CONVOY SUPPLY LTD.

Décisions


CONVOY SUPPLY LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-99-015 à AP-99-025

TABLE DES MATIÈRES

Appels n os AP-99-015 à AP-99-025

EU ÉGARD À des appels entendus le 3 novembre 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 8 mars 1999 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CONVOY SUPPLY LTD. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis.


Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Richard Lafontaine ______ Richard Lafontaine Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) le 8 mars 1999 concernant 11 expéditions de deux produits, appelés GlasPly IV et GlasPly Premier, importés des États-Unis entre les mois d'avril 1996 et de février 1997. Les questions en litige dans les présents appels se rapportent à la compétence et au classement.

Il a été demandé au Tribunal de déterminer, d'abord, si l'intimé et, donc, le Tribunal ont la compétence pour décider du classement : 1) étant donné que l'intimé peut avoir omis de traiter de la compétence de l'agent désigné pour classer les marchandises en cause dans le délai prescrit de 90 jours, comme le prévoit l'alinéa 61a) de la Loi sur les douanes, lorsque l'intimé a rendu ses décisions aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes; 2) étant donné que l'intimé peut ne pas avoir procédé « dans les meilleurs délais ».

La question qui se rapporte au classement dans les présents appels est celle de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7019.32.10 à titre de voiles enduits ou recouverts d'asphalte, des types utilisés en tant que toiture, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6807.10.00 à titre d'ouvrages en asphalte ou en produits similaires (poix de pétrole, brais, par exemple) en rouleaux, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : Les appels sont admis. Le Tribunal ne peut légalement être saisi d'un appel que lorsque l'intimé a correctement exercé sa compétence. En l'espèce, les éléments de preuve indiquent que l'intimé a traité de la question de la compétence de l'agent désigné par courrier. En rendant une décision sur le classement tarifaire comme il l'a fait, l'intimé a implicitement reconnu que l'agent désigné avait correctement exercé sa compétence. Le fait que l'intimé n'ait pas expressément traité de la question de la compétence de l'agent désigné dans sa révision du classement tarifaire effectué aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes, n'est pas, de l'avis du Tribunal, fatal et de nature à faire perdre à l'intimé sa compétence pour rendre une décision.

Pour ce qui est de déterminer si l'intimé a procédé « dans les meilleurs délais », la question consiste à savoir si l'intimé, en rendant une décision 19 mois après les demandes de réexamen, a agi « dans les meilleurs délais ». L'appelante n'a pas convaincu le Tribunal qu'un délai de 19 mois pour une révision de l'intimé est, en l'espèce, un délai déraisonnable, tout particulièrement étant donné que ce sont des droits économiques d'une personne morale qui sont en jeu et qu'il y a eu échange de correspondance entre les parties à ce propos cinq mois environ après l'interjection des appels. Par conséquent, le Tribunal, étant légalement saisi des présents appels, a examiné la question du classement.

Le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 6807.10.00 à titre d'ouvrages en asphalte ou en produits similaires (poix de pétrole, brais, par exemple) en rouleaux. Le Tribunal fonde sa décision sur la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé, qui prescrit que le classement est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont enduites d'asphalte sur leurs deux faces ainsi que d'un agent antiadhérent liquide et que des lignes y sont peintes, ce qui dépasse la notion de simple enduit léger. Les deux composants principaux de la membrane de fibres de verre pour toiture sont la fibre de verre et l'asphalte, cette dernière représentant environ 70 p. 100 du poids total du produit. Les marchandises en cause sont des plaques pour toiture au sens de la Note 2) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 68.07, puisque les feutres-toitures sont de minces pièces de tissu en fibres de verre brutes utilisées en tant que parties d'une couverture. L'exclusion d) qui touche les voiles de la sous-position no 7019.32 ne s'applique pas, puisque les marchandises ne répondent pas à la description des voiles qui se trouve dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 70.19. Les fibres ne sont pas réparties au hasard : elles sont orientées à la fois dans le sens de production et dans le sens travers. En outre, les fibres de verre ne sont ni pressées ni compactées, et il est possible de les prélever, bien que difficilement, sans endommager les membranes; ces dernières ne sont donc pas des voiles.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 3 novembre 1999 Date de la décision : Le 28 février 2000
Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant Raynald Guay, membre Richard Lafontaine, membre
Avocat pour le Tribunal : Michèle Hurteau
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Geoffrey C. Kubrick et Yasir A. Naqvi, pour l'appelante Elizabeth Richards, pour l'intimé





CONTEXTE

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) le 8 mars 1999 concernant l'importation de deux produits appelés GlasPly IV et GlasPly Premier. Les appels se rapportent à 11 expéditions de marchandises en cause importées des États-Unis entre les mois d'avril 1996 et de février 1997. Les questions en litige dans les présents appels se rapportent à la compétence et au classement.

Il a été demandé au Tribunal de déterminer, d'abord, si l'intimé et, donc, le Tribunal ont la compétence pour décider du classement : 1) étant donné que l'intimé peut avoir omis de traiter de la compétence de l'agent désigné pour classer les marchandises en cause dans le délai prescrit de 90 jours, comme le prévoit l'alinéa 61a) de la Loi, lorsque l'intimé a rendu ses décisions aux termes du paragraphe 63(3); 2) étant donné que l'intimé peut ne pas avoir procédé « dans les meilleurs délais ».

La question qui se rapporte au classement dans les présents appels est celle de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7019.32.10 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de voiles enduits ou recouverts d'asphalte, des types utilisés en tant que toiture, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6807.10.00 à titre d'ouvrages en asphalte ou en produits similaires (poix de pétrole, brais, par exemple) en rouleaux, comme l'a soutenu l'appelante. L'appelante a aussi demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal ordonne à l'intimé de rembourser les droits versés.

Le Tribunal traitera d'abord de la question de compétence.

QUESTION DE COMPÉTENCE

Les avocats de l'appelante ont déclaré qu'ils ne demandaient pas au Tribunal un réexamen des révisions faites par l'agent désigné aux termes des alinéas 61a) et e) de la Loi. Plutôt, ils ont demandé au Tribunal d'examiner le défaut de l'intimé d'exercer correctement son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 63(3). Plus précisément, les avocats ont soutenu que l'intimé a omis de déterminer si l'agent désigné avait correctement exercé sa compétence aux termes de l'article 61. L'omission de traiter de la question de compétence lorsqu'il a rendu ses décisions sur le classement tarifaire des marchandises en cause aux termes du paragraphe 63(3), a fait perdre sa compétence à l'intimé et, par conséquent, les révisions sont nulles et non avenues.

