SHERSON MARKETING CORPORATION

Décisions


SHERSON MARKETING CORPORATION
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-98-098

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 27 juillet 2000

Appel no AP-98-098

EU ÉGARD À un appel entendu les 23 et 24 février 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 21 janvier 1998 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SHERSON MARKETING CORPORATION Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis en partie.


Arthur B. Trudeau

Arthur B. Trudeau
Membre présidant

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues le 21 janvier 1998 par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. Le présent appel porte sur la valeur en douane correcte de certains souliers importés par l'appelante sous les marques de commerce Plaza Suite et Enzo Angiolini. Au sujet des transactions concernant les chaussures de marque Plaza Suite, la question en litige consiste à déterminer si les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jervin, une société liée à Nine West Group Inc., doivent être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi. L'appelante soutient que les honoraires sont une commission d'achat et ne sont pas sujets à des droits de douane. L'intimé a déterminé que les honoraires sont sujets à des droits de douane. Au sujet des transactions concernant les chaussures de marque Enzo Angiolini, la question en litige consiste à déterminer si les honoraires équivalant à 13,5 à 15 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Enzo Angiolini, Division of Nine West Group Inc. (Enzo), doivent être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi. L'appelante soutient que ces honoraires de 13,5 à 15 p. 100 se composent d'une commission d'achat de 10 p. 100 et de redevances de 3,5 à 5 p. 100, ni l'un ni l'autre de ces montants n'étant sujet à de droits de douane. L'intimé a déterminé que les honoraires de 13,5 à 15 p. 100 sont sujets à des droits de douane.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Étant donné l'accord des parties, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jervin, sont une commission d'achat. Le Tribunal n'accueille pas la proposition qu'un mandataire, uniquement du fait de sa taille, ou, en l'espèce, du fait de la taille d'une société liée, ne peut pas agir au mieux des intérêts de son mandant. De toute façon, dans les circonstances présentes, l'appelante était au courant de l'existence du lien entre Jervin et Nine West Group Inc. et savait que cette dernière est une importante société de chaussures. Aucun élément de preuve convaincant n'a été présenté au Tribunal pour indiquer que, dans un cas précis quelconque ou dans le cadre d'une transaction spécifique, Jervin n'a pas agi au mieux des intérêts de l'appelante. Le Tribunal conclut que la commission équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. est une commission d'achat authentique et n'est pas sujette à des droits de douane.

Étant donné l'accord des parties, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Enzo, sont une commission d'achat. Le Tribunal n'accueille pas la proposition qu'un mandataire, uniquement du fait de sa taille, ne peut agir au mieux des intérêts de son mandat. De toute façon, l'appelante était au courant qu'Enzo est une division de Nine West Group Inc. et que cette dernière est une importante société de chaussures. Aucun élément de preuve convaincant n'a été présenté au Tribunal pour indiquer que, dans un cas précis quelconque ou dans le cadre d'une transaction spécifique, Enzo n'a pas agi au mieux des intérêts de l'appelante. Par conséquent, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B. sont une commission d'achat authentique. Le Tribunal n'a pas entendu d'élément de preuve convaincant qui établit l'existence d'une entente entre Enzo et l'appelante selon laquelle le reste du montant, c'est-à-dire les honoraires équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B., serait payé à titre de redevances relatives à l'emploi du nom Enzo Angiolini. En réponse, l'appelante a reconnu que les éléments de preuve ne sont pas clairs et que les honoraires de 3,5 à 5 p. 100 peuvent avoir été des honoraires pour des travaux de conception. Par conséquent, le Tribunal ne modifie pas la détermination de l'intimé qui a eu pour effet d'inclure le reste du montant des honoraires, c'est-à-dire des honoraires équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B., aux fins du calcul de la valeur en douane des souliers Enzo Angiolini.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l'audience :

Les 23 et 24 février 2000

Date de la décision :

Le 27 juillet 2000

   

Membres du Tribunal :

Arthur B. Trudeau, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Tamra Alexander

