FONORA TEXTILE INC.

Décisions


FONORA TEXTILE INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-038

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 25 septembre 1998

Appel n o AP-97-038

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 février 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 28 mai 1997 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FONORA TEXTILE INC. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines pièces rectangulaires d'étoffe pour usage industriel sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.10.90 à titre d'autres serpillières ou wassingues, lavettes, chamoisettes et articles d'entretien similaires, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6307.10.10 à titre de serviettes pour usage industriel, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal constate que, selon les résultats des essais faits par le ministère du Revenu national, les chiffons en cause respectaient toutes les exigences du numéro tarifaire 6307.10.10, sauf pour ce qui est de la longueur et de la largeur. Toutefois, la fiabilité des résultats des essais a été mise en doute pour les motifs suivants : 1) la règle ayant servi à mesurer les chiffons en cause était placée sur la table plutôt que sur le dessus des chiffons; 2) pour ce qui est des plis, des faux plis et des cassures, les chiffons en cause ont tout simplement été étendus sans être repassés 3) cinq mesures supplémentaires seulement ont été prises lorsqu'il a été constaté que les échantillons ne respectaient pas les exigences de largeur et de longueur. Le témoin pour l'intimé a convenu que la méthode d'enlèvement des plis peut donner lieu à des erreurs et que, pour ce qui est de la fiabilité des résultats des essais par rapport au lot entier, les deux échantillons soumis aux essais n'étaient pas très représentatifs de la totalité du lot. Tout compte fait, le Tribunal n'est pas convaincu de l'exactitude des résultats des essais pour ce qui est de la largeur et de la longueur des échantillons des chiffons en cause.

Les seuls autres résultats d'essais dont dispose le Tribunal sont ceux du Centre des technologies textiles. Le Tribunal reconnaît que les échantillons soumis à des essais par le Centre des technologies textiles ne répondaient pas à toutes les exigences du numéro tarifaire 6307.10.10, mais le Tribunal est d'avis que les résultats des essais portant sur la largeur et la longueur, soit les valeurs énoncées dans le numéro tarifaire 6307.10.10, montrent que, si la règle est placée sur le dessus des chiffons en cause et qu'ils sont repassés, les dimensions peuvent être supérieures. Le Tribunal est en outre convaincu que, si le ministère du Revenu national avait placé la règle sur le dessus des échantillons et les avait repassés, les exigences du numéro tarifaire 6307.10.10 quant à la largeur et à la longueur auraient probablement été respectées. Par conséquent, les chiffons en cause doivent être classées à titre de serviettes pour usage industriel dans le numéro tarifaire 6307.10.10.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 février 1998 Date de la décision : Le 25 septembre 1998
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Raynald Guay, membre Peter F. Thalheimer, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Eric Steinberg, pour l'appelante Louis Sébastien, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi. Dans la décision, le sous-ministre indique que « selon l'analyse en laboratoire, les serviettes ne répondent aux exigences énoncées dans le numéro tarifaire 6307.10.10 » [traduction]. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines pièces rectangulaires d'étoffe pour usage industriel sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.10.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres serpillières ou wassingues, lavettes, chamoisettes et articles d'entretien similaires, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans numéro tarifaire 6307.10.10 à titre de serviettes pour usage industriel, comme l'a soutenu l'appelante. Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire à l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivantes:

63.07 Autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements.

6307.10 -Serpillières ou wassingues, lavettes, chamoisettes et articles d'entretien similaires

6307.10.10 ---Serviettes pour usage industriel, ourlées, d'une largeur d'au moins 43 cm mais n'excédant pas 56 cm et d'une longueur d'au moins 43 cm mais n'excédant pas 61 cm, en tissus écrus constitués uniquement de coton ou de coton et de fibres synthétiques ou artificielles, mesurant entre 420 et 1 000 décitex par fil simple, ayant au moins 78 et au plus 133 fils au 10 cm dans la chaîne et au moins 78 et au plus 137 fils au 10 cm dans la trame, pesant au moins 135 g/m2 et au plus 203 g/m2

6307.10.90 ---Autres

M. Eric Aronoff, président de la société Fonora Textile Inc., a comparu à titre de témoin. Il a décrit l'activité de l'appelante et les chiffons en cause, et il a présenté les faits concernant l'envoi en question. M. Aronoff a décrit les chiffons en cause comme des pièces de tissu mesurant environ 17,5 po × 17,5 po, 100 p. 100 coton, sans teinture ni fini. Les bords du tissu sont cousus sur trois côtés. M. Aronoff a expliqué que, puisque la coupe est faite manuellement au cours du procédé de fabrication des chiffons, il pouvait y avoir des irrégularités. Avant d'être vendus au Canada, les chiffons en cause sont traités ou transformés au Canada, en étant lavés et blanchis, de sorte qu'il y a un rétrécissement marqué et un gonflement des fibres, rendant les chiffons plus absorbants.

