SHERSON MARKETING CORPORATION

Décisions


SHERSON MARKETING CORPORATION
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-98-099

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 27 juillet 2000

Appel no AP-98-099

EU ÉGARD À un appel entendu les 23 et 24 février 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 21 janvier 1998 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SHERSON MARKETING CORPORATION Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau

Arthur B. Trudeau
Membre présidant

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues le 21 janvier 1998 par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. Le présent appel porte sur la valeur en douane correcte de certains souliers importés par l'appelante sous les marques de commerce Prevata et Repeat. Plus précisément, la question en litige consiste à déterminer si les honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jils Consultants à l'égard des souliers de marque Prevata, et les honoraires équivalant à 3 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jils Consultants à l'égard des souliers de marque Repeat, doivent être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises importées. L'appelante soutient que les honoraires de 5 p. 100 et de 3 p. 100 sont des commissions d'achat non sujettes à des droits de douane. L'intimé a déterminé que les honoraires de 5 p. 100 et de 3 p. 100 sont des honoraires de conception sujets à des droits de douane.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal n'est pas convaincu que les honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Prevata, et les honoraires équivalant à 3 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Repeat ont été versés relativement à des travaux de conception. Le Tribunal est d'avis que l'appelante et le designer de l'usine ont exécuté les fonctions de conception nécessaires et qu'il n'existait pas d'élément de preuve convaincant que Jils Consultants ait exécuté une quelconque fonction de conception. Cependant, les éléments de preuve ne convainquent pas le Tribunal que les honoraires sont versés par l'appelante à Jils Consultants à titre de mandataire à l'étranger à l'occasion des ventes. Par conséquent, le Tribunal conclut que les honoraires sont des commissions sujettes à des droits de douane.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l'audience :

Les 23 et 24 février 2000

Date de la décision :

Le 27 juillet 2000

   

Membres du Tribunal :

Arthur B. Trudeau, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Tamra Alexander

 

Philippe Cellard

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Michael Kaylor, pour l'appelante

 

Patricia Johnston, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues le 21 janvier 1998 par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) aux termes de l'article 63 de la Loi. Le présent appel porte sur la valeur en douane correcte de certains souliers importés par l'appelante sous les marques de commerce Prevata et Repeat. Plus précisément, la question en litige consiste à déterminer si les honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jils Consultants (Jils) à l'égard des souliers de marque Prevata, et les honoraires équivalant à 3 p. 100 du coût F.A.B., payés par l'appelante à Jils à l'égard des souliers de marque Repeat, doivent être ajoutés au prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du paragraphe 48(5) de la Loi. L'appelante soutient que ces honoraires de 5 p. 100 et de 3 p. 100 sont des commissions d'achat non sujettes à des droits de douane. L'intimé a déterminé que ces honoraires de 5 p. 100 et de 3 p. 100 sont des honoraires de conception sujets à des droits de douane. Les dispositions pertinentes de la Loi indiquent ce qui suit :

47.(1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

48.(1) [. . .] la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [. . .]

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur, à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente,

(iii) la valeur, déterminée de façon réglementaire et imputée d'une manière raisonnable et conforme aux principes de comptabilité généralement acceptés aux marchandises importées, des marchandises et services ci-après, fournis directement ou indirectement par l'acheteur des marchandises, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées :

(D) travaux d'ingénierie, d'étude, d'art, d'esthétique industrielle, plans et croquis exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées2 .

PREUVE

Les éléments de preuve relatifs au présent appel et aux appels nos AP-98-002, AP-98-097 et AP-98-098 ont été entendus simultanément. Avant d'entendre les témoins dans l'appel no AP-98-002, le Tribunal a demandé aux conseillers des parties de confirmer que les éléments de preuve produits relativement à un appel peuvent, s'ils sont de nature générale, être invoqués et utilisés dans le cadre des autres appels.

MM. Stephen Applebaum, PDG de Sherson Marketing Corporation, Al Gervais, directeur des Opérations, Europe - Service de détail, Nine West Group Inc., et Eric H. Lakien, contrôleur et directeur des Opérations, Sherson Marketing Corporation, ont témoigné au nom de l'appelante. M. Applebaum occupe le poste de PDG depuis 1989. M. Gervais a été au service de l'appelante de 1994 à 1998. M. Lakien est au service de l'appelante depuis 1998. M. Applebaum a déclaré que l'appelante a été constituée en société en 1984 et que, durant la période pertinente, elle importait et distribuait des chaussures et quelques sacs à main. L'appelante distribuait ses marchandises à des détaillants à travers le Canada. M. Applebaum a déclaré que l'appelante importait des souliers sous ses propres marques de commerce et sous d'autres marques de commerce afin de permettre une certaine diversification de ses activités.

