ASEA BROWN BOVERI INC.

Décisions


ASEA BROWN BOVERI INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-123

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 21 décembre 1999

Appel n o AP-97-123

EU ÉGARD À un appel entendu les 12 et 13 avril 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 6 janvier 1998 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ASEA BROWN BOVERI INC. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (maintenant le commissaire, Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains commutateurs de prises en charge importés par l'appelante sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8535.30.90 à titre d'autres sectionneurs et interrupteurs, qui sont de l'appareillage pour la coupure, le sectionnement, la protection, le branchement, le raccordement ou la connexion des circuits électriques (interrupteurs, commutateurs, coupe-circuit, parafoudres, limiteurs de tension, étaleurs d'ondes, prises de courant, boîtes de jonction, par exemple), pour une tension excédant 1 000 volts, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8504.90.91 à titre de parties de transformateurs des numéros tarifaires 8504.21.20, 8504.22.00, 8504.23.00 ou 8504.34.00, comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les commutateurs de prises en charge en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20.

DÉCISION : L'appel est admis. Étant donné que l'intimé n'a pas contesté le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8504.90.91 à titre de parties de transformateurs, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.91 à titre de parties de transformateurs. Le Tribunal conclut également que les marchandises en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont physiquement connectées et fonctionnellement unies à un appareil de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20. Les marchandises en cause sont des actionneurs qui exécutent une fonction de contrôle ou de gestion. Puisque c'est l'actionneur qui de fait exécute les commandes de l'appareil de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20, le Tribunal est d'avis que l'actionneur est essentiel au fonctionnement dudit appareil. Sans l'actionneur, la variable à régler ne pourrait être maintenue à la valeur prescrite.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 12 et 13 avril 1999 Date de la décision : Le 21 décembre 1999
Membres du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant Raynald Guay, membre Peter F. Thalheimer, membre
Avocats pour le Tribunal : Tamra Alexander Marie-France Dagenais
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Peter E. Kirby et Michael Sherbo, pour l'appelante Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (maintenant le commissaire, Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi. La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains commutateurs de prises en charge importés par l'appelante sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8535.30.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres sectionneurs et interrupteurs, qui sont de l'appareillage pour la coupure, le sectionnement, la protection, le branchement, le raccordement ou la connexion des circuits électriques (interrupteurs, commutateurs, coupe-circuit, parafoudres, limiteurs de tension, étaleurs d'ondes, prises de courant, boîtes de jonction, par exemple), pour une tension excédant 1 000 volts, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8504.90.91 à titre de parties de transformateurs des numéros tarifaires 8504.21.20, 8504.22.00, 8504.23.00 ou 8504.34.00, comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les commutateurs de prises en charge en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101 à titre d'articles devant servir aux marchandises du numéro tarifaire 9032.89.20. La nomenclature tarifaire pertinente précise ce qui suit :

85.04 Transformateurs électriques, convertisseurs électriques statiques (redresseurs, par exemple), bobines de réactance et selfs.

8504.90 -Parties

8504.90.91 ----Des marchandises des nos tarifaires 8504.21.20, 8504.22.00, 8504.23.00 ou 8504.34.00

85.35 Appareillage pour la coupure, le sectionnement, la protection, le branchement, le raccordement ou la connexion des circuits électriques (interrupteurs, commutateurs, coupe-circuits, parafoudres, limiteurs de tension, étaleurs d'ondes, prises de courant, boîtes de jonction, par exemple), pour une tension excédant 1 000 volts.

8535.30 -Sectionneurs et interrupteurs

8535.30.90 ---Autres

Le code tarifaire pertinent prévoit ce qui suit :

Articles (autres que les marchandises des nos tarifaires énumérées ci-dessous) devant servir aux :

2101 Les marchandises des nos tarifaires : [...] 9032.89.20.

Le numéro tarifaire 9032.89.20 précise ce qui suit :

90.32 Instruments et appareils pour la régulation ou le contrôle automatiques.

9032.89 --Autres

9032.89.20 ---Appareils de processus industriel à l'exclusion des détecteurs, qui co[n]vertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa.