M. Aronoff a expliqué que l'appelante importait les chiffons en cause depuis huit ou neuf ans et qu'elle recevait environ 15 expéditions de quelque 600 000 chiffons par année. M. Aronoff a expliqué que l'appelante reçoit des échantillons avant la production et qu'elle les vérifie pour ce qui est du poids, des dimensions et du compte de fils. En outre, lorsque les chiffons importés arrivent au Canada, l'appelante choisit généralement un ballot au hasard, l'ouvre, en retire certains échantillons et les pèse, les mesure et établit leur compte en fils. À part une occasion où l'appelante a eu un problème au moment de l'importation de chiffons en provenance d'un fournisseur différent, que le ministère du Revenu national (Revenu Canada) avait jugés trop légers ou trop petits, et pour lesquels l'appelante avait accepté le jugement et payé les droits exigibles, l'appelante n'a jamais constaté qu'un échantillon ou l'autre du fournisseur des chiffons en cause ne répondait pas aux exigences du numéro tarifaire 6307.10.10.

Pour ce qui est de la remise d'échantillons des chiffons en cause par l'appelante à Revenu Canada, M. Aronoff a affirmé que le courtier en douanes de l'appelante avait prévenu le contrôleur de l'appelante qu'il devait obtenir des échantillons pour Revenu Canada en réponse à la demande de ce ministère en juin 1995. M. Barry Fortin, acheteur pour Fonora Textile Inc., a alors retiré des échantillons de l'envoi en question et, en juillet 1995, il a envoyé ces derniers à Revenu Canada, de même qu'au Centre des technologies textiles à Sainte-Hyacinthe (Québec), pour mise à l'essai.

L'avocat pour l'intimé a porté à l'attention de M. Aronoff une lettre que Revenu Canada a adressée à l'appelante le 27 juin 1995, lui demandant « d'envoyer des échantillons des marchandises importées et décrites comme il suit : serviettes pour usage industriel, 100 p. 100 coton, art. no HG4137 » [3] [traduction]. La lettre était accompagnée d'un certificat descriptif qui se lit en partie comme il suit : « J'atteste par la présente que les échantillons présentés représentent les marchandises décrites ci-dessus » [traduction]. M. Aronoff a convenu que ce certificat aurait probablement été signé par le courtier en douanes de l'appelante pour son compte.

M. Fortin a également comparu pour témoigner relativement aux échantillons qui ont été fournis à Revenu Canada. Il a indiqué qu'il a été prévenu par le contrôleur de l'appelante que Revenu Canada exigeait des échantillons et qu'il s'est rendu aux ballots de chiffons importés et a pris au hasard environ 7 à 10 échantillons. Le courtier en douanes de l'appelante a envoyé environ quatre échantillons à Revenu Canada vers la fin de juin 1995 et les autres ont été mis de côté avec une étiquette portant le nom de la compagnie et la date d'expédition. M. Fortin n'a pas mesuré les échantillons avant leur envoi à Revenu Canada.

L'appelante a été informée à la fin de septembre 1995 que les échantillons ne répondaient pas aux exigences de Revenu Canada quant aux dimensions. M. Fortin a alors pris l'un des échantillons qui avait été étiqueté et mis de côté et il l'a posé sur un morceau de carton mesurant 43 cm × 43 cm. L'échantillon correspondait aux dimensions du carton ou les dépassait. Des quatre échantillons qui restaient à ce moment-là, deux ont été envoyés au Centre des technologies textiles et, selon les résultats des essais, ces échantillons correspondaient aux dimensions exigées au numéro tarifaire 6307.10.10. Pour obtenir les résultats d'une autre mise à l'essai, le dernier échantillon a été transmis au Centre des technologies textiles en septembre 1997, où il a été constaté que l'échantillon correspondait également aux dimensions exigées.