M. Applebaum a témoigné que l'appelante importait des souliers sous la marque de commerce Andrew Geller et avait établi un bon chiffre d'affaires dans le secteur de la chaussure de qualité, au prix élevé. Puis, la société américaine associée à la marque de commerce susmentionnée a fait faillite et a disparu du marché. Un des employés de cette société américaine a lancé sa propre société, Jils. Jils a mis l'appelante en rapport avec l'usine, Azimut s.r.l. (Azimut), qui fabriquait les souliers de marque Andrew Geller. À elles deux, Jils et l'appelante pouvaient représenter un volume de production suffisant pour maintenir l'usine en exploitation. Jils n'avait aucun intérêt financier ni de propriétaire dans Azimut.

M. Applebaum a témoigné que la marque de commerce Prevata est la propriété conjointe d'Azimut et de l'appelante. Il a dit voyager en Italie quatre fois par année pour y exécuter la conception des souliers en vue de leur production. Il choisissait les formes et achetait des talons, les talonnettes et les premières intérieures, et exécutait la conception des souliers, du début jusqu'à la fin. Il demandait à la modellista (designer) d'Azimut de dessiner les concepts pour lui. Il inspectait la production et supervisait la production des échantillons.

M. Applebaum a témoigné qu'Azimut faisait fabriquer les formes par une usine de formes et était propriétaire de ces formes. Il a déclaré que tous les honoraires liés aux travaux de conception exécutés par Azimut étaient compris dans le prix des souliers qui était payé à Azimut.

M. Applebaum a témoigné que Jils aidait l'appelante en procédant à des inspections de suivi au nom de l'appelante, puisque les représentants de Jils étaient plus souvent en Italie que M. Applebaum. Jils a aussi procédé à des essais d'ajustement pour l'appelante à New York. M. Applebaum a témoigné que l'appelante a pu accroître ses économies de production puisque Jils se servait parfois des mêmes formes ou des mêmes matériaux. À l'égard de tels services, l'appelante paie à Jils des honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., dans le cas des souliers de marque Prevata, et à 3 p. 100 du coût F.A.B., dans le cas des souliers de marque Repeat. M. Applebaum a témoigné qu'il n'était pas nécessaire que Jils recherche d'autres marchandises pour l'appelante, trouve d'autres sources d'approvisionnement ou fasse rapport de la conjoncture du marché ou des prix. M. Applebaum a témoigné que l'entente entre Jils et l'appelante était une entente à l'amiable, concrétisée par une entente de commission d'achat. La date de l'entente a été fixée, rétroactivement, à 1986 et ladite entente était une entente standard mise en place après une vérification tenue par le ministère du Revenu national (désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada).

M. Gervais a guidé le Tribunal dans l'examen de divers documents, y compris des bons de commande de l'appelante à Azimut, des factures d'Azimut à l'appelante, des copies de la demande de l'appelante à la Banque TD visant le virement télégraphique des fonds à Azimut, des feuilles de travail montrant les honoraires à verser à Jils et des preuves de paiement de tels honoraires. M. Gervais a témoigné que l'appelante adressait ses commandes directement à Azimut et la payait directement. MM. Applebaum et Gervais ont reconnu que les documents de l'appelante renvoient aux paiements faits à Jils à titre d'honoraires de conception. M. Applebaum a témoigné que les bons de commande sont préparés en trois exemplaires : un exemplaire destiné au client de l'appelante, un exemplaire destiné à Azimut et un exemplaire que conserve l'appelante.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que les honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Prevata, et les honoraires équivalant à 3 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Repeat, sont des commissions d'achat non sujettes à des droits de douane. Elle a soutenu que les honoraires payés se rapportaient, essentiellement, à des honoraires de démarcheur, les services supplémentaires dispensés par la suite étant très minimes. L'appelante a soutenu que, étant donné le faible montant des honoraires, une telle entente n'a rien d'inhabituel. Elle a ajouté qu'il n'y avait pas de lien entre Jils et Azimut et que Jils n'a pas exécuté de travaux de conception. Par conséquent, l'appelante a soutenu que les honoraires étaient des commissions d'achat.

En réponse à une question du Tribunal, l'appelante a reconnu que Jils n'a pas dispensé un service relatif à toutes et chacune des expéditions d'Azimut.

L'intimé a soutenu que les honoraires sont des honoraires de conception sujets à des droits de douane. Il a soutenu qu'ils étaient appelés honoraires de conception dans les documents de l'appelante et que, dans son mémoire, l'appelante a reconnu que Jils exécutait certaines fonctions de conception. L'intimé a aussi soutenu que la pièce B-38, une facture d'Azimut à l'appelante, donne instruction à l'appelante de verser à Jils les honoraires de conception. L'intimé a soutenu qu'il n'existe aucun élément de preuve documentaire que Jils ait exécuté d'autres fonctions que celles d'un designer. L'intimé a soutenu que l'appelante ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'il ne s'agissait pas d'honoraires de conception.

