SHOPPERS DRUG MART INC.

Décisions


SHOPPERS DRUG MART INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-99-068 à AP-99-072

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 26 février 2001

Appels nos AP-99-068 à AP-99-072

EU ÉGARD À des appels entendus le 20 novembre 2000 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national les 20 juillet, 30 août, 23 septembre et 7 octobre 1999 concernant des avis d'opposition signifiés aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

SHOPPERS DRUG MART INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

Les appels sont rejetés.


Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre présidant

Pierre Gosselin

Pierre Gosselin
Membre

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

La question en litige dans les présents appels, interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), consiste à savoir si l'appelante a droit, aux termes de l'article 68.2, au remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur des articles neufs et non utilisés qui portaient l'empreinte d'une image (articles de représentation). La taxe a été versée à l'égard de l'achat de film et de planches métalliques utilisés dans la production de dépliants publicitaires.

L'appelante a acheté le film à Supreme Graphics Limited (Supreme) et a payé la taxe. Elle a ensuite laissé deux autres fournisseurs, Transcontinental Printing Inc. (Transcontinental) et Web Press Graphics (Web Press), se servir du film dans la production des planches métalliques nécessaires dans la production des dépliants. L'appelante a acheté les planches métalliques à Transcontinental et à Web Press, payant encore la taxe sur le prix d'achat. Transcontinental et Web Press se sont ensuite servies des planches métalliques dans l'impression des dépliants. Supreme, Transcontinental et Web Press, en tant que fabricants titulaires de licence, ont versé la taxe sur ces ventes à l'intimé, comme le prescrit la Loi.

Après les transactions susmentionnées, la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision dans Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) c. Baird (Tom) & Associates (Tom Baird). Étant donné les conclusions dans l'affaire susmentionnée, l'intimé a déterminé que l'achat du film à Supreme par l'appelante et l'achat de planches métalliques à Transcontinental et à Web Press par l'appelante étaient exempts de la taxe. De ce fait, l'intimé était d'avis que Supreme, Transcontinental et Web Press, en tant que fabricants titulaires de licence qui avaient versé la taxe, avaient droit au remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi.

L'appelante a également demandé un remboursement de la taxe payée à l'égard des mêmes transactions. Elle a invoqué le fait qu'elle avait payé la taxe lorsqu'elle avait acheté le film et les planches métalliques et a soutenu avoir aussi vendu le film et les planches métalliques à Transcontinental et à Web Press. Elle a soutenu qu'elle avait donc droit au remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi.

L'intimé a refusé la demande de remboursement de l'appelante. Dans les présents appels, l'intimé a soutenu que l'appelante n'avait pas droit au remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi, étant donné qu'il n'y avait pas eu vente de film et de planches à Transcontinental et à Web Press. De plus, l'intimé a soutenu qu'un remboursement à Supreme, à Transcontinental et à Web Press avait correctement été payé aux termes de l'article 68 et qu'aucun autre remboursement n'était dû.

DÉCISION : Les appels sont rejetés.

L'article 68.2 de la Loi prévoit un remboursement lorsque la taxe a été payée « en vertu de la partie III ou VI » de la Loi et que lesdites marchandises sont ensuite vendues à un acheteur en des circonstances qui auraient rendu la vente exempte de cette taxe si elles avaient été vendues directement à l'acheteur par le fabricant. Les éléments de preuve indiquent que le film et les planches métalliques n'ont pas été vendus à Transcontinental et à Web Press. Les circonstances de l'espèce ne dictent donc pas un remboursement aux termes de l'article 68.2.

Le Tribunal est d'avis que la taxe a été payée et versée par erreur à l'égard de l'achat de film à Supreme et de planches métalliques à Transcontinental et à Web Press, étant donné l'opinion erronée que lesdites transactions n'étaient pas exemptes de la taxe en vertu des dispositions de la Loi. La Cour d'appel fédérale dans Tom Baird a déterminé que lesdites transactions étaient, de fait, exemptes de la taxe. Le Tribunal est d'avis qu'un remboursement de la taxe payée en de telles circonstances est admissible aux termes de l'article 68 de la Loi.