Des témoins experts ont comparu au nom de l'appelante et de l'intimé pour témoigner des essais qu'ils ont faits sur les échantillons des chiffons en cause et des résultats de ces essais. Le témoin expert de l'appelante, M. Martin Filteau, ingénieur en mécanique occupant le poste de directeur, R & D, Secteur fabrication, au Centre des technologies textiles, a été reconnu par le Tribunal comme un expert des essais textiles. M. Filteau a expliqué que le Centre des technologies textiles est un organisme non gouvernemental sans but lucratif, qui est reconnu par le Conseil canadien des normes pour les essais textiles. M. Filteau a indiqué qu'il n'a pas participé aux essais effectués sur les deux échantillons de chiffons en cause, dont les résultats ont été présentés dans un rapport daté du 13 octobre 1995 [4] . Il a toutefois effectivement supervisé et approuvé les essais de l'autre échantillon des chiffons en cause, dont les résultats ont été présentés dans un rapport du 11 septembre 1997 [5] .

Selon le rapport du 13 octobre 1995, les échantillons ont fait l'objet d'essais relativement à la largeur du textile selon la méthode CAN/CGSB-4.2, nos 4.1-M87 [6] et 4.2-M87 [7] , de l'Office des normes générales du Canada (ONGC), relativement à la masse surfacique, la masse linéique du fil du tissu et au compte de fils au centimètre.

Pour la vérification de la largeur du textile, les échantillons ont été conditionnés à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100 pendant 24 heures, et cinq mesures ont été prises au moyen d'une règle de métal à un endroit éloigné de l'angle entre l'extérieur de la lisière et l'extérieur de l'ourlet. La largeur était au minimum de 45,5 cm, au maximum de 46,6 cm, pour une moyenne de 46,0 cm.

Pour tester la masse surfacique, les échantillons ont été conditionnés à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, et cinq mesures ont été prises sur 100 cm2. La masse moyenne est de 178 g/m2.

Pour trouver la masse linéique de fils, les échantillons ont été conditionnés à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, et dix mesures de longueur du fil ont été prises sur 25 cm avec une tension de 15 g. La densité linéique moyenne était de 68 décitex dans la chaîne, avec un titrage du coton de 8,6, et de 94 décitex dans la trame, avec un titrage du coton de 6,3.

Pour effectuer le compte de fils au centimètre, les échantillons ont été conditionnés à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, cinq mesures ont été prises selon la méthode C, et la distance de mesure était de 5 cm dans la chaîne et de 10 cm dans la trame. Le duitage moyen était de 13,4 fils/cm dans la chaîne, ou 34,0 fils/po, et de 8,8 duites/cm dans la trame, ou 22,5 duites/po. M. Filteau a indiqué que les échantillons ne correspondaient pas au compte de fils au centimètre exigé au numéro tarifaire 6307.10.10 dans la chaîne, soit au plus 133 fils par 10 cm, et que les pièces de l'échantillon comptaient 134 fils/cm, soit une différence de moins de 1 p. 100.

Selon le rapport du 11 septembre 1997, un échantillon a été mis à l'essai pour ce qui est de la largeur et de la longueur du textile selon la méthode CAN/CGSB-4.2, nos 4.1-M87 et 4.2-M87, de l'ONGC, relativement à la masse surfacique du tissu, à la masse linéique du fil du tissu et au compte de fils par centimètre.

Pour mesurer la largeur et la longueur, l'échantillon a été conditionné à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, et cinq mesures ont été prises selon le procédé I, à partir de la lisière jusqu'au pli de la couture pour la largeur, et du pli de la couture au pli de la couture pour la longueur. Pour la largeur, le minimum était de 45,0 cm et le maximum de 45,6 cm, pour une moyenne de 45,2 cm. Pour la longueur, le minimum était de 45,3 cm et le maximum de 45,7 cm, pour une moyenne de 45,4 cm.

Pour mesurer la masse surfacique du tissu, l'échantillon a été conditionné à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, et cinq mesures ont été prises sur 100 cm2. La masse surfacique moyenne était de 130,9 g/m2. M. Filteau a indiqué que l'échantillon pesait environ 4,1 g, ou 3 p. 100, de moins que le poids exigé.

Pour vérifier la masse linéique du fil, l'échantillon a été conditionné à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, et dix mesures ont été prises sur une longueur de fil de 250 mm, avec une tension de 15 g. La masse linéique moyenne était de 68,6 décitex dans la chaîne avec un titrage du coton de 8,6, et de 53,9 décitex dans la trame, avec un titrage du coton de 11,0.

