SOPREMA INC.

Décisions


SOPREMA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-98-049

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 5 mars 1999

Appel n o AP-98-049

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 janvier 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SOPREMA INC. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Richard Lafontaine ______ Richard Lafontaine Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les trois produits en cause sont commercialisés en tant que produits d'apprêt pour l'installation de membranes souples d'étanchéité. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont correctement classés dans le numéro tarifaire 3210.00.00 à titre d'autres peintures et vernis, et l'Elastocol 600 dans le numéro tarifaire 3208.90.00 à titre d'autres peintures et vernis à base de polymères synthétiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 2715.00.90 à titre d'autres mélanges bitumineux à base de bitume naturels, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est convaincu que l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont à base de bitume naturel, ce dernier servant à faire gonfler le polymère dans ces produits, et sont conçus spécialement pour améliorer l'adhérence de membranes spécifiques au support. Aucun des produits en cause n'est une peinture ou un vernis et, par conséquent, l'exclusion e) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 27.15, qui exclut de cette position les peintures et les vernis composés d'un mélange bitumineux, ne s'applique pas. Bien que l'Elastocol 600 ait une teneur en bitume différente de celle des deux autres produits, le Tribunal, invoquant la Règle 3 b) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé, qui s'applique aux produits mélangés et prévoit que leur classement doit être fait d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel, est d'avis que ce produit est un mélange bitumineux. La Note VIII des Notes explicatives du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la Règle 3 b)précise en outre que le facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises et peut ressortir de l'importance d'une des matières constitutives en vue de l'utilisation des marchandises. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que le bitume revêt une importance cruciale dans l'Elastocol 600, de telle sorte qu'il confère son caractère essentiel au produit.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 6 janvier 1999 Date de la décision : Le 5 mars 1999
Membres du Tribunal : Richard Lafontaine, membre présidant Raynald Guay, membre Pierre Gosselin, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Raylene Van Vliet, pour l'appelante Patrick Vézina, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national entre le 13 et le 27 mai 1998, concernant l'importation de trois produits, appelés Elastocol 350, Elastocol 500 et Elastocol 600.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont correctement classés dans le numéro tarifaire 3210.00.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres peintures et vernis, et l'Elastocol 600, dans le numéro tarifaire 3208.90.00 à titre d'autres peintures et vernis à base de polymères synthétiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 2715.00.90 à titre d'autres mélanges bitumineux à base de bitume naturel, comme l'a soutenu l'appelante.

À l'audience, le Tribunal a reconnu à M. Richard Voyer, Ph.D., directeur de la recherche et du développement chez Soprema Inc., le titre de témoin expert en chimie relativement à son témoignage sur la composition et l'utilisation des marchandises en cause. Cependant, étant donné un préavis insuffisant, le Tribunal ne lui a pas reconnu le titre d'expert en ce qui concerne un produit appelé « Cural » ni en ce qui concerne les peintures et vernis.

M. Voyer a expliqué que, en plus de produire des liquides comme les marchandises en cause, tant à Strasbourg (France) qu'à Drummondville (Québec), l'appelante produit deux genres de membranes souples d'étanchéité. Les membranes du premier genre, qui sont installées avec le produit d'apprêt Elastocol 500, servent dans les applications de toiture et sont appliquées soit au chalumeau, soit avec de l'asphalte chaud. Les membranes du deuxième genre, qui sont installées avec le produit d'apprêt Elastocol 600, sont du type « peler et coller » et servent, notamment, pour les toits de petite superficie ainsi que comme pare-vent et pare-vapeur. En termes de formules de composition, l'Elastocol 500 contient un solvant (64,9 p. 100), du bitume (31,9 p. 100) et un polymère (3,2 p. 100), et l'Elastocol 600 contient un solvant (73,0 p. 100), du bitume (3,0 p. 100), un polymère (12,0 p. 100) et une certaine quantité de résine qui lui donne ses propriétés collantes (12,0 p. 100) [3] . Bien que l'Elastocol 500 et l'Elastocol 600 soient tous deux des produits à base de solvant, les différences dans leurs formules de composition sont attribuables au fait que l'Elastocol 600 est conçu pour servir avec une membrane peler et coller qui utilise un mélange de résine collante et de bitume pour adhérer à divers supports délicats, comme le gypse. La résine contribue aussi à rendre le produit plus collant, une qualité nécessaire aux utilisateurs finals comme les couvreurs et les installateurs. L'Elastocol 350, par ailleurs, est un produit d'apprêt composé d'une émulsion bitumineuse à base d'eau qui peut servir pour les membranes des deux genres susmentionnés. L'Elastocol 350 ne contient pas de solvant et peut donc servir à l'intérieur, par exemple, pour des applications dans les sous-sols ou les salles de bain. M. Voyer a dit ne pas connaître la formule spécifique de ce dernier produit, mais a dit savoir, à la lecture de l'étiquette du produit manufacturé par Esso en France, qu'il contient aussi du bitume et un polymère.