DÉCISION

La première question dont le Tribunal traitera est celle de savoir si les honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Prevata, et les honoraires équivalant à 3 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Repeat par l'appelante à Jils, sont des honoraires de conception. Le Tribunal note que, dans son mémoire, l'appelante a semblé reconnaître que Jils exécutait certains travaux de conception et que les honoraires versés pour de tels services seraient sujets à des droits de douane. Cependant, à l'audience, la position de l'appelante, et les éléments de preuve qu'elle a produits, ont été dans le sens que Jils n'exécutait pas de travaux de conception. M. Applebaum a témoigné que lui-même et le designer d'Azimut exécutaient toutes les fonctions de conception. Le Tribunal n'accueille pas la position de l'intimé selon laquelle la pièce B-38 est un ordre donné par Azimut à l'appelante de verser des honoraires de conception à Jils. Rien dans ledit document ne mentionne ou ne calcule des honoraires payables à Jils. Le calcul des honoraires de 3 p. 100 et de 5 p. 100 figure dans la pièce B-39, à savoir la feuille de travail détaillée de l'appelante. Cet honoraire est fondé sur le prix de la facture inclus dans la pièce B-38.

Le seul élément de preuve dont dispose le Tribunal qu'il s'agissait d'honoraires de conception est qu'ils sont qualifiés comme tels dans les documents internes de l'appelante. Étant donné les éléments de preuve produits par M. Applebaum dans l'appel no AP-98-097, selon lesquels personne ne s'était arrêté à songer à la façon d'appeler les honoraires avant la vérification, et étant donné les éléments de preuve se rapportant aux fonctions exécutées par l'appelante et Jils, le Tribunal estime que la description des honoraires comme étant des honoraires de conception dans les documents internes de l'appelante n'est d'aucune utilité. Le Tribunal conclut qu'il existe des éléments de preuve probants que l'appelante et le designer d'Azimut exécutaient les fonctions de conception nécessaires et qu'il n'existe pas d'élément de preuve probant que Jils ait exécuté une quelconque fonction de conception. Par conséquent, le Tribunal conclut que les honoraires ne sont pas des honoraires de conception.

Aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi, le prix payé ou à payer, aux fins de l'appréciation de la valeur en douane des marchandises, est ajusté par addition des montants représentant les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur. L'exception à la règle générale susmentionnée est que les honoraires versés ou à verser par l'acheteur à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente ne sont pas ajoutés au prix payé ou à payer. Les honoraires versés relativement à de tels services, appelés services de mandataire à l'achat, sont souvent appelés commissions d'achat.

La position de l'appelante est que les honoraires sont des « commissions » et qu'ils ne sont pas sujets à des droits de douane parce qu'ils sont des commissions d'achat. Le Tribunal doit, donc, déterminer si les honoraires, ou les commissions, ont été versés « à [un] mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente ». Le Tribunal conclut que tel n'était pas le cas.

À titre de question préliminaire, après avoir examiné avec soin les éléments de preuve, le Tribunal conclut que l'entente de commission d'achat datée de 1986 ne reflète pas correctement la relation entre l'appelante et Jils au moment des importations pertinentes. M. Applebaum a témoigné que Jils avait mis l'appelante en rapport avec Azimut et que Jils avait procédé à des inspections et des essais d'ajustement au nom de l'appelante. M. Applebaum a aussi témoigné que l'appelante a pu accroître ses économies de production parce que Jils se servait parfois des mêmes formes ou des mêmes matériaux. La position de l'appelante était que les honoraires versés à Jils étaient versés relativement à de tels services. Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas d'élément de preuve probant au dossier que de tels services incluaient des services de représentation rendus par Jils au nom de l'appelante auprès d'Azimut. La mise en rapport de l'appelante avec Azimut a permis à l'appelante et à Azimut de faire affaire directement. Il n'y avait pas d'élément de preuve de représentation, par Jils, au nom de l'appelante à cet égard. La capacité, de Jils et l'appelante, de combiner leurs achats ou de partager les mêmes formes n'implique pas non plus de représentations par Jils, au nom de l'appelante, auprès d'Azimut. Enfin, le Tribunal conclut à l'absence d'éléments de preuve convaincants que Jils ait accompli quelque fonction de représentation que ce soit au nom de l'appelante auprès d'Azimut relativement aux essais d'ajustement ou aux inspections présumées. Il n'y avait pas d'élément de preuve que, si les essais d'ajustement posaient un problème, Jils en informait Azimut au nom de l'appelante. En outre, à la lumière des éléments de preuve qui montrent que Jils procédait à des inspections pour sa production américaine et que des exemplaires des bons de commande de l'appelante ont été fournis uniquement aux clients de l'appelante et à Azimut, le Tribunal n'est pas convaincu que Jils a véritablement procédé à des inspections de suivi à l'usine qui se rapportaient spécifiquement aux ventes de l'appelante.

Le Tribunal conclut que les honoraires équivalant à 5 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Prevata, et les honoraires équivalant à 3 p. 100 du coût F.A.B., payés à l'égard des souliers de marque Repeat par l'appelante à Jils, sont des commissions, mais non des commissions d'achat. Lesdits honoraires sont donc sujets à des droits de douane. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . Selon le libellé de la Loi au moment des importations pertinentes.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 22 septembre 2000