Pour compter le nombre de fils au centimètre, l'échantillon a été conditionné à 21 oC et à une humidité relative de 65 p. 100, cinq mesures ont été prises selon la méthode C et la distance de mesure était de 5 cm. Le compte moyen était de 11,3 fils/cm dans la chaîne, ou 28,8 fils/po, et de 8,9 duites/cm dans la trame, ou 22,7 duites/po.

M. Filteau a indiqué que, pour un tissu qui est cousu, coupé et cousu, il serait à peu près toujours impossible pour une compagnie de fournir les mêmes mesures exactes et qu'une tolérance de 5 p. 100 est généralement acceptable dans l'industrie.

Le témoin expert de l'intimé, M. Les Allen, de la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de Revenu Canada, a mis à l'essai les deux échantillons (nos 118034-001 et 118034-002) fournis par l'appelante, selon la méthode en usage à la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire [8] (méthode utilisée par Revenu Canada), et les résultats de ces essais ont été présentés dans un rapport daté du 20 septembre 1995. Selon le rapport, pour les deux échantillons mis à l'essai relativement à la largeur et à la longueur, l'échantillon no 118034-001 avait une largeur de 42 cm et une longueur de 47 cm, et l'échantillon no 118034-002 avait une largeur de 41 cm et une longueur de 47 cm. Le rapport indique également que les deux échantillons ont été mis à l'essai pour ce qui est du nombre de fils par 10 cm, du poids et du « décitex ». L'échantillon no 118034-001 comptait 113 fils par 10 cm dans la chaîne, 114 fils par 10 cm dans la trame, un poids de 139 g/m2, et un décitex de 616 dans la chaîne et de 595 dans la trame. L'échantillon no 118034-002 avait 112 fils par 10 cm dans la chaîne, 115 fils par 10 cm dans la trame, un poids de 139 g/m2 et un décitex de 607 dans la chaîne et de 573 dans la trame.

M. Allen a indiqué que, avant que les échantillons ne soient mesurés, ils ont été placés dans la « pièce à atmosphère contrôlée » pendant 24 heures, à une température de 20 oC et à une humidité relative de 65 p. 100. Il a indiqué qu'il s'agit-là des conditions exigées dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [9] (les Notes explicatives). M. Allen a ensuite décrit le procédé servant à mesurer les échantillons. Le chimiste adjoint a pris cinq mesures et a calculé la moyenne. Selon ces mesures, les échantillons ne correspondaient pas aux exigences. Par conséquent, M. Allen a pris cinq autres mesures pour s'assurer que les cinq premières étaient exactes.

Interrogé au sujet des écarts entre les mesures prises par Revenu Canada et celles qui ont été prises par l'appelante, M. Allen a indiqué qu'il était évident que Revenu Canada mesurait des échantillons de chiffons différents de ceux qui ont été mesurés pour l'appelante. De l'avis de M. Allen, il n'y aurait pas eu un écart de 4 cm si les mêmes chiffons avaient été mesurés par tous ceux qui ont fait les essais.

Selon M. Allen, Revenu Canada utilise sa propre méthode de mesure, telle qu'elle est expliquée dans la méthode de Revenu Canada, parce qu'il n'existe aucune méthode uniforme pour la mesure de serviettes pour usage industriel. Cette méthode est fondée sur les méthodes de l'ONGC, de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et de l'American Society for Testing and Materials (ASTM). De l'avis de M. Allen, bien qu'il existe des différences entre les procédés de mesure utilisés par l'appelante et ceux de Revenu Canada, ces différences ne devraient pas entraîner un écart dans les résultats. M. Allen a mentionné expressément deux différences : 1) le fait que la règle utilisée pour mesurer les chiffons est placée sur la table plutôt que sur les chiffons; 2) le fait que les mesures ont été arrondies au centimètre le plus près, de sorte que les mesures réelles de 42,2 et 41,3 cm ont été arrondies à 42 et à 41 cm respectivement. M. Allen a indiqué que la personne qui procède à l'essai élimine les plis en étalant le chiffon. Il a convenu que cette méthode d'enlèvement des plis peut amener des erreurs.

