ZELLERS INC.

Décisions


ZELLERS INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-057

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 29 juillet 1998

Appel n o AP-97-057

EU ÉGARD À un appel entendu le 12 mars 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 9 mai 1997 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ZELLERS INC. Appelant

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 9 mai 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises appelées « Pillow Buddies » (connues en français sous le nom d'« Étreintes Oreillers ») sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9404.90.20 à titre d'articles de literie et articles similaires, comme des oreillers ou des coussins, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.41.00 à titre de jouets rembourrés représentant des animaux, comme l'a soutenu l'appelant.

Les Étreintes Oreillers, les marchandises en cause, sont des articles constitués d'un recouvrement de peluche uniquement de polyester et d'un rembourrage uniquement de polyester. Il s'agit de modèles ou de répliques miniatures stylisés de divers animaux, par exemple : style no 60008 (chien); style no 60011 (vache); style no 60001 (lapin gris); style no 60012 (dinosaure mauve); style no 60015 (lion). De forme irrégulière, elles sont façonnées pour donner l'impression des animaux qu'elles représentent.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve indiquent que les Étreintes Oreillers possèdent bon nombre des caractéristiques, sinon toutes, d'un oreiller ou d'un coussin. La densité de la bourre et le recouvrement pelucheux des Étreintes Oreillers font que les enfants adorent les tenir lorsqu'ils sont assis, au repos ou endormis. À bien des égards, leur forme ressemble également à un oreiller ou à un coussin en dépit de leur apparence d'animal ou de personnage de dessins animés. Toutefois, les Étreintes Oreillers possèdent bon nombre des caractéristiques d'un jouet, sinon toutes. Leur couleur vive et leur texture douce les rendent particulièrement attrayantes aux enfants qui souvent les tiennent dans leurs bras pendant une balade en automobile ou en regardant la télévision. À cet égard, il est manifeste que les Étreintes Oreillers procurent un divertissement.

Le Tribunal ne peut conclure que les Étreintes Oreillers peuvent être classées selon la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé en raison de leurs caractéristiques et utilisations communes aux deux positions, soit les nos 94.04 et 95.03. De plus, le Tribunal n'a pu conclure que les descriptions des positions nos 94.04 et 95.03 étaient plus précises et exactes l'une que l'autre et, donc, le Tribunal n'a pu trancher l'affaire en se prévalant de la Règle 3 a).

Par conséquent, le Tribunal a invoqué la Règle 3 c) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé,qui précise que les marchandises en cause doivent être classées dans la position placée la dernière par ordre de numérotation, soit, en l'espèce, la position no 95.03.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 12 mars 1998 Date de la décision : Le 29 juillet 1998
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Gerry Stobo
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Darrel H. Pearson et Jeffery D. Jenkins, pour l'appelant Louis Sébastien et Mélanie Vincent, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 9 mai 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises appelées « Pillow Buddies » (connues en français sous le nom d'« Étreintes Oreillers ») sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9404.90.20 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'articles de literie et articles similaires, comme des oreillers ou des coussins, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.41.00 à titre de jouets rembourrés [[Note du réviseur] L'expression « jouets rembourrés » est utilisée dans le Tarif des douanes; cependant, l'expression « jouets en peluche » est celle qui est couramment utilisée en français.] représentant des animaux, comme l'a soutenu l'appelant.

L'appelant est une chaîne nationale de grands magasins d'escompte, qui se consacre à la vente au détail d'une grande variété de marchandises. Il vend à la fois les marques nationales et de distributeurs de produits à une clientèle qui surveille ses dépenses. Il exploite près de 300 magasins à l'échelle nationale. Les produits vendus par l'appelant font l'objet d'une promotion active par l'entremise d'une publicité énergique à la fois dans les médias écrits et électroniques.

Les Étreintes Oreillers, les marchandises en cause, sont des articles constitués d'un recouvrement de peluche uniquement de polyester et d'un rembourrage uniquement de polyester. Il s'agit de modèles ou de répliques miniatures stylisés de divers animaux, par exemple : style no 60008 (chien); style no 60011 (vache); style no 60001 (lapin gris); style no 60012 (dinosaure mauve); style no 60015 (lion). De forme irrégulière, elles sont façonnées pour donner l'impression des animaux qu'elles représentent.

Les Étreintes Oreillers ont une tête, des oreilles, des yeux, des membres avant et arrière, et une queue, tous facilement reconnaissables et entièrement formés, mobiles et distincts du tronc. En ce qui a trait aux dimensions, la vache Étreinte Oreiller, à titre d'exemple, a une longueur totale de 60 cm et une largeur de 39 cm. Mesurant 17 cm, les membres avant de la vache représentent 28 p. 100 de la longueur totale du produit. La queue a une longueur de 29 cm, soit 48 p. 100 de la longueur totale de l'article. Les membres arrière ont une longueur de 19 cm, soit 32 p. 100 de la longueur totale de l'article. La tête mesure 24 cm de long, soit 40 p. 100 de la longueur totale, et 20 cm de large, soit 33 p. 100 de la largeur totale.

La tête, la queue et les membres de la vache comportent une importante quantité de détails. Par exemple, l'extrémité des membres ressemble à des sabots. Les surpiqûres de la tête représentent deux yeux, deux narines et une bouche. Un gland forme le bout de queue.