Pour ce qui est de déterminer si l'intimé a procédé aux révisions « dans les meilleurs délais » en application du paragraphe 63(3) de la Loi, les avocats de l'appelante ont fait valoir que, entre la date de la demande initiale de réexamen du classement tarifaire et la date des décisions, il s'est écoulé environ 19 mois. Ils ont déclaré qu'un tel délai n'était pas raisonnable. Ils ont renvoyé à l'affaire R. c. Askov [3] , dans laquelle la Cour suprême du Canada a décidé que les droits d'un accusé avaient été enfreints parce qu'il n'avait pas été jugé dans un délai raisonnable. Malgré l'absence de délai précis prévu par la loi pour la tenue d'un procès, la Cour a déclaré, dans la cause susmentionnée, que le délai n'était pas raisonnable. Les avocats ont soutenu que la Cour a tenu compte des facteurs suivants dans la détermination du caractère raisonnable d'un délai, des facteurs que les avocats ont appliqués aux présents appels : durée du délai – en l'espèce, 19 mois avant que l'intimé ne rende ses décisions; explications de la durée du délai – aucune explication n'a été donnée, et l'appelante n'a jamais renoncé à ce droit; préjudice subi – les droits versés relativement aux expéditions des marchandises en cause durant les 19 mois qui ont précédé les décisions de l'intimé. Les avocats ont aussi soutenu que la loi prescrit expressément à l'intimé d'effectuer une révision « dans les meilleurs délais » et que, en retardant les révisions d'environ 19 mois, l'intimé ne s'est pas acquitté de son obligation. En conclusion, parce que les décisions n'ont pas été prises « dans les meilleurs délais », l'intimé a perdu sa compétence.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que le Tribunal a le pouvoir, en vertu du paragraphe 67(3) de la Loi, de se prononcer sur la compétence de l'intimé. Ils ont soutenu que, en vertu des articles 16 et 17 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [4] , le Tribunal a les attributions normalement conférées à une cour supérieure d'archives, ce qui inclut le pouvoir de se prononcer sur des questions de compétence. De plus, l'expression « des questions connexes » qui se trouve à l'alinéa 16c) de la Loi sur le TCCE confère au Tribunal le pouvoir non seulement d'entendre des appels mais aussi de se pencher sur toute autre question de compétence connexe. Pour tous les motifs susmentionnés, les avocats ont soutenu que le Tribunal a la compétence pour entendre les présents appels et déterminer la mesure corrective indiquée qui, en l'espèce, est le remboursement de tous les droits versés par l'appelante.

L'avocate de l'intimé a soutenu que le Tribunal, en tant qu'organe d'arbitrage créé par la loi, ne peut exercer que les compétences qui lui sont conférées par la loi. L'avocate a soutenu que les pouvoirs du Tribunal découlent de l'article 67 de la Loi, qui se limite aux décisions concernant le classement tarifaire rendues par l'intimé aux termes des articles 63 et 64. Le Tribunal n'a pas la compétence pour réexaminer la révision d'un agent désigné faite aux termes des articles 60 et 61. Selon l'exposé de l'avocate, l'intimé a correctement exercé ses compétences aux termes du paragraphe 63(3). Elle a soutenu que l'appelante ne peut maintenant faire valoir des arguments concernant des décisions rendues aux termes de l'article 63 dans le but d'obtenir du Tribunal qu'il infirme les révisions faites aux termes de l'article 61. Le recours dont disposait l'appelante était la révision judiciaire. À l'appui de sa position, l'avocate a renvoyé à l'affaire Richards Packaging c. S-MRN [5] , une récente décision du Tribunal, dans laquelle le Tribunal a exprimé l'avis que sa compétence se rapporte aux décisions prises en vertu des articles 63 ou 64 et qu'il n'a pas la compétence pour réviser le réexamen fait par un agent désigné aux termes de l'article 61.

Pour ce qui est de la question de la révision « dans les meilleurs délais », l'avocate de l'intimé, dans le cadre de sa réfutation des arguments des avocats de l'appelante, a déclaré que le ministère du Revenu national (Revenu Canada) (désormais l'Agence des douanes et du Revenu du Canada) traitait simultanément des deux aspects des appels : les appels interjetés auprès de l'intimé et les révisions par l'agent désigné aux termes de l'article 61 de la Loi. De plus, l'appelante a été informée dès le 8 décembre 1997, environ 5 mois après le dépôt des appels auprès du Tribunal, de la recommandation provisoire faite par Revenu Canada. Dans une lettre du 21 janvier 1999, Revenu Canada a fait part à l'appelante des résultats de son examen de la question de compétence concernant les révisions faites aux termes de l'article 61. Ces dernières ont fait l'objet de communications soutenues entre l'appelante et Revenu Canada pour résoudre cette question, et toute prétention contraire n'est pas corroborée par les faits. Elle a conclu en disant que l'intimé avait, dans les circonstances, agi « dans les meilleurs délais ».

La compétence du Tribunal découle de l'article 67 de la Loi, lequel prévoit les appels à l'égard des décisions rendues par l'intimé aux termes de l'article 63 ou 64. Par conséquent, le Tribunal doit être convaincu que les décisions de l'intimé qui font l'objet d'appels aux termes de l'article 67 ont été rendues aux termes des articles 63 ou 64. Les décisions de l'intimé rendues aux termes des articles 63 ou 64 se rapportent à la valeur en douane et au classement tarifaire. En ce qui a trait aux présents appels, les décisions rendues par l'intimé portaient sur le classement tarifaire des marchandises en cause prévu à l'article 63. Ainsi qu'il a été déclaré dans l'affaire Richards Packaging, le Tribunal n'a pas la compétence pour réviser le réexamen fait par un agent désigné aux termes de l'article 61, sauf dans les situations où le Tribunal peut devoir déterminer s'il a été légalement saisi d'un appel en vertu de la Loi. Le Tribunal ne peut être légalement saisi d'un appel que si l'intimé a correctement exercé ses pouvoirs. Dans la présente affaire, les éléments de preuve indiquent que la question de compétence de l'agent désigné a été traitée dans des lettres de l'intimé. Ce faisant, et en rendant des décisions sur le classement tarifaire comme il l'a fait, l'intimé, de l'avis du Tribunal, a implicitement reconnu que l'agent désigné avait correctement exercé ses pouvoirs. Bien que l'intimé n'ait pas réitéré et traité expressément de la question de la compétence de l'agent désigné dans ses révisions du classement tarifaire effectuées aux termes de l'article 63, il ne s'agit pas là, de l'avis du Tribunal, d'un coup fatal de nature à faire perdre à l'intimé sa compétence pour rendre une décision.