En contre-interrogatoire, l'avocat de l'appelante a demandé à M. Allen dans quelle mesure le procédé de Revenu Canada a été bien suivi. L'avocat a mentionné en particulier l'article 5.1.1 de la méthode de Revenu Canada, selon lequel la personne qui procède à l'essai doit « repasser la serviette avec un fer à repasser pour enlever tous les plis, les faux plis et les cassures » [traduction], l'article 5.2.2, selon lequel « il ne faut pas prendre de mesure près des angles arrondis » [traduction] et les articles 5.2.3 et 5.2.4 qui indiquent le nombre de marques pour le mesurage et leur emplacement. M. Allen a indiqué qu'il ne se rappelait pas si le préposé à l'essai s'était conformé à l'article 5.1.1, mais qu'il n'y a pas eu de mesures prises près des angles arrondis. Pour ce qui est des marques, il a indiqué que le premier préposé à l'essai avait fait cinq marques puis, lorsqu'il a découvert que les échantillons de tissu ne répondaient pas aux exigences, il a fait cinq autres marques et pris cinq autres mesures.

L'avocat de l'appelante a également signalé à M. Allen les dispositions de la méthode d'essai uniforme D 3774 de l'ASTM. Il a mentionné en particulier l'article 9.2.1, selon lequel il ne faut pas prendre de mesure de moins de un mètre de la fin du rouleau ou du coupon, et l'article 9.3.1, selon lequel il ne faut pas prendre de mesure à moins de 150 mm des extrémités coupées. Il a aussi mentionné l'article 7.4 lequel prévoit en partie ce qui suit :

Tout échantillon tel qu'il est fourni est l'échantillon unitaire. Lorsqu'un petit échantillon de tissu est envoyé au laboratoire pour servir d'échantillon d'essai, les résultats sont jugés exacts à l'échantillon seulement et non nécessairement pour le lot dont l'échantillon a été tiré.

[Traduction]

Interrogé, à titre de scientifique, au sujet de la fiabilité des résultats des essais fait par Revenu Canada par rapport au lot entier, M. Allen a indiqué qu'« il ne s'agit pas d'un bon échantillon » [traduction]. M. Allen a également convenu que les deux échantillons mis à l'essai n'étaient pas très représentatifs de la totalité du lot. Toutefois, M. Allen a ajouté que, à sa connaissance, il appartient à l'importateur d'envoyer un échantillon représentatif.

L'avocat de l'appelante a allégué que les chiffons en cause correspondent à la fourchette prescrite, soit « une largeur d'au moins 43 cm mais n'excédant pas 56 cm », indiquée dans le numéro tarifaire 6307.10.10. L'avocat a soutenu que, selon les résultats des essais indépendants du Centre des technologies textiles, les échantillons des chiffons en cause correspondaient aux exigences du numéro tarifaire 6307.10.10. Plus précisément, la largeur minimale mesurée était de 45,5 cm, la largeur maximale, de 46,6 cm, soit 46,0 cm en moyenne. Le Centre des technologies textiles a appliqué les méthodes et les procédés requis pour le conditionnement et les essais, car les essais ont été réalisés selon la méthode CAN/CGSB-4.2, nos 4.1-M87 et 4.2-M87 de l'ONGC, laquelle est fondée sur la norme ISO 3932-1976. Les chiffons ont été conditionnés conformément à la norme sur les « atmosphères normales de conditionnement et d'essai des textiles » figurant aux Notes explicatives de la Section XI.

L'avocat de l'appelante a allégué que les essais faits pour le compte de l'intimé n'ont pas été bien exécutés et que la méthode d'essai normalisée D 3774 de l'ASTM, utilisée par l'intimé, n'était pas la bonne méthode, car cette norme ne porte pas sur la mesure de pièces de tissu ayant des dimensions aussi réduites que les échantillons en cause. L'avocat a aussi allégué que la méthode d'essai utilisée n'a pas été bien suivie, car la norme n'impose pas une méthode pour la mesure de pièces de tissu ayant des dimensions aussi réduites que les échantillons en cause. L'avocat a aussi allégué que les chiffons en cause ont été jugés de dimensions insuffisantes, par quelques millimètres, et que, si les préposés à l'essai de Revenu Canada avaient repassé les échantillons et avaient placé la règle sur ceux-ci au moment de les mesurer, ils auraient pu constater que les échantillons avaient les dimensions exigées. En revanche, l'avocat a allégué que, même si les échantillons mis à l'essai n'avaient pas eu la largeur exigée, ces échantillons ne devaient pas être considérés comme représentatifs de l'expédition.

