EM PLASTIC & ELECTRIC PRODUCTS LTD.

Décisions


EM PLASTIC & ELECTRIC PRODUCTS LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-98-012

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 31 août 2000

Appel no AP-98-012

EU ÉGARD À un appel entendu le 24 janvier 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 16 mars et 24 avril 1998 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

EM PLASTIC & ELECTRIC PRODUCTS LTD. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.


Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant

Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre

Arthur B. Trudeau

Arthur B. Trudeau
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de l'importation de panneaux stratifiés de mousse GATORFOAMMD. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3921.90.90 à titre d'« ouvrages composés de feuilles en matières plastiques constituant une combinaison de produits alvéolaires et non alvéolaires dans laquelle le composant non alvéolaire prédomine en poids ». La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le GATORFOAMMD est admissible aux avantages du code 7934.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne font pas partie des exclusions aux termes du code 7934. Au départ, le Tribunal n'est pas convaincu que les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé puissent s'appliquer dans chaque cas, sinon du tout, au code tarifaire. Même si le Tribunal devait admettre que l'interprétation du code tarifaire peut être régie par les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé, le Tribunal n'est pas convaincu que les règles s'appliqueraient différemment aux niveaux du numéro tarifaire et du code tarifaire. Si tel était le cas, il s'ensuivrait des résultats inconciliables, comme en l'espèce, où les marchandises en cause se trouvent présenter deux caractères essentiels concurrents selon qu'elles soient classées dans un numéro tarifaire ou qu'elles soient admissibles aux avantages prévus dans un code tarifaire. Le Tribunal convient que les marchandises en cause ne peuvent présenter deux caractères essentiels, à savoir un caractère essentiel qui prévaut pour l'interprétation d'un numéro tarifaire et l'autre, pour l'interprétation d'un code tarifaire.

Le Tribunal s'est aussi appuyé sur Formica Canada c. S-MRN. Dans le cas présent, comme dans Formica, les couches des marchandises en cause ont été soumises à un processus de stratification, par chaleur et par pression, des composants desdites marchandises. Le Tribunal est convaincu que c'est le processus susmentionné, et non la polymérisation, qui crée un nouveau produit, le GATORFOAMMD, qui n'est ni de l'urée-formaldéhyde, ni un polymère du styrène, mais plutôt une combinaison de ces deux matières et d'autres matières. Le Tribunal est d'avis que le code 7934 n'exclut pas les « marchandises composées de » matières, mais uniquement les matières elles-mêmes.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 24 janvier 2000

Date de la décision :

Le 31 août 2000

   

Membres du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Arthur B. Trudeau, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Michael A. Sherbo, pour l'appelante

 

Susanne Pereira, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

CONTEXTE

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues les 16 mars et 24 avril 1998 par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) au sujet de l'importation de panneaux stratifiés de mousse GATORFOAMMD. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3921.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes 2 à titre d'« ouvrages composés de feuilles en matières plastiques constituant une combinaison de produits alvéolaires et non alvéolaires dans laquelle le composant non alvéolaire prédomine en poids ». La nomenclature tarifaire pertinente prévoit ce qui suit :

39.21 Autres plaques, feuilles, pellicules, bandes et lames, en matières plastiques.

-Produits alvéolaires :

3921.90 -Autres

---Ne contenant pas plus de 70 % en poids de matières plastiques et combinés à des matières textiles dans lesquelles les fibres synthétiques ou artificielles sont supérieures en poids à toute autre fibre textile prise individuellement :

3921.90.90 ---Autres

La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le GATORFOAMMD est admissible aux avantages du code 7934 de l'annexe du Décret de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane sur les produits chimiques et les matières plastiques 3 . Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause font partie des exclusions énumérées dans le code 7934, qui prévoit, notamment, ce qui suit :

7934 Marchandises des nos tarifaires [...] 3921.90.90, à l'exclusion de ce qui suit :

[...]

Urée-formaldéhydes;

[...]

Polymères du styrène.