 

Philippe Cellard

   

Agent du greffe :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Michael Kaylor, pour l'appelante

 

Patricia Johnston, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues le 21 janvier 1998 par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi. Le présent appel porte sur la valeur en douane correcte de certains souliers importés par l'appelante sous les marques de commerce Plaza Suite et Enzo Angiolini. Au sujet des transactions concernant des chaussures de marque Plaza Suite, la question en litige consiste à déterminer si les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jervin, une société liée à Nine West Group Inc., doivent être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi. L'appelante soutient que les honoraires sont une commission d'achat et ne sont pas sujets à des droits de douane. L'intimé a déterminé que les honoraires sont sujets à des droits de douane. Au sujet des transactions concernant les chaussures de marque Enzo Angiolini, la question en litige consiste à déterminer si les honoraires équivalant à 13,5 à 15 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Enzo Angiolini, Division of Nine West Group Inc.2 doivent être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi. L'appelante soutient que les honoraires de 13,5 à 15 p. 100 se composent d'une commission d'achat de 10 p. 100 et de redevances de 3,5 à 5 p. 100, ni l'un ni l'autre de ces montants n'étant sujet à des droits de douane. L'intimé a déterminé que les honoraires de 13,5 à 15 p. 100 sont sujets à des droits de douane. Les dispositions pertinentes de la Loi indiquent ce qui suit :

47.(1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

48.(1) [. . .] la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [. . . ]

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur, à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente,

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada3 .

PREUVE

Les éléments de preuve relatifs au présent appel et aux appels nos AP-98-002, AP-98-097 et AP-98-099 ont été entendus simultanément. Avant d'entendre les témoins dans l'appel no AP-98-002, le Tribunal a demandé aux conseillers des parties de confirmer que les éléments de preuve produits relativement à un appel peuvent, s'ils sont de nature générale, être invoqués et utilisés dans le cadre des autres appels.

MM. Stephen Applebaum, PDG de Sherson Marketing Corporation, Al Gervais, directeur des Opérations, Europe - Service de détail, Nine West Group Inc., et Eric H. Lakien, contrôleur et directeur des Opérations, Sherson Marketing Corporation, ont témoigné au nom de l'appelante. M. Applebaum occupe le poste de PDG depuis 1989. M. Gervais a été au service de l'appelante de 1994 à 1998. M. Lakien est au service de l'appelante depuis 1998. M. Applebaum a déclaré que l'appelante a été constituée en société en 1984 et que, durant la période pertinente, elle importait et distribuait des chaussures et un certain nombre de sacs à main. L'appelante distribuait ses marchandises à des détaillants au Canada. M. Applebaum a déclaré que l'appelante importait des souliers sous ses propres marques de commerce et sous d'autres marques de commerce afin de permettre une certaine diversification de ses activités.

Au sujet des chaussures de marque Plaza Suite, M. Applebaum a témoigné que l'appelante a commencé à les importer vers 1987 ou 1988. L'appelante était propriétaire de la marque de commerce déposée Plaza Suite. Elle importait lesdites marchandises grâce à sa relation avec Jervin. M. Applebaum a témoigné que Jervin était la mandataire à l'achat de l'appelante pour les chaussures de marque Plaza Suite et que, en contrepartie, l'appelante payait à Jervin une commission équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. M. Applebaum a déclaré que l'entente initiale était une entente à l'amiable, ce qui est courant dans l'industrie de la chaussure. M. Applebaum a témoigné que l'entente avait été concrétisée par une entente de commission d'achat datée de juin 1993. M. Gervais a renvoyé à une lettre du vice-président principal des Opérations de Jervin au ministère du Revenu national (désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada), qui indiquait que, à tous les moments pertinents, Jervin a agi en tant que mandataire à l'achat au nom de l'appelante relativement à l'approvisionnement de chaussures portant la marque de commerce Plaza Suite et facturait 13 p. 100 pour ses services. La lettre indiquait aussi qu'en aucun temps Jervin n'a exécuté de travaux d'esthétique industrielle pour l'appelante.