Enfin, l'avocat de l'appelante a allégué que les chiffons en cause ont été emballés par l'appelante en tant que serviettes pour usage industriel et ont été vendus comme des serviettes pour usage industriel pour vente au détail en tant que serviettes pour usage industriel. De l'avis de l'avocat, les chiffons en cause doivent être classés dans la position correspondant aux marchandises auxquelles ils ressemblent le plus.

L'avocat de l'intimé a allégué que, en supposant que toutes les autres exigences aient été satisfaites, ce qui, de l'avis de l'avocat, n'a pas été démontré, les chiffons en cause peuvent être classés dans le numéro tarifaire 6307.10.10 seulement s'ils mesurent au moins 43 cm de largeur mais n'excèdent pas 56 cm. Comme la largeur des chiffons en cause est inférieure à 43 cm, l'avocat a allégué qu'ils ne peuvent être classés dans le numéro tarifaire 6307.10.10 et doivent être classés dans le numéro tarifaire 6307.10.90, peu importe que les chiffons doivent servir ou non en tant que serviettes pour usage industriel, a-t-il précisé.

L'avocat de l'intimé a indiqué qu'il y a trois normes acceptables prévoyant des procédés pour la mesure de la largeur des tissus : CAN/CGSB-4.2, ASTM D 3774 et ISO 3932-1976. L'avocat a allégué que la méthode qu'a utilisée Revenu Canada pour mettre à l'essai les chiffons en cause tient compte des trois normes et que les résultats obtenus avec cette méthode seraient également équivalents aux résultats avec les trois autres méthodes. L'avocat a allégué qu'il n'y a pas de différence pratique entre le procédé de mesure fondé sur la norme CAN/CGSB-4.2, laquelle a été utilisée pour le Centre des technologies textiles pour le compte de l'appelante, et le procédé de mesure qui a été utilisé par la Direction des services scientifiques et de laboratoire pour le compte de l'intimé. De l'avis de l'avocat, l'appelante n'a pas démontré [10] de quelle façon les essais faits par Revenu Canada sur les chiffons en cause comportaient des erreurs.

Pour ce qui est des prétendues erreurs mentionnées par l'avocat de l'appelante, l'avocat de l'intimé a indiqué en particulier qu'il n'y a aucune preuve que l'utilisation de cinq ou de dix marques sur les chiffons aurait fait une différence et qu'il n'y a aucune preuve technique quant à l'effet du repassage des chiffons.

L'avocat de l'intimé a indiqué que l'appelante a été priée de fournir des échantillons représentatifs des chiffons en cause. L'appelante n'a fourni que deux échantillons et l'intimé les a acceptés à titre d'échantillons représentatifs. L'avocat a allégué que, faute d'analyse de chaque chiffon de l'envoi, l'appelante ne pouvait pas prouver que les chiffons en cause étaient incorrectement classés ni déterminer quelle partie de l'envoi aurait pu répondre aux exigences du numéro tarifaire et quelle autre partie ne répondait pas aux exigences. De l'avis de l'avocat, l'échantillon n'était peut-être pas suffisamment représentatif de la totalité de l'envoi, mais il incombait à l'importateur de présenter un plus grand nombre d'échantillons, au besoin, pour que la totalité de l'envoi soit bien représentée.

L'avocat de l'intimé a également allégué que le Tribunal devait s'en remettre aux essais faits par Revenu Canada plutôt qu'aux essais faits pour le compte de l'appelante. Pour soutenir cet argument, il a mentionné une décision [11] en matière de classement rendue par les Services des douanes américaines (U.S. Customs Service). Voici un extrait de cette décision :

Dans un cas semblable, lorsqu'une partie présente un rapport extérieur qui diffère du rapport de laboratoire des Douanes, le rapport de laboratoire des Douanes ne peut être écarté et, par conséquent, il l'emporte sur le rapport extérieur. [...] Pour que les produits soient classés de façon uniforme, la même analyse de laboratoire doit être faite pour tous les bureaux des Douanes. Les Douanes ne peuvent se fier à des rapports extérieurs, lesquels peuvent ou non utiliser des méthodes d'essai différentes, et être quand même uniforme pour le classement tarifaire. En outre, les Douanes n'ont aucune preuve que la marchandise mise à l'essai par le laboratoire extérieur est la même marchandise [12] .