Les Étreintes Oreillers sont fabriquées par la société Shi Wan Nakumura Plush Toys Mfg., fabricant de produits spécialisés et grossiste d'animaux en peluche, à Guangdong, en République populaire de Chine. L'appelant les a achetées de la société The International Marketing Group Limited (International) de Hong Kong. International facture l'appelant directement et décrit les marchandises en cause comme étant des jouets en peluche.

La société Danawares Corp. (Danawares), de Saint-Laurent (Québec), détient les droits afférents à la licence d'utilisation du nom « Pillow Buddies » (désigné en français par l'expression « Étreintes Oreillers »). Danawares facilite la vente des Étreintes Oreillers à l'appelant et aux autres détaillants canadiens, comme les sociétés Toys “R” Us, Wal-Mart, La Baie, etc.

Les marchandises en cause ont été importées par l'appelant le 16 octobre 1995 et classées dans le numéro tarifaire 9503.41.00 à titre de jouets rembourrés représentant des animaux. Le 21 février 1996, l'appelant a reçu une décision sous la forme d'un relevé détaillé de rajustement indiquant que les marchandises en cause avaient été reclassées dans le numéro tarifaire 9404.90.20 conformément à l'article 61 de la Loi.

Conformément à l'alinéa 63(1)a) de la Loi, l'appelant a déposé une demande de rajustement auprès de l'intimé le 10 avril 1996, dans laquelle il a demandé un réexamen du classement dans le numéro tarifaire 9503.41.00.

Dans un relevé détaillé de rajustement daté du 9 mai 1997, soit la décision de l'intimé dans le présent appel, il a été établi que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 9404.90.20 pour les motifs suivants :

Les Étreintes Oreillers sont conçues pour plaire aux enfants, mais leur fonction prédominante est utilitaire. Les oreillers [et] coussins peuvent, dans leur conception, adopter divers thèmes et peuvent servir à la décoration et au confort pendant la détente et le voyage comme l'énonce la publicité des marchandises en question.

Les Étreintes Oreillers sont vendues par Zellers (Herongate, à Ottawa) à titre d'oreillers et non de jouets.

[Traduction]

Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

94.04 Sommiers; articles de literie et articles similaires (matelas, couvre-pieds, édredons, coussins, poufs, oreillers, par exemple) comportant des ressorts ou bien rembourrés ou garnis intérieurement de toutes matières, y compris ceux en caoutchouc alvéolaire ou en matières plastiques alvéolaires, recouverts ou non.

9404.90.20 ---Oreillers, coussins et articles semblables, en coton; couvre-pieds, édredons et articles semblables, en matières textiles contenant moins de 85 % en poids de soie ou de déchets de soie

9404.90.20.23 ------Coussins

95.03 Autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre.

-Jouets représentant des animaux ou des créatures non humaines :

9503.41.00 --Rembourrés

9503.41.00.10 -----Recouverts de peluche

Le premier témoin de l'appelant était Mme Maya Sassoon, directrice des magasins spécialisés chez Zellers Inc. Avant de remplir ces fonctions, elle occupait chez l'appelant le poste de directrice du service de marchandises dans le rayon des articles ménagers et des couvre-fenêtres et celui d'acheteuse dans le rayon de la literie. Mme Sassoon a témoigné que, même si le siège social établit la stratégie générale de mise en marché et de promotion, les gestionnaires des magasins de l'appelant peuvent placer dans leur magasin les marchandises aux endroits qui leur semblent les plus avantageux.

Mme Sassoon a expliqué que le rayon des articles ménagers a commencé à acheter les Étreintes Oreillers lorsque celles-ci ont été offertes à l'appelant. Même si ces articles sont achetés par ce rayon et non par celui des jouets, Mme Sassoon a affirmé qu'ils peuvent, au même moment, être étalés dans plus d'un endroit. À son avis, ils constituent un excellent article de transfert et, à ce titre, peuvent être vendus avec les produits de literie d'enfants, dans le rayon des jouets, dans une allée d'étalage promotionnel ou dans plusieurs emplacements à la fois. Mme Sassoon a affirmé que les Étreintes Oreillers attirent les clients parce qu'elles sont mignonnes à regarder et agréables à toucher. Elle a fait remarquer que les Étreintes Oreillers se vendent surtout au cours de la période de Noël, comme c'est le cas pour la plupart des jouets de l'appelant. À son avis, elles constituent un bon achat, car elles se vendent environ 30 $ comparativement, par exemple, aux animaux et aux jouets en peluche qui se détaillent habituellement aux environs de 50 $.

Mme Sassoon a commenté un sondage récent mené auprès des 296 magasins de l'appelant partout au Canada. Le sondage visait à recueillir de l'information au sujet de la mise en marché des Étreintes Oreillers dans les magasins particuliers. Sur les 194 magasins ayant répondu, 55 p. 100 offraient les Étreintes Oreillers dans une allée d'étalage promotionnel, 39 p. 100, dans le rayon des jouets, 73 p. 100, dans le rayon des articles ménagers et 34 p. 100, ailleurs. Il est manifeste, a-t-elle précisé, que le produit peut être vendu dans plus d'un endroit dans un magasin au même moment.