PREUVE

M. Jean-Pierre Haché, directeur du Marketing chez Asea Brown Boveri Inc., a témoigné au nom de l'appelante. M. Haché est ingénieur et le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en techniques des centrales électriques capable de présenter des éléments de preuve sous forme d'opinions sur les questions liées au contrôle du processus. M. Haché a témoigné que la production, le transport et la distribution de l'électricité est un processus. Il a déclaré que l'équipement qui mesure, interprète une mesure ou réagit à un phénomène a une incidence directe sur la régulation et le contrôle du processus, et en fait donc partie. M. Haché a déclaré que le contrôle intervient, premièrement, au niveau local ou de la sous-station. En cas de défaillance d'une ligne, l'équipement de protection intervient, et soit déclenche un disjoncteur soit ouvre un circuit, et, au même moment, envoie un signal au centre de commande régional. Au niveau régional, les décisions quant à la façon de contourner la défectuosité sont prises, et des circuits sont ouverts ou fermés pour réacheminer l'énergie électrique. D'une façon similaire, le problème est signalé au centre de commande central et, si des ajustements doivent être effectués dans plus d'une région pour y remédier, le centre de commande central veille à ce que les mesures correctives indiquées soient prises. M. Haché a déclaré que les trois niveaux de commande sont entièrement reliés et intégrés.

M. Haché a expliqué que chaque sous-station a son propre centre de commande, qui est connecté avec le centre de commande régional. Il a déclaré que les centres de commande des sous-stations sont aussi connectés à des transformateurs de tension et de courant qui mesurent le passage de l'énergie électrique. Ces mesures sont envoyées à des relais qui les analysent et envoient des signaux à un disjoncteur, à un commutateur de prises ou à tout autre dispositif ayant une fonction de régulation, de commande ou de protection pour que ce dernier intervienne, au besoin. M. Haché a témoigné que les marchandises en cause ont été installées aux sous-stations Magnan et La Durantaye du réseau d'Hydro-Québec. Il a témoigné que les deux sous-stations sont dotées de centres de commande.

M. Haché a décrit la fonction des marchandises en cause comme étant une fonction de régulation de la tension sur la ligne. Le relais de commande envoie, depuis le centre de commande, un signal au commutateur de prises lorsqu'il faut ajuster les niveaux de tension. Le commutateur de prises comprend des moteurs et divers contacts. Le commutateur de prises change la connexion avec le transformateur de puissance en changeant de prise vers le haut ou vers le bas, ce qui règle la tension. Le transformateur de tension mesure la tension et envoie cette information au relais du centre de commande, qui décide si les niveaux de tension doivent être modifiés davantage. M. Haché a témoigné que les marchandises en cause sont directement connectées à un centre de commande qui connaît la position de chaque prise. Il a déclaré que, selon la charge, les commutateurs de prises peuvent intervenir à plusieurs reprises.

M. Réjean M. Breton, président de Breton, Banville & Associés, une firme d'experts-conseils, a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. Breton le titre d'expert en techniques des centrales électriques capable de présenter des éléments de preuve sous forme d'opinions sur les questions liées au contrôle du processus. M. Breton a présenté au Tribunal un diagramme du réseau électrique d'Hydro-Québec. M. Breton a expliqué les divers éléments du réseau, de la production au transport et à la distribution. M. Breton a établi une distinction entre l'équipement primaire, p. ex., les génératrices, les transformateurs, les barres omnibus et les lignes de transport, et l'appareillage de protection et de mesure, comme les relais de protection. M. Breton a témoigné que l'équipement de protection et de mesure communique avec le centre de commande au sujet des décisions à prendre. M. Breton a aussi déclaré que les actionneurs sont des instruments, ou de l'équipement, qui réagissent à un signal de commande et qu'ils ne sont pas une partie intégrante du contrôle du processus.

M. Breton a témoigné que le contrôle local ou au niveau de la sous-station n'est pas une partie intégrante du contrôle du processus. Il a déclaré que le contrôle du processus est la somme de toutes les activités de contrôle locales. Il a déclaré que le contrôle du processus n'est effectué qu'aux niveaux régional et central. La distinction que M. Breton a établie entre les activités de contrôle locales et celles aux niveaux régional ou central se rapporte au fait que les activités de contrôle locales ne visent que l'équipement qui avoisine la salle de commande, au sein de la sous-station. Cependant, les activités de contrôle régionales ou centrales rejoignent plusieurs emplacements éloignés différents.