[Traduction]

Le Tribunal doit décider en l'espèce si les chiffons en cause répondent aux exigences du classement dans le numéro tarifaire 6307.10.10. Le Tribunal doit se conformer à l'article 10 du Tarif des douanes, selon lequel les marchandises doivent être classées conformément aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [13] (les Règles générales) et aux Règles canadiennes [14] . Selon la Règle 1 des Règles générales, le classement doit être fait selon les termes des positions et selon les notes de Sections ou de Chapitres, le cas échéant, et, sauf si le libellé de ces positions ou ces notes n'offre une indication contraire, selon les principes énoncés aux Règles 2 à 6, de même que des Règles canadiennes qui suivent. Le Tribunal est également tenu par l'article 11 du Tarif des douanes de considérer les Notes explicatives comme un guide dans l'interprétation des positions et des sous-positions à l'annexe I du Tarif des douanes. Aux fins du présent appel, le Tribunal doit décider si les chiffons en cause répondent aux exigences du numéro tarifaire 6307.10.10 sous réserve des notes de Section ou de Chapitre le cas échéant, et tenir compte des Notes explicatives.

Le Tribunal constate que, dans les Notes explicatives de la Section XI, qui portent sur les « matières textiles et [les] ouvrages en ces matières », il est indiqué notamment que les essais doivent être faits dans une atmosphère ayant une humidité relative de 65 p. 100 et une température de 20 oC à 50 oC. À l'exception de ces notes, il n'y a aucune indication quant à la méthode d'essai à utiliser pour déterminer si les marchandises répondent aux exigences du numéro tarifaire 6307.10.10. Toutefois, le Tribunal est d'avis que la méthode utilisée par Revenu Canada, laquelle fait appel à d'autres méthodes d'essai généralement reconnues, est un « facteur important » pour l'interprétation et l'application des exigences du numéro tarifaire 6307.10.10 [15] .

Selon la méthode d'essai utilisée par Revenu Canada, voici quelques exigences à respecter pour les serviettes pour usage industriel : 1) une règle d'acier calibrée (article 3.1); 2) une atmosphère de conditionnement et d'essai ayant une humidité relative de 65 p. 100 (+ 2 p. 100) et une température de 20 oC (+ 2 oC) pendant un minimum de 24 heures (articles 4.1 et 5.1.2); 3) le repassage de la serviette avec un fer à repasser pour enlever tous les plis, les faux plis et les cassures (article 5.1.1); 4) ne pas prendre de mesure près des angles arrondis (article 5.2.2); 5) cinq marques à des intervalles réguliers sur la largeur et la longueur si la largeur est constamment entre 43 et 56 cm et la longueur est constamment entre 43 et 61 cm (article 5.2.3); 6) dix marques à des intervalles réguliers sur la largeur et la longueur si la largeur n'est pas constamment entre 43 et 56 cm et si la longueur n'est pas entre 43 et 61 cm (article 5.2.4).

Les résultats de la mise à l'essai des chiffons en cause par Revenu Canada ont démontré que ces derniers répondaient à toutes les exigences du numéro tarifaire 6307.10.10 en ce qui concerne la longueur et la largeur. Toutefois, la fiabilité des résultats des essais effectués par Revenu Canada a été mise en doute pour les motifs suivants : 1) la règle ayant servi à mesurer les chiffons en cause était placée sur la table plutôt que sur le dessus des chiffons; 2) pour ce qui est des plis, des faux plis et des cassures, les chiffons en cause ont tout simplement été étendus sans être repassés; 3) cinq mesures supplémentaires seulement ont été prises lorsqu'il a été constaté que les échantillons ne respectaient pas les exigences de largeur et de longueur. Le témoin pour l'intimé a convenu que la méthode d'enlèvement des plis peut donner lieu à des erreurs et que, pour ce qui est de la fiabilité des résultats des essais effectués par Revenu Canada en ce qui a trait à la totalité du lot, les deux échantillons mis à l'essai n'étaient pas très représentatifs de la totalité du lot. Tout compte fait, le Tribunal n'est pas convaincu de l'exactitude des résultats des essais effectués par Revenu Canada pour ce qui est de la largeur et de la longueur des échantillons des chiffons en cause.