M. Voyer est d'avis que les marchandises en cause sont des mélanges bitumineux parce que le polymère et le bitume qu'ils contiennent ne se séparent pas une fois mélangés. Le polymère absorbe une partie du bitume, qui le fait gonfler, en augmentant le volume de 10 fois, ce qui donne donc un produit distinct. Essentiellement, le même procédé s'applique aux trois sortes d'Elastocol en cause, bien que, dans le cas de l'Elastocol 600, la résine collante qu'il contient contribue aussi au gonflement du polymère. M. Voyer a expliqué que les marchandises en cause ont pour objet d'améliorer l'adhérence au support ainsi que la surface de ce dernier avant l'installation d'une membrane. M. Voyer a renvoyé, à cet égard, au Paint/Coatings Dictionary [4] qui, en plus de définir le mot « primer » (« apprêt ») pour le domaine des peintures, le fait également pour celui des adhésifs [5] . M. Voyer a en outre expliqué que les marchandises en cause sont produites en tant que composantes d'un système, dans la mesure où leur développement et leur formule de composition ont été mis au point en fonction de la formule de composition des membranes souples d'étanchéité avec lesquelles elles doivent servir. Au cours du contre-interrogatoire, M. Voyer a précisé que ses explications sur les marchandises en cause s'appliquent tant aux produits importés de France qu'aux produits fabriqués au Canada, les seules différences étant d'ordre mineur entre leur formule de composition. M. Voyer a aussi confirmé les fonctions du solvant (qui réduit la viscosité), du polymère (qui confère aux produits sa flexibilité essentielle à basse température) et du bitume (utilisé pour ses huiles légères qui sont absorbées par le polymère et le font gonfler). M. Voyer a reconnu que d'autres produits que le bitume pourraient servir d'agent gonflant, mais il a ajouté que ceux-ci ne conviendraient pas aux marchandises en cause. Se servir d'huile, par exemple, pourrait entraîner la migration de l'huile à la surface du mélange, créant ainsi une mince couche d'huile et entraînant la délamination de la membrane. En réponse à des questions des membres du Tribunal, M. Voyer a dit qu'aucun autre enduit n'est appliqué avec les membranes, que l'Elastocol 500 pourrait servir avec des membranes appliquées au chalumeau fabriquées par d'autres producteurs au Canada, mais non avec des membranes peler et coller, et qu'il n'y a pas de réaction entre l'apprêt et les membranes, mais simplement une fusion mécanique. Il a ajouté que les marchandises en cause ne sont pas des adhésifs, qu'elles n'ont pas de propriétés imperméabilisantes en elles-mêmes, qu'elles n'ont pas de résistance aux ultraviolets et qu'elles se désagrégeraient en six mois si elles étaient exposées au soleil. Il a ajouté qu'un bitume particulier est utilisé parce que ce ne sont pas tous les bitumes qui peuvent servir avec la formule de composition du produit de l'appelante. M. Voyer a réitéré que, selon lui, les marchandises en cause, même l'Elastocol 600 dont la teneur en bitume est moindre, sont des mélanges bitumineux, parce que le bitume fait gonfler le polymère.