PREUVE

L'appelante a convoqué deux témoins. Le premier, M. James Low, est directeur de l'approvisionnement chez EM Plastic & Electric Products Ltd. Il a témoigné au sujet des activités commerciales de l'appelante, qui effectue la distribution de produits et de matériaux aux secteurs de la signalisation, de la sérigraphie et des supports publicitaires aux points de vente, qui englobent les entreprises de montage et de laminage de photographies. M. Low a convenu que le GATORFOAMMD est un panneau de mousse et que sa solidité provient de sa couche de base, qui est constituée de mousse de polystyrène légère et durable. M. Low a aussi témoigné que la mousse de polystyrène, combinée à la couche de revêtement, confère sa solidité au GATORFOAMMD, puisque la mousse, à elle seule, ne confère pas une telle solidité. Il a aussi témoigné que le fini lisse du GATORFOAMMD était plus important que la mousse dans les utilisations liées au montage de photographies ou à la sérigraphie.

Le deuxième témoin, M. Edward J. Burke, est directeur, Services techniques, Commercialisation, chez International Paper, le fabricant des marchandises en cause. Le Tribunal a reconnu à M. Burke le titre d'expert en chimie et d'expert technique relativement aux marchandises en cause.

M. Burke a décrit le GATORFOAMMD comme étant un stratifié fait d'une couche de base de polystyrène et d'un revêtement artificiel recouvrant les deux faces. Le revêtement confère aux marchandises en cause des propriétés essentielles, comme la rigidité et une surface lisse, et est le principal facteur qui contribue à la rigidité globale et au rendement général du produit. Le revêtement est fait de papier imprégné de résine d'urée-formaldéhyde et forme la couche extérieure des marchandises en cause. Il est calendré pour présenter une surface ultra-lisse, puis stratifié avec la mousse de polystyrène dans le cadre du procédé de fabrication du GATORFOAMMD. Un liant adhésif est appliqué entre le revêtement et la couche de base en mousse. Puisque la couche de base en mousse de polystyrène peut être de diverses épaisseurs, son volume varie.

M. Burke a témoigné qu'il est important, lorsque les marchandises en cause servent au montage de photographies, que le revêtement soit suffisamment lisse pour permettre le montage d'une photographie enduite de résine, puisqu'une telle photographie révèle tout défaut du matériau sous-jacent. Une telle utilisation exige aussi un produit résistant, rigide, qui ne gauchit pas et ne craint pas l'humidité. Les propriétés susmentionnées sont intégrées au matériau de revêtement. M. Burke a en outre témoigné que l'épaisseur de la couche de base est un facteur qui contribue à la solidité du produit.

M. Burke a témoigné qu'un polymère est une grosse molécule faite de petites molécules appelées monomères qui réagissent chimiquement. Le procédé de fabrication des polymères s'appelle polymérisation. M. Burke a déclaré que le processus de liaison n'est pas équivalent à la polymérisation. Il a en outre témoigné que le GATORFOAMMD contient environ 25 p. 100 de mousse de polystyrène, un élément mineur du produit. Les marchandises en cause présentent des caractéristiques qui sont radicalement différentes des caractéristiques de la mousse de polystyrène et ne peuvent, à son avis, être appelées un polymère du styrène. Les caractéristiques des marchandises en cause diffèrent des caractéristiques des polymères du styrène en ce que ces premières sont beaucoup plus rigides et présentent une surface beaucoup plus lisse, et que la structure stratifiée du matériau confère au produit un rapport solidité-poids très élevé. M. Burke s'est dit d'avis qu'un panneau de polystyrène n'a pas une surface très lisse, n'est pas rigide et n'a pas de revêtement durable; par conséquent, il s'agit d'un panneau qu'il est facile de bosseler. À son avis, un tel panneau de mousse ne pourrait servir à des utilisations en arts graphiques.

M. Burke a témoigné que le GATORFOAMMD se présente en plusieurs épaisseurs, selon l'utilisation désirée. Il a témoigné que la solidité des marchandises en cause provient d'une combinaison de l'épaisseur du panneau et de la résistance à la rupture élevée du revêtement. Dans le cadre de discussions au sujet de la définition de la solidité (résistance) par opposition à la rigidité, M. Burke a témoigné que, si la définition de la solidité est donnée en termes de résistance à l'impact, alors la solidité provient des propriétés du revêtement et non de l'épaisseur de la couche de base en mousse de polystyrène. De plus, M. Burke a convenu que le GATORFOAMMD est appelé panneau stratifié de mousse dans la documentation sur le produit.

