AYP (CANADA) INC.

Décisions


AYP (CANADA) INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
MTD PRODUCTS LIMITED
Appels nos AP-97-063, AP-97-067, AP-97-077, AP-97-079, AP-97-084, AP-97-085, AP-97-096, AP-97-103, AP-97-115 et AP-97-136

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 5 novembre 1999

Appels n os AP-97-063, AP-97-067, AP-97-077, AP-97-079,
AP-97-084, AP-97-085, AP-97-096, AP-97-103,
AP-97-115 et AP-97-136

EU ÉGARD À des appels entendus les 5 et 6 mai 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 1er et 29 août, les 15 et 25 septembre et les 7 et 22 octobre 1997 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

AYP (CANADA) INC. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

MTD PRODUCTS LIMITED Intervenante

Les appels sont rejetés.


Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 1er et 29 août, les 15 et 25 septembre et les 7 et 22 octobre 1997. Les marchandises en cause sont divers modèles de tracteurs de pelouse fabriqués par la société American Yard Products. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause ne sont pas conçues essentiellement pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges et ne peuvent donc être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19. Le Tribunal est d'avis que la fonction principale des marchandises en cause est de tondre le gazon. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 5 et 6 mai 1999 Date de la décision : Le 5 novembre 1999
Tribunal : Peter F. Thalheimer, membre présidant
Avocats pour le Tribunal : Tamra Alexander Marie-France Dagenais
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Neil E. Bass, pour l'appelante Elizabeth Richards, pour l'intimé Michael A. Kelen, pour l'intervenante





INTRODUCTION

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 1er et 29 août, les 15 et 25 septembre et les 7 et 22 octobre 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi. Les marchandises en cause sont divers modèles de tracteurs de pelouse fabriqués par la société American Yard Products [2] (AYP) et importés par l'appelante. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelante. Une intervenante aux présents appels, la société MTD Products Limited (MTD), a comparu et a appuyé la position de l'intimé.

La nomenclature tarifaire pertinente à la question en litige en l'espèce prévoit ce qui suit :

84.33 Machines, appareils et engins pour la récolte ou le battage des produits agricoles, y compris les presses à paille ou à fourrage; tondeuses à gazon et faucheuses; machines pour le nettoyage ou le triage des œufs, fruits ou autres produits agricoles, autres que les machines et appareils du no 84.37.

-Tondeuses à gazon :

8433.11.00 --À moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal

87.01 Tracteurs (à l'exclusion des chariots-tracteurs du no 87.09).

8701.90 -Autres

---Actionnés par un moteur à combustion interne :

8701.90.19 ----Autres

PREUVE

M. Dan Nielsen, vice-président à la Technologie, Appareils ménagers et produits d'extérieur, de la sociétE9‚ Frigidaire Home Products (FHP), M. Gerry Coons, directeur de l'Ingénierie chez FHP et M. Rod Casemore, directeur des ventes chez FHP, ont témoigné en faveur de l'appelante. M. Nielsen a expliqué que FHP est l'appellation qui a succédé à AYP et que l'appelante est une filiale de FHP. M. Nielsen a transmis au Tribunal un bref historique du développement du tracteur de pelouse chez AYP. Il a déclaré que les tracteurs de pelouse ont évolué à partir des tracteurs de jardin et qu'ils n'entrent pas dans le même « cadre de conception » que les tondeuses autoportées. Pour déterminer le cadre de conception du tracteur de pelouse, M. Nielsen a déclaré que AYP a examiné toutes les fonctions qu'un tracteur de pelouse devait exécuter puis a choisi, parmi ces dernières, celles qui imposaient le plus de charge ou d'effort au produit et exigeaient le plus de force et de puissance pour déterminer les limites du cadre de conception. M. Nielsen a déclaré que la souffleuse à neige et la lame de déneigement étaient utilisées comme limite du champ de conception du tracteur de pelouse AYP. M. Nielsen a témoigné que si la conception du tracteur de pelouse n'avait pas incorporé la souffleuse ou la lame de déneigement, elle n'aurait pas été développée plus avant. Il a témoigné que, puisque le plateau de coupe n'impose qu'une faible charge au tracteur de pelouse, il n'entrait pas en ligne de compte dans la conception du châssis, du bâti et de la direction.