Mme Kevser Taymaz, Ph.D., chimiste principal, Laboratoire des produits polymères, Direction des travaux scientifiques et de laboratoire du ministère du Revenu national, a témoigné au nom de l'intimé en qualité de témoin expert en composition des marchandises en cause. Mme Taymaz a dit avoir analysé des échantillons des marchandises en cause en août 1997. Ses données sur la formule de composition des trois produits sont similaires à celles qu'a fournis M. Voyer. Dans le cadre de son analyse, Mme Taymaz a aussi examiné l'épaisseur des produits et a déterminé qu'une fois secs, ils forment une pellicule très mince. Mme Taymaz a dit avoir vérifié l'épaisseur parce que la base de référence qu'elle applique pour établir la distinction entre les peintures et vernis et les mastics retient le critère de l'épaisseur. Selon les résultats des tests et d'après les définitions énoncées dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [6] (les Notes explicatives), dans la publication Compilation of ASTM Standard Definitions [7] et dans le Paint/Coatings Dictionary, elle a conclu que l'Elastocol 500 est un vernis. Mme Taymaz a produit au dossier la définition du mot « varnish [8] » (« vernis ») se trouvant dans la publication Compilation of ASTM Standard Definitions. Elle a aussi lu la deuxième signification de ce terme qui, selon elle, est encore plus précise parce qu'elle renvoie à « a liquid composition that is converted to a transparent or translucent solid film after application as a thin layer [9] » (« préparation liquide qui se transforme en une pellicule solide transparente ou translucide après application en couche mince ») et parce que cette dernière inclut une définition de l'expression « bituminous varnish » (vernis bitumineux) comme étant un vernis de couleur foncée contenant des ingrédients bitumineux, le vernis étant alors du type des vernis à l'huile ou des vernis à l'alcool. Mme Taymaz a aussi témoigné que le bitume et le polymère contenus dans l'Elastocol 500 sont tous deux des agents de formation d'une pellicule. Elle a confirmé que l'Elastocol 500 n'est pas une peinture, puisqu'il ne contient pas de pigment. Elle a ajouté qu'un vernis, en raison de l'absence de pigments, prend, en séchant, la forme d'un enduit translucide ou semi-translucide. Quant à l'Elastocol 350, Mme Taymaz a expliqué que l'échantillon soumis aux fins de l'analyse a été séparé en deux produits : un amas solide contenant de l'asphalte bitumineux et du caoutchouc (polymère) (de fait un peu plus de bitume que de polymère) ainsi qu'un filler minéral, et, d'autre part, un liquide laiteux blanc, contenant des agents émulsifiants et de l'eau. Elle a d'abord conclu que l'Elastocol 350 était un mastic bitumineux. Cependant, elle a ensuite révisé sa conclusion, étant donné que la documentation sur le produit qu'elle a reçue par la suite indiquait que les spécifications sur le pouvoir couvrant étaient les mêmes pour ce dernier que pour l'Elastocol 500; par conséquent, le produit ne pouvait être qualifié, selon elle, de mastic, mais plutôt d'enduit mince. D'après les nouveaux renseignements susmentionnés, elle a conclu que le produit était une peinture en milieu aqueux. Lorsqu'il lui a été demandé, au cours de l'interrogatoire, de préciser ce qu'elle entendait par « peinture », étant donné qu'elle n'avait pas trouvé de pigment dans l'Elastocol 350, Mme Taymaz a déclaré que lorsque « nous rédigeons des rapports, nous utilisons indistinctement les mots « peinture » et « vernis » … [p]arce qu'ils sont mentionnés ensemble dans le tarif [10] » [traduction]. À son avis, cependant, l'Elastocol 350 est un vernis, d'après la définition dont il déjà été fait mention relativement à l'Elastocol 500 et d'après la minceur de la pellicule. Quant à l'Elastocol 600, Mme Taymaz a confirmé que ce dernier contient une plus grande proportion de polymère que de bitume, quoiqu'elle ait fait brièvement mention de la présence d'une résine collante sans toutefois en préciser la teneur en pourcentage dans le produit. En se fondant sur son témoignage précédent sur les vernis et parce que le produit prend, en séchant, la forme d'une mince pellicule semi-transparente, elle a conclu que l'Elastocol 600 est aussi un vernis, mais cette fois à base de polymère synthétique plutôt que de bitume. Au cours du contre-interrogatoire, Mme Taymaz a témoigné que, dans le cadre de son analyse, il ne lui était pas nécessaire de connaître l'utilisation à laquelle devaient servir les différents produits, et qu'il suffisait qu'elle en connaisse les propriétés. Tout en convenant que les polymères sont élastiques, Mme Taymaz a affirmé qu'ils servent dans les peintures et dans les vernis parce qu'ils sont aussi des agents de formation de pellicule. Elle a ajouté qu'elle n'avait pas besoin de mettre les produits à l'essai pour voir si le polymère accomplissait une autre fonction parce que cela ne faisait pas partie de son mandat, qui était d'« analyser les produits à des fins de classement tarifaire [11] » [traduction].