La jurisprudence confirme qu'un montant représentant la taxe de vente fédérale payée par l'acheteur de marchandises à la personne qui est tenue d'acquitter cette taxe en vertu de la loi n'est pas considéré comme une taxe imposée en vertu de la Loi. L'appelante n'est pas un fabricant titulaire de licence et elle-même n'a pas versé la taxe, mais a plutôt payé à Supreme, à Transcontinental et à Web Press un montant qui faisait partie du prix d'achat du film et des planches. Par conséquent, l'appelante n'a pas droit à un remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 20 novembre 2000

Date de la décision :

Le 26 février 2001

   

Membres du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Peter F. Thalheimer, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

John Dodsworth

 

Marie-France Dagenais

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

David Eng, pour l'appelante

 

Michael Roach, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

La question en litige dans les présents appels, interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 , consiste à savoir si l'appelante a droit, aux termes de l'article 68.2, au remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur des articles neufs et non utilisés qui portaient l'empreinte d'une image (articles de représentation). L'appelante a demandé le remboursement de la taxe payée à l'égard de ses achats auprès de fournisseurs d'articles de représentation primaires. Les articles en cause sont du film et des planches métalliques utilisés dans la production de dépliants publicitaires. L'intimé a rejeté la demande, étant donné qu'il était d'avis que le remboursement était dû, aux termes de l'article 68, aux fournisseurs de l'appelante qui avaient versé la taxe.

Les dispositions pertinentes de la Loi prévoient ce qui suit :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

68.2 (1) Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe 23(6), de l'alinéa 23(8)b) ou des paragraphes 50(5) ou 51(1) si les marchandises avaient été fabriquées au Canada et vendues à l'acheteur par leur fabricant ou producteur, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur, si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente.

PREUVE

Le témoin de l'appelante, M. Peter Effer, vice-président, Fiscalité, chez Shoppers Drug Mart, a témoigné au sujet du procédé de fabrication des dépliants publicitaires en cause. Il a témoigné que la production des dépliants comportait quatre étapes. La première étape se rapporte au dessin initial et à la mise en page du dépliant, le travail étant habituellement exécuté à l'interne par le service de publicité de l'appelante. La deuxième étape se rapporte à la création du film pour les dépliants, nécessaire dans le cadre du procédé d'impression, cette deuxième étape étant exécutée par Supreme Graphics Limited (Supreme). M. Effer a témoigné que, bien que Supreme ait eu le droit de créer le film, l'appelante en conservait les titres de propriété. L'étape suivante se rapporte au transfert du film à Transcontinental Printing Inc. (Transcontinental) et à Web Press Graphics (Web Press) en vue de la production des planches utilisées dans le cadre du procédé d'impression. La dernière étape se rapporte à l'utilisation des planches pour l'impression des dépliants, ce qui se faisait chez Transcontinental et Web Press.