Mme Sassoon a signalé que la ligne des « Étreintes Oreillers » a été classée en fonction de l'âge par un laboratoire d'essai indépendant qui a indiqué que la catégorie d'âge recommandée se situe entre 19 et 96 mois. Selon la réglementation gouvernementale, tous les jouets doivent être classés en fonction de l'âge pour veiller à ce que les produits conviennent à leur groupe d'âge respectif. Elle a également signalé que les magasins de l'appelant ont récemment présenté la ligne de produits « Junior Pillow Buddies » (« Étreintes Oreillers pour enfants en plus bas âge »), une version plus petite quoique identique au modèle plus grand.

Mme Sassoon a mentionné que la vente des Étreintes Oreillers ne concurrence pas celle des oreillers. De fait, à son avis, les Étreintes Oreillers améliorent les ventes des oreillers ordinaires et des autres articles ménagers parce qu'elles attirent les clients dans ces rayons par leurs caractéristiques vives et attirantes. À son avis, les Étreintes Oreillers font davantage concurrence aux animaux et jouets en peluche.

Le témoin suivant de l'appelant était Mme Sheryl Temple qui, de 1992 à décembre 1997, occupait les postes de gestionnaire du service de marchandises et d'acheteuse dans le rayon des jouets de l'appelant. À titre de gestionnaire du service de marchandises, elle était responsable des achats de jouets à l'échelle nationale pour l'appelant. À titre d'acheteuse de jouets, il lui incombait d'acheter des produits qui plairaient aux enfants et, à son avis, les Étreintes Oreillers satisfaisaient à cette exigence. Voici ce qu'elle a déclaré :

La caractéristique clé, pour un acheteur de jouets, est qu'ils soient mignons, moelleux, qu'ils représentent un animal – nous savons tous que les enfants adorent les jouets en peluche – et que certaines de leurs extrémités, la queue, les pieds, les bras, le visage, représentent une partie assez importante de l'ensemble de l'article [3] .

[Traduction]

Elle a ajouté que les Étreintes Oreillers étaient, à certains égards, plus attirantes que les animaux en peluche ordinaires, qui sont plus rigides. Les Étreintes Oreillers sont plus douces et susceptibles d'être transportées à travers la maison et câlinées par un enfant lorsqu'il est assis et qu'il regarde la télévision, par exemple. À son avis, les Étreintes Oreillers, peu importe leur définition, seraient des jouets parce qu'elles constituent des répliques attrayantes d'animaux et procurent un divertissement. Selon elle, les Étreintes Oreillers présentent une valeur ludique identique à celle des jouets et animaux en peluche.

Mme Temple a expliqué que, bien que les Étreintes Oreillers aient d'abord été offertes comme gamme de produits par Danawares au rayon des jouets, elles ont été rejetées parce que l'appelant craignait qu'elles nuisent à la vente des animaux et des jouets en peluche pour lesquels le rayon des jouets avait affecté des ressources considérables pour cette période particulière.

Mme Temple et Mme Sassoon ont produit des échantillons des marchandises en cause et d'animaux en peluche ordinaires, un sac à dos en peluche et une « Étreinte Oreiller pour enfant en plus bas âge » représentant Winnie-the-Pooh.

Le président de Danawares, M. Peter Lewis, a ensuite témoigné pour l'appelant. Il a mentionné que Danawares est un grossiste général agissant à titre d'agent de vente pour des sociétés implantées à l'étranger comme International. Danawares est l'agent de vente des Étreintes Oreillers à l'appelant et à d'autres grands magasins à travers le Canada.

M. Lewis a signalé que certaines Étreintes Oreillers qui représentent des personnages de Disney Enterprises Inc. (Disney) et de Warner Brothers Inc., comme Bugs Bunny, le diable de Tasmanie et un dalmatien, ne peuvent, aux termes de l'accord de licence de Disney, être commercialisées dans le rayon des jouets des magasins qui offrent les jouets en peluche de Disney, puisque les Étreintes Oreillers nuisent à la vente des jouets de Disney. Bien que les marchandises en cause ne représentent pas des personnages de Disney, elles ont toutes la même construction, texture et apparence.

M. Lewis a fait remarquer que, chez K-Mart, les Étreintes Oreillers étaient étalées dans le rayon des jouets. Chez Wal-Mart, elles étaient offertes dans une allée promotionnelle; chez Price Costco et Toys “R” Us, elles étaient présentées à côté des jouets en peluche. Il a également montré des instantanés de l'étalage d'Étreintes Oreillers dans le rayon des jouets du magasin La Baie.

M. Lewis a expliqué que Danawares a tenté de vendre les Étreintes Oreillers au rayon des jouets de l'appelant mais, compte tenu de son engagement préalable envers les autres jouets en peluche, ce rayon ne pouvait accepter d'autres produits du même genre. Plutôt que d'abandonner, Danawares a poursuivi ses démarches auprès des autres rayons des magasins de l'appelant et a réussi à vendre ses Étreintes Oreillers aux rayons de la literie et des articles ménagers, qu'il continue d'approvisionner jusqu'à ce jour.