Au cours de sa plaidoirie, la représentante de l'appelante a souligné que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause présentent des caractéristiques différentes de celles des peintures et des vernis. Ces derniers produits, par exemple, deviennent durs en séchant, tandis que les marchandises en cause deviennent collantes en séchant. En outre, les marchandises en cause sont conçues pour être compatibles avec les membranes souples d'étanchéité. Elles ne sont utilisées ni comme peintures ni comme vernis, ni ne fonctionneraient-elles très bien en tant que peinture, apprêt pour peinture ou vernis. Invoquant le fait que les marchandises en cause sont appelées des produits d'apprêt, la représentante a cité une définition du mot « primer » (« apprêt ») qui envisage autre chose que la peinture [12] . Elle a maintenu qu'un apprêt peut représenter une première couche, mais pas nécessairement la première couche de peinture. La représentante a aussi soutenu que, bien que Mme Taymaz, qui a analysé les marchandises en cause, ne savait pas à quelle utilisation les marchandises en cause devaient servir, cette dernière a néanmoins conclu que les marchandises en cause sont d'autres mélanges bitumineux exclus de la position no 27.15 en se fondant sur son impression que les marchandises se rapportaient à une application de peinture et de vernis. De fait, la représentante a déclaré que l'intimé semble avoir l'impression que les marchandises en cause sont des peintures et des vernis bitumineux même si elles ne sont ni utilisées ni vendues en tant que peintures ou vernis. La représentante a soutenu que, d'après les éléments de preuve et la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [13] (les Règles générales) qui prescrit que le classement est d'abord déterminé par les termes de la position, l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 doivent être tous deux classés à titre de mélanges bitumineux. Quant à l'Elastocol 600, la représentante a soutenu que, même si le témoin expert de l'intimé n'a pas été en mesure de déterminer quel pourcentage de bitume est exigé aux termes de la position no 27.15 pour que les marchandises soient considérées comme une préparation bitumineuse, le témoin expert de l'appelante, par ailleurs, a clairement indiqué que le bitume est essentiel dans la préparation du mélange. Par conséquent, a-t-elle soutenu, lesdites marchandises doivent aussi être classées à titre de mélanges bitumineux.

L'avocat de l'intimé a souligné l'importance des Notes explicatives ainsi qu'il est indiqué à l'article 11 du Tarif des douanes. Il a ajouté, à cet égard, que les Notes explicatives de la position no 27.15 excluent spécifiquement de la position l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 parce que ces derniers sont des vernis bitumineux. De plus, l'avocat a soutenu que la publication Compilation of ASTM Standard Definitions définit un vernis comme étant un liquide qui se transforme en pellicule solide transparente ou translucide après application en couche mince et fait spécifiquement mention des vernis bitumineux. À son avis, la définition susmentionnée est très vaste et n'est limitée par aucune utilisation spécifique. L'avocat a de plus soutenu que l'exclusion e) des Notes explicatives de la position no 27.15 énonce certaines caractéristiques des vernis qui sont exclus de ladite position, y compris la faculté de sécher à l'air à la manière d'un vernis ou d'une peinture ainsi que la faible épaisseur et la dureté du film qu'ils déposent sur leur support. En outre, de l'avis de l'avocat, toutes les peintures et vernis non visés dans la position no 32.08 sont englobés dans la position no 32.10, qui est moins spécifique. De plus, étant donné que l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont admissibles au classement dans la position no 32.10, ils sont automatiquement exclus de la position no 27.15. L'avocat a souligné, à cet égard, que la Note B)3) des Notes explicatives de la position no 32.10 fait expressément mention de l'exclusion e) des Notes explicatives de la position no 27.15 [14] . Quant à l'Elastocol 600, l'avocat a soutenu qu'il s'agit d'un vernis à base de polymère de la position no 32.08, puisque les éléments de preuve ont montré sa teneur élevée en polymère. Selon l'avocat, le polymère est la matière constitutive la plus importante, et le caractère du produit qui permet de vendre ce dernier. L'avocat a une fois de plus invoqué la vaste portée de la définition du mot « vernis ». Il a ajouté que la Note B) des Notes explicatives de la position no 32.08 prévoit que les vernis et les laques de la position sont des préparations liquides destinées à protéger ou à décorer des surfaces. L'avocat a soutenu que l'Elastocol 600 protège la toiture ou d'autres surfaces parce que le polymère qu'il contient protège contre la fissuration à basse température et parce que sa qualité d'adhérence contribue à protéger le support sur lequel il est appliqué. L'avocat a aussi soutenu que la position no 32.08 est plus spécifique que la position no 27.15. Comme argument de rechange, l'avocat a soutenu que l'Elastocol 600 doit être classé dans la position no 40.05 à titre de caoutchouc et d'article en caoutchouc, étant donné que, notamment, une fois que le produit est séché, 90 p. 100 de l'enduit restant se compose de caoutchouc, puisque la forte proportion de solvant qu'il contenait a évaporé.