M. Burke a aussi témoigné que le terme polymère ne peut servir à décrire le GATORFOAMMD, puisque les marchandises en cause sont constituées de plusieurs matières différentes qui, ensemble, forment un stratifié. Chaque matière est une couche distincte. Il a convenu que les marchandises en cause sont composées de plusieurs éléments faits de divers polymères. Dans la description qu'il a donnée de la solidité et de la rigidité des marchandises en cause, M. Burke a affirmé qu'un caractère de synergie se dégage de la liaison du revêtement, de l'adhésif et de la mousse. Le produit possède une rigidité qu'aucune des trois couches individuelles, à elle seule, ne présenterait, le processus de liaison conférant donc un nouvel ensemble de propriétés, c'est-à-dire la solidité et la rigidité. L'augmentation de l'épaisseur de la couche de mousse pourrait faire varier, jusqu'à un certain point, la rigidité, mais il a conclu que c'est le processus de liaison qui procure au produit sa rigidité.

M. Brian J. Finch, chef, Laboratoire des polymères, Agence des douanes et du revenu du Canada, a été reconnu à titre de chimiste. Il a témoigné qu'un polymère est une molécule caractérisée par une très grande longueur et la répétition d'unités plus petites appelées monomères. Il a ajouté qu'un copolymère est un polymère formé à partir de plus d'un monomère. Il a expliqué que la polymérisation est un terme général qui s'applique à tout mécanisme utilisé pour produire des molécules à longue chaîne à partir de monomères à courte chaîne.

M. Finch a expliqué que la différence entre le polystyrène et un polymère du styrène est que le polystyrène est en général considéré comme étant un polymère composé du styrène monomère, tandis qu'un polymère du styrène est un polymère dans lequel l'unité monomère principale est le styrène. Un polymère du styrène comprend à la fois du polystyrène et des copolymères, le styrène étant la principale unité monomère.

M. Finch a déclaré que les marchandises en cause ont fait l'objet d'analyse sous sa surveillance. Il s'agit de marchandises composées de deux couches extérieures faites de polymères de l'urée-formaldéhyde et de papier représentant environ 29 p. 100 en poids par couche, d'un adhésif fait de copolymères d'étylène et d'acétate de vinyle, et d'une couche de base faite d'une matière alvéolaire qui a été identifiée comme étant du polystyrène, représentant environ 41 p. 100 en poids. En termes de volume, M. Finch a témoigné que le revêtement représente environ 5 p. 100, tandis que la couche de polystyrène alvéolaire représente environ 95 p. 100 des marchandises en cause. Le pourcentage, en volume, de l'adhésif est minime. En termes d'épaisseur, le revêtement mesure environ 0,6 millimètre, tandis que la couche de base en polystyrène a une épaisseur d'environ 2,4 millimètres. L'épaisseur de l'adhésif est minime4 .

En termes de composition chimique de la couche de base des marchandises en cause, M. Finch a témoigné qu'elle est en polystyrène, dont l'unité monomère prédominante est le styrène. Il a aussi témoigné que l'unité monomère prédominante dans les marchandises en cause est le styrène. Il a ajouté que les marchandises en cause ne font pas l'objet d'un processus de polymérisation, mais qu'un polymère du styrène sert à créer une couche de mousse ou couche alvéolaire qui, combinée aux autres composants au moyen d'un adhésif, de chaleur et de pression, forme les marchandises en cause.

M. Finch a déclaré qu'il ne pouvait contester quelque partie que ce soit du témoignage présenté par M. Burke.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause sont formées de cinq couches, à savoir, deux couches extérieures faites de papier imprégné d'urée-formaldéhyde, deux couches d'adhésif et une couche centrale de polystyrène, ces couches étant liées par un processus de stratification par chaleur et pression.

L'appelante a soutenu que le témoignage montrait que les marchandises en cause, le GATORFOAMMD, ne sont ni des polymères ni des copolymères. Pour former un polymère, une réaction chimique au niveau moléculaire appelée polymérisation doit avoir lieu. L'appelante a fait valoir que tel n'est pas le cas des marchandises en cause, puisqu'elles ne font pas l'objet d'un processus de polymérisation, mais plutôt d'un processus de liaison par adhésif, ce qui n'est pas un processus équivalent.