Le Tribunal aborde maintenant la question de savoir si l'intimé a omis de rendre une décision « dans les meilleurs délais » aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi et, le cas échéant, s'il a de ce fait perdu sa compétence pour rendre une telle décision.

En plaidant qu'il n'est pas raisonnable que l'intimé ait pris 19 mois pour rendre des décisions, les avocats de l'appelante ont cité l'affaire Askov. Dans l'affaire Askov, la question en litige consistait à déterminer s'il y avait eu violation des principes de justice fondamentale, du fait que l'accusé avait dû attendre deux ans avant d'être jugé. Dans cette même affaire, la question de savoir si un tel délai enfreignait le droit fondamental « à la vie, à la liberté et à la sécurité » de l'accusé, prévu à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [6] avait été soulevée. Les principes établis dans l'affaire Askov ont fait l'objet de discussions et d'application dans des causes portant sur le retard à entendre les revendications du statut de réfugié, les plaintes disciplinaires et les plaintes en matière de droits de la personne où le droit fondamental « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » est en jeu. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Ce qui est en jeu dans les présents appels ce sont les droits économiques d'une personne morale, et non les droits fondamentaux d'une personne, et les principes énoncés dans l'affaire Askov ne s'appliquent pas en l'espèce.

Dans l'interprétation de l'expression « dans les meilleurs délais », le Tribunal doit tenir compte de l'article 63 de la Loi, des circonstances de chaque cause et du dommage, le cas échéant, subi par les parties dans l'attente d'une décision. L'appelante n'a pas convaincu le Tribunal qu'un délai de 19 mois pour les révisions effectuées par l'intimé est, en l'espèce, un délai déraisonnable, particulièrement étant donné la correspondance provenant de l'intimé environ 5 mois après l'interjection des appels. Bien que le Tribunal constate que l'appelante a versé des droits sur les expéditions des marchandises en cause durant cette période de 19 mois, il n'est pas convaincu que l'appelante a subi un tort indu. À la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition, le Tribunal conclut que l'intimé a procédé « dans les meilleurs délais » aux termes du paragraphe 63(3).

Puisque le Tribunal est d'avis que l'intimé n'a pas perdu sa compétence pour procéder au réexamen du classement des marchandises en cause, le Tribunal est légalement saisi des appels portant sur le classement tarifaire.

QUESTION DU CLASSEMENT

M. John Cambruzzi, gestionnaire des Services de garantie de Johns Manville Roofing Systems, a témoigné au nom de l'appelante. Le Tribunal lui a reconnu la qualité de témoin-expert dans le domaine des propriétés et de la fabrication des matériaux de toiture GlasPly. L'avocate de l'intimé n'a pas convoqué de témoin.

M. Cambruzzi a témoigné, relativement à la fabrication de la membrane de fibres de verre, qu'il existe deux principaux procédés de fabrication : 1) celui par feutrage humide, le plus répandu; 2) celui par feutrage sec. Dans la fabrication par feutrage humide, également décrite comme procédé utilisant des fibres coupées, les fibres de verre brutes sont produites au diamètre voulu, ce qui aide à garantir les résistances à la traction requises dans la fabrication des diverses membranes. Une fois produites, les fibres de verre sont incorporées dans un coulis, ou placées sur un tapis de production roulant, pour garantir une répartition ou une disposition égale des fibres dans le sens de production et dans le sens travers. L'humidité excédentaire est ensuite retirée des fibres de verre. Un liant est ajouté aux fibres, fondamentalement pour les tenir ensemble et transformer les fibres individuelles en une membrane de fibres de verre pour toiture. On laisse ensuite sécher la membrane de fibres de verre puis on la met en rouleaux. En guise de conclusion, M. Cambruzzi a témoigné que : 1) le procédé ne comporte aucune pression; 2) il consiste simplement en une application de fibres sur un transporteur à courroie; 3) un liant est appliqué sur le dessus et sur le dessous des fibres; 4) les fibres passent par une étape de séchage, produisant ainsi le produit final.

Pour ce qui est du procédé de fabrication par feutrage sec, également décrit comme un procédé utilisant des fibres continues, M. Cambruzzi a témoigné qu'aucun apport humide ne survient dans la fabrication de la membrane de fibres de verre. Dans la fabrication par feutrage sec, diverses fibres continues sont transportées sur la courroie de production, et un liant est appliqué. Étant donné l'absence d'apport humide dans la fabrication, les fibres sont pressées et compactées pour donner une membrane solide ayant les valeurs voulues de résistance à la traction et d'intégrité.

En réponse à une question des avocats de l'appelante sur la possibilité de prélever un filament ou un morceau de fibre de verre sans détruire le reste de la membrane, M. Cambruzzi a témoigné que les fibres comprises dans la membrane qui sont utilisées dans la technique par feutrage humide sont courtes et peuvent être prélevées, bien que difficilement.

En réponse à une question des avocats de l'appelante à savoir si la membrane de fibres de verre en question satisfait le critère portant sur la répartition sans direction préférentielle des fibres individuelles, M. Cambruzzi a répondu qu'un examen visuel de la répartition de chaque fibre individuelle du produit fini ou de la membrane porterait à conclure que les fibres semblent, à première vue, réparties sans direction préférentielle. Cependant, d'après M. Cambruzzi, la norme ASTM prévoit qu'« il est essentiel d'avoir une répartition et une orientation des fibres à la fois dans le sens de la production, c.-à-d. dans le sens de la longueur du rouleau, et dans le sens travers » [7] [traduction]. M. Cambruzzi a ajouté que cette caractéristique est cruciale pour que le produit soit conforme aux valeurs minimales de résistance à la traction prévues par la norme ASTM D 2178. M. Cambruzzi a témoigné qu'une répartition sans direction préférentielle entraînerait l'existence de variations extrêmes au sein du produit, d'un bout à l'autre, comme par exemple, une forte densité de fibres dans certaines parties par rapport à une faible densité dans d'autres. Cela, a-t-il affirmé, aurait une grande incidence sur l'aptitude de la membrane à répondre aux exigences prescrites par la norme susmentionnée. Autrement dit, si les fibres étaient véritablement réparties sans direction préférentielle, rien ne pourrait garantir que la membrane satisfasse la norme ASTM D 2178.