En réponse, la représentante de l'appelante a soutenu que les marchandises en cause ne sont destinées ni à décorer ni à protéger puisqu'elles ne sont pas des matériaux d'étanchéité. Elles servent d'apprêt, a-t-elle ajouté, et la formule de composition de chaque apprêt est élaborée pour convenir à une membrane particulière.

Après avoir soigneusement examiné les éléments de preuve et les arguments des parties, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause n'ont pas correctement été classées, parce qu'elles ont erronément été perçues dès le départ comme étant des vernis. Le Tribunal traitera d'abord de l'Elastocol 350 et de l'Elastocol 500, puis de l'Elastocol 600.

Le Tribunal fait observer que le rapport de l'expert de l'intimé reconnaît que l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont des mélanges bitumineux. En outre, il ressort des éléments de preuve que l'un des principaux motifs d'exclusion des produits susmentionnés de la position no 27.15 se rapporte à l'opinion que l'exclusion e) des Notes explicatives de la position, qui exclut les peintures et les vernis bitumineux, s'applique aux marchandises en cause. Cependant, puisque l'exclusion e) vise les peintures et les vernis, une condition préalable à l'exclusion est que le produit visé soit véritablement une peinture ou un vernis; s'il n'est ni l'un ni l'autre, l'exclusion ne s'applique tout simplement pas. Le Tribunal fait observer, à cet égard, que l'avocat de l'intimé n'a pas affirmé que les marchandises en cause étaient des peintures. Par conséquent, quant à l'exclusion e), la seule question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des vernis. Les éléments de preuve montrent que les produits sont commercialisés et vendus en tant que produits d'apprêt, et non en tant que vernis. Le Tribunal est convaincu que parmi les produits d'apprêt se trouvent ceux qui sont associés à des adhésifs, qui sont définis comme étant des enduits appliqués à une surface, avant l'application d'un adhésif, pour améliorer la qualité de l'adhérence [15] . L'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont précisément conçus à cette fin. En fait, les éléments de preuve révèlent que les produits susmentionnés n'ont pas d'autre fonction que de servir avec des membranes souples d'étanchéité pour améliorer leur adhérence. Le Tribunal fait en outre observer que ces produits, qui ne résistent pas aux ultraviolets, ne sont pas eux-mêmes imperméables et se désagrégeraient en six mois s'ils étaient exposés au soleil. Il ne s'agit pas de produits finis, puisque l'appelante, qui fabrique l'Elastocol 500 et vend l'Elastocol 350, ne recommanderait pas qu'ils soient utilisés seuls ni dans toute autre application qu'en tant que composantes d'un système avec des membranes souples d'étanchéité. Puisque les marchandises en cause sont des apprêts et non des vernis, le fait qu'elles satisfont également à certains des critères de l'exclusion e), par exemple, parce qu'elles contiendraient des agents de formation de pellicule comme un polymère ou parce qu'elles laisseraient une pellicule mince, n'entre pas en ligne de compte. Pour plus de certitude, le Tribunal prend finalement note que, bien que les produits susmentionnés sèchent en moins de deux heures, ils deviennent collants en séchant, et le demeurent pour une période d'environ 24 heures, en vue d'améliorer l'adhérence des membranes souples d'étanchéité avec lesquelles ils seront installés. Ce dernier fait distingue également l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 par rapport aux vernis qui, en séchant, deviennent durs et sont définis comme étant destinés à protéger ou à décorer.