M. Effer a témoigné que l'appelante a acheté le film à Supreme et les planches à Transcontinental et à Web Press et a payé la taxe à l'égard de chaque transaction. Il a ajouté que l'appelante était demeurée propriétaire du film et des planches, tout en permettant à Transcontinental et à Web Press de se servir du film pour produire les planches et des planches pour produire les dépliants. M. Effer a témoigné que les certificats d'exemption ont été fournis par Transcontinental et Web Press, qui ont confirmé que les articles de représentation avaient d'abord servi exclusivement à des fins d'impression.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Effer a témoigné que l'appelante n'avait jamais été en possession du film produit par Supreme et que Supreme avait expédié le film directement à Transcontinental et à Web Press en vue de la production des planches. M. Effer a déclaré que Supreme, Transcontinental et Web Press avaient versé la taxe au ministère du Revenu national (désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada). M. Effer a témoigné qu'il n'existait pas de facture au sujet d'une « véritable » vente de film ou de planches métalliques à Transcontinental et à Web Press et que les factures établies au montant de 1 $, qui étaient incluses dans le mémoire de l'appelante, ne documentaient pas une véritable vente de film ou de plaques métalliques. Plutôt, elles documentaient simplement le droit de Transcontinental et de Web Press de se servir du film et des planches.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que, lorsqu'un vendeur titulaire de licence vend un produit pour une contrepartie, il transfère le titre et la teneur en taxe du produit à l'acheteur. L'appelante a soutenu que l'article 50 de la Loi régit l'obligation d'acquitter la taxe tandis que la propriété de la « teneur en taxe » est régie par la Sale of Goods Act 2 de la Colombie-Britannique. De plus, les termes « lorsque la taxe a été payée en vertu de la présente loi », communs à chacune des dispositions sur le remboursement comprises dans les articles 68 à 68.29 de la Loi, renvoient à la teneur en taxe.

L'appelante a décrit la relation entre un vendeur titulaire de licence et un acheteur (qui pourrait être soit un fabricant titulaire de licence ou non titulaire de licence). Au moment de l'achat, le vendeur titulaire de licence reçoit une contrepartie, tandis que l'acheteur reçoit le titre de propriété de marchandises et la teneur en taxe des marchandises. Le vendeur titulaire de licence est assujetti à la taxe en vertu de l'article 50 de la Loi et est tenu de l'acquitter. L'acheteur n'est pas assujetti à la taxe; cependant, selon l'appelante, l'acheteur devient de ce fait admissible à recevoir le remboursement de la taxe.

L'appelante a soutenu qu'un vendeur titulaire de licence a droit à un remboursement de la taxe uniquement pour ce qui se rapporte à un paiement en trop ou en moins de celle-ci. Étant donné que l'article 68 de la Loi s'applique « sauf à la suite d'un cotisation », les vendeurs titulaires de licence qui sont assujettis à une cotisation ne peuvent demander le remboursement conformément à ce même article. Les vendeurs titulaires de licence peuvent obtenir un remboursement uniquement dans le cadre du processus de cotisation. Par conséquent, à titre de vendeurs titulaires de licence, Supreme, Transcontinental et Web Press ne peuvent invoquer l'article 68 pour demander un remboursement.

L'appelante a soutenu que les faits dans la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans Ministre du Revenu national (Douane et Accises) c. Baird (Tom) & Associates 3 sont semblables aux faits dans les présents appels. Dans la cause susmentionnée, le défendeur achetait des articles de représentation et permettait à un fabricant de s'en servir pour produire des imprimés. La principale différence entre les faits dans Tom Baird et les faits dans les présents appels, selon l'appelante, est que le défendeur était un fabricant titulaire de licence aux termes de Loi, tandis que l'appelante dans les présents appels ne l'est pas. L'appelante a souligné que la Cour d'appel fédérale avait conclu que le défendeur avait droit à un remboursement et, par conséquent, elle a soutenu qu'elle aussi devrait avoir droit à un remboursement.

L'appelante a fait valoir qu'elle est un petit fabricant puisqu'elle maîtrise le processus de fabrication dans sa totalité et a donc droit à un remboursement aux termes de l'article 68.28 de la Loi.

L'appelante a soutenu avoir droit à un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi. Elle a souligné qu'un remboursement doit être versé aux termes de l'article 68.2 lorsque la taxe a été payée à l'égard de marchandises et que les marchandises sont ensuite vendues en des circonstances qui auraient rendu la vente initiale exempte de cette taxe.