Le Tribunal a été informé par les témoins que les échantillons des chiffons en cause que Revenu Canada a mis à l'essai ne sont plus disponibles et que l'appelante n'a plus qu'un seul autre échantillon en provenance du lot en question, qui pourrait faire l'objet de tests. Par conséquent, le Tribunal ne peut renvoyer cette affaire à Revenu Canada pour lui demander de refaire les essais, compte tenu des facteurs touchant la fiabilité des résultats des essais initiaux par Revenu Canada. Les seuls autres résultats d'essais disponibles pour le Tribunal sont ceux du Centre des technologies textiles. Le Tribunal reconnaît que les échantillons dont le Centre des technologies textiles a fait l'essai ne correspondent pas à toutes les exigences du numéro tarifaire 6307.10.10, mais il est d'avis que les résultats des essais portant sur la largeur et la longueur, soit les valeurs énoncées au numéro tarifaire 6307.10.10, montrent que, si la règle est placée sur le dessus du chiffon en cause et que ce dernier est repassé, les dimensions peuvent être supérieures. Le Tribunal est en outre convaincu que, si Revenu Canada avait placé la règle sur le dessus des échantillons et que les échantillons avaient été repassés, les exigences du numéro tarifaire 6307.10.10, quant à la largeur et à la longueur, auraient probablement été respectées.

Le Tribunal constate que, dans l'affaire Hamida, il s'agissait de déterminer si certains chiffons ou serviettes correspondaient à l'exigence de poids du numéro tarifaire 6307.10.10. Dans l'affaire susmentionnée, le Tribunal a affirmé qu'« il incombe à l'appelante de prouver que l'intimé a classé les marchandises de façon erronée » et que « l'appelante n'a produit aucun élément de preuve précis à l'appui de sa cause, ni réfuté les éléments de preuve contenus dans les rapports techniques [de Revenu Canada] [16] ». De l'avis du Tribunal, le présent appel est différent du fait que l'appelante a présenté un élément de preuve à l'appui de sa cause, c'est-à-dire que les mesures de largeur et de longueur n'étaient pas fiables.

Même si le Tribunal n'est pas convaincu que la décision américaine mentionnée par l'avocat de l'intimé s'applique au présent appel, le Tribunal constate que les méthodes utilisées par le Centre des technologies textiles pour mesurer les largeurs et les longueurs des échantillons des chiffons en cause, soit CAN/CGSB-4.2 nos 4.1-M87 et 4.2-M87, sont expressément mentionnées dans la méthode de Revenu Canada. Le Tribunal ne peut donc conclure que les méthodes d'essai utilisées par le Centre des technologies textiles et Revenu Canada étaient différentes, comme c'était le cas dans la décision américaine.

Par conséquent, le Tribunal admet l'appel. Les chiffons en cause doivent être classés à titre de serviettes pour usage industriel dans le numéro tarifaire 6307.10.10.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Pièce B-1.

4. Pièce du Tribunal AP-97-038-13.1.

5. Ibid.

6. Normes nationales du Canada, Méthodes pour épreuves textiles : Tissus — mesurage de la largeur des pièces, Office des normes générales du Canada, mars 1987.

7. Normes nationales du Canada, Méthodes pour épreuves textiles : Tissus — mesurage de la longueur des pièces, Office des normes générales du Canada, avril 1987.

8. Textiles - Method for the physical analysis of industrial shop towels (tarif item No. 6307.10.10 ) [Méthode d'analyse physique des serviettes pour usage industriel (numéro tarifaire 6307.10.10)], révisée en octobre 1997.

9. Conseil de coopération douanière, 1re édition, Bruxelles, 1986.

10. Pour montrer que l'appelantee devait prouver que les essais comportaient des erreurs, l'avocat de l'intimé a mentionné la décision du Tribunal dans l'affaire Hamida Textiles Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, appel no AP-92-226, le 28 octobre 1993, et la décision de la Commission du tarif dans Les pneus Michelin (Canada) Ltée c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1981), 7 R.C.T. 341.

11. Décision HQ 955020, le 1er février 1995, Cahier de références de l'intimé, onglet 2.

12. Ibid. à la p. 3.

13. Supra note 2, annexe I.

14. Ibid.

15. Voir par exemple l'affaire Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29 à la p. 37, où la Cour suprême du Canada affirme que la politique et l'interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais peuvent être pondérées et être un « facteur important » en cas de doute au sujet du sens de la loi.

16. Affaire Hamida, supra note 10 à la p. 2.


Publication initiale : le 30 novembre 1998