M. Nielsen a déclaré que les tracteurs de pelouse sont conçus pour servir avec une épandeuse, un bac à herbe, une balayeuse, une déchaumeuse, un rouleau, un chariot basculeur, un aérateur, un cultivateur, une lame de déneigement et une souffleuse. Il a déclaré que, en vue des divers accessoires, beaucoup de points d'attache sont prévus dans la conception du tracteur de pelouse. Il a ajouté que le dispositif d'attelage à l'arrière du tracteur de pelouse est conforme à la norme de l'American Society of Agricultural Engineers pour les tracteurs. M. Nielsen a témoigné que le système d'entraînement par courroie du tracteur de pelouse a été conçu pour livrer le maximum de force motrice aux roues du tracteur. M. Nielsen a aussi témoigné que le bâti du tracteur de pelouse a été conçu pour absorber toute la puissance des accessoires. M. Nielsen a déclaré que le bâti du tracteur de pelouse AYP et les châssis des tracteurs de jardin de ses concurrentes sont comparables.

M. Nielsen a fourni au Tribunal une vidéo montrant l'enlèvement du plateau de coupe d'un tracteur de pelouse. Il a déclaré qu'un « novice » pourrait, en une minute ou deux, lire la directive sur la façon d'enlever le plateau de coupe, et, en une autre minute ou deux, l'enlever. M. Nielsen a déclaré que le tracteur de pelouse a été conçu pour qu'il soit possible d'enlever le plateau de coupe souvent et facilement.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Nielsen a reconnu que tous les tracteurs de pelouse AYP sont présentement dotés d'un plateau de coupe qui est transporté par le tracteur de pelouse. M. Nielsen a aussi déclaré que la plupart des plateaux de coupe sont montés sur le tracteur de pelouse à l'usine et que la plupart des tracteurs de pelouse sont expédiés avec leur plateau de coupe monté. Il a aussi reconnu que le prix du tracteur de pelouse était établi de façon à inclure le plateau de coupe.

M. Coons a déclaré que la souffleuse à neige et la lame de déneigement servent dans des conditions difficiles et imposent au tracteur de pelouse des contraintes de charge des plus rigoureuses et que, par conséquent, ces exigences sont une partie cruciale des critères de développement du produit AYP. Il a ajouté que le plateau de coupe ne représente pas une importante contrainte de charge pour le tracteur de pelouse et n'entre pas en ligne de compte en termes des critères de conception du tracteur de pelouse, si ce n'est des points d'attache prévus pour le suspendre. M. Coons a soumis au Tribunal une liste des essais du « cycle d'utilisation » auxquels les tracteurs de pelouse sont soumis. Ceux-ci portent, notamment, sur la force de traction à la barre, le couple à l'essieu, les diamètres de braquage, la souffleuse à neige, la lame de déneigement et le cultivateur. M. Coons a témoigné que les essais du cycle d'utilisation vérifient la capacité du tracteur de pelouse à pousser ou tirer et à fonctionner avec divers accessoires. Il a indiqué que ces essais servent aussi à vérifier que le tracteur de pelouse peut absorber les vibrations et maintenir les charges fixes lorsqu'il est utilisé avec ces accessoires. Il a ajouté qu'un tracteur de pelouse qui ne satisfaisait pas les conditions des essais du cycle d'utilisation ne ferait pas l'objet de développement ultérieur.

M. Coons a déclaré qu'un des critères primordiaux de conception du tracteur de pelouse AYP est que, lorsque le tracteur est à pleine capacité, la puissance peut être transmise du moteur par le système d'entraînement et de transmission jusqu'au point de patinage des roues. Il a témoigné que les résultats des essais de force de traction à la barre des tracteurs de pelouse (des essais qui mesurent la capacité de pointe du tracteur en termes de capacité de traction soit pour pousser soit pour tirer les accessoires) se situaient entre 572 livres et 674 livres.