À l'égard de la technique d'application de l'asphalte, M. Cambruzzi a admis que, bien que la documentation relative aux marchandises en cause fasse mention d'un léger enduit, à son avis, le procédé de fabrication exige davantage qu'un léger enduit d'asphalte. Il a déclaré que les deux composants principaux de la membrane de fibres de verre pour toiture, relativement aux marchandises en cause, sont la fibre de verre et l'asphalte. L'asphalte représente environ 70 p. 100 du poids total du produit, ce qui indique que le produit fait l'objet de beaucoup plus qu'un simple enduit. L'asphalte est une partie intégrante de la membrane et un élément essentiel au rendement global d'une couverture multicouche. En réponse à une question des avocats de l'appelante à savoir si les marchandises en cause sont « simplement enduites », M. Cambruzzi a déclaré que, selon lui, un produit peut être simplement enduit lorsqu'un enduit est appliqué pour le protéger durant l'entreposage ou l'expédition ou pour une autre raison de ce genre. Il a aussi témoigné que les marchandises en cause ne pourraient être des voiles, puisque la définition qui se trouve dans la nomenclature tarifaire indique que le produit serait alors mis en place par pression ou compactage, ce qui n'est pas requis dans la fabrication par feutrage humide. M. Cambruzzi a témoigné que, en plus de l'asphalte, un agent antiadhérent liquide était appliqué à la membrane de fibres de verre et que des lignes étaient peintes sur le produit. Le procédé de fabrication comporte davantage qu'un léger enduit, puisque son objet est de garantir que le produit ne colle pas lors de sa mise en rouleaux, parce que l'asphalte a des valeurs adhésives élevées.

M. Cambruzzi a témoigné que le PermaPly R, un produit concurrent des marchandises en cause, était fabriqué par feutrage sec. Par rapport aux marchandises en cause, le PermaPly R est fabriqué à partir de fibres continues, les fibres s'étendant d'un bout de la feuille à l'autre. Selon le témoignage de M. Cambruzzi, « il serait à toutes fins pratiques impossible de prélever une fibre complète de ce produit particulier [8] » [traduction]. Le produit n'a pas satisfait les prescriptions de porosité de la norme ASTM D 2178. Un examen visuel a révélé que le PermaPly R « est sensiblement plus poreux que le GlasPly IV [9] » [traduction].

Au cours du contre-interrogatoire, M. Cambruzzi a témoigné que les marchandises en cause sont pulvérisées d'asphalte une fois, tandis que le GlasBase Plus, qui n'est pas une des marchandises en cause, l'est trois fois. M. Cambruzzi a aussi reconnu que le GlasPly IV semble avoir une épaisseur de 0,5 millimètre et qu'il est possible de voir à travers la feuille lorsqu'elle est placée à contre-jour. Bien que M. Cambruzzi ait reconnu que les marchandises en cause sont poreuses, il a dit ne pas être d'accord avec l'avocate de l'intimé sur le fait que les piqûres dans le produit étaient voulues dans la fabrication; il s'agit plutôt, à son avis, d'un effet qui se produit naturellement. Il a aussi dit ne pas être d'accord avec l'avocate que, lorsqu'il est appliqué, l'asphalte s'imprègne dans le feutre-toiture, puisque la fibre de verre est un produit inorganique, comme l'est l'asphalte, et s'infiltre à travers le feutre d'un bout à l'autre. À son avis, il s'agit là d'un des avantages d'une certaine porosité, puisqu'une certaine partie de l'asphalte passe de la face supérieure à la face inférieure du feutre. Par rapport au GlasPly IV, M. Cambruzzi a témoigné que le GlasBase Plus permet un certain ressuage de l'asphalte à travers le produit, puisque le GlasBase Plus a un certain degré de porosité, quoique sensiblement moindre que celui des marchandises en cause. M. Cambruzzi a dit ne pas être d'accord avec l'avocate sur le fait que le GlasPly IV soit conçu en vue d'une porosité maximale, puisque le produit perdrait ses caractéristiques stabilisatrices, mais il a admis que le GlasPly IV était plus poreux que le GlasBase Plus.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Cambruzzi a indiqué que l'asphalte utilisé dans la fabrication des marchandises en cause protège la fibre de verre et aide à maintenir un certain degré de rigidité et d'intégrité du feutre. Les fibres de verre renforcent la couverture là où il existe des conditions de temps rigoureuses, par exemple, ou de grandes variations de température. La fibre de verre confère aussi une certaine stabilité à la couverture, parce que, en son absence, l'asphalte rétrécirait ou fendrait très rapidement, ce qui entraînerait des fuites.

En réponse à une question à savoir si l'expression « roofing boards » (« plaques pour toitures »), qui se trouve à la Note 2) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [10] de la position no 68.07, était d'usage courant dans l'industrie, M. Cambruzzi a déclaré que, à sa connaissance, cette expression n'était pas utilisée. Les termes courants utilisés pour désigner les divers types de membranes sont roofing felts (feutres-toitures), base sheets ou cap sheets (feuilles de base) et roofing insulation (isolant de toiture). Le Tribunal a demandé à M. Cambruzzi s'il y avait une différence entre les procédés de fabrication du GlasPly IV et du GlasPly Premier relativement à l'enduction et à l'imprégnation, puisque ces termes sont utilisés dans la documentation technique de l'appelante et, le cas échéant, quelle était cette différence. En réponse, M. Cambruzzi a déclaré que, du point de vue de la fabrication, il n'y avait pas de différence, à son avis, entre l'enduction et l'imprégnation. Il a précisé que, dans le procédé de fabrication des marchandises en cause, pour enduire ou imprégner les deux faces du produit, l'asphalte est appliqué au moyen d'un ajutage.

M. Cambruzzi a témoigné que les fibres pouvaient à la fois être des nontissés et réparties sans direction préférentielle, mais que tel n'est pas le cas des marchandises en cause. Pour ce qui est de ces dernières, les fibres sont des nontissés mais ne sont pas réparties sans direction préférentielle, ce qui a une incidence sur la résistance à la traction. Interrogé à savoir si un lien se formait entre la membrane de fibres de verre et l'asphalte, M. Cambruzzi a répondu que l'asphalte est doté de valeurs adhésives et que, lorsqu'il est appliqué à la membrane à très haute température, il durcit. Il ne s'agit pas là d'une liaison chimique, mais plutôt d'une adhésion à caractère physique.