M. Applebaum a témoigné que Jervin exécutait les services suivants pour l'appelante : 1) mettre l'appelante en rapport avec les usines; 2) envoyer à différentes usines les échantillons que l'appelante voulait faire reproduire; 3) approuver les échantillons de confirmation; 4) négocier les prix au nom de l'appelante; 5) traiter les commandes pour l'appelante; 6) aviser l'appelante quant au calendrier de livraison. La décision finale sur le choix de l'usine et l'établissement des prix était prise par l'appelante. M. Applebaum a témoigné que les paiements étaient faits aux usines et que les commissions étaient versées à Jervin. Il a aussi témoigné que Jervin n'était pas propriétaire des usines et ne les contrôlait pas.

M. Gervais a guidé le Tribunal dans l'examen de divers documents y compris des bons de commande envoyés par l'appelante à Jervin, des factures types d'usine en provenance d'une usine à l'appelante, une lettre de crédit de la banque de l'appelante en faveur de l'usine, une facture de commission de Jervin à l'appelante et un chèque de l'appelante à Jervin. Au cours du contre-interrogatoire, il a été montré aux témoins de l'appelante, relativement à deux transactions précises, des documents qui indiquent que l'appelante a versé des commissions à Jervin qui étaient fondées sur un prix des chaussures de 0,25 $ plus élevé que le coût véritable F.A.B. M. Applebaum a fait observer qu'il s'agissait-là d'une erreur d'écriture.

Au sujet des chaussures de marque Enzo Angiolini, M. Applebaum a témoigné que l'appelante a commencé à les importer en 1984 sous une autre marque de commerce. La marque Enzo Angiolini était la propriété de Nine West, qui effectuait aussi la conception de cette gamme de chaussures. M. Applebaum a déclaré que le nom Enzo Angiolini avait de la valeur. L'appelante importait les chaussures de marque Enzo Angiolini grâce à sa relation avec Enzo. M. Applebaum a témoigné qu'Enzo était la mandataire à l'achat de l'appelante pour les chaussures de marque Enzo Angiolini et que, en contrepartie, l'appelante payait à Enzo une commission équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B. De plus, M. Applebaum a témoigné que l'appelante versait à Enzo des redevances équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B. M. Applebaum a déclaré que l'entente initiale était une entente à l'amiable, ce qui est courant dans l'industrie de la chaussure. M. Applebaum a témoigné que l'entente susmentionnée a été concrétisée par une entente de commission d'achat datée de février 1994.

M. Applebaum a témoigné qu'Enzo exécutait les services suivants pour l'appelante : 1) traiter les commandes pour l'appelante; 2) transmettre les renseignements sur la livraison à l'appelante; 3) permettre à l'appelante de choisir les styles dans la gamme de chaussures conçues par Nine West et commercialisées par Nine West aux États-Unis sous la marque de commerce Enzo Angiolini. M. Applebaum a déclaré que l'appelante choisissait ses styles à partir d'échantillons de Nine West destinés aux marchés des États-Unis. L'appelante choisissait les styles qu'elle croyait les plus susceptibles de réussir sur le marché canadien. M. Applebaum a témoigné que l'appelante ne choisissait pas les usines, étant donné que Nine West produisait déjà des souliers dans de bonnes usines et à bon prix et qu'il était plus sensé pour l'appelante de jumeler son activité à celle de Nine West déjà en cours. Les prix étaient négociés par Nine West pour son propre compte. L'appelante payait le même prix. Étant donné le poids de Nine West, M. Applebaum a expliqué qu'une telle façon de procéder était avantageuse pour l'appelante. M. Gervais a aussi guidé le Tribunal dans l'examen de divers documents, y compris des bons de commandes envoyés par l'appelante à Nine West, des factures types d'usine en provenance des usines à l'appelante, une lettre de crédit de la banque de l'appelante en faveur d'une usine, des factures de commissions d'Enzo à l'appelante et un chèque de l'appelante à Enzo.