M. Coons a déclaré que le cycle de vie d'un tracteur de pelouse est de 450 heures; il a ajouté que les essais du cycle de vie sont fondés sur un tracteur de pelouse utilisé avec une souffleuse à neige ou une lame de déneigement durant 60 heures, pour tondre le gazon durant 340 heures et pour tirer des accessoires à la barre durant les autres 50 heures. De plus, il a déclaré que des essais de durée étendue et de capacité accrue sont effectués pour vérifier la durabilité du tracteur de pelouse chargé à pleine capacité durant de longues périodes. Il a aussi indiqué que le test des diamètres de braquage, dans lequel le tracteur de pelouse tire une charge amarrée à la barre, est effectué sur une période de 190 heures sous diverses charges.

M. Coons a témoigné que les tracteurs de jardin et les tracteurs de pelouse AYP présentent des exigences similaires en termes du travail qu'ils sont censés accomplir et sont de construction similaire en termes de la prise de force qui sert à faire fonctionner les accessoires. Il a témoigné que le tracteur de jardin, cependant, est conçu en vue de charges plus lourdes que le tracteur de pelouse et qu'il a une plus longue durée d'utilisation.

Le témoignage de M. Casemore a porté sur la commercialisation des tracteurs de pelouse AYP. Il a déclaré que la commercialisation est axée sur les utilisations multiples du tracteur de pelouse, et particulièrement sur le fait que le tracteur peut servir à l'année longue. Il a remis au Tribunal des données statistiques provenant de la société Sears Canada, Inc. (Sears) sur ses ventes d'accessoires de tracteur de pelouse et de jardin. M. Casemore a inclus les produits suivants à titre d'accessoires : aérateurs, pare-chocs, lames, souffleuses, chariots, déchaumeuses, bacs à herbe, rouleaux à pelouse, vaporisateurs, épandeuses, balayeuses, cultivateurs, poids et chaînes. Il a ajouté que, en 1995, les ventes d'accessoires réalisées par Sears ont représenté 38 p. 100 de ses ventes de tracteurs de pelouse et de jardin, que, en 1997, elles ont représenté 52 p. 100 de ses ventes de tracteur de pelouse et de jardin et que, en 1998, elles ont représenté 69 p. 100 de ses ventes de tracteur de pelouse et de jardin [4] .

M. Casemore a aussi soumis au Tribunal des renseignements sur les ventes de souffleuses à neige réalisées par la société Bercomac Data L&G. Ces renseignements indiquent que, en 1997 et en 1998, plus de 50 p. 100 de ces ventes visaient celles des souffleuses à neige pour les tracteurs AYP.

M. Harold J. Schramm, expert technique, et M. Don Theroux, directeur des Ventes nationales de la société Murray Canada Inc. (Murray), ont témoigné en faveur de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. Schramm la qualité d'expert en tondeuses à gazon et en conception de tracteurs. Ce dernier a déclaré que n'importe quel type de transmission est capable de tirer une lourde charge durant une brève période. Cependant, il a ajouté que, à son avis, un tracteur est un véhicule qui peut absorber toute la charge de traction que le moteur est capable de livrer et ce, durant la vie entière du véhicule. Selon lui, les accessoires qu'un tracteur de pelouse est capable d'utiliser sont des accessoires légers qui ne font pas vraiment appel à la capacité de traction du tracteur de pelouse. À son avis, un tracteur de pelouse n'est pas un tracteur parce qu'il ne peut absorber toute la charge de traction que le moteur est capable de livrer durant tout son cycle de vie. Selon lui, un tracteur de pelouse est essentiellement une tondeuse autoportée, qui est configurée pour avoir l'apparence d'un tracteur.