Lorsqu'il lui a été demandé en contre-interrogatoire pourquoi certaine documentation, utilisée pour présenter aux détaillants les Étreintes Oreillers, les décrit comme « des oreillers doux et moelleux (mais durables) en forme de gentils animaux » [traduction], M. Lewis a expliqué que ces termes avaient été choisis par la société américaine responsable de la conception du produit. Il n'était pas d'accord que le principal objectif de commercialisation consiste à présenter l'Étreinte Oreiller comme un oreiller ou un coussin. À son avis, la caractéristique essentielle des marchandises en cause correspond à la nature d'un jouet et non à celle d'un oreiller. M. Lewis a affirmé ce qui suit :

Dans quelques cas [dans la documentation sur le produit], le mot « oreiller » est utilisé, mais essentiellement, il s'agit surtout d'animaux doux et moelleux [4] .

[Traduction]

De plus, selon M. Lewis, les Étreintes Oreillers offrent une valeur ludique supérieure à celle des jouets en peluche parce qu'elles sont plus douces et plus moelleuses que les animaux ou les personnages de dessins animés en peluche qui sont plus rigides.

Le dernier témoin de l'appelant, M. Lewis Rudy, président de la société Aerated Home Furnishings, fabricant d'oreillers et de coussins, a expliqué de quelle façon la dimension, la bourre et la fonction des Étreintes Oreillers diffèrent de celles des oreillers, coussins et coussinets traditionnels. M. Rudy a signalé que les Étreintes Oreillers sont confectionnées au moyen d'une fibre régénérée de texture glissante, donc douce, très différente des fibres utilisées pour rembourrer les oreillers et les coussins. Alors que les Étreintes Oreillers, de par leur conception, présentent une texture malléable, souple et moelleuse, un oreiller ou un coussin doit fournir un niveau de support et une densité de bourre plus élevés pour l'empêcher de perdre sa forme et sa capacité de supporter.

M. Rudy a signalé que les Étreintes Oreillers sont bourrées à la main, tandis qu'une méthode de remplissage à l'air est utilisée pour les oreillers et les coussins. Cette dernière méthode produit une bourre plus dense qui ne peut être obtenue à la main. Il a affirmé que, pour autant qu'il sache, il n'existe pas d'oreillers fabriqués spécifiquement pour les enfants. Interrogé au sujet de l'utilisation des Étreintes Oreillers comme oreillers ou coussins, il a déclaré que celles-ci ne peuvent soutenir adéquatement la tête et le cou. Il a conclu en affirmant que les Étreintes Oreillers conviendraient à titre de jouets.

Les avocats de l'intimé ont appelé trois témoins, le premier étant M. André Morin, conseiller en développement de produits. Ce dernier a expliqué comment s'effectue la promotion d'un nouveau produit pour pénétrer un marché visé. Il faut d'abord considérer la vocation du produit et le marché qu'il veut pénétrer. Dans le cas des Étreintes Oreillers, M. Morin a fait valoir que, même s'il ne savait pas si les concepteurs du produit avaient l'intention de développer un jouet ou un oreiller, compte tenu de l'information contenue dans le catalogue distribué, il pensait que l'objectif consistait à vendre les Étreintes Oreillers à titre de petits oreillers. Il a toutefois reconnu que les Étreintes Oreillers pouvaient également être commercialisées à titre de jouets, quoiqu'elles puissent être trop grosses pour être transportées par certains des enfants plus jeunes. À son avis, les « Étreintes Oreillers pour enfants en plus bas âge » de format plus petit, correspondaient davantage au type d'objet susceptible d'être transporté un peu partout uniquement comme un jouet.

Le deuxième témoin de l'intimé était Mme Stéphanie Rouiller, agente de vente et responsable du développement des produits, soit des oreillers. À son avis, en dépit des spécifications plus rigoureuses associées à la fabrication des coussins et des oreillers, les Étreintes Oreillers ressemblent à un oreiller et, malgré leur forme plus aplatie, leurs dimensions s'apparentent à celles d'un oreiller traditionnel. Elle a signalé à plusieurs reprises que le confort est une question de goût personnel et que les oreillers et coussins sont fabriqués pour répondre à ces préférences. En dépit de la forme aplatie des Étreintes Oreillers et du fait qu'une personne peut sentir ses doigts au travers, un enfant pourrait s'en servir pour dormir. Selon Mme Rouiller, la forme aplatie et inhabituelle des Étreintes Oreillers ne devrait pas les empêcher d'être considérées comme des oreillers ou des coussins, ces derniers pouvant être fabriqués de façon à satisfaire à la demande d'un client quant au poids ou à la densité de la bourre.

Le dernier témoin de l'intimé était Mme Elizabeth Udell. Au moment du contre-interrogatoire de celle-ci par les avocats de l'appelant, le Tribunal a appris qu'elle était employée au ministère du Revenu national (Revenu Canada). Elle a témoigné que sa fille avait reçu une Étreinte Oreiller lorsqu'elle était enfant et qu'elle l'avait beaucoup utilisée jusqu'à maintenant comme coussin. Sa fille l'apportait également avec elle au cours de voyages en automobile afin de s'y blottir et de s'y reposer. Pour autant qu'elle se rappelle, l'Étreinte Oreiller n'a jamais été utilisée comme oreiller sur lequel sa fille a posé sa tête en dormant.