M. Breton a confirmé que les sous-stations Magnan et La Durantaye sont dotées de centres de commande qui sont reliés à des centres de commande régionaux. M. Breton a décrit la fonction des marchandises en cause comme étant la modification des niveaux de tension dans un transformateur de puissance. Il a témoigné que les commutateurs de prises en charge peuvent être ajustés manuellement ou à distance par l'intermédiaire des relais du centre de commande. M. Breton a déclaré que le commutateur de prises est un actionneur.

Mme Susan Ryan, agente de la vérification de l'observation au ministère du Revenu national (maintenant l'Agence des douanes et du revenu du Canada), a aussi témoigné au nom de l'intimé. Mme Ryan a témoigné relativement à sa participation à l'élaboration de l'Avis des douanes N-010 [3] .

PLAIDOIRIES

Au début de l'audience, l'avocat et le représentant de l'appelante ont informé le Tribunal que les parties étaient d'accord sur le classement tarifaire des marchandises en cause. L'avocat de l'intimé n'a pas contesté que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8504.90.91.

En ce qui concerne la deuxième question en litige, soit de déterminer si les marchandises en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101, l'avocat et le représentant de l'appelante ont soutenu que les parties et leurs témoins experts ont tous convenu que la production, le transport et la distribution de l'énergie électrique forment, collectivement, un processus. L'avocat et le représentant ont déclaré que les témoins experts ont convenu que le réseau électrique est constitué de divers composants, qui sont tous connectés entre eux par des fils ou des câbles. L'avocat et le représentant ont ajouté que les témoins experts ont convenu que le contrôle du processus intervient partout dans le réseau et s'exerce à trois niveaux : central, régional et local. L'avocat et le représentant ont soutenu que la distinction établie par M. Breton, selon laquelle uniquement la commande exercée aux niveaux central et régional constitue le « contrôle du processus », était indéfendable et ils ont soutenu que M. Breton n'était pas en mesure d'expliquer pourquoi les activités de contrôle locales ne font pas partie du « contrôle du processus ». Ils ont aussi soutenu que la distinction établie par M. Breton entre l'équipement primaire, de commande et de protection et sa définition d'actionneurs ne sont pas compatibles avec des avis bien établis, du fait que des marchandises, comme des disjoncteurs, dont tous conviennent qu'elles sont des parties intégrantes du contrôle du processus, sont classées comme n'en faisant pas partie.

L'avocat et le représentant de l'appelante ont soutenu que le contrôle du processus survient aux niveaux central, régional et local. Ils ont soutenu qu'il suffit que l'appelante démontre que les marchandises en cause sont des articles « devant servir dans » des centrales ou des sous-stations qui sont dotées d'un centre de commande [4] et que lesdites marchandises sont physiquement connectées et sont fonctionnellement unies au centre de commande [5] .

L'avocat et le représentant de l'appelante ont soutenu que les marchandises en cause ont été installées aux sous-stations Magnan et La Durantaye, qui sont toutes les deux dotées d'un centre de commande. Selon l'avocat et le représentant, les deux témoins experts ont reconnu que les marchandises en cause sont reliées, par voie de fixation, au centre de commande et interagissent avec les centres de commande de la structure hiérarchique, de telle sorte que le centre de commande central, situé à Montréal (Québec), est informé du réglage de chacun des commutateurs de prises du réseau. L'avocat et le représentant ont soutenu que les deux témoins experts ont confirmé que les marchandises en cause agissent sur le transformateur de puissance en fonction de signaux qu'elles reçoivent du centre de commande. Ils ont soutenu que, puisque les marchandises en cause sont physiquement connectées et fonctionnellement unies à un centre de commande, elles sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la production, le transport et la distribution de l'énergie électrique, pris collectivement, constituent un processus. Par conséquent, selon l'avocat, pour qu'il y ait « contrôle du processus », le contrôle doit s'exercer sur tous les trois éléments du processus. L'avocat a déclaré que, si l'équipement ne se rapporte qu'à un aspect du processus, par exemple, le transport, il ne participe pas au contrôle du processus. L'avocat a avancé que le Tribunal a été d'accord sur la position de l'intimé, selon laquelle le contrôle du processus ne se situe qu'au niveau central ou « principal », dans l'appel no AP-93-392 [6] . L'avocat de l'intimé a invoqué les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] de la position no 90.32, et a soutenu que les actionneurs se situent à l'extérieur du contrôle du processus et ne peuvent en être une partie.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause, qui sont de l'équipement primaire et des actionneurs, ne font pas partie du contrôle du processus. Il a également soutenu que, puisque les marchandises en cause ne se rapportent qu'à la distribution de l'énergie électrique et non à sa production ni à son transport, lesdites marchandises ne font pas partie du contrôle du processus. Il a soutenu que les marchandises en cause sont importantes pour le fonctionnement du réseau, mais qu'elles ne sont pas « essentielles » au contrôle du processus. L'avocat a soutenu que c'est le relais qui envoie un signal aux marchandises en cause pour qu'elles réagissent à une situation et non au contrôle du processus. Pour les raisons susmentionnées, l'avocat a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101.