M. Theroux a témoigné au sujet de la commercialisation des tracteurs de pelouse Murray, qui, a-t-il affirmé, sont similaires aux tracteurs de pelouse AYP. Il a déclaré qu'une tondeuse autoportée et un tracteur de pelouse sont essentiellement la même chose et que le tracteur de pelouse a été élaboré après que des sondages eurent indiqué que la société pourrait vendre davantage de produits du type tondeuse autoportée si ces dernières ressemblaient à des tracteurs. Il a témoigné qu'uniquement 3 p. 100 environ des clients de Murray achètent des souffleuses à neige ou des lames de déneigement pour leur tracteur de pelouse ou tracteur de jardin. Il a ajouté que les tracteurs de pelouse Murray ne peuvent fonctionner avec des accessoires comme des cultivateurs, des charrues, des bineuses, des pulvérisateurs ou des attelages à manchon.

M. Dave Robinson, directeur de produit chez MTD, a témoigné au nom de l'intervenante. Il a déclaré que, selon la comparaison qu'il a faite entre le tracteur de pelouse AYP et le tracteur de pelouse MTD, il n'y a pas de différence en termes de spécifications qui rend le produit de AYP supérieur au produit MTD, ou différent de celui-ci. Il a déclaré que, bien que les lames de déneigement et les souffleuses à neige soient disponibles à titre d'accessoires pour le tracteur de pelouse MTD, la société n'encourage pas leur utilisation avec le tracteur de pelouse parce que ces accessoires n'accomplissent pas un très bon travail. Il a déclaré que, en 1995, seulement 0,8 p. 100 des tracteurs de pelouse MTD ont été vendus avec des accessoires. Il a aussi ajouté que, d'après son expérience, les propriétaires de tracteurs de pelouse enlèvent très rarement le plateau de coupe du tracteur, sauf à des fins d'entretien. Finalement, il a déclaré avoir, avec M. Hans Hauser, président de la société Engineered Solutions, Inc., mis à l'essai un tracteur de pelouse AYP en attachant une corde à l'arrière de celui-ci et en tirant sur cette corde pour retenir le tracteur de pelouse qui tentait d'avancer. M. Robinson a témoigné que M. Hauser avait été capable d'empêcher le tracteur de pelouse d'avancer en le retenant avec la corde.

ARGUMENTATION

L'avocat de l'appelante a soutenu que, dans le classement des marchandises en cause, les termes des positions et les Notes des Sections et des Chapitres sont d'une importance cruciale. Il a soutenu que les marchandises en cause ne semblent pas, à première vue, devoir être classées dans le Chapitre 84. Il a soutenu, cependant, que, si le Tribunal devait déterminer que les marchandises en cause semblent, à première vue, devoir être classées dans le Chapitre 84, puisqu'elles peuvent également être classées dans le Chapitre 87, la Note 1(1) de la Section XVI empêche le classement des marchandises en cause dans le Chapitre 84 [5] .

L'avocat de l'appelante a soutenu que les marchandises en cause sont des véhicules essentiellement conçus pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges. Il a soutenu que les éléments de preuve présentés par MM. Nielsen et Coons montrent que le critère primordial de la conception du tracteur de pelouse est sa capacité de pousser ou de tirer des accessoires et qu'un tracteur de pelouse qui ne serait pas capable de tirer ou de pousser des accessoires ne serait pas produit. Il a présenté diverses définitions du mot « essential » (« essentiel ») pour aider le Tribunal à interpréter l'expression « constructed essentially for » (« essentiellement conçus »). Il a soutenu que le mot « essential » (« essentiel ») signifie « absolutely necessary; indispensable, requisite » [6] (« absolument nécessaire; indispensable, requis »); « entering into the essence or nature of a thing » [7] (« qui entre dans l'essence ou dans la nature d'une chose »); « absolutely necessary; indispensable » [8] (« absolument nécessaire; indispensable »); « in the absolute or highest sense . . . indispensably entering into its composition » [9] (« au sens absolu ou le plus haut [...] entrant d'une manière indispensable dans sa composition »); « of or constituting the essence of a person or thing » [10] (« appartenant à l'essence d'une personne ou d'une chose ou la constituant »); et « important in the highest degree » [11] (« de la plus haute importance »). L'avocat a soutenu que, selon les éléments de preuve de MM. Nielsen et Coons, la capacité du tracteur de pelouse à pousser et à tirer était un critère indispensable, absolument nécessaire et de la plus haute importance dans la construction du tracteur de pelouse.