PLAIDOIRIE

Au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Plaza Suite, l'appelante a soutenu que Jervin agissait à titre de mandataire à l'achat de bonne foi. Dans un tel contexte, l'appelante a rappelé que : 1) l'appelante était propriétaire de la marque de commerce Plaza Suite; 2) Jervin n'était pas liée aux usines; 3) les travaux de conception étaient exécutés par l'appelante; 4) Jervin exécutait les fonctions habituelles d'un mandataire à l'achat. L'appelante a aussi renvoyé à une lettre de Jervin qui confirme que Jervin n'exécutait pas de travaux de conception et que les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. étaient une commission d'achat.

Au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Enzo Angiolini, l'appelante a soutenu que les parties à la vente étaient les usines et l'appelante. L'appelante a soutenu que les honoraires équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B. étaient une commission d'achat payée à Enzo, qui exécutait des services légitimes de mandataire à l'achat. L'appelante a renvoyé à l'affaire Chaps-Ralph Lauren c. S-MRN 4 à l'appui de son affirmation selon laquelle le fait que Nine West était propriétaire de la marque de commerce Enzo Angiolini n'empêchait pas Enzo, une division de Nine West, d'exécuter des services légitimes de mandataire à l'achat. Au sujet du paiement des honoraires supplémentaires équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B., l'appelante a soutenu que ce montant représentait des redevances et qu'il n'était pas sujet à des droits de douane. L'appelante a dit avoir acquis une licence de Nine West pour utiliser la marque de commerce Enzo Angiolini. Cependant, en réponse, l'appelante a reconnu que les éléments de preuve ne sont pas clairs à cet égard et que les honoraires susmentionnés peuvent avoir été des honoraires de conception.

Au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Plaza Suite, l'intimé a soutenu que la commission d'achat équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. n'est pas une commission payée à un mandataire à l'achat de bonne foi et que, par conséquent, ledit montant est sujet à des droits de douane. À l'appui de son affirmation selon laquelle Jervin n'était pas une mandataire à l'achat authentique, l'intimé a invoqué des documents qui montrent que, dans le cas de deux transactions distinctes, l'appelante a payé à Jervin des commissions fondées sur un prix des chaussures qui était de 0,25 $ plus élevé que le coût F.A.B. véritable. L'intimé a aussi soutenu que, étant donné que Jervin est liée à Nine West et que Nine West est beaucoup plus grosse que l'appelante, Jervin ne peut exercer son activité au mieux des intérêts de l'appelante.

Au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Enzo Angiolini, l'intimé a aussi soutenu que, étant donné les tailles relatives de Nine West et de l'appelante, Enzo, une division de Nine West, ne peut exercer son activité au mieux des intérêts de l'appelante. L'intimé a soutenu que l'appelante ne peut contrôler Nine West. Par conséquent, la commission d'achat équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B. n'est pas une commission d'achat payée à un mandataire à l'achat authentique et est sujette à des droits de douane. Au sujet du montant des honoraires équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B., l'intimé a soutenu que ledit montant ne représentait pas des redevances. L'intimé a souligné qu'il n'y avait pas d'entente de redevances entre Nine West et l'appelante et que certains documents déposés indiquaient que, à l'interne, l'appelante ne désignait pas les honoraires de 3,5 à 5 p. 100 par le mot redevances, mais plutôt par l'expression « design fee » (honoraires de conception).

DÉCISION

Le présent appel porte sur deux séries de transactions, à savoir, les transactions relatives aux chaussures de marque Plaza Suite et celles relatives aux chaussures de marque Enzo Angiolini. Le Tribunal traitera de chacune à tour de rôle.

Aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi, le prix payé ou à payer, aux fins de l'appréciation de la valeur en douane des marchandises, est ajusté par addition des montants représentant les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur. L'exception à la règle générale susmentionnée est que les honoraires versés ou à verser par l'acheteur à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente ne sont pas ajoutés au prix payé ou à payer. Les honoraires versés relativement à de tels services, appelés services de mandataire à l'achat, sont souvent appelés commissions d'achat.