DÉCISION

L'intimé n'a pas contesté le classement des marchandises en cause à titre de parties des transformateurs du numéro tarifaire 8504.90.91. Puisque l'intimé n'a pas contesté le classement, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées à titre de parties des transformateurs du numéro tarifaire 8504.90.91.

Le Tribunal doit maintenant déterminer si les marchandises en cause sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101, qui s'applique aux « [a]rticles (autres que les marchandises des nos tarifaires énumérées ci-dessous) devant servir aux [...] marchandises des nos tarifaires [...] 9032.89.20 ». Le numéro tarifaire 9032.89.20 vise les « [a]ppareils de processus industriel à l'exclusion des détecteurs, qui co[n]vertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa ». Les Notes explicatives de la position no 90.32 prévoient que la position comprend :

[l]es régulateurs automatiques [...] destinés à être utilisés dans les installations de régulation qui ont pour fonction d'amener une grandeur électrique ou non électrique à une valeur prescrite et de l'y maintenir sans être influencés par d'éventuelles perturbations, grâce à une mesure continue ou périodique de sa valeur réelle. Ils se composent essentiellement des dispositifs suivants :

A) Un dispositif de mesure (palpeur, convertisseur, sonde à résistance, thermocouple, etc.) qui détermine la valeur réelle de la grandeur à régler et la transforme en un signal électrique proportionnel.

B) Un dispositif électrique de contrôle, qui compare la valeur mesurée à la valeur de consigne et délivre un signal généralement sous la forme d'un courant modulé.

C) Un dispositif d'enclenchement, de déclenchement ou de commande (généralement plots de contact, contacteurs-disjoncteurs, contacteurs-inverseurs et, le cas échéant, contacteurs-relais) qui transmet, en fonction du signal délivré par le dispositif de contrôle, un courant électrique à l'actionneur.

Les dispositifs visés en A), B) et C) constituent un régulateur automatique au sens de la Note 6 b) du présent Chapitre, que ces trois dispositifs forment un seul bloc ou, par application de la Note 3 du présent Chapitre, une unité fonctionnelle.

Un régulateur automatique qui est également un appareil de processus industriel est classé dans le numéro tarifaire 9032.89.20.

Le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont des articles « devant servir dans » des appareils de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20. Au moment de l'importation des marchandises en cause, l'article 4 du Tarif des douanes précisait ce qui suit :

Les expressions « devant servir dans » et « devant servir à », mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code [8] .

Le Tribunal reprend l'interprétation du terme entrant « par voie de fixation » qui a été appliquée dans l'affaire Sony, où les marchandises ont été considérées comme entrant dans la composition d'autres marchandises « par voie de fixation » si elles sont « physiquement connectées et sont fonctionnellement unies » à ces dernières [9] . Pour que le Tribunal détermine si les marchandises en cause sont physiquement connectées et fonctionnellement unies aux appareils de processus industriel, le Tribunal doit d'abord déterminer ce qui constitue un appareil de processus industriel du numéro tarifaire 9032.89.20.

Les Notes explicatives de la position no 90.32 prévoient que les régulateurs automatiques compris dans la position incluent un dispositif de mesure, un dispositif électrique de contrôle et un dispositif d'enclenchement, de déclenchement ou de commande. Selon les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal, aux sous-stations Magnan et La Durantaye, les transformateurs de tension et de courant surveillent les niveaux sur les lignes de transport. Ces transformateurs envoient de l'information aux relais de commande situés aux sous-stations, ces relais interprétant l'information et envoyant un signal aux marchandises en cause s'il faut ajuster les niveaux de tension. Le Tribunal est d'avis que ces transformateurs de tension et de courant, qui sont des dispositifs de mesure, et les relais de commande, qui sont des dispositifs électriques de contrôle, composent une unité fonctionnelle et que ladite unité fonctionnelle est un régulateur automatique classé dans la position no 90.32. Le Tribunal doit donc déterminer si cette unité fonctionnelle est un « [a]ppareil[...] de processus industriel à l'exclusion des détecteurs, qui converti[...]t des signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa » conformément aux termes du numéro tarifaire 9032.89.20.