L'avocat de l'appelante a soutenu que le Tribunal devrait ne pas tenir compte des éléments de preuve présentés par M. Schramm quant à la conception et aux capacités des marchandises en cause, puisque ce dernier n'a participé ni à leur conception ni à leur construction ni à leur mise à l'essai. Il a également soutenu que M. Schramm a arrêté son opinion avant d'avoir mené quelque essai que ce soit sur les marchandises en cause et qu'il ne doit donc pas en être tenu compte. L'avocat de l'appelante a affirmé que les marchandises en cause, en fait, répondent aux critères des tracteurs mentionnés par M. Schramm dans des affaires précédemment entendues par le Tribunal.

L'avocat de l'appelante a soutenu que les Notes du Chapitre 84 ne prévoient pas que pousser et tirer doivent être la fonction première des marchandises et ne prévoient pas que les charges que les marchandises sont capables de pousser ou de tirer doivent être lourdes. Il a établi une analogie avec le cas d'un camion léger et d'un camion lourd. Bien que le premier soit plus léger que le second et puisse ne pas être capable de transporter une charge aussi lourde, il demeure, selon l'argument de l'avocat, toujours un camion.

L'avocat de l'appelante a aussi soutenu que l'objet des données sur la commercialisation et sur les ventes liées aux accessoires était de démontrer que les marchandises en cause peuvent efficacement servir avec les accessoires. Il a soutenu que les faibles volumes des ventes d'accessoires de Murray et de MTD démontrent que leurs tracteurs de pelouse n'ont pas été conçus essentiellement pour tirer ou pour pousser. Selon l'avocat, la raison pour laquelle les ventes d'accessoires des marchandises en cause sont plus élevées est que les marchandises en cause ont été conçues et construites pour fonctionner avec des accessoires.

L'avocat de l'appelante a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de tondeuses à gazon parce qu'elles ne sont pas des « basic machines » (« machines de base ») et qu'elles n'ont pas un organe de coupe fixe, comme le prévoient les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [12] de la position no 84.33. Finalement, l'avocat a soutenu que, en cas d'ambiguïté dans l'interprétation des questions dont le Tribunal est saisi, l'ambiguïté doit être tranchée en faveur de l'appelante.

L'avocate de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre de tracteurs dans le Chapitre 87 et, donc, que les Notes de la Section XVI, qui empêchent de classer dans la Section XVI (qui inclut le Chapitre 84) les marchandises qui peuvent être classées dans la Section XVII (qui inclut le Chapitre 87), ne s'appliquent pas en l'espèce. Elle a soutenu que les Notes explicatives de la position no 84.33 établissent que le Tribunal doit examiner la fonction principale des marchandises en cause pour en déterminer le classement, puisqu'elles prévoient, notamment, ce qui suit :

Since their principal function is the mowing of lawns, they remain in this heading even if they have a coupling device for hauling or pushing light attachments such as a trailer.

([Les tondeuses autoportées] relèvent de cette position, même lorsqu'elles comportent un dispositif d'attelage destiné à tirer ou à pousser des accessoires légers tels qu'une remorque.)

L'avocate de l'intimé a aussi soutenu que les marchandises sont « essentiellement conçues » pour exécuter leur fonction principale. Elle a soumis à l'examen du Tribunal d'autres définitions du mot « essential » (« essentiel ») : « of or constituting the intrinsic, fundamental nature of something » [13] (« qui relève de la nature intrinsèque, fondamentale de quelque chose ou qui la constitue » et « [p]ertaining to, constituting, or entering into the essence or nature of a thing » [14] (« se rapportant à l'essence ou à la nature d'une chose ou la constituant ou y entrant »). L'avocate a soutenu que rien ne pouvait être plus « l'essence d'une chose » que sa fonction principale.