Mme Udell a indiqué qu'elle travaille à la Division de Revenu Canada qui s'occupe de l'importation et du classement des jouets. Elle a été interrogée au sujet de la décision nationale des douanes (DND) rendue par Mme Julie Bédard, fonctionnaire régionale à Revenu Canada, le 16 juillet 1997. Cette DND précisait ce qui suit :

Les « Étreintes Oreillers » relèvent du Chapitre 95 parce que la seule chose qui les distingue des animaux en peluche (tels que nous les connaissons) est le fait qu'elles sont relativement plus plates au centre pour permettre à l'enfant d'y poser sa tête (ou son corps). La forme générale est non rectangulaire ou irrégulièrement rectangulaire en raison des membres de l'animal. Ainsi, nous devons convenir que même si cette marchandise joue un double rôle (utilité et divertissement), son caractère essentiel est celui d'un jouet en peluche avec lequel l'enfant s'amusera.

[Traduction]

Selon Mme Udell, les DND rendues par les agents régionaux doivent recevoir l'approbation du bureau principal de Revenu Canada avant d'être réellement considérées à titre de DND. En l'occurrence, la « décision » de Mme Bédard a été portée à l'attention du bureau principal seulement après avoir été transmise à l'importateur. Évoquant le fait que Mme Bédard s'était fondée sur une preuve insuffisante, le bureau principal a révoqué la DND le 23 septembre 1997, et les Étreintes Oreillers ont été classées dans la position no 94.04 à titre d'oreillers ou de coussins.

Le Tribunal doit décider si l'intimé a fait erreur en classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9404.90.20 à titre d'articles de literie, comme des coussins ou des oreillers.

Les Étreintes Oreillers sont douces, de couleur vive et légèrement pelucheuses au toucher et représentent des animaux et des personnages de dessins animés. Certaines d'entre elles, comme l'Étreinte Oreiller Winnie-the-Pooh, sont fabriquées et vendues en vertu d'une licence accordée par Disney tandis que d'autres, comme les marchandises en cause, ne le sont pas. Bien que les dimensions des différentes Étreintes Oreillers soient à peu près les mêmes, leur forme varie selon ce qu'elles représentent. Par conséquent, les extrémités du chien Étreinte Oreiller diffèrent de celles du dinosaure mauve Étreinte Oreiller.

Même si la documentation promotionnelle rédigée par les créateurs des Étreintes Oreillers décrit ces produits comme « des oreillers doux et moelleux », les concepteurs avaient manifestement l'intention d'en faire autre chose qu'un simple article utilitaire comme un oreiller ou un coussin ordinaire. La documentation promotionnelle et les témoignages indiquent que les Étreintes Oreillers ont été mises en valeur et commercialisées dans différents endroits dans le magasin à travers le Canada.

Les résultats du sondage de l'appelant et le témoignage de M. Lewis indiquent que les Étreintes Oreillers, qui constituent de bons articles de transfert, sont parfois vendues dans plus d'un rayon d'un magasin à un même moment. Les éléments de preuve de l'appelant indiquent que ces marchandises sont principalement vendues aux environs de la période de Noël lorsque, comme on peut s'y attendre, les magasins comme ceux de l'appelant réalisent leurs plus importantes ventes de jouets. D'autres éléments de preuve révèlent que la vente des Étreintes Oreillers dans le rayon des jouets a entraîné la diminution des ventes des animaux en peluche en partie à cause de la différence de 20 $ entre leur prix et celui des jouets en peluche représentant les mêmes animaux ou personnages de dessins animés. Une comparaison concrète entre une Étreinte Oreiller Winnie-the-Pooh et un Winnie-the-Pooh en peluche ordinaire a été instructive. À de nombreux égards, leur apparence était très semblable. Tous deux étaient de couleur vive et doux au toucher, mais le jouet en peluche présentait toutefois plus de rigidité. Les consommateurs à la recherche d'un cadeau pour un enfant concluraient sans aucun doute qu'il n'existe que très peu de différences entre les deux versions, si ce n'est la forme plus aplatie et plus malléable des Étreintes Oreillers.

Les éléments de preuve laissent entendre que la valeur ludique de l'animal en peluche ordinaire et celle d'une Étreinte Oreiller sont très semblables. Les deux articles visent à servir de compagnons à de jeunes enfants qui les traîneront avec eux. Il est vrai que, en raison de leur plus grandes dimensions, les tout-petits peuvent trouver les Étreintes Oreillers embarrassantes à transporter au début, mais cette difficulté ne dure pas. Les caractéristiques ludiques des Étreintes Oreillers ont été relevées dans une lettre du Conseil Canadien d'Évaluation des Jouets dans laquelle ce dernier a exprimé l'opinion suivante au sujet des Étreintes Oreillers :

L'article en question possède des caractéristiques comme un corps doux, des traits faciaux et des extrémités, et est produit en de nombreuses combinaisons de couleurs vives et de thèmes - soit toutes les qualités d'un jouet en peluche. Les enfants pourront interagir avec les « Étreintes Oreillers » de la même façon qu'ils s'amuseraient avec les jouets en peluche, habituellement dans le cadre de jeux d'imagination ou considéreront leur « Étreinte Oreiller » comme un ami spécial.

L'Étreinte Oreiller pourrait essentiellement être classée comme un « jouet rembourré » tout en servant également d'oreiller [5] .