L'appelante a défendu la position que l'expression contrôle du processus doit être interprétée dans un sens large pour inclure tout article qui modifie les actions, l'état ou les composants du réseau électrique. L'intimé préconise une interprétation plus stricte, et soutient qu'il n'y a contrôle du processus que lorsqu'il y a contrôle des trois éléments du réseau électrique (production, transport et distribution). L'intimé affirme que le contrôle du processus peut donc uniquement se produire aux niveaux régional et central. Le Tribunal est d'avis que la réponse à la question de savoir ce qui constitue le contrôle du processus se situe entre ces deux positions.

Le Tribunal est d'avis que deux types de décisions sont prises par le réseau électrique. Les décisions du premier type visent à protéger le réseau et ses principaux composants du dommage que pourraient causer des perturbations aléatoires ou non maîtrisées. Les décisions du deuxième type visent à garantir que le réseau fonctionne selon les spécifications et produise les résultats voulus. La nature des décisions du premier type se rapporte à la protection, tandis que celle du deuxième type se rapporte au contrôle ou à la gestion du système. Le Tribunal est d'avis que le « contrôle du processus » inclut le fonctionnement de dispositifs qui, ensemble, surveillent le système, interprètent les données reçues et entrent en action pour ramener le système à des valeurs prédéfinies. Par conséquent, les dispositifs qui participent à des décisions de contrôle ou de gestion participent au contrôle du processus. En outre, les dispositifs qui participent à certaines décisions à caractère de protection peuvent aussi participer au contrôle du processus.

Le Tribunal n'accueille pas l'opinion de l'intimé selon laquelle, pour qu'il y ait contrôle du processus, le contrôle doit s'exercer sur les trois éléments du processus (production, transport et distribution). Le Tribunal est d'avis que le contrôle d'un seul élément du processus, ou un aspect d'un seul élément du processus, peut faire partie du contrôle du processus [10] . Le Tribunal fait observer que sa position en l'espèce est conforme aux termes de l'Avis des douanes N-010, qui prévoit que les sous-stations de transport secondaire ayant habituellement une tension nominale supérieure à 44 kV sont équipés, pour la plupart, d'un centre de commande, et que, en dépit du fait qu'une sous-station de transport secondaire, comme Magnan et La Durantaye, commande le transport de l'énergie électrique et n'a pas rapport à sa production ni à sa distribution, un tel centre de commande est classé en vertu du numéro tarifaire 9032.89.20.

Selon les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal, l'unité fonctionnelle, composée de transformateurs de tension et de courant et de relais de commande, surveille le transport de l'énergie électrique pour veiller à ce que la tension et les autres grandeurs soient maintenues à des valeurs indiquées. Selon les éléments de preuve dont dispose le Tribunal, les relais de commande interprètent les données reçues des transformateurs de tension et de courant et envoient un signal à d'autres appareils, comme les disjoncteurs, les commutateurs de prises ou l'appareillage de commutation, pour en déclencher l'action visant à ramener le système aux valeurs prédéfinies. Le Tribunal, par conséquent, conclut qu'une telle unité fonctionnelle participe aux décisions de gestion et de contrôle et participe donc au contrôle du processus. Le Tribunal est d'avis que l'unité fonctionnelle, qui se compose de transformateurs de tension et de courant et de relais de commande, est un appareil de processus industriel aux termes du numéro tarifaire 9032.89.20.

Selon les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal, les marchandises en cause sont physiquement connectées aux relais de commande qui font partie de l'appareil de processus industriel. Cependant, les marchandises en cause doivent aussi être fonctionnellement unies à l'appareil de processus industriel; il ne suffit pas qu'elles soient physiquement connectées.

