si les marchandises en cause sont des parties.

Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des parties. Selon le Mémorandum D10-0-1, cinq critères se dégagent de la jurisprudence du Tribunal et de la Cour fédérale du Canada quant à l'établissement des considérations de base à retenir pour établir que des articles sont des parties. Ainsi qu'il est indiqué dans le Mémorandum D10-0-1, il n'y a pas d'ordre de priorité particulier dans ces considérations et ces dernières peuvent être utilisées séparément ou collectivement. Ces critères sont qu'il faut que les parties : i) forment une unité complète avec la machine dont elles sont une partie; ii) n'aient pas d'autre fonction; iii) soient commercialisées et expédiées comme une unité; iv) soient nécessaires à l'emploi sans danger et prudent de l'unité; v) soient destinées à l'unité. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal démontrent que les transformateurs de puissance sont toujours vendus avec les marchandises en cause, que les marchandises en cause ne sont vendues séparément que lorsqu'elles sont vendues en tant que pièces de rechange et que les marchandises en cause sont spécifiquement destinées à servir dans les transformateurs de puissance. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal démontrent également que les marchandises en cause sont nécessaires au fonctionnement du transformateur de puissance et qu'ils ne peuvent servir à d'autres emplois. Étant donné les éléments de preuve susmentionnés, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause forment une unité complète avec le transformateur de puissance et sont nécessaires à son emploi. Le Tribunal est également d'avis que les marchandises en cause sont destinées aux transformateurs de puissance, puisqu'elles sont spécifiquement conçues pour servir dans les transformateurs de puissance et n'ont pas d'autre emploi. Par conséquent, les marchandises en cause sont des parties.

La Note 2 de la Section XVI exige que le Tribunal détermine si les marchandises en cause, à titre de parties, sont incluses dans l'une quelconque des positions des Chapitres 84 ou 85. L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont incluses dans la position no 85.44 à titre d'autres conducteurs isolés. D'après les Notes explicatives, les articles de la position no 85.44 comportent les éléments suivants : i) une âme conductrice; ii) une gaine isolante; iii) parfois, une gaine de métal; iv) parfois, une armature de métal qui protège les câbles sous-marins ou souterrains.

Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont plus complexes que les conducteurs désignés dans la position no 85.44. Bien que les marchandises en cause incluent un conducteur qui permette à l'énergie électrique de passer de la barre omnibus au transformateur de puissance, elles incluent nombre de composants plus complexes qui ont d'autres fonctions. L'isolant en porcelaine ou en caoutchouc de silicone, en plus de fournir une isolation électrique au conducteur, donne aussi de la résistance structurale et mécanique en cas de surtension. L'huile dans laquelle le conducteur baigne sert une fonction diélectrique et de refroidissement. Les gaines d'aluminium et de papier du conducteur ont pour objet d'uniformiser les gradients de tension interne et externe des marchandises en cause pour prévenir les défectuosités et le contournement d'arc. Le Tribunal est d'avis que les termes de la position no 85.44 et les Notes explicatives visent les articles qui n'ont d'autres fonctions que celle d'un conducteur électrique. Étant d'avis que les marchandises en cause sont plus complexes que de simples conducteurs isolés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas visées par la position no 85.44.

Aux termes des Notes de la Section XVI, le Tribunal est ensuite tenu de classer les marchandises en cause, lorsqu'elles sont reconnaissables comme exclusivement ou principalement destinées une machine particulière, dans la position afférente à cette machine. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal démontrent que les marchandises en cause sont spécifiquement conçues pour servir dans un transformateur de puissance et n'ont pas d'autre emploi. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont destinées à servir exclusivement et principalement aux transformateurs de puissance et qu'elles doivent être classées avec les transformateurs de puissance dans la position no 85.04. Les marchandises en cause importées avant le 1er janvier 1994 doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.10. Les marchandises en cause importées le ou après le 1er janvier 1994 doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.91.

La deuxième question que le Tribunal doit trancher consiste à déterminer si les marchandises en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101. Le Tribunal fait observer que, dans le cadre d'une question préliminaire, les parties ont convenu que les éléments de preuve au dossier de l'appel no AP-97-123 seraient inclus au dossier de la présente procédure. Dans l'appel no AP-97-123, les parties ont convenu que les changeurs de prise en charge doivent être classés à titre de parties de transformateurs, dans le numéro tarifaire 8504.90.91. Puisque la même position doit être reprise dans la présente procédure, le Tribunal conclut, sur la foi de l'entente conclue entre les parties, que les changeurs de prise en charge sont des parties de transformateurs de puissance. Dans l'appel no AP-97-123, le Tribunal a conclu que les changeurs de prise en charge étaient admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux appareils de contrôle de processus du numéro tarifaire 9032.89.20. Étant donné que les changeurs de prise en charge sont des parties de transformateurs de puissance, le Tribunal est d'avis que lesdits transformateurs ont des emplois et des fonctions qui comprennent ceux des changeurs de prise en charge. Le transformateur de puissance, en tant qu' « ensemble » dont le changeur de prise en charge fait partie, est donc destiné à servir aux appareils de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20.

Étant donné les conclusions du Tribunal selon lesquelles le transformateur de puissance est destiné à servir aux appareils de contrôle de processus, le Tribunal conclut que les autres parties du transformateur de puissance, notamment les marchandises en cause, sont aussi des articles devant servir aux appareils de contrôle de processus. Les marchandises en cause sont donc admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux appareils de contrôle de processus du numéro tarifaire 9032.89.20.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3. Eu égard aux importations antérieures au 1er janvier 1994, le numéro tarifaire 8504.90.91 n’existait pas. Les dispositions tarifaires équivalentes se trouvaient dans le numéro tarifaire 8504.90.10 durant la période antérieure au 1er janvier 1994 pertinente.

4. Eu égard aux importations postérieures au 12 juin 1994, le numéro tarifaire 8544.60.00 n’existait pas. Pour la période postérieure au 12 juin 1994 pertinente, le numéro tarifaire 8544.60.90 dénommait les autres conducteurs électriques, pour tensions excédant 1.000 V, qui n’étaient pas des câbles submersibles pour tensions excédant 345 kV.

5. Ministère du Revenu national, « Interprétation du code tarifaire 2101 en ce qui concerne un réseau électrique » (5 décembre 1995).

6. Ministère du Revenu national, « Classement des parties et des accessoires dans le Tarif des douanes » (24 janvier 1994).

7. Ibid. à la p. 9.

8. DORS/90-23 [ci-après Décret de remise].

9. Supra note 2, annexe I [ci-après Règles générales].

10. Ibid.

11. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

12. Conseil de coopération douanière, 1re et 2e éd., Bruxelles, 1986 et 1996 [ci-après Notes explicatives].


Publication initiale : le 14 mars 2000