Étant donné que l'intimé a reconnu que l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont des mélanges bitumineux et ayant traité de l'exclusion e) des Notes explicatives de la position no 27.15, il reste maintenant à déterminer si les produits en cause sont à base de bitume naturel, comme le prévoit la position no 27.15. Le Tribunal est convaincu que l'Elastocol 350 et l'Elastocol 500 sont à base de bitume naturel qui, dans les produits susmentionnés, sert à faire gonfler le polymère, et qu'ils sont conçus spécialement pour améliorer l'adhérence au support de membranes spécifiques. Le Tribunal fait observer, à cet égard, que le solvant contenu dans l'Elastocol 500 ou l'eau contenue dans l'Elastocol 350 sert principalement à réduire la viscosité de ces produits, tandis que le polymère améliore l'adhérence et l'élasticité des produits, qui sont garanties par temps froid. Le Tribunal fait également observer, relativement à l'Elastocol 350, que, bien que ce produit ne soit pas fabriqué par l'appelante, le témoignage de M. Voyer ne laisse planer aucune ambiguïté quant aux caractéristiques du produit et à la fonction du bitume qu'il contient. D'autre part, l'expert de l'intimé a d'abord conclu que le produit était un mastic, puis qu'il s'agissait d'une peinture en milieu aqueux. Ce n'est qu'à l'audience, et contrairement aux données de son propre rapport d'expert, que Mme Taymaz a finalement conclu que l'Elastocol 350 était un vernis. Le Tribunal est d'avis que la Règle 1 des Règles générales s'applique en l'espèce et prévoit le classement de l'Elastocol 350 et de l'Elastocol 500 selon les termes de la position no 27.15 et non selon ceux de la position no 32.10.

Quant à l'Elastocol 600, le Tribunal fait observer que les Notes explicatives de la position no 32.08 font référence aux vernis comme étant des préparations liquides destinées à protéger ou à décorer les surfaces. Il s'agit là de deux fonctions qui, selon le Tribunal, ne s'appliquent pas aux marchandises en cause. Manifestement, les marchandises ne sont nullement destinées à décorer, ni n'a-t-il été soutenu qu'elles l'étaient d'une manière quelconque. L'avocat de l'intimé a soutenu que l'Elastocol 600 aide à protéger le support sur lequel il est appliqué parce qu'il est doté d'une bonne qualité d'adhérence et contient une proportion élevée de polymère qui protège contre la fissuration. Le Tribunal est d'avis, bien que le polymère confère une meilleure adhérence et une plus grande flexibilité à l'Elastocol 600, que cela ne fait pas de ce dernier un enduit protecteur. L'Elastocol 600 n'est pas destiné à servir en tant que produit final puisque, utilisé seul, il ne possède aucune propriété imperméabilisante et puisqu'il n'acquiert pas un fini dur en séchant; il s'agit plutôt d'une composante d'un système, qui est destinée à servir avec une membrane souple d'étanchéité particulière. Finalement, pour les mêmes raisons que celles qui ont déjà été discutées relativement au fait que l'exclusion e) des Notes explicatives de la position no 27.15 ne s'applique pas à l'Elastocol 350 et à l'Elastocol 500, l'Elastocol 600 n'est pas un vernis et n'est pas non plus visé par ladite exclusion.

Ayant conclu que l'Elastocol 600 n'est pas non plus un vernis, il reste à déterminer s'il constitue un mélange bitumineux à base de bitume de la position no 27.15 ou un caoutchouc mélangé de la position no 40.05. Le Tribunal est d'avis que les positions nos 27.15 et 40.05 sont également spécifiques et que, par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent être classées d'après la Règle 3 a) des Règles générales.