PLAIDOIRIE

Plaidoirie de l'appelante

Les avocats de l'appelante ont soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 68.07 à titre d'« ouvrages en asphalte ou en produits similaires (poix de pétrole, brais, par exemple) », qui comprennent, selon la Note 2 des Notes explicatives de la position, ce qui suit :

Les plaques pour toitures constituées par un support (en carton feutre, en une nappe ou en un tissu de fibres de verre, en un tissu de fibres artificielles ou synthétiques ou de jute, en feuille mince d'aluminium, notamment) noyé dans l'asphalte (ou un produit similaire) ou recouvert sur ses deux faces d'une couche de cette matière.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que les marchandises en cause sont des plaques pour toiture constituées d'un support en une nappe ou en un tissu de fibres de verre recouvert sur ses deux faces d'une couche d'asphalte. Selon l'exposé des avocats, une plaque pour toiture est toute couche d'asphalte, enduite ou recouverte de fibres de verre, de papier ou d'un autre produit. Ils ont renvoyé au témoignage de M. Cambruzzi selon lequel une plaque pour toiture est une nappe ou une membrane de fibres de verre enduite sur ses deux faces d'une couche d'asphalte. L'asphalte est appliqué simultanément au moyen d'un ajutage sur les faces de dessus et de dessous de la membrane de fibres de verre durant le processus de production.

Pour ce qui est de la question de savoir si les marchandises en cause sont « simplement enduites », les avocats de l'appelante ont renvoyé aux définitions des termes « coated » (« enduit ») et « covered » (« recouvert ») [11] . Les avocats ont soutenu que les termes susmentionnés sont synonymes et qu'il ne s'agit pas de termes particuliers à l'industrie. Ils ont comparé les marchandises en cause au GlasBase Plus, un produit qui n'est pas en cause et au sujet duquel l'intimé a conclu qu'il s'agissait d'une plaque pour toiture constituée d'une membrane de fibres de verre imprégnée d'asphalte chaud et enduite sur une de ses faces, ou sur ses deux faces, en vue de satisfaire aux spécifications de l'ASTM. Par conséquent, dans un tel contexte, le critère de visibilité invoqué par l'intimé n'a aucun sens, puisque rien dans le Tarif des douanes ni dans les Notes explicatives n'indique que la visibilité des fibres de verre sous-jacentes ou la possibilité de discerner la forme des fibres de verre signifierait que les marchandises en cause sont enduites plutôt que recouvertes. De plus, pour satisfaire les exigences rigoureuses de la norme ASTM D 2178, une certaine quantité d'asphalte doit être appliquée. Finalement, il y a aussi application d'un agent antiadhérent liquide et des lignes sont peintes sur le produit afin d'ajouter à sa valeur. Tout ce qui précède, selon les avocats, indique que les marchandises en cause sont davantage que « simplement enduites de bitume ou d'asphalte [12] ».

En ce qui concerne la question de la porosité, les avocats de l'appelante ont soutenu que la porosité des marchandises en cause n'est pas pertinente puisque, à l'encontre du GlasBase Plus pour lequel les spécifications de l'ASTM [13] prévoient expressément une certaine porosité, tel n'est pas le cas pour les marchandises en cause. La possibilité de voir par les petites piqûres à travers le produit peut permettre de croire à l'existence d'un certain degré de porosité; cependant, il n'est nulle part fait mention dans les Notes explicatives de la position no 68.07 d'une exclusion des produits poreux. En outre, rien dans les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [14] ne fonde les conclusions de l'intimé sur la nature poreuse des marchandises en cause.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 70.19, étant donné que l'utilisation de l'asphalte dans lesdites marchandises « est d'une importance primordiale et revêt un caractère essentiel par rapport à la composition des feutres-toitures [15] » [traduction]. Les avocats ont déclaré que M. Cambruzzi a témoigné que l'asphalte représente plus de 70 p. 100 en poids des marchandises en cause et que les critères de la position no 68.07 sont donc satisfaits. Le rapport d'analyse en laboratoire de l'intimé révèle que les fibres de verre représentent entre 18 et 20 p. 100 en poids des marchandises en cause. Puisque l'asphalte est le principal ingrédient des marchandises en cause, dont l'utilisation principale vise à améliorer l'imperméabilité d'une couverture, les avocats ont soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la sous-position no 7019.32 à titre de voiles [16] .

Les avocats de l'appelante ont ensuite passé en revue les critères particuliers au classement dans la sous-position no 7019.32. À leur avis, si quelqu'un devait soutenir que les marchandises en cause sont correctement classées dans ladite sous-position, un tel classement pourrait bien s'appliquer aux marchandises fabriquées par feutrage sec plutôt que par feutrage humide. Le seul produit fabriqué par l'appelante par feutrage sec a été, durant une brève période, le PermaPly R. Les avocats ont soutenu que la position no 70.19 devait ne servir qu'au classement des plaques pour toiture qui ont manifestement été fabriquées par feutrage sec. Ce n'est pas le cas des marchandises en cause dans les présents appels.

Le terme « voile » n'est pas défini dans la sous-position no 7019.32. Les avocats de l'appelante ont invoqué une définition du dictionnaire selon laquelle ce terme s'entend d'un « tissu de confection léger semi-transparent [17] » [traduction] et d'un « tissu fin, léger et transparent surtout utilisé dans la confection de vêtements d'été pour femmes ou encore de rideaux [18] » [traduction]. Bien que l'épaisseur des marchandises en cause, inférieure à 5 mm, ait fait l'objet d'une longue discussion, le rapport de l'analyse en laboratoire ayant, par exemple, indiqué que l'épaisseur des marchandises en cause était de 1,2 mm, les avocats ont soutenu qu'il ne s'agit pas là d'un facteur déterminant dans la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position no 7019.32. En outre, les marchandises en cause sont des feutres-toitures, non flexibles et passablement rigides. Les avocats ont soutenu que, de par la nature même des caractéristiques physiques des feutres-toitures, de telles marchandises ne sont pas analogues à un tissu qui répond à la définition susmentionnée du terme « voile ».