[Traduction]

L'Étreinte Oreiller peut manifestement servir d'oreiller mais, compte tenu des éléments de preuve relatifs à la différence sur le plan de la fabrication entre un oreiller et une Étreinte Oreiller, la fonction principale de cette dernière n'est vraisemblablement pas celle d'un oreiller. En réalité, les éléments de preuve indiquent que les oreillers sont conçus de façon à soutenir la tête pendant le repos et, à cette fin, ils doivent être remplis à une certaine densité, faute de quoi ils ne pourraient conserver leur intégrité ou leur forme. S'il est vrai qu'il n'est pas nécessaire qu'un oreiller ou un coussin ait une dimension déterminée ou même une certaine épaisseur, il doit néanmoins offrir un support durable. Les Étreintes Oreillers n'offrent pas ce support. Lorsque les Étreintes Oreillers sont pressées, il est possible de sentir l'extrémité de ses doigts à travers le tissu. Il ne fait aucun doute que certains enfants s'endorment la tête posée sur une Étreinte Oreiller. Fait intéressant, Mme Udell, dont la fille avait une Étreinte Oreiller, a indiqué qu'elle a été utilisée davantage comme un coussin sur lequel sa fille se reposait ou comme un objet que sa fille emportait avec elle au cours de voyages en automobile.

Selon le Tribunal, il semble bien que la même chose s'appliquerait aux coussins. Il y a lieu de s'attendre à ce qu'un coussin offre un support et qu'il conserve en grande partie son intégrité lorsque quelqu'un s'y repose. Pour maintenir cette intégrité, la bourre doit être assez dense et les fibres doivent posséder des propriétés particulières. Bref, la fibre utilisée dans la construction des Étreintes Oreillers vise à leur donner une sensation et un degré de douceur différents de ceux d'un coussin. Elles sont bourrées à la main tandis qu'une méthode de remplissage à l'air est utilisée pour fabriquer les coussins. Il n'y a aucun doute que les Étreintes Oreillers n'offrent pas le support que fournirait normalement un coussin et qu'elles ne conservent pas l'intégrité de leur forme lorsqu'une pression ou un poids est appliqué.

Essentiellement, un jouet correspond à quelque chose qui procure un divertissement ou un plaisir. Les jouets peuvent imiter des choses ou des animaux ou avoir des formes qui leur sont propres. Ils peuvent être de construction dure ou rigide ou être doux et moelleux. Ils peuvent être conçus en vue d'une manipulation ou pour être mis sur une étagère pour les exposer. Ils peuvent avoir un aspect mignon et amical ou féroce et effrayant. Ils peuvent être conçus pour être malmenés ou exiger d'être manipulés avec soin. Leur valeur pécuniaire est souvent minime quoique certains jouets, comme les ensembles de trains électriques miniatures, peuvent facilement coûter des milliers de dollars. Tout ceci pour dire que les jouets couvrent une infinité de produits dont certains peuvent être facilement identifiables comme des jouets et d'autres seulement après un examen plus attentif.

Il est manifeste que les coussins et les oreillers, tels qu'ils sont conçus normalement, ont un but différent. Ceci étant dit, certains produits semblent constituer des articles de transfert. Ainsi, un article conçu comme un jouet, c'est-à-dire pour le divertissement ou le jeu, peut comprendre des caractéristiques qui le rendent approprié au repos. À l'inverse, un article conçu pour être utilisé comme un oreiller ou un coussin peut, en raison de sa conception ou de ses couleurs, comporter une valeur de jeu ou de divertissement pour un enfant.

Une grande partie du débat a porté sur la définition de divers termes : jouet, oreiller et coussin. Bien que différentes définitions de dictionnaires aient été offertes par les avocats, l'essence de ces termes est facile à extraire. Selon le Tribunal, un jouet est un objet destiné à divertir et avec lequel quelqu'un peut jouer [6] .

Un oreiller est une enveloppe remplie de fibres naturelles ou synthétiques destinée à soutenir la tête, habituellement pendant le repos ou le sommeil [7] . De même, les coussins renferment des fibres naturelles ou synthétiques insérées dans une enveloppe de tissu afin de procurer un confort ou un soutien à une personne lorsqu'elle est en position agenouillée, de repos ou assise [8] .

Les Étreintes Oreillers renferment certaines caractéristiques de chacun de ces articles. Les éléments de preuve montrent qu'elles sont utilisées pour le jeu, le sommeil et le confort en position assise ou endormie. Tout comme dans bon nombre d'objets destinés aux enfants, l'utilisation des Étreintes Oreillers n'est limitée que par l'imagination de l'enfant. Au toucher, elles sont plus douces et moelleuses que certains des autres jouets en peluche présentés à titre d'éléments de preuve à l'audience. La sensation créée par la bourre « glissante » dans les Étreintes Oreillers ainsi que leur revêtement extérieur « pelucheux » procurent aux enfants une sensation tactile agréable. Les couleurs vives et les sympathiques figures d'animaux leur confèrent un attrait supplémentaire. Il n'est pas étonnant que les Étreintes Oreillers soient en concurrence avec les autres jouets en peluche surtout en raison de l'avantage que leur confère leur prix extrêmement compétitif.