À cet égard, l'appelante a souligné que la taxe a été payée lorsque l'appelante a acheté le film à Supreme et les planches métalliques à Transcontinental et à Web Press. Il y a eu vente lorsqu'elle a autorisé Transcontinental et Web Press à se servir du film et des planches métalliques. En livrant le film à Transcontinental et Web Press, il est réputé y avoir eu vente aux termes de l'article 45.1, du paragraphe 50(2) ou de l'alinéa 52(3)a) de la Loi. D'une manière similaire, en permettant à Transcontinental et à Web Press de se servir des planches pour produire les dépliants en cause, il est réputé y avoir eu vente des planches métalliques aux termes des mêmes dispositions. Par conséquent, les exigences de l'article 68.2 ont été rencontrées et l'appelante a droit à un remboursement conformément au même article. L'appelante a aussi invoqué le fait que l'intimé a accordé une des demandes de remboursement que l'appelante a présentées et elle a indiqué que cela démontrait qu'elle avait droit au remboursement.

L'intimé a soutenu qu'il incombe à l'appelante de démontrer qu'elle a droit au remboursement et que les décisions qui font l'objet de l'appel sont erronées. L'appelante doit aussi s'acquitter du fardeau de la preuve que toutes les conditions nécessaires au remboursement ont été remplies.

L'intimé a soutenu que la taxe a été payée à l'égard de la vente du film par Supreme à l'appelante, étant donné que l'appelante n'était pas titulaire de licence et étant donné que la transaction a eu lieu avant la décision rendue dans Tom Baird. De ce fait, la taxe a été payée par erreur. L'intimé a soutenu qu'il ressort clairement de la jurisprudence que le remboursement doit être fait à la personne qui a versé la taxe. Puisque Supreme, Transcontinental et Web Press étaient titulaires de licence et ont versé la taxe à l'égard de la vente du film et des planches, ce sont elles qui ont droit au remboursement.

L'intimé a aussi soutenu que l'appelante n'a pas droit au remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi. Pour demander le remboursement conformément au même article, la taxe doit être payée à l'égard de marchandises et les marchandises doivent être vendues à un acheteur. L'intimé a soutenu que l'appelante n'a pas droit au remboursement conformément à l'article 68.2 pour trois raisons. En premier lieu, le remboursement devrait être versé à Supreme, à Transcontinental et à Web Press aux termes de l'article 68. La taxe est une taxe unique payable au moment de la vente initiale. Les exemptions s'appliquent également au même moment. En l'espèce, la taxe a initialement été payée par l'appelante à l'égard de son achat du film à Supreme et de planches métalliques à Transcontinental et à Web Press. Cependant, en fait, cette vente était exempte de taxe, de sorte que Supreme avait droit au remboursement. L'intimé a soutenu que la vente ultérieure de ces articles de représentation n'est pas pertinente.

En deuxième lieu, l'intimé a soutenu qu'il n'y a pas eu légalement de véritable vente des articles de représentation de l'appelante à Transcontinental et à Web Press. À cet égard, l'intimé a souligné le témoignage du témoin de l'appelante, M. Effer, qui a expressément déclaré qu'il n'y avait pas eu de véritable vente des articles de représentation et que l'appelante était demeurée propriétaire desdits articles. L'intimé a soutenu que le Tribunal ne devait accorder que peu de poids aux arguments de l'appelante portant sur les factures de 1 $ qui, selon la prétention de l'appelante, documentaient la vente du film et des planches métalliques à Transcontinental et à Web Press.

Quant aux arguments de l'appelante portant sur la « vente présumée » desdits articles, l'intimé a soutenu qu'une vente au sens de l'article 68.2 de la Loi ne comprend pas une vente présumée - une véritable vente doit légalement avoir eu lieu. L'intimé a ajouté que la disposition portant sur la « présomption de vente » invoquée par l'appelante ne s'applique pas à la disposition sur le remboursement. À titre d'argument de rechange, l'intimé a soutenu que, si le Tribunal devait conclure qu'une « vente est réputée avoir eu lieu », aucune vente présumée n'a eu lieu selon les faits de l'espèce. La disposition sur la « présomption de vente », à l'article 45.1, assujettit le fabricant à la taxe lorsque, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'_uvre, une personne autre qu'un fabricant titulaire de licence fournit l'article ou la matière à partir desquels les marchandises sont fabriquées ou produites. La transaction en question n'est pas un contrat visant la main-d'_uvre et, de ce fait, n'entre pas dans la portée d'application des dispositions sur la présomption de vente.