Faisant référence au témoignage entendu, les avocats de l'appelante ont déclaré que les éléments de preuve ont montré que, relativement aux marchandises en cause, les fibres de verre individuelles ne sont pas réparties sans direction préférentielle, mais qu'elles sont plutôt réparties uniformément dans tout le produit, ainsi que l'exigent les spécifications de l'ASTM. Les éléments de preuve ont également montré que les marchandises en cause sont fabriquées par un procédé dit par feutrage humide et non par feutrage sec. Ce dernier procédé de fabrication est le seul où les fibres de verre sont pressées. Quant au prélèvement d'un filament des fibres de verre, M. Cambruzzi a témoigné que, dans le cas de la fabrication par feutrage humide, il est possible de prélever des fibres de verres individuelles (filaments) sans endommager l'ensemble du produit. Tel n'est pas nécessairement le cas des marchandises fabriquées par feutrage sec. En guise de conclusion, les avocats ont soutenu que la sous-position no 7019 ne s'applique pas aux marchandises en cause, puisque les fibres de verre ne sont pas réparties sans direction préférentielle, qu'elles ne sont pas pressées et qu'elles peuvent faire l'objet d'un prélèvement manuel de la fibre sans endommagement de la membrane. Par conséquent, la définition du terme « voile » ne s'applique pas aux marchandises en cause.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que les feutres-toitures doivent être classés dans la position no 68.07 aux termes de la Règle 1 des Règles générales. Comme argument subsidiaire, si le Tribunal devait conclure que la Règle 1 n'est pas pertinente en l'espèce, les avocats ont soutenu que les marchandises en cause doivent être classées en application de la Règle 3, puisqu'elles sont composées de deux matières principales, à savoir les fibres de verre (normalement classées dans le numéro tarifaire 7019.32.10) et l'asphalte (normalement classé dans le numéro tarifaire 6807.10.00). Puisque les marchandises en cause sont composées de plus d'une matière, les Règles 3a) et b) s'appliquent. Étant donné que le composant d'asphalte des marchandises en cause prédomine largement par rapport au composant de fibre de verre, et étant donné aussi qu'il n'est possible ni de discerner ni de voir la fibre de verre sous l'enduit d'asphalte, la Règle 3a) s'applique, puisque la position no 68.07 décrit le produit d'une manière plus spécifique que ne le fait la position no 70.19. Dans les cas où les deux positions susmentionnées décriraient d'une manière également spécifique les marchandises en cause, les avocats ont soutenu que le composant d'asphalte confère manifestement aux marchandises en cause leur « caractère essentiel » de matériaux pour une couverture et qu'elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6807.10.00.

Finalement, les avocats de l'appelante ont demandé au Tribunal d'accorder la mesure corrective indiquée, c.-à-d. le remboursement de tous les droits versés par l'appelante.

En réponse, les avocats de l'appelante ont conclu que les éléments de preuve indiquent que, en ce qui concerne les marchandises en cause, il est possible de discerner, bien que peu, les fibres de verre en enlevant le sable par brossage. De plus, on ne satisfait manifestement pas aux critères énoncés dans les Notes explicatives de la sous-position no 7019.32, « voiles », dans le cas des marchandises en cause. Enfin, au sujet des plaques pour toiture, les avocats ont soutenu que les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause sont peu flexibles et qu'il n'est pas besoin qu'elles aient une épaisseur particulière. De plus, l'intimé a déjà reconnu que le GlasBase Plus, un produit qui n'est pas visé dans les présents appels et dont l'épaisseur est de 1,2 mm, est une plaque pour toiture.

Plaidoirie de l'intimé

En réponse, l'avocate de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7019.32.10 puisque ce sont des voiles, enduits ou imprégnés d'asphalte, des types utilisés en tant que toiture. Les Notes explicatives de la position no 70.19 décrivent les propriétés des produits en fibres de verre et excluent de la position les articles admissibles au classement dans le Chapitre 68 « qui sont des [plaques] pour toitures constituées par un [support] en une nappe ou en un tissu de fibres de verre noyé dans l'asphalte ou un produit similaire ou recouvert sur ses deux faces d'une couche de cette matière [19] ». L'avocate a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas visées par la sous-position no 6807.10, puisqu'elles ne sont ni noyées dans l'asphalte ni recouvertes sur leurs deux faces d'une couche de cette matière. En outre, elle a déclaré qu'il y a une différence entre le terme « noyé » qui se trouve à la Note 2) des Notes explicatives de la position no 68.07 et le terme « enduits » qui se trouve dans le numéro tarifaire 7019.32.10. Le terme « envelop » (« envelopper ») est défini « emballer ou recouvrir complètement [...] rendre obscur; cacher [...] entourer complètement [20] » [traduction]. Selon l'exposé de l'avocate, le Parlement établit une distinction entre « enduit » et « noyé ou recouvert », puisqu'il a institué deux numéros tarifaires distincts. Les marchandises en cause sont des produits pour toitures en fibres de verre nontissés simplement enduits ou imprégnés d'asphalte. L'avocate a renvoyé aux fiches techniques du fabricant qui décrivent le GlasPly IV comme « étant enduit [...] d'une légère pellicule d'asphalte [21] » [traduction] et le GlasPly Premier comme étant « enduit d'asphalte [...]et produit d'abord par imprégnation [...] d'une membrane de fibres de verre d'asphalte de qualité supérieure [22] » [traduction]. Les marchandises en cause sont donc correctement classées dans le numéro tarifaire 7019.32.10.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la porosité est une caractéristique pertinente et un facteur à considérer dans la détermination du classement tarifaire. Au sujet du GlasPly IV, le fabricant déclare ce qui suit : « une certaine porosité maîtrisée permet au produit d'accepter facilement l'asphalte chaud et de le disperser à travers l'ensemble du feutre et de stabiliser le bitume après refroidissement [23] » [traduction]. L'avocate a soutenu que la porosité et la visibilité sont indicatrices du fait qu'un produit est, ou non, enduit ou recouvert. Le fait que quelque chose soit davantage poreux, comme c'est le cas des voiles de fibres, indique que les marchandises n'ont pas été entièrement recouvertes puisqu'une partie de la nature véritable du voile en fibres demeure visible. L'avocate a renvoyé au GlasBase Plus, un produit qui n'est pas visé dans les présents appels, qui respecte des spécifications de l'ASTM différentes et qui a été classé dans le Chapitre 68. Le GlasBase Plus est peu poreux, et M. Cambruzzi a témoigné du peu de ressuage à travers ce dernier. Les éléments de preuve montrent, cependant, que les marchandises en cause sont très poreuses et qu'elles dispersent l'asphalte. Dans le cas des marchandises en cause, les éléments de preuve montrent qu'elles sont recouvertes d'une couche d'asphalte. Finalement, le GlasBase Plus est un produit de base recouvert de trois couches d'asphalte, ce qui ne permet guère le ressuage de l'asphalte à travers ledit produit, et qui peut être cloué, tandis que les marchandises en cause sont des membranes ayant une couche d'asphalte, à travers desquelles il peut y avoir ressuage de l'asphalte, et qui, comme M. Cambruzzi l'a déclaré, sont uniquement utilisées en tant que feutres-toitures. En guise de conclusion, les utilisations des deux produits susmentionnés sont différentes et il s'agit de deux produits de couverture différents, qui sont dénommés dans deux numéros tarifaires différents. Les marchandises en cause sont des voiles et sont correctement classées dans la sous-position no 7019.32.