Le Tribunal fait remarquer que les créateurs des Étreintes Oreillers en ont fait la promotion à titre d'oreillers moelleux. L'étiquetage de ces produits laisse également entendre qu'ils étaient considérés comme faisant partie de la famille des oreillers. Dans les magasins de l'appelant, ces produits sont offerts dans le même rayon que celui où se trouvent les oreillers et les coussins, bien qu'ils soient considérablement plus minces et moins fermes que les oreillers ou coussins traditionnels. Il est évident qu'ils fournissent un certain soutien aux enfants pendant que ceux-ci se reposent, dorment ou jouent.

Les avocats de l'appelant ont demandé avec insistance au Tribunal de classer les Étreintes Oreillers à titre de jouets en peluche en s'appuyant sur la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [9] (les Règles générales). La Règle 1 exige que le Tribunal classe les marchandises selon les termes des positions et des sous-positions du Tarif des douanes. Selon les avocats, le numéro de classement 9503.41.00.90, qui vise les jouets rembourrés représentant des animaux ou des créatures non humaines, décrit correctement les marchandises en cause. Par conséquent, les avocats affirment qu'il n'est pas nécessaire d'examiner le numéro de classement 9404.90.20.23 applicable aux oreillers et aux coussins pour en arriver au classement approprié.

Les avocats de l'appelant ont insisté pour que le Tribunal tranche cette affaire en s'appuyant sur trois démarches ou critères d'observation dans le contexte de la Règle 1 des Règles générales [10] . Les critères ont été décrits de la façon suivante :

1. La première démarche pourrait être appelée « critère d'apparence ». L'applicateur du Tarif doit effectuer une inspection matérielle des marchandises en question pour noter les différences et les similitudes entre l'objet en question et la terminologie descriptive utilisée dans le Tarif [des douanes]. L'applicateur doit également noter les différences entre l'objet en question et les autres marchandises normalement classées dans les numéros tarifaires envisagés.

2. La deuxième démarche habituellement utilisée aux termes de la Règle 1 pourrait être désignée « critère de la conception et du meilleur usage ». L'applicateur doit tenir compte des éléments de preuve relatifs à l'utilisation prévue et, plus important encore, l'utilisation actuelle du produit à l'étude.

3. Le troisième critère de la Règle 1 pourrait être désigné « critère de commercialisation et de distribution ». Cette démarche concerne l'examen de la façon dont le produit est emballé, la publicité qui en est faite, les groupes de produits associés à l'objet en question et les principales caractéristiques des sociétés participant à la fabrication, à la distribution et à la vente au détail de la marchandise [11] .

[Traduction]

Cette série de critères constitue, pour le Tribunal, un point de départ utile. Les avocats de l'appelant soutiennent que l'application du premier critère devrait révéler aisément que les Étreintes Oreillers sont des jouets en peluche et non des coussins. Elles ressemblent manifestement à des animaux ou à des personnages de dessins animés et n'ont pas l'aspect que devrait normalement avoir un oreiller ordinaire. Que ce soit en raison de leurs couleurs vives, de leur visage et de leurs extrémités mignonnes ou de leur douce texture pelucheuse, le fait est que, selon l'avis des avocats, elles se distinguent d'un oreiller ou d'un coussin et, à ce titre, se rapprochent davantage de la famille des jouets que de celle des oreillers ou des coussins.

Les avocats de l'intimé ont fait valoir que, en dépit de leurs formes différentes, les Étreintes Oreillers ressemblent encore à des oreillers ou à des coussins sur lesquels une personne peut s'asseoir, s'étendre ou s'agenouiller pour être plus confortable. Elles devraient donc être classées en conséquence.

Le deuxième critère proposé par les avocats de l'appelant est le « critère de la conception et du meilleur usage ». Même si la documentation promotionnelle du concepteur désigne les Étreintes Oreillers comme des « oreillers doux et moelleux », les éléments de preuve laissent entendre que leur utilisation prévue correspond à celle d'un jouet en peluche ou à un article de jeu.

Les avocats de l'intimé ont réfuté cet argument en affirmant que tout ce qui divertit n'est pas un jouet. Selon les avocats, la dimension et l'utilisation des Étreintes Oreillers ne les distinguent pas nécessairement d'un oreiller ou d'un coussin typique. De l'avis des avocats, les Étreintes Oreillers peuvent avoir un but « sérieux », soit servir d'oreiller ou de coussin ou de « doudou » que les enfants traînent avec eux. Les avocats ont fait valoir que la première ou meilleure utilisation des Étreintes Oreillers est celle d'un oreiller ou d'un coussin. De plus, la documentation promotionnelle des concepteurs du produit laisse entendre qu'il s'agit d'« oreillers moelleux ».

Le dernier « critère » mentionné par les avocats de l'appelant était le « critère de commercialisation et de distribution ». Selon eux, les témoignages de Mme Sassoon, de Mme Temple et de M. Lewis ont clairement montré que les Étreintes Oreillers sont commercialisées dans le rayon des jouets de l'appelant, ainsi que dans le rayon des articles ménagers et dans les allées d'étalage promotionnel. Selon le témoignage de ces personnes, les Étreintes Oreillers nuisent aux ventes des autres jouets et animaux en peluche du rayon des jouets et c'est la raison pour laquelle les accords de licence de Disney interdisent la commercialisation des Étreintes Oreillers qui font l'objet d'une licence dans les rayons des jouets des magasins qui offrent également les animaux ou les personnages de dessins animés de Disney.