Selon les Notes explicatives de la position no 90.32, les régulateurs automatiques de la position no 90.32 sont reliés à des actionneurs électriques, pneumatiques ou hydrauliques qui ramènent la variable à régler à la valeur prescrite. Les exemples d'actionneurs fournis dans les Notes explicatives sont le vérin réglant la distance des électrodes d'un four à arc, ou la vanne motorisée d'alimentation en eau ou en vapeur d'une chaudière, d'un four ou d'un défibreur. C'est l'actionneur qui exécute véritablement les signaux de commande du régulateur automatique. Le Tribunal est d'avis que les actionneurs sont essentiels au fonctionnement d'un régulateur automatique, puisque, sans les actionneurs, la variable à régler ne pourrait être ramenée à la valeur prescrite. Lorsque le régulateur automatique est un appareil de processus industriel, comme c'est le cas de l'unité fonctionnelle en l'espèce, le Tribunal est d'avis que l'actionneur relié audit appareil est essentiel à la fonction de ce dernier, puisque, sans l'actionneur, la variable à régler ne serait pas réellement ramenée à la valeur prescrite.

Selon les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal, les marchandises en cause sont des actionneurs et elles exécutent une fonction de contrôle ou de gestion. L'appareil de processus industriel surveille la tension en amont et en aval du transformateur de puissance par l'intermédiaire de l'action des transformateurs de tension. Les commutateurs de prises en charge, les marchandises en cause, sont reliés à des relais de commande et réagissent à des signaux reçus des relais de commande pour augmenter ou diminuer la tension du transformateur de puissance selon les exigences de charge. L'action des commutateurs de prises, qui consiste à augmenter ou à baisser la tension, donne suite aux commandes ou signaux reçus des relais de commande qui font partie de l'appareil de processus industriel. L'action des commutateurs de prises en charge est essentielle au contrôle du processus.

En conclusion, les commutateurs de prises en charge et le transformateur de puissance, dont les commutateurs de prises en charge sont une partie intégrante, constituent un dispositif intégré qui fait varier le niveau de tension sur la ligne en fonction des signaux reçus des relais de commande, qui font partie de l'appareil de processus industriel. Les marchandises en cause sont fonctionnellement unies à l'appareil de processus industriel, puisqu'elles sont essentielles au fonctionnement fondamental de l'appareil de processus industriel. Par conséquent, puisque le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont physiquement connectées et fonctionnellement unies à l'appareil de processus industriel, lesdites marchandises sont admissibles à l'exonération de droits prévue par le code 2101.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3. Ministère du Revenu national, « Interprétation du code tarifaire 2101 en ce qui concerne un réseau électrique » (5 décembre 1995).

4. À l’appui de leur affirmation, l’avocat et le représentant ont invoqué l’affaire Asea Brown Boveri c. S.-M.R.N. (10 juin 1998), AP-93-392, AP-93-393, AP-94-001, AP-94-002, AP-94-007, AP-94-019, AP-94-020, AP-94-026, AP-94-028, AP-94-030, AP-94-033, AP-94-043, AP-94-055, AP-94-060, AP-94-064, AP-94-068, AP-94-077, AP-94-079, AP-94-097 et AP-96-118 (T.C.C.E.).

5. À l’appui de leur affirmation, l’avocat et le représentant ont invoqué l’affaire Sony du Canada c. S.-M.R.N. (12 décembre 1996), AP-95-262 (T.C.C.E.) [ci-après Sony].

6. Supra note 7.

7. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986 [ci-après Notes explicatives].

8. Supra note 2. Étant donné la tarification des codes tarifaires, les codes tarifaires et le renvoi aux codes tarifaires compris dans la définition ont été supprimés dans le nouveau Tarif des douanes, L.C. 1997, c. 36.

9. Supra note 5 aux p. 6-7.

10. Le Tribunal n’accueille pas la position de l’intimé selon laquelle la décision rendue par le Tribunal dans l’appel no AP-93-392, supra note 4, confirme que le contrôle du processus ne peut se produire qu’au niveau central ou principal. Le Tribunal fait observer que, dans les motifs de la cause susmentionnée, il a uniquement déclaré que les éléments de preuve présentés par le premier témoin de l’intimé, selon lesquels il doit s’agir de commandes principales pour qu’il y ait appareil de processus industriel, coïncidaient avec les termes de l’Avis des douanes N-010 et avec le témoignage du représentant du ministère. Le Tribunal n’a pas rendu de conclusions sur la question de savoir s’il doit y avoir commande centralisée pour qu’il y ait appareil de processus industriel.


Publication initiale : le 20 janvier 2000