En troisième lieu, l'appelante n'a pas droit au remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi, selon l'intimé, parce que le remboursement de la taxe qui fait l'objet de la demande de l'appelante a déjà été accordé à Supreme, à Transcontinental et à Web Press. Pour obtenir un remboursement aux termes de l'article 68.2, la taxe doit avoir été payée. Puisqu'un remboursement a déjà été versé à Supreme, il n'y a pas eu de taxe payée à l'égard de cet achat. L'intimé a soutenu que les deux dispositions portant sur le remboursement n'avaient pas pour objet d'accorder le remboursement de la même taxe à deux personnes différentes.

Quant au remboursement qui a été payé à l'appelante aux termes de l'article 68 à l'égard d'une transaction connexe aux transactions qui font l'objet des présents appels, l'intimé a indiqué que ce remboursement a été payé par erreur. L'intimé a fait valoir que le fait qu'un remboursement ait été payé par erreur n'établit pas le droit à un remboursement à l'égard des autres demandes. L'intimé a de plus réfuté l'argument de l'appelante selon lequel cette dernière était le fabricant des dépliants, puisque les éléments de preuve montrent clairement que les fabricants sont Supreme, Transcontinental et Web Press.

DÉCISION

Les éléments de preuve montrent que la production des dépliants publicitaires a comporté quatre étapes. La première étape se rapporte au dessin initial et à la mise en page du dépliant, et a été exécutée à l'interne par le service de publicité de l'appelante. La deuxième étape se rapporte à la création, par Supreme, du film pour les dépliants, nécessaire dans le cadre du procédé d'impression. La troisième étape se rapporte au transfert du film à Transcontinental et à Web Press en vue de la production des planches métalliques utilisées dans le cadre du procédé d'impression, que l'appelante a achetées à Transcontinental et à Web Press. La quatrième étape se rapporte à l'utilisation des planches pour l'impression des dépliants. En outre, il ressort des éléments de preuve que l'appelante a acheté le film à Supreme et les planches métalliques à Transcontinental et à Web Press et a conservé les titres de propriété de ces articles de représentation. Supreme, Transcontinental et Web Press ont chacune perçu la taxe de l'appelante à l'égard de ces transactions et l'ont versée à l'intimé.

Cependant, par suite des transactions en cause, la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision dans Tom Baird. La Cour d'appel fédérale a examiné la portée d'application de l'exemption comprise au paragraphe 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, qui vise l'achat, exempt de taxe, d'articles de représentation, devant servir exclusivement à la production d'imprimés. La Cour d'appel fédérale a conclu que l'exemption s'appliquait même en des circonstances dans lesquelles le fabricant ne se servait pas lui-même des articles de représentation dans le procédé de fabrication, mais laissait plutôt des sous-traitants s'en servir à cette même fin.

En l'espèce, les articles de représentation (le film et les planches métalliques) achetés par l'appelante devaient servir exclusivement à la production d'imprimés. Étant donné la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Tom Baird, l'intimé a déterminé que l'achat de film et de planches métalliques par l'appelante était de fait exempt de la taxe. L'intimé a donc déterminé que Supreme, Transcontinental et Web Press avaient droit au remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi. Cependant, l'appelante a soutenu avoir droit au remboursement de cette taxe aux termes de l'article 68.2.