L'avocate de l'intimé a soutenu que les éléments de preuve présentés au Tribunal montrent, sans contredit, que la fonction principale des marchandises en cause est de tondre le gazon. Elle a soutenu que les éléments de preuve selon lesquels le cycle de vie des marchandises en cause est fondé sur un cycle de travail qui suppose que les marchandises seront utilisées pour tondre le gazon 70 p. 100 du temps montrent que la fonction principale des marchandises en cause est de tondre le gazon. Puisque le plateau de coupe est transporté par le tracteur de pelouse, elle a soutenu que la fonction principale du tracteur de pelouse n'est ni de pousser ni de tirer.

Finalement, l'avocate de l'intimé n'a pas contesté que les marchandises en cause sont capables de pousser ou de tirer divers accessoires. Cependant, elle a soutenu que ce sont pas les utilisations possibles des marchandises en cause qui sont pertinentes à la question dont le Tribunal est saisi, mais plutôt leur fonction principale. À cet égard, elle a soutenu que, même si le Tribunal devait accepter telles quelles les données statistiques sur les ventes d'accessoires présentées par l'appelante, ces données ne démontrent pas que les marchandises en cause sont suffisamment utilisées pour pousser et tirer afin de faire de cette utilisation la principale fonction des marchandises en cause.

L'avocate de l'intimé a soutenu que l'appelante n'avait pas établi de distinction importante entre ses marchandises et les marchandises que le Tribunal a précédemment décidé de classer à titre de tondeuses à gazon dans les affaires Steen Hansen Motorcycles c. S.-M.R.N. [15] et Honda Canada c. S.-M.R.N. [16] L'avocate a soutenu que les éléments de preuve dont dispose le Tribunal montrent que, sauf en de rares occasions, les plateaux de coupe ne sont enlevés des marchandises en cause que pour des fins de réparation et d'entretien. Par conséquent, selon l'avocate, puisque la principale fonction des marchandises en cause est de tondre le gazon, elles sont correctement classées à titre de tondeuses à gazon.

L'avocat de l'intervenante a soutenu que les termes de la sous-position no 8433.10, « [t]ondeuses à gazon », énoncent un critère d'utilisation finale pour le classement. Selon l'avocat, si les marchandises en cause sont utilisées pour tondre le gazon, elles sont correctement classées dans ladite sous-position. Il a soutenu que l'utilisation principale des marchandises en cause est de tondre le gazon. Il a ajouté que les marchandises en cause sont similaires aux marchandises en cause dans les affaires Steen Hansen et Honda, dont il a été conclu qu'elles étaient des tondeuses à gazon. Il a soutenu que, selon les éléments de preuve présentés par M. Schramm, la construction (bâti, transmission, etc.) des marchandises en cause ne les rend pas suffisamment fortes pour pousser et tirer des charges. Il a soutenu que, étant donné que toutes les ventes d'accessoires documentées par l'appelante auraient pu être des ventes d'accessoires pour d'autres marchandises que les marchandises en cause et étant donné que plusieurs des accessoires énumérés étaient transportés, et non poussés ou tirés, il n'y a pas d'éléments de preuve fiables qui montrent que les consommateurs utilisent, pour pousser ou tirer, les marchandises en cause avec les accessoires. Finalement, l'avocat a fait valoir que, dans 99 p. 100 des cas, les clients n'enlèvent pas le plateau de coupe.

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire doit être déterminé conformément aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [17] et aux Règles canadiennes [18] . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I, il doit être tenu compte du Recueil des avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [19] et des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la règle 1, il doit alors être tenu compte de la règle 2, etc. La règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

Les positions concurrentes dans les présents appels sont les suivantes :

84.33 Machines, appareils et engins pour la récolte ou le battage des produits agricoles, y compris les presses à paille ou à fourrage; tondeuses à gazon et faucheuses; machines pour le nettoyage ou le triage des œufs, fruits ou autres produits agricoles, autres que les machines et appareils du no 84.37.