L'appelante a rappelé que les caractéristiques du GATORFOAMMD sont son fini lisse et sa résistance, c'est-à-dire des caractéristiques différentes de celles de ses composants, ou éléments constitutifs, individuels. Le fini lisse provient du papier imprégné d'urée-formaldéhyde, tandis que la résistance provient de la liaison par adhésif et du processus de stratification des diverses matières. L'appelante a soutenu que le GATORFOAMMD est donc un produit différent de ses composants individuels. Il s'agit d'un nouveau produit fini.

Selon l'exposé de l'appelante, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 3921.90.90, qui figure dans le code 7934. La question à trancher est de déterminer si le GATORFOAMMD est exclu aux termes du code 7934. L'appelante a soutenu que la liste des exclusions énoncée dans le code 7934 ne donne pas le nom commercial GATORFOAMMD. Le GATORFOAMMD est un produit composé de plusieurs couches liées ensemble. Rien dans l'exclusion des « [p]olymères de styrène » ne porte à conclure qu'un produit multicouches, comme le GATORFOAMMD, est exclu. Le code tarifaire ne fait mention que du polystyrène, et les témoignages indiquent clairement que le GATORFOAMMD n'est pas seulement fait de polystyrène, mais de cinq couches de produits différents. Le code tarifaire n'exclut pas un produit fini composé d'une feuille de polystyrène recouverte sur les deux faces d'une feuille de papier imprégnée d'urée-formaldéhyde. L'appelante a fait valoir que ces termes ne se trouvent pas dans le code tarifaire.

L'appelante a invoqué la décision que le Tribunal a rendue dans Formica 5 qui a traité des exclusions aux termes du code 7934. Dans l'affaire susmentionnée, le Tribunal a statué que la combinaison de deux produits créait un nouveau produit et qu'une exclusion qui prévoit un des composants ne s'applique pas au nouveau produit. Selon l'exposé de l'appelante, le même argument s'applique au GATORFOAMMD qui, comme le produit dans Formica, est composé d'une combinaison de matières qui crée un nouveau produit, et une exclusion visant un des composants n'entraîne pas l'exclusion du produit fini. En outre, l'appelante a soutenu que le code 7934 ne contient pas de termes du genre « marchandises composées de » ou « marchandises contenant » qui permettraient de conclure que de telles marchandises seraient exclues.

Comme le démontre le témoignage de M. Burke, qui n'a pas été contesté par M. Finch, le GATORFOAMMD n'est pas un polymère. Puisque les marchandises en cause ne sont pas des polymères, il a été soutenu que le GATORFOAMMD ne peut pas faire partie des exclusions aux termes du code 7934 à titre de « [p]olymères de styrène ». Les éléments de preuve montrent clairement que le GATORFOAMMD n'a pas été formé par polymérisation, mais plutôt par liaison au moyen d'un adhésif. Si elles ne sont pas formées par polymérisation, les marchandises en cause ne sont donc pas des polymères. Si les marchandises en cause ne sont pas des polymères, comme l'a témoigné M. Burke, alors l'appelante soutient que le GATORFOAMMD n'est pas un polymère du styrène et ne fait pas partie des exclusions aux termes du code 7934.

En réponse aux exposés écrit et oral de l'intimé, selon lesquels l'application du code 7934 devrait être fondée sur le caractère essentiel des marchandises en cause, l'appelante a soutenu que le code 7934 doit être interprété d'après le sens ordinaire des termes qu'il contient. Il a été soutenu que l'interprétation de l'intimé exigerait l'ajout de termes comme « à l'exclusion des marchandises qui présentent le caractère essentiel de ce qui suit » au texte du code tarifaire. En outre, l'application d'une telle démarche mènerait à deux interprétations : une se rapportant aux marchandises classées d'après la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 6 où le critère du caractère essentiel ne serait pas appliqué; et l'autre, aux marchandises classées d'après la Règle 3 où le critère du caractère essentiel s'appliquerait et serait intégré dans le code 7934. Le code tarifaire, selon l'appelante, doit être interprété à sa face même. En résumé, les termes du code 7934, les règles pour l'interprétation des lois et les Règles générales ne permettent pas d'interpréter le code tarifaire dans le sens proposé par l'intimé, soit par ajout de l'expression « caractère essentiel » soit par l'interprétation de cette expression d'après la Règle 3.