L'article 68.2 de la Loi prévoit un remboursement lorsque la taxe a été payée « en vertu de la partie III ou VI » de la Loi et que les marchandises sont ensuite vendues à un acheteur en certaines circonstances. Le Tribunal est d'avis que l'appelante n'a pas droit au remboursement aux termes de l'article 68.2, puisqu'il ressort des éléments de preuve que l'appelante n'a vendu ni le film ni les planches métalliques à Transcontinental et à Web Press. Au contraire, le propre témoin de l'appelante a déclaré que cette dernière a conservé les titres de propriété du film et des planches métalliques durant toute la période pendant laquelle les transactions ont eu lieu. Le témoin de l'appelante a témoigné que les factures de 1 $, qui étaient comprises dans le mémoire de l'appelante, documentaient le droit de Transcontinental et de Web de se servir du film et des planches.

De plus, le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument de l'appelante selon lequel, parce que Transcontinental et Web Press ont eu la permission de se servir du film et des planches métalliques dans la production des dépliants, une vente est « réputée » avoir eu lieu aux termes de l'article 45.1, du paragraphe 50(2) ou de l'alinéa 52(3)a) de la Loi. Le Tribunal est d'avis que la vente visée à l'article 68.2 doit être une véritable vente, et non une « vente présumée ». L'article 68.2 porterait expressément qu'un remboursement peut s'appuyer sur une « vente présumée », si telle avait été l'intention du législateur.

De toute façon, aucune des dispositions portant sur la « présomption de vente » auxquelles l'appelante s'est référée ne s'applique dans les présentes circonstances. L'article 45.1 de la Loi assujettit à la taxe une personne autre qu'un fabricant titulaire de licence lorsque, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'_uvre, ledit fabricant fournit l'article ou la matière à partir desquels les marchandises sont fabriquées ou produites. Les transactions en cause ne sont pas des contrats visant la main-d'_uvre de sorte qu'ils n'entrent pas dans la portée d'application de la disposition susmentionnée sur la présomption de vente. Le paragraphe 50(2) s'applique à la présomption de vente dans le cas de livraison de l'« essence » ou de « combustible diesel », des produits qui ne sont manifestement pas en cause dans les présents appels. En outre, le paragraphe 52(3) s'applique dans le cas de marchandises qui sont louées, ou dont le droit d'utilisation est donné à une personne, par leur fabricant. Cependant, Transcontinental et Web Press se sont servies du film et des planches métalliques dans le cadre du procédé de fabrication, des circonstances qui, selon le Tribunal, n'entrent pas dans la portée de cette disposition sur la présomption de vente.

Le Tribunal est donc d'avis que l'appelante n'a vendu ni le film ni les planches métalliques à Transcontinental ou à Web Press au sens de l'article 68.2 de la Loi. De ce fait, le Tribunal est d'avis que l'appelante ne peut demander le remboursement à l'égard des transactions en cause aux termes de l'article 68.2.

À l'audience, l'appelante a prétendu être un petit fabricant et, par conséquent, avoir droit au remboursement aux termes de l'article 68.28 de la Loi. Cependant, le Tribunal est d'avis que l'appelante n'a pas pleinement expliqué ou fourni la preuve qui permettrait au Tribunal de déterminer si l'appelante a droit, ou non, à un remboursement en vertu des dispositions du même article. De fait, le Tribunal ne peut voir comment l'appelante pourrait être considérée comme un petit fabricant aux fins de l'article 68.28, comme le prescrit le Règlement exemptant certains petits fabricants ou producteurs de la taxe de consommation ou de vente 4 . Par conséquent, le Tribunal est d'avis que l'appelante n'a pas droit au remboursement aux termes de l'article 68.28.

Le Tribunal est d'avis que Supreme, Transcontinental et Web Press ont payé à l'intimé, par erreur, la taxe à l'égard de la vente du film et des planches métalliques, à la suite d'une interprétation erronée de la Loi. Dans Tom Baird, la Cour d'appel fédérale a précisé, par suite des transactions susmentionnées, que le paragraphe 4 de la partie XIII de l'annexe III de la Loi s'appliquait, et que les transactions visées étaient exemptes de la taxe. Le Tribunal fait observer que l'article 68 de la Loi s'applique clairement en des circonstances lorsque la taxe a été payée par erreur, soit à la suite d'