La position de l'appelante au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Plaza Suite est que les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. sont une « commission », mais qu'ils ne sont pas sujets à des droits de douane parce qu'ils sont une commission d'achat. L'intimé s'est dit d'accord sur le fait qu'ils représentaient une commission d'achat. Étant donné un tel accord, le Tribunal détermine que les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. sont une commission d'achat5 .

L'intimé a soutenu, cependant, que la commission d'achat est sujette à des droits de douane parce qu'elle n'a pas été versée à un mandataire à l'achat authentique. Nine West, qui était liée à Jervin, était une société beaucoup plus grande que l'appelante. Selon l'intimé, un tel état des choses empêchait Jervin d'agir au mieux des intérêts de l'appelante. Le Tribunal n'accueille pas la proposition selon laquelle un mandataire à l'achat, uniquement du fait de sa taille ou, en l'espèce, du fait de la taille d'une société liée, ne peut agir au mieux des intérêts de son mandant. De toute façon, en l'espèce, l'appelante était au courant de l'existence du lien entre Jervin et Nine West et savait que cette dernière était une importante société de chaussures6 . Aucun élément de preuve convaincant n'a été présenté au Tribunal pour indiquer que, dans un cas précis quelconque ou dans le cadre d'une transaction spécifique, Jervin n'a pas agi au mieux des intérêts de l'appelante. Selon le Tribunal, les deux transactions soulignées par l'intimé où l'appelante a versé des commissions fondées sur un prix des chaussures qui était de 0,25 $ (ou 2 p. 100) plus élevé que le coût F.A.B. véritable ne suffisent pas pour démontrer que Jervin n'a pas agi au mieux des intérêts de l'appelante. Le Tribunal accueille l'explication qu'il pourrait bien s'agir là d'une erreur d'écriture.

Ayant déterminé que Jervin était un mandataire à l'achat authentique, le Tribunal doit maintenant aussi déterminer si Jervin exécutait des fonctions, au-delà des fonctions propres à un mandataire à l'achat, pour lesquelles elle était rémunérée à même la commission équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. Le paiement relatif à de telles fonctions ne serait pas exempté des droits de douane, puisqu'il ne serait pas un montant relatif aux fonctions d'un mandataire à l'achat. Dans son mémoire, l'appelante a semblé reconnaître qu'une proportion de 3 p. 100, sur la commission équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B., pourrait être attribuable à des honoraires de conception sujets à des droits de douane. Cependant, le Tribunal est convaincu par le témoignage de M. Applebaum et par la lettre de Jervin au ministère du Revenu national que Jervin n'a pas exécuté de fonctions liées à des travaux de conception pour l'appelante. Par conséquent, le Tribunal refuse de conclure qu'une partie de la commission doit être attribuée à des honoraires de conception. Le Tribunal conclut que la commission équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. est une commission d'achat authentique et n'est pas sujette à des droits de douane.

Au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Enzo Angiolini, la position de l'appelante est que 10 p. 100, sur les honoraires équivalant à 13,5 à 15 p. 100 du coût F.A.B., représente une commission, mais qu'elle n'est pas sujette à des droits de douane parce que cette commission est une commission d'achat. L'intimé a dit être d'accord que les honoraires en cause sont une commission d'achat. Étant donné un tel accord, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B. sont une commission d'achat7 .