À cet égard, l'appelante a en outre soutenu que le caractère essentiel des marchandises en cause n'est pas celui d'un polymère du styrène, puisque les éléments de preuve ont clairement montré que le GATORFOAMMD n'est pas un polymère, mais plutôt celui d'un produit qui se compose de cinq couches liées par chaleur et par pression. Si quelqu'un devait rendre une décision concernant le caractère essentiel des marchandises en cause, l'appelante a soutenu que le caractère essentiel se rapporterait à la couche de papier, et non à la couche de base de styrène, qui représente plus de 50 p. 100 en poids des marchandises en cause.

L'appelante a soutenu que l'intimé a fondé le classement des marchandises en cause sur le composant non alvéolaire au niveau du numéro tarifaire et sur le composant alvéolaire au niveau du code tarifaire pour que les marchandises en cause soient exclues aux termes du code 7934. Il a été soutenu que les marchandises en cause ne peuvent présenter deux caractères essentiels.

Enfin, au sujet de l'exposé de l'intimé selon lequel le Chapitre 39 ne dénomme que les polymères, l'appelante a soutenu que le Chapitre 39 englobe un vaste éventail de produits et, bien qu'ils ne soient pas tous des polymères, ces produits peuvent être faits de polymères.

L'intimé a soutenu que, pour déterminer si le code 7934 s'applique, le Tribunal doit décider si les marchandises en cause sont classées dans un des numéros tarifaires visés par ce code tarifaire et si elles font partie des exclusions prévues aux termes du code tarifaire. Il a été soutenu que, puisque les parties s'entendent sur le classement tarifaire des marchandises en cause, l'appelante a implicitement convenu que le GATORFOAMMD est un polymère, et seuls les polymères sont classés dans le Chapitre 39.

L'intimé a aussi soutenu que le caractère essentiel du GATORFOAMMD est le polystyrène, qui est un polymère du styrène, lequel entre expressément dans la portée d'application d'une des exclusions aux termes du code 7934. À l'appui de son affirmation, l'intimé a soutenu que le caractère essentiel retenu au niveau du numéro tarifaire peut, par analogie, être retenu pour déterminer l'applicabilité du caractère essentiel au niveau du code tarifaire. Il a été soutenu que le caractère essentiel des marchandises en cause, aux fins de l'application du code tarifaire, est le polystyrène, puisqu'il est le composant du GATORFOAMMD qui prédomine en volume. Par conséquent, étant donné que le polystyrène est un polymère du styrène qui est expressément exclu aux termes du code tarifaire, les marchandises en cause ne peuvent être admissibles aux avantages du code tarifaire. Il a en outre été soutenu que, au niveau du code tarifaire, le volume sous-tend la méthode la plus précise et la plus pertinente de détermination du caractère essentiel du GATORFOAMMD.

L'intimé a soutenu que la façon dont le produit est perçu est un élément clé pour déterminer ce qu'il est véritablement. Selon l'exposé de l'intimé, les marchandises en cause sont faites simplement de mousse, sont commercialisées à titre de panneaux de mousse, et non à titre de papier imprégné d'urée-formaldéhyde. En outre, à l'examen de la composition chimique comme telle des marchandises en cause, il a été soutenu que l'unité monomère prédominante est le styrène, ce qui confirme la notion que la mousse est composée, dans une proportion prédominante, de polystyrène.

Au sujet de l'affaire Formica, que l'appelante a invoquée, l'intimé a soutenu que les marchandises en cause dans Formica étaient différentes des marchandises en cause en l'espèce, puisqu'elles étaient faites de matières homogènes, par opposition au GATORFOAMMD qui est fait de papier, d'urée-formaldéhyde et de polystyrène. Dans Formica, les couches, puisqu'elles étaient constituées d'une même matière et par suite de l'application de chaleur et de pression durant le processus de stratification, étaient fondues ensemble pour former de manière irréversible un seul composant de papier. Tel n'est pas le cas du GATORFOAMMD, selon l'intimé. L'intimé a conclu que les marchandises en cause ne sont pas un nouveau produit au sens du nouveau produit dans Formica.