87.01 Tracteurs (à l'exclusion des chariots-tracteurs du no 87.09).

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause ne sont pas des tracteurs au sens donné à ce mot dans la position no 87.01. Le Tribunal en arrive à cette conclusion après avoir examiné les termes de la position et les Notes de la Section et du Chapitre. Plus précisément, le Tribunal a tenu compte de la Note 2 du Chapitre 87, qui prévoit ce qui suit :

For the purpose of this Chapter, “tractors” means vehicles constructed essentially for hauling or pushing another vehicle, appliance or load, whether or not they contain subsidiary provision for the transport, in connection with the main use of the tractor, of tools, seeds, fertilisers or other goods.

(On entend par tracteurs, au sens du présent Chapitre, les véhicules moteurs essentiellement conçus pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges, même s'ils comportent certains aménagements accessoires permettant le transport, en corrélation avec leur usage principal, d'outils, de semences, d'engrais, etc.)

Le Tribunal a reçu des exposés détaillés sur la manière dont il conviendrait d'interpréter l'expression « essentiellement conçus pour tirer ou pousser ». Le Tribunal est d'avis que concevoir des marchandises « essentiellement pour » une fonction particulière signifie que ladite fonction représente « l'essence ou la nature » des marchandises. Le Tribunal est d'avis que cela exige, à tout le moins, que pour la conception et la fabrication des marchandises en cause, tirer ou pousser était considéré comme devant être leur principale fonction.

Le Tribunal accueille les éléments de preuve selon lesquels les marchandises en cause sont conçues pour être capable, dans une certaine mesure, de pousser ou de tirer des accessoires [20] . Cependant, selon les éléments de preuve, il est clair que, durant les essais de conception et de fabrication des marchandises en cause, ces dernières ne sont tenues que d'être capable de pousser ou de tirer des accessoires durant moins de la moitié du cycle de vie des marchandises. Selon le témoignage de M. Coons, dans les essais sur le cycle de vie des marchandises en cause, ces dernières poussent une souffleuse ou une lame de déneigement durant 60 heures, tirent des accessoires durant 50 heures et tondent le gazon (et durant ce temps transportent le plateau de coupe) durant 340 heures. Par conséquent, sur les 450 heures que dure le cycle de vie des marchandises en cause, il suffit que ces dernières soient capables de pousser ou de tirer durant moins de 25 p. 100 du temps. Même les essais de durée d'utilisation prolongée effectués par AYP exigent uniquement des marchandises en cause qu'elles soient capables de tirer une charge durant 190 heures, ce qui est moins de la moitié du cycle de vie desdites marchandises. Étant donné cet état de choses, le Tribunal conclut que les marchandises en cause n'ont pas été conçues ou fabriquées de sorte que leur fonction principale ou leur « essence ou nature » soit de pousser ou de tirer des accessoires. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas essentiellement conçues pour tirer ou pousser et, par conséquent, qu'elles ne doivent pas être classées à titre de tracteurs dans la position no 87.01.

Le Tribunal doit maintenant déterminer si les marchandises sont correctement classées à titre de tondeuses à gazon dans la position no 84.33. Compte dûment tenu des exposés des parties, le Tribunal conclut qu'il n'est pas nécessaire que les marchandises en cause soient des « basic machines » (« machines de base ») ni qu'elles aient un organe de coupe fixe pour être classées dans la position no 84.33. Les Notes explicatives de la position no 84.33 prévoient, notamment, ce qui suit :

This heading also covers lawn mowers, known as riding lawn mowers, consisting of three or four wheeled basic machines fitted with a driving seat and having a permanently attached cutter, i.e., one which is removed only for repair and maintenance. Since their principal function is the mowing of lawns, they remain in this heading even if they have a coupling device for hauling or pushing light attachments such as a trailer.

(Relèvent également de la présente position les tondeuses à gazon, dites tondeuses autoportées, constituées par un corps de machine à trois ou quatre roues équipé d'un siège pour le conducteur et ayant un organe de coupe fixe, c'est-à-dire qui n'est destiné à être enlevé qu'à des fins de réparation ou d'entretien. Elles relèvent de cette position, même lorsqu'elles comportent un dispositif d'attelage destiné à tirer ou à pousser des accessoires légers tels qu'une remorque.)