L'intimé a allégué, cependant, que la commission d'achat est sujette à des droits de douane parce qu'elle n'a pas été versée à un mandataire à l'achat authentique. L'intimé a soutenu qu'Enzo ne pouvait pas être une mandataire à l'achat authentique parce que Nine West, la société dont Enzo est une division, était beaucoup plus grande que l'appelante. Selon l'intimé, Jervin serait, de ce fait, empêchée d'agir au mieux des intérêts de l'appelante. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Tribunal n'accueille pas la proposition qu'un mandataire à l'achat, uniquement du fait de sa taille, ne peut agir au mieux des intérêts de son mandant. De toute façon, l'appelante était au courant qu'Enzo était une division de Nine West et savait que cette dernière était une importante société de chaussures8 . Aucun élément de preuve convaincant n'a été présenté au Tribunal pour indiquer que, dans un cas précis quelconque ou dans le cadre d'une transaction spécifique, Enzo n'a pas agi au mieux des intérêts de l'appelante. Par conséquent, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B. sont une commission d'achat authentique.

Enfin, le Tribunal aborde maintenant la question du traitement indiqué du reste des honoraires versés par l'appelante à Enzo, qui équivalent à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B. L'appelante a soutenu qu'il s'agit de redevances qui ne sont pas sujettes à des droits de douane, et l'intimé a soutenu que ledit reste du montant représente des honoraires pour travaux d'esthétique industrielle.

Le Tribunal n'est pas convaincu que les honoraires de 3,5 à 5 p. 100 représentent des redevances. Le Tribunal n'a pas entendu d'élément de preuve convaincant qui montre l'existence d'une entente entre Enzo et l'appelante portant sur le versement d'honoraires équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B. en tant que redevances pour l'emploi de la marque de commerce Enzo Angiolini. En réponse, l'appelante a reconnu que les éléments de preuve ne sont pas clairs à cet égard et que les honoraires de 3,5 à 5 p. 100 peuvent bien avoir été des honoraires pour des travaux de conception. Par conséquent, le Tribunal ne modifie pas la détermination de l'intimé qui a pour effet d'inclure les honoraires équivalant à 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B. aux fins du calcul de la valeur en douane des souliers de marque Enzo Angiolini.

En conclusion, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 13 p. 100 du coût F.A.B., versés par l'appelante à Jervin à l'égard des transactions relatives aux chaussures de marque Plaza Suite, sont une commission d'achat authentique et ne sont pas sujets à des droits de douane. Au sujet des transactions relatives aux chaussures de marque Enzo Angiolini, le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 10 p. 100 du coût F.A.B., versés par l'appelante à Enzo, sont une commission d'achat authentique et ne sont pas sujets à des droits de douane. Quant au reste des honoraires versés par l'appelante à Enzo, soit l'équivalent de 3,5 à 5 p. 100 du coût F.A.B., le Tribunal conclut que la décision de l'intimé doit demeurer intacte. Par conséquent, l'appel est admis en partie.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . Dans le reste du présent exposé des motifs, Enzo Angiolini, Division of Nine West Group Inc. sera désignée Enzo et Nine West Group Inc. sera désignée Nine West.

3 . Selon le libellé de la Loi au moment des importations en cause.

4 . (1er novembre 1995), AP-94-190 et AP-94-191 (TCCE) [ci-après Chaps-Ralph Lauren].

5 . Le Tribunal fait observer qu'une telle décision n'est pas une conclusion de fait ni l'application mûrement réfléchie du droit applicable aux faits. Elle donne suite simplement à un accord. Voir Uppal c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] 3 C.F. 565 aux p. 575-576 (CA).

6 . Le Tribunal note qu'il existe un principe de droit bien établi dans le domaine de la relation de mandant et de mandataire selon lequel un mandataire a une responsabilité fiduciaire à l'égard d'un mandant portant sur la divulgation complète de tout intérêt, que le mandataire pourrait avoir, qui pourrait avoir une incidence sur l'exécution, par le mandataire, de sa responsabilité à l'égard du mandant. Cependant, lorsqu'il y a divulgation complète, le mandant peut toutefois décider de retenir les services du mandataire pour agir en son nom. Une telle décision est laissée à l'entière discrétion du mandant. Voir G.H.L. Fridman, The Law of Agency, 7e éd.,Toronto, Butterworths, 1996 à la p. 175. Voir, aussi, Chaps-Ralph Lauren.

7 . Supra note 5.

8 . Supra note 6.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 22 septembre 2000