Dans Formica, selon l'intimé, le Tribunal a accordé une grande importance au fait que les termes « polymères de » ne figuraient pas devant les termes « [m]élamine-formaldéhydes » ou « [p]hénol-formaldéhydes » dans le texte du code tarifaire et au fait que les produits dans Formica n'entraient pas dans la portée d'application de la liste spécifique des exclusions. Dans le cas présent, le code tarifaire énonce les « [p]olymères de styrène » dans la liste des produits énumérés dans les exclusions, et non simplement le « styrène ». Cette distinction est importante en raison de la position du Tribunal dans Formica. Enfin, dans Formica, le produit final était des « [s]tratifiés décoratifs, renforcés de papier, formés sous haute pression » formés dans le cadre d'un processus par chaleur élevée, contenant des résines mélamines-formaldéhydes et des résines phénols-formaldéhydes. Tel n'est pas le cas en l'espèce, selon l'intimé.

Finalement, l'intimé a soutenu que, aux fins du classement tarifaire, le poids était le critère retenu pour déterminer le caractère essentiel des marchandises en cause, puisque l'intimé devait déterminer si les marchandises en cause étaient faites de composants alvéolaires ou non alvéolaires. L'intimé a soutenu que la question est différente au niveau du code tarifaire, puisque la composition chimique des marchandises est alors prise en considération. Donc, au niveau du numéro tarifaire, les attributs physiques des marchandises en cause sont pris en considération tandis que, au niveau du code tarifaire, ce sont leurs attributs chimiques. L'intimé a aussi invoqué la Règle 3 b) des Règles générales à l'appui de son argument selon lequel l'application du code 7934 doit être fondée sur le caractère essentiel des marchandises en cause. Les marchandises qui font partie des exclusions aux termes du code 7934 comprennent les urée-formaldéhydes et les polymères du styrène. Le polystyrène est un polymère du styrène qui est un composant du GATORFOAMMD et qui constitue environ 96 p. 100 du volume de la mousse, ce qui lui confère son caractère essentiel. Par conséquent, le GATORFOAMMD fait partie des exclusions aux termes du code 7934. L'intimé a conclu en affirmant que le fait que deux critères différents soient retenus n'est pas nécessairement contradictoire et que rien dans les textes réglementaires n'exige de retenir le même critère.

DÉCISION

Pour décider du classement des marchandises en cause, le Tribunal tient compte de l'article 10 du Tarif des douanes qui prévoit que, sauf indication contraire, le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire doit être déterminé d'après les Règles générales et les Règles canadiennes 7 . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 8 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 9 .

Le Tribunal observe que les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le Chapitre 39 à titre de « matières plastiques et ouvrages en ces matières » et, plus précisément, à titre d'« ouvrages composés de feuilles en matières plastiques constituant une combinaison de produits alvéolaires et non alvéolaires dans laquelle le composant non alvéolaire prédomine en poids » dans le numéro tarifaire 3921.90.90.

Le Tribunal a pris en compte les divers arguments des parties au sujet du classement dans le numéro tarifaire et dans le code tarifaire. En ce qui concerne le numéro tarifaire, les éléments de preuve indiquent clairement que les marchandises en cause sont constituées de composants alvéolaires et non alvéolaires. D'après les éléments de preuve et selon l'accord des parties, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont d'autres « matières plastiques et ouvrages en ces matières » au sens du Chapitre 39 et que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3921.90.90 à titre d'« ouvrages composés de feuilles en matières plastiques constituant une combinaison de produits alvéolaires et non alvéolaires dans laquelle le composant alvéolaire prédomine en poids ».

Le Tribunal aborde maintenant la question de savoir si les marchandises en cause font partie des exclusions aux termes du code 7934. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne font pas partie des exclusions aux termes du code 7934 pour les motifs suivants.

L'intimé a soutenu que les Règles générales, et plus précisément la Règle 3 b) se rapportant au caractère essentiel des marchandises en cause, peuvent s'appliquer au code tarifaire. Au départ, le Tribunal n'est pas convaincu que les Règles générales puissent s'appliquer dans chaque cas, sinon du tout, au code tarifaire. Ainsi que le prévoit expressément le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes, le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales qui énoncent les principes qui régissent le classement des marchandises dans un numéro tarifaire. À l'étude du paragraphe 10(1) du Tarif des douanes et des Règles générales, le Tribunal est d'avis que cet ensemble de principes qui régissent le classement des marchandises dans un numéro tarifaire peut, au sens strict, ne pas s'appliquer aux codes tarifaires. En outre, la Règle 1 des Règles canadiennes réitère que le classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé d'après les Règles générales. Il n'est nulle part écrit que ces règles s'appliquent pour l'interprétation des codes tarifaires.