En réponse à une question du Tribunal sur ce qui constitue une plaque pour toiture, l'avocate de l'intimé a affirmé que peu d'éléments de preuve présentés au Tribunal en donnent une définition. Elle a soutenu que les plaques pour toiture sont analogues à des bardeaux, puisqu'elles offrent un degré plus élevé de recouvrement d'asphalte, comme celui offert par le GlasBase Plus, qu'elles sont moins susceptibles de plier et qu'elles peuvent être clouées. En résumé, l'avocate a soutenu que les plaques pour toiture sont plus épaisses et plus durables que les feutres-toitures.

DÉCISION

Après avoir examiné soigneusement les éléments de preuve et les plaidoiries des parties, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 6807.10.00 à titre d'ouvrages en asphalte ou en produits similaires (poix de pétrole, brais, par exemple) en rouleaux. Pour arriver à sa décision, le Tribunal a tenu compte de l'article 10 du Tarif des douanes, qui prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire doit, sauf indication contraire, être déterminé d'après les Règles générales et les Règles canadiennes [24] . Le Tribunal a aussi tenu compte de l'article 11 du Tarif des douanes, qui prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [25] et des Notes explicatives. En l'espèce, le Tribunal a fondé sa décision sur la Règle 1 des Règles générales qui prévoit que le classement doit être déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres.

Avant de statuer sur la présente affaire, le Tribunal a été convaincu par le témoignage d'expert de M. Cambruzzi sur les propriétés et la composition des matériaux de toiture GlasPly. Le Tribunal a tenu compte de la description énoncée dans la Note 2) des Notes explicatives de la position no 68.07, « [o]uvrages en asphalte ou en produits similaires (poix de pétrole, brais, par exemple) », qui prévoit ce qui suit :

Les plaques pour toitures constituées par un support (en carton feutre, en une nappe ou en un tissu de fibres de verre, en un tissu de fibres artificielles ou synthétique ou de jute, en feuille mince d'aluminium, notamment) noyé dans l'asphalte (ou un produit similaire) ou recouvert sur ses deux faces d'une couche de cette matière.

La première question que le Tribunal a dû trancher est celle de savoir si les feutres-toitures sont noyés dans l'asphalte ou recouverts sur leurs deux faces d'une couche de cette matière ou, s'ils sont plutôt simplement enduits. L'opinion présentée par l'expert convainc le Tribunal et les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause sont recouvertes sur leurs deux faces d'une couche d'asphalte et que cela dépasse le simple enduit léger des marchandises en cause. Le Tribunal accueille l'opinion de M. Cambruzzi selon laquelle un produit peut être simplement enduit lorsqu'une couche est appliquée audit produit pour le protéger durant l'entreposage ou l'expédition ou pour une raison de ce genre, et que les marchandises en cause font l'objet de plus qu'un « simple enduit » ou d'un « enduit léger » d'asphalte, puisqu'elles font également l'objet de l'ajout d'une couche d'un agent antiadhérent liquide et de lignes peintes. Le Tribunal accueille aussi l'opinion de M. Cambruzzi selon laquelle la documentation technique fait mention d'une « légère couche » d'asphalte, mais que le procédé de fabrication implique davantage. Le Tribunal fait observer que les deux composants principaux de la membrane de fibres de verre pour toiture des marchandises en cause sont la fibre de verre et l'asphalte, et que l'asphalte représente environ 70 p. 100 du poids total du produit. Un tel état des choses porte le Tribunal à conclure que le produit est beaucoup plus que simplement enduit d'asphalte. Le Tribunal est également convaincu que, étant donné que l'asphalte fait partie intégrante des feutres-toitures et qu'il est un facteur crucial du rendement global d'une couverture multicouche, les marchandises en cause sont des « ouvrages en asphalte ou en produits similaires » au sens de la position no 68.07.

La deuxième question que le Tribunal devait trancher est celle de savoir si les feutres-toitures sont des plaques pour toiture au sens donné à cette expression dans la Note 2) des Notes explicatives de la positon no 68.07. Dans son témoignage, M. Cambruzzi a déclaré que l'usage de l'expression « roofing board » (« plaque pour toiture ») n'est pas répandu dans l'industrie. Il a déclaré que, par rapport aux membranes employées, les termes les plus couramment utilisés sont roofing felts (feutres-toitures), base sheets ou cap sheets (feuilles de base) et roofing insulation (isolant de toiture). M. Cambruzzi a parlé durant tout son témoignage de feutres-toitures. Les avocats de l'appelante ont soutenu qu'une plaque pour toiture est toute épaisseur d'asphalte, enduit ou recouvert soit de fibre de verre, de papier ou de tout autre produit. L'avocate de l'intimé a soutenu que les plaques pour toiture sont analogues aux bardeaux, mais plus grosses, moins susceptibles de se déformer et plus épaisses et plus durables que les feutres-toitures. En outre, la Note 2) des Notes explicatives de la position no 68.07 précise que les plaques pour toiture sont constituées par un support en carton, en une nappe ou en un tissu de fibres de verre, en un tissu de fibres artificielles ou synthétiques ou de jute, notamment. Le Tribunal est convaincu que les feutres-toitures sont des plaques pour toiture au sens de la Note 2), étant donné que les éléments de preuve montrent clairement que les feutres-toitures sont constitués par un support de pièces plates faites de tissu de fibres de verre brutes et qu'ils sont utilisés en tant que parties d'une couverture.

Dans sa plaidoirie, l'avocate de l'intimé a soutenu que la porosité et la visibilité sont des facteurs pertinents dans la détermination du classement tarifaire. Elle a soutenu que, étant donné leur plus grande porosité, les marchandises en cause permettent davantage de ressuage de l'asphalte à travers le support, ce qui, par ailleurs, indique que les feutres-toitures ne sont pas « noyés ». Elle a ajouté que, lorsqu'on place les marchandises en cause à contre-jour, il est possible de voir clairement des trous de piqûres, ainsi que des fibres de verre. Un tel raisonnement ne convainc pas le Tribunal.