Les avocats de l'intimé ont fait valoir que la documentation de commercialisation montre les Étreintes Oreillers offertes dans les rayons des articles ménagers et de literie. À l'appui de cette assertion, ils ont mentionné une publicité récente parue dans la section des annonces relatives aux articles ménagers où il était dit que les enfants adorent se blottir contre ces adorables oreillers.

En examinant les éléments de preuve relatifs aux critères susmentionnés, le Tribunal est incapable de conclure que les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales. Le chevauchement entre les oreillers, les coussins et les Étreintes Oreillers en ce qui a trait à leur apparence, leur conception, leur fonction et leur commercialisation est trop important pour permettre au Tribunal de conclure qu'elles doivent être classées dans la position no 94.04 ou 95.03. Comme il est mentionné dans McGoldrick's « Canadian Customs Tariff, Harmonized System », Volume 1:

Il ne sera pas toujours possible d'en arriver à un classement unique et correct en utilisant seulement les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Dans certains cas, nous pouvons trouver un bon nombre de classements qui semblent également applicables. Dans ces cas, nous devons appliquer d'autres règles [...] Il importe de noter que ces autres règles ne sont appliquées que si les termes des positions et les Notes ne peuvent fournir un classement exact [12] .

[Traduction]

En l'espèce, le Tribunal ne peut dégager un classement exact en utilisant la Règle 1. Par conséquent, il doit recourir à d'autres règles.

Les avocats de l'appelant ont ensuite mentionné la Règle 3 a) des Règles générales, soulignant que la Règle 2 n'était pas pertinente en l'espèce. Les avocats ont affirmé que la position no 95.03, qui vise les autres jouets, constitue une description plus spécifique que la position no 94.04, qui vise les articles de literie et autres articles similaires. Les avocats ont toutefois reconnu que, même si la description plus spécifique correspondait à celle d'un jouet, les Étreintes Oreillers pouvaient également être décrites comme des oreillers. La difficulté inhérente à l'établissement de ce classement a été mise en relief par la DND rendue par le bureau régional de Revenu Canada puis révoquée par la suite. Le Tribunal est d'avis que Mme Bédard, auteure de la DND, s'était attentivement penchée sur les marchandises en cause et les critères de classement. Ce faisant, elle a conclu que les Étreintes Oreillers étaient correctement classées dans la position no 95.03. Quoi qu'il en soit, le bureau principal n'a pas sanctionné cette DND qui a été révoquée ultérieurement pour le motif qu'elle reposait sur des éléments de preuve insuffisants. Par conséquent, il est manifeste qu'il existe une confusion quant au classement approprié des Étreintes Oreillers.

Bien que l'analyse des éléments de preuve effectuée par le Tribunal porte ce dernier à conclure que les marchandises en cause correspondent davantage à un jouet qu'à un oreiller ou à un coussin, la description de l'un n'est pas plus spécifique ni plus précise que celle de l'autre. Tout compte fait, le Tribunal ne peut donc trancher cette affaire en appliquant la Règle 3 a) des Règles générales. Les parties ont convenu que la Règle 3 b) n'était pas pertinente.

Les avocats de l'appelant ont conclu en disant que, s'ils ne réussissaient pas à convaincre le Tribunal des points susmentionnés, la position de l'appelant devrait tout de même avoir préséance en vertu de la Règle 3 c) des Règles générales parce que, selon l'ordre de numérotation, la position no 95.03 suit la position no 94.04. La Règle 3 c) exige que le Tribunal choisisse la position classée la dernière lorsque des numéros de classement concurrentiels semblent autant valables l'un que l'autre.

Par conséquent, le Tribunal conclut que l'intimé a fait erreur lorsqu'il a classé les Étreintes Oreillers dans le numéro tarifaire 9404.90.20. Le classement correct est le numéro tarifaire 9503.41.00.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Transcription de l'audience publique, le 12 mars 1998 à la p. 83.

4. Ibid. à la p. 114.

5. Mémoire de l'appelant, onglet 3 à la p. 3.

6. Voir, par exemple, la définition du terme « toy » (« jouet »), Gage Canadian Dictionary, Toronto, Gage Educational Publishing, 1997 à la p. 1549.

7. Voir, par exemple, les définitions du mot « pillow » (« oreiller »), ibid. à la p. 1115; Webster's New World Dictionary, 3e éd. College, New York, Simon & Shuster, 1988 à la p. 1024; Funk & Wagnalls New Standard Dictionary, New York, Funk & Wagnalls, 1964 à la p. 1876.

8. Voir, par exemple, les définitions du terme « cushion » (« coussin »), supra note 6 à la p. 386; Funk & Wagnalls New Standard Dictionary, New York, Funk & Wagnalls, 1964 à la p. 637.

9. Supra note 2, annexe I.

10. Voir, par exemple, l'affaire World Famous Sales of Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-93-263, le 31 août 1994.

11. Mémoire de l'appelant aux p. 11-12.

12. Classification Method for the Harmonized System, Ottawa, McMullin, 1998 à la p. 16.


Publication initiale : le 8 octobre 1998