Le Tribunal accueille les arguments de la représentante de l'appelante selon lesquels, quelle que soit la quantité de bitume qu'il contient, dans les faits, l'Elastocol 600 n'est guère différent de l'Elastocol 350 et de l'Elastocol 500, puisque le bitume est une matière constitutive essentielle à sa préparation. Tout en reconnaissant que l'Elastocol 600 contient seulement 3 p. 100 de bitume par rapport à 12 p. 100 de caoutchouc, le Tribunal fait observer que ce produit contient aussi 12 p. 100 de résine collante et 73 p. 100 de solvant. Le solvant ne confère manifestement pas son caractère essentiel à l'Elastocol 600, mais sert plutôt à en réduire la viscosité et à aider à la pénétration du produit dans le support. Quant au polymère, bien qu'il confère des propriétés élastiques au produit, il équivaut à la quantité de résine collante qui confère la qualité de collant que souhaitent obtenir les utilisateurs finals. Tant le polymère que la résine collante aident à obtenir une bonne adhérence. À cet égard, le bitume, une fois encore, semble être la matière constitutive essentielle dans la composition de l'Elastocol 600, puisqu'il fait gonfler le polymère et est essentiel à la préparation correcte du produit, lequel est destiné à servir exclusivement avec des membranes souples d'étanchéité. À la lumière de la Note VIII des Notes explicatives de la Règle 3 b), il s'agit là d'un facteur crucial pour évaluer l'importance du bitume en vue de l'utilisation de l'Elastocol 600 avec les membranes souples d'étanchéité. Le Tribunal est d'avis que la Règle 3 b) des Règles générales s'applique en l'espèce, puisque l'Elastocol 600 paraît devoir être classé sous au moins deux positions, dont aucune n'offre une description davantage spécifique que l'autre. La Règle 3 b), qui s'applique aux produits mélangés, indique que leur classement doit être fait d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel. La Note VIII des Notes explicatives de la Règle susmentionnée précise que le facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises et peut inclure l'importance d'une des matières constitutives en vue de l'utilisation des marchandises. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que le bitume revêt une importance cruciale en vue de l'utilisation de l'Elastocol 600, de telle sorte qu'il confère son caractère essentiel au produit. Par conséquent, l'Elastocol 600 constitue un mélange bitumineux à base de bitume de la position no 27.15 et n'est donc pas un caoutchouc mélangé de la position no 40.05.

Pour tous les motifs susmentionnés, l'appel est admis. L'Elastocol 350, l'Elastocol 500 et l'Elastocol 600 doivent être classés à titre de mélanges bitumineux dans la position no 27.15 et, comme tels, dans le numéro tarifaire 2715.00.90 à titre d'autres mélanges bitumineux.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Étant donné que les expressions polymère de styrène et de butadiène ou caoutchouc et polymère ont été utilisées indifféremment durant l’audience, les présents motifs, pour des fins d’uniformité, ne retiennent que le mot « polymère ». D’une manière similaire et pour les mêmes raisons, les présents motifs retiennent le mot « bitume » plutôt que le mot « asphalte ».

4. Philadelphie, Federation of Societies for Coatings Technology, 1978.

5. Pièce A-4, dans laquelle le deuxième sens du mot « primer » (apprêt) est énoncé ainsi qu’il suit : « Coating applied to a surface, prior to the application of an adhesive, to improve the performance of the bond » (« enduit appliqué à une surface, avant l’application d’un adhésif, pour améliorer la qualité de l’adhérence »).

6. Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996.

7. Septième édition, Philadelphie, ASTM, 1990.

8. « [A] liquid formulation that is converted to a transparent or translucent, solid film after application as a thin layer. Oil is a typical varnish which contains resin and drying oil as the chief film-forming ingredients and is converted to a solid film primarily by chemical reaction » ([U]ne préparation liquide qui se transforme en une pellicule solide, transparente ou translucide après application en couche mince. L’huile est un vernis typique qui contient de la résine et de l’huile siccative en tant qu’ingrédients principaux de formation d’une pellicule et se transforme en une pellicule solide principalement par réaction chimique), ibid. à la p. 519.

9. Supra note 7 à la p. 519.

10. Transcription de l’audience publique, le 6 janvier 1999 aux pp. 181-182.

11. Ibid. à la p. 190.

12. Supra note 4.

13. Supra note 2, annexe I.

14. Ainsi que l'a fait observer l' avocat , il semble y avoir une erreur dans la Note B)3), puisqu'elle fait mention de l'exclusion d) des Notes explicatives de la position no 27.15, alors que le contexte permet de croire qu'il devrait plutôt être question de l'exclusion e).

15. Supra note 4.


Publication initiale : le 26 mars 1999