En outre, le Tribunal est d'avis que l'intimé ne peut se prévaloir de l'exclusion d) des Notes explicatives de la position 68.07 [26] . Pour pouvoir invoquer utilement l'exclusion susmentionnée, à savoir, que les marchandises en cause sont des tissus en fibre de verre, simplement enduite ou imprégnée d'asphalte, l'intimé devrait démontrer clairement au Tribunal de quelle façon les marchandises en cause sont des voiles tels qu'ils sont dénommés dans la sous-position no 7019.32. Aucune indication en ce sens n'a été fournie et, de fait, les éléments de preuve indiquent le contraire.

Les Notes explicatives de la sous-position no 7019.32 précisent ce qui suit :

Les voiles de fibre de verre sont des nontissés à base de fibres de verres individuelles (filaments) réparties sans direction préférentielle, liées entre elles par un liant et pressées, associées ou non à des fils de renfort orientés le plus souvent longitudinalement.

Contrairement aux mats de verre ces produits ne peuvent faire l'objet d'un prélèvement manuel de la fibre qui les constitue sans endommagement du voile.

Ils se distinguent des nappes, matelas et autres produits d'isolation, par leur faible épaisseur qui est constante et inférieure ou égale à 5 mm.

En premier lieu, en ce qui a trait à la répartition sans direction préférentielle des fibres de verres individuelles, M. Cambruzzi a témoigné, et les éléments de preuve donnent tout lieu de croire, que la répartition des fibres de verres individuelles des marchandises en cause n'est pas sans direction préférentielle, bien qu'initialement, elle peut sembler l'être. M. Cambruzzi a témoigné que, pour répondre aux critères rigoureux concernant la résistance à la traction compris dans la norme ASTM D 2178, la répartition des fibres et leur orientation devaient à la fois être dans le sens de la production et dans le sens travers. Il a aussi déclaré que, si la répartition des fibres de verre était sans direction préférentielle, il y aurait des variations internes dans les voiles, d'une extrémité à l'autre, comme l'application plus dense de fibres à certains endroits et moins dense à d'autres. Il a conclu que tel n'était pas le cas des marchandises en cause. Le Tribunal accueille une telle explication et conclut que les fibres de verres individuelles ne sont pas réparties sans direction préférentielle.

Deuxièmement, les marchandises en cause sont fabriquées selon la technique dite par feutrage humide. M. Cambruzzi a témoigné que les fibres de verre ne sont ni pressées ni compactées dans la fabrication par feutrage humide, contrairement à ce qui serait le cas pour un produit fabriqué par feutrage sec. Le Tribunal conclut que les fibres utilisées dans les marchandises en cause ne sont ni pressées ni compactées et, donc, que les marchandises en cause ne sont pas des « voiles » au sens des critères énoncés dans les Notes explicatives de la sous-position no 7019.32.

Troisièmement, M. Cambruzzi a témoigné qu'il serait possible de prélever un filament de fibre de verre des marchandises en cause, bien que difficilement. Le Tribunal est convaincu, sur la foi des éléments de preuve, qu'il est possible de prélever des fibres de verre, bien que difficilement, sans endommager les membranes. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne satisfont pas les critères pertinents qui déterminent les « voiles ».

Pour les motifs qui précèdent, les appels sont admis.

Le Tribunal aborde maintenant la question du remboursement des droits versés par l'appelante. L'alinéa 16c) de la Loi sur le TCCE donne au Tribunal le pouvoir d'entendre tout appel pouvant y être interjeté et des questions connexes. Ce pouvoir est limité par le Parlement et par les règlements qui confèrent au Tribunal son pouvoir. En l'espèce, le pouvoir du Tribunal aux termes de l'article 67 de la Loi est d'entendre les appels d'une personne qui s'estime lésée par une décision de l'intimé rendue conformément aux articles 63 et 64 de la Loi. L'appel est interjeté lorsqu'un importateur n'est pas d'accord avec Revenu Canada sur le classement de marchandises ou sur l'applicabilité d'un code tarifaire. Comme il l'a décidé dans l'affaire Atlas Alloys c.S-MRN [27] , le Tribunal fait observer que, bien qu'une de ses décisions concernant le classement puisse avoir pour effet l'octroi d'un remboursement, il n'est pas du ressort du Tribunal de statuer sur les demandes de remboursement. Le Tribunal décide simplement de la question de savoir si la décision de l'intimé concernant le classement est correcte.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3. [1990] 2 R.C.S. 1199 [ci-après Askov].

4. L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

5. (10 février 1999), AP-98-007 et AP-98-010 (TCCE) [ci-après Richards Packaging].

6. Loi constitutionnelle de 1982 (Canada Act 1982 (U.K.), 1982, c. 11, Sch. B).

7. Transcription de l’audience publique, 3 novembre 1999 à la p. 21.

8. Ibid. à la p. 31.

9. Ibid. à la p. 32.

10. Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

11. The Oxford Thesaurus, An A – Z Dictionary of synonyms, s.v. « coat » et « cover ».

12. Transcription de la plaidoirie publique, 3 novembre 1999 à la p. 6.

13. Renvoie à la norme ASTM D 4601 concernant le GlasBase Plus. Voir Transcription de la plaidoirie publique, 3 novembre 1999 à la p. 2.

14. Supra note 2, annexe I [ci-après Règles générales].

15. Mémoire de l’appelante au par. 33.

16. Les voiles de fibre de verre sont des nontissés à base de fibres de verres individuelles (filaments) réparties sans direction préférentielle, liées entre elles par un liant et pressées, associées ou non à des fils de renfort orientés le plus souvent longitudinalement. Contrairement aux mats de verre ces filaments ne peuvent faire l’objet d’un prélèvement manuel de la fibre sans endommagement du voile. Ils se distinguent des nappes, matelas et autres produits d’isolation par leur faible épaisseur qui est constante et inférieure ou égale à 5 mm.

17. The Little Oxford Dictionary of Current English, 6e éd., s.v. « voile ».

18. Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary, s.v. « voile ».

19. Transcription de la plaidoirie publique, 3 novembre 1999 à la p. 32.

20. The Concise Oxford Dictionary, s.v. « envelop ».

21. Mémoire de l’intimé au par. 33 et à l’onglet 6.

22. Ibid.

23. Ibid. au par. 37 et à l’onglet 6.

24. Supra note 2, annexe I .

25. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

26. L’exclusion d) indique ce qui suit : « Les tissus ou nappes, etc. en fibre de verre, simplement enduite ou imprégnée de bitume ou d’asphalte ( no 70.19 ) ».

27. (23 avril 1998), AP-97-073 (TCCE).


Publication initiale : le 4 avril 2000