COLORIDÉ INC.

Décisions


COLORIDÉ INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-99-037

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 25 février 2000

Appel n o AP-99-037

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 décembre 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 29 avril 1999 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

COLORIDÉ INC. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Zdenek Kvarda ______ Zdenek Kvarda Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause, appelées « mèches », sont correctement classées dans le numéro tarifaire 5503.10.00 à titre de fibres synthétiques discontinues de nylon, non cardées ni peignées ni autrement transformées pour la filature, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6703.00.00 à titre de matières textiles, préparées pour la fabrication de perruques ou d'articles similaires, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Aux termes de la Règle 4 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé, les marchandises en cause sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues. À l'examen des éléments, tels le caractère et l'utilisation des marchandises, qui doivent fonder la détermination de l'analogie, le Tribunal observe que les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 67.03 précisent que la position comprend des matières textiles préparées pour la fabrication de perruques et d'articles similaires ou de chevelures pour poupées. Manifestement, de telles matières textiles, qu'elles servent à la fabrication de perruques et d'articles similaires, ou de chevelures pour poupées, sont des marchandises qui, en dernière analyse, représentent des cheveux humains. Ainsi, représenter des cheveux humains est, de l'avis du Tribunal, le caractère et l'utilisation véritables desdites matières. La même chose peut être dite des matières textiles en question. Les touffes sont disposées de manière à imiter des mèches de cheveux, puis sont montées dans des présentoirs et livres qui sont vendus aux producteurs de colorants capillaires. Les coiffeurs-stylistes se servent ensuite de ces présentoirs et livres pour montrer à leurs clients ce que pourrait donner une application de teinture.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 6 décembre 1999 Date de la décision : Le 25 février 2000
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Raynald Guay, membre Zdenek Kvarda, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Raylene Van Vliet, pour l'appelante Claude Morissette, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) le 29 avril 1999 concernant des marchandises importées au Canada entre le 7 mai 1996 et le 4 décembre 1997.

Les importations de marchandises en cause, appelées « mèches », comprenaient deux types différents, à savoir, des « mèches boucles de 9 cm » et des « bandes de mèches franges de 25 cm ». La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 5503.10.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de fibres synthétiques discontinues de nylon, non cardées ni peignées ni autrement transformées pour la filature, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6703.00.00 à titre de matières textiles, préparées pour la fabrication de perruques ou d'articles similaires, comme l'a soutenu l'appelante.

À l'audience, aucun témoin n'a comparu et l'avocat de l'intimé et la représentante de l'appelante se sont entendus sur la description des marchandises. Les marchandises en cause sont de petites touffes d'une matière synthétique, soit du nylon, disposées de manière à imiter des mèches de cheveux, de différentes couleurs. Elles ont été importées en deux longueurs. Les « mèches boucles » ont une longueur de 9 cm et sont thermofixées (réunies par fusion) à chaque extrémité, pour qu'elles restent ensemble et ne s'effilochent pas. Les « bandes de mèches franges » ont une longueur de 25 cm et sont thermofixées à une seule extrémité. L'appelante monte les touffes en bandes dans divers types de présentoirs et livres qui sont vendus à des sociétés qui produisent des colorants capillaires. Les coiffeurs-stylistes se servent de ces présentoirs et livres pour montrer à leurs clients ce que pourrait donner une application de teinture.