Le Tribunal est d'avis que les dispositions ci-dessus des Notes explicatives n'excluent pas les marchandises qui ne répondent pas à la description énoncée ci-dessus du classement dans la position no 84.33. Les Notes explicatives indiquent que les marchandises qui répondent aux critères ci-dessus doivent être incluses dans la position, mais n'indiquent pas que les marchandises qui ne répondent pas auxdits critères ne peuvent y être classées.

Le Tribunal a examiné les Notes du Chapitre 84 pour déterminer le classement des marchandises en cause. La Note 7 prévoit que :

A machine which is used for more than one purpose is, for the purpose of classification, to be treated as if its principal purpose were its sole purpose.

([…] les machines à utilisations multiples sont classées à la position visant leur utilisation principale.)

La directive susmentionnée est cohérente avec la deuxième phrase des Notes explicatives, énoncées ci-dessus, qui place l'accent sur la fonction principale des marchandises en cause aux fins de leur classement. Les éléments de preuve dont disposent le Tribunal sont cohérents; bien que les marchandises en cause soient capables d'exécuter beaucoup de fonctions et qu'elles aient beaucoup d'utilisations, leur utilisation principale est la tonte du gazon. Durant les essais de conception et de construction des marchandises en cause, une proportion de plus de 70 p. 100 de leur cycle de vie est attribuée à la tonte du gazon; toutes les marchandises en cause sont vendues avec un plateau de coupe; la plupart des marchandises en cause sont expédiées avec leur plateau de coupe monté; même en plaçant les éléments de preuve de l'appelante sous leur meilleur jour, moins de la moitié des propriétaires des tracteurs de pelouse vendus par l'appelante ont aussi acheté des accessoires n'ayant pas rapport avec la tonte du gazon. Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que l'utilisation principale des marchandises en cause est la tonte du gazon.

Puisque, aux fins du classement des marchandises en cause, l'utilisation principale desdites marchandises doit être considérée comme leur unique utilisation, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des tondeuses à gazon et sont correctement classées dans la position no 84.33.

En conclusion, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00. Par conséquent, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2. Devenue la société Frigidaire Home Products

3. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

4. Les ventes d’accessoires, pour chaque année, ne comprenaient pas les ventes par catalogue, qui représentent de 10 à 12 p. 100 des ventes au détail.

5. La Note 1(1) prévoit que la Section XVI (qui inclut le Chapitre 84) ne comprend pas les articles de la Section XVII (qui inclut le Chapitre 87).

6. Webster’s New World Dictionary, 2e éd., verbo « essential ».

7. The Living Webster Encyclopedic Dictionary of the English Language, verbo « essential ».

8. The Random House Dictionary of the English Language: The Unabridged Edition, verbo « essential ».

9. The Oxford English Dictionary, 2e éd., verbo « essential ».

10. The Canadian Oxford Dictionary, 1998, verbo « essential ».

11. Black’s Law Dictionary, 6e éd., verbo « essential ».

12. Première éd. (Bruxelles : Conseil de coopération douanière, 1986) [ci-après Notes explicatives].

13. Supra note 6.

14. Supra note 7.

15. (12 mai 1997), AP-95-065 (T.C.C.E.) [ci-après Steen Hansen].

16. (11 janvier 1999), AP-97-111 (T.C.C.E.) [ci-après Honda].

17. Supra note 3, annexe I [ci-après Règles générales].

18. Supra note 3, annexe I.

19. Première éd. (Bruxelles : Conseil de coopération douanière 1987).

20. Le Tribunal reprend l’interprétation du mot « hauling » (« tirer ») comme incluant la notion de « pulling » (« tirer »), ainsi qu’elle a été énoncée dans l’affaire Marubeni Canada c. S.-M.R.N. (14 décembre 1994), AP-93-311 (T.C.C.E.).


Publication initiale : le 8 décembre 1999