Cependant, même si le Tribunal devait admettre que l'interprétation du code tarifaire peut être régie par les Règles générales, le Tribunal n'est pas convaincu que ces dernières s'appliqueraient différemment aux niveaux du numéro tarifaire et du code tarifaire. Si tel était le cas, il s'ensuivrait des résultats inconciliables, comme dans le cas présent, où les marchandises en cause se trouvent présenter deux caractères essentiels concurrents selon qu'elles soient classées dans un numéro tarifaire ou qu'elles soient admissibles aux avantages prévus dans un code tarifaire. Le Tribunal est d'accord avec l'appelante sur le fait que les marchandises en cause ne peuvent présenter deux caractères essentiels, à savoir un caractère essentiel qui prévaut pour l'interprétation d'un numéro tarifaire et l'autre, pour l'interprétation d'un code tarifaire. Par conséquent, les arguments de l'appelante sur ce point convainquent le Tribunal.

Le Tribunal est d'avis que Formica est utile pour statuer en l'espèce, particulièrement quant à l'application du code tarifaire. L'argument de l'intimé ne convainc pas le Tribunal que les principes appliqués dans Formica ne sont pas pertinents aux circonstances de l'espèce. Dans Formica, le Tribunal devait déterminer si les marchandises satisfaisaient à deux conditions pour être admissibles aux avantages du code 7934 : 1) les marchandises en cause doivent être classées dans un des numéros tarifaires visés par le code tarifaire; 2) les marchandises en cause ne doivent pas faire partie des exclusions. Dans Formica, le Tribunal a conclu que les marchandises étaient classées dans un numéro tarifaire visé par le code tarifaire. Les éléments de preuve dans la cause susmentionnée avaient montré que les marchandises étaient des stratifiés décoratifs, renforcés de papier, formés au moyen d'un processus de stratification similaire au processus en cause dans le présent appel. Le produit dans Formica contenait des résines mélamines-formaldéhydes et des résines phénols-formaldéhydes ainsi que la cellulose. Le Tribunal était d'avis qu'en combinant les matières susmentionnées, un nouveau produit avait été créé, ce nouveau produit ne faisant pas partie des exclusions aux termes du code 7934.

Dans le présent appel, le Tribunal conclut, et les parties conviennent, que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3921.90.90, qui est mentionné dans le code 7934. La question qu'il reste à trancher est celle de déterminer si les marchandises en cause font partie, ou non, des exclusions. Comme dans Formica, les marchandises en cause sont composées de couches multiples. Contrairement aux faits dans Formica où la couche de base était composée de papier kraft imprégné de matières plastiques, le GATORFOAMMD est composé de polystyrène; le Tribunal est d'avis que cette différence n'est pas significative. Ce qui est significatif, c'est le fait que, dans le présent appel comme dans Formica, la stratification des composants des marchandises en cause s'est faite dans le cadre d'un processus par chaleur et par pression. Le Tribunal est convaincu que ce processus, et non la polymérisation, forme un nouveau produit, le GATORFOAMMD, qui n'est ni de l'urée-formaldéhyde ni un polymère du styrène, mais une combinaison de ces matières et d'autres matières. Le Tribunal est d'avis que le code 7934 n'exclut pas les « marchandises composées de » matières, mais qu'il exclut plutôt uniquement les matières elles-mêmes.

Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause ne font pas partie des exclusions énumérées aux termes du code 7934 et sont admissibles aux avantages du code tarifaire. Par conséquent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . D.O.R.S./88-74.

4 . Transcription de l'audience publique, 24 janvier 2000 aux p. 80 et 81.

5 . Formica Canada c. S-MRN (20 janvier 1998), AP-96-205 (TCCE) [ci-après Formica]. Décision confirmée par la Cour d'appel fédérale. Voir Canada (Sous-ministre du Revenu national - MRN) c. Formica Canada, [1999] F.C.J. no 580.

6 . Supra note 2 [ci-après Règles générales].

7 . Supra note 2.

8 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

9 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996.


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Publication initiale : le 20 septembre 2000