La représentante de l'appelante a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 6703.00.00 d'après la Règle 4 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [3] , qui prévoit que les marchandises qui ne peuvent pas être classées en vertu des Règles 1, 2 et 3 sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues. Elle a soutenu que les marchandises en cause sont uniques en leur genre, qu'elles ne peuvent pas être classées en vertu des Règles 1, 2 et 3 et, donc, qu'elles sont comprises dans la position no 67.03 avec les matières textiles préparées pour la fabrication de perruques ou d'articles similaires, les articles les plus analogues aux marchandises en cause. Elle a soutenu que l'analogie peut se démontrer de diverses manières, y compris d'après la dénomination des marchandises, leur caractère ou leur utilisation. À cet égard, elle a invoqué la décision que le Tribunal a rendue dans l'affaire Wet Vest c. S-MRNDA [4] où le Tribunal a décidé, en se fondant sur la Règle 4, qu'un dispositif de flottaison spécialisé utilisé pour des personnes handicapées souffrant d'une lésion de la moelle épinière est classé dans la position no 90.21 à titre d'autre appareil d'orthopédie ou pour fractures, plutôt que dans la position no 63.07 à titre de ceinture et gilet de sauvetage, parce que la veste en question était un article unique en son genre et ne paraissait pas devoir être classée sous deux ou plusieurs positions. La représentante a aussi souligné que les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [5] de la position no 67.03 prévoient à titre d'exemple des tressages de cheveux devant servir à la fabrication de perruques. Les tressages sont décrits comme étant « formés de fibres textiles synthétiques ou artificielles teintes dans la masse, pliées en deux pour former une petite touffe dont la boucle est liée à celle de la touffe suivante par une tresse de fils textiles d'une largeur d'environ 2 mm réalisée à la machine ». Les Notes explicatives précisent en outre que « [c]es tressages présentent l'aspect d'une frange de longueur indéterminée ». La représentante a soutenu que les mèches en question sont très semblables aux tressages dont il est fait mention dans les Notes explicatives de la position no 67.03 et que, bien qu'elles ne servent pas à la fabrication de perruques ou d'articles similaires, en dernière analyse, elles représentent des cheveux. À titre d'argument subsidiaire, la représentante a soutenu que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 90.23 parce qu'elles sont plus analogues aux instruments, appareils ou modèles conçus pour la démonstration et non susceptibles d'autres emplois.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la Règle 1 des Règles générales s'applique en l'espèce. La Règle 1 prévoit, notamment, que le classement est déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. L'avocat a ajouté qu'il est admis que les marchandises en cause sont des « fibres synthétiques discontinues ». Puisque les « fibres synthétiques discontinues » sont dénommées dans la position no 55.03, les marchandises en cause doivent donc y être classées. Il a ajouté à cet égard que la Note 1 du Chapitre 55 précise que « [l]es câbles d'une longueur n'excédant pas 2 m relèvent des nos 55.03 ou 55.04 », ce qui s'applique manifestement aux marchandises en cause. Il a aussi renvoyé à la définition de l'expression « fibres synthétiques ou artificielles » qui se trouve à la rubrique « Considérations générales » des Notes explicatives du Chapitre 55 :

Les fibres synthétiques ou artificielles discontinues sont d'ordinaire fabriquées par passage de la matière première à travers une filière percée d'un très grand nombre d'orifices (pouvant atteindre plusieurs milliers); le sectionnement des câbles (pris individuellement ou obtenus en groupant longitudinalement les câbles provenant de plusieurs filières) est effectué, après étirage éventuel, dès leur sortie de la filière ou après qu'ils ont subi diverses opérations telles que le lavage, le blanchiment ou la teinture. Les fibres peuvent être coupées à des longueurs différentes selon la matière qui les constitue, le type de fils que l'on désire fabriquer, la nature du textile auquel on envisage de les mélanger, etc.; en général, les fibres synthétiques ou artificielles discontinues ont une longueur comprise entre 25 mm et 180 mm.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la définition susmentionnée décrit d'une façon générale les marchandises en cause, tout particulièrement parce qu'elle n'est pas exclusive, les termes « d'ordinaire » et « pouvant » y figurant. Il a souligné, à cet égard, que la matière textile peut être colorée ou teinte.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 67.03 parce que les textiles de cette position doivent servir pour la préparation de perruques ou d'articles similaires. Il a aussi contesté l'argument subsidiaire soulevé par la représentante de l'appelante en avançant que le numéro tarifaire 9023.00.00 dénomme des marchandises destinées à des fins éducatives ou scientifiques ou des marchandises pour la présentation de matières premières ou de produits représentant divers stades de fabrication. L'avocat a, lui aussi, présenté une position subsidiaire, à savoir que les marchandises pourraient être classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 à titre d'autres articles confectionnés d'autres matières textiles. Il a invoqué les Notes explicatives de la position no 63.07, qui renvoient à la Note 7 de la Section XI qui, elle, donne une définition du terme « confectionnés » dont la portée inclut les articles assemblés par collage, comme les marchandises en cause.

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 6703.00.00 à titre de matières textiles, préparées pour la fabrication de perruques ou d'articles similaires. Comme l'a soutenu l'appelante, les marchandises en cause sont uniques en leur genre. Il n'est donc pas surprenant qu'elles ne sont donc pas prévues dans la nomenclature.

Le Tribunal est d'avis que, contrairement à la position soutenue par l'intimé, les matières textiles en question ne sont pas du type dénommé dans la position no 55.03. Le Tribunal fait observer à cet égard que les Notes explicatives des Chapitres 50 à 55 précisent que ces chapitres traitent « chacun d'une ou de plusieurs matières textiles, pures ou mélangées entre elles, à leurs divers stades d'ouvraisons jusques et y compris leur transformation en tissus » [soulignement ajouté]. Ces notes ne laissent guère de place au doute : pour que les matières textiles soient considérées comme faisant partie de ces chapitres, elles doivent être à un stade d'ouvraison jusques et y compris leur transformation en tissus. Les éléments de preuve dans la présente affaire révèlent que les marchandises en cause n'ont pas d'autres emplois ou utilisations que de servir dans des présentoirs et livres. Elles ont perdu leur utilité en tant que fibres discontinues destinées à servir dans la fabrication de tissus.

En outre, le Tribunal n'accueille pas l'argument subsidiaire avancé par l'avocat de l'intimé selon lequel les marchandises doivent être classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 à titre d'autres articles confectionnés d'autres matières textiles. Le Tribunal est d'avis que le terme « confectionnés » et la liste d'exemples d'articles compris dans la position no 63.07 sous-tendent dans les deux cas la notion de marchandises finies, ainsi qu'une certaine ouvraison ultérieure qui dépasse le simple assemblage par collage. Bien qu'elles soient collées, les « touffes » importées ne sont pas finies et doivent encore être montées dans les présentoirs et livres susmentionnées.

Le Tribunal est d'accord avec la représentante de l'appelante sur le fait que la Règle 4 des Règles générales s'applique en l'espèce, puisque aucune des règles précédentes ne s'applique. Aux termes de la Règle 4, les marchandises en cause sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues. L'analogie, selon les Notes explicatives de la Règle 4, peut se fonder sur de nombreux éléments, tels que la dénomination, le caractère, l'utilisation.

Le Tribunal est d'avis que le caractère et l'utilisation des marchandises en cause sont plus analogues à ceux des articles de la position no 67.03. Comme l'avocat de l'intimé l'a souligné, ladite position renvoie, notamment, aux « matières textiles préparées pour la fabrication de perruques ou d'articles similaires » [soulignement ajouté]. Il ne fait aucun doute, ainsi que l'a soutenu l'avocat de l'intimé, que l'expression « ou d'articles similaires » incluse dans l'expression susmentionnée doit être associée aux perruques. Cependant, aux fins de la Règle 4 des Règles générales, le critère à appliquer n'est pas celui de savoir si les matières textiles en question doivent servir à la fabrication de « perruques ou d'articles similaires », mais plutôt si elles doivent servir à la fabrication de marchandises qui sont analogues à des « perruques ou […] articles similaires ».

À l'examen des éléments, tels le caractère et l'utilisation des marchandises, qui doivent fonder la détermination de l'analogie, le Tribunal observe que les Notes explicatives de la position no 67.03 précisent que la position comprend les matières textiles préparées pour la fabrication de perruques et d'articles similaires ou de chevelures pour poupées. Manifestement, de telles matières textiles, qu'elles servent à la fabrication de perruques et d'articles similaires, ou de chevelures pour poupées, sont des marchandises qui, en dernière analyse, représentent des cheveux humains. Par conséquent, représenter des cheveux humains est, de l'avis du Tribunal, le caractère et l'utilisation véritables desdites matières. La même chose peut être dite des matières textiles en question, c.-à-d. que les touffes sont disposées de manière à imiter des mèches de cheveux, puis sont montées dans des présentoirs et livres qui sont vendus aux producteurs de colorants capillaires et dont se servent les coiffeurs-stylistes pour montrer à leurs clients ce que pourrait donner une application de teinture.

Le Tribunal est d'avis, en conformité avec la Règle 4 des Règles générales, que les marchandises en cause sont plus analogues à celles de la position no 67.03 et conclut qu'elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6703.00.00, comme l'a soutenu l'appelante.

Pour tous les motifs susmentionnés, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3. Ibid., annexe I [ci-après Règles générales].

4. (9 décembre 1993), AP-92-384.

5. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986, et 2e éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].


Publication initiale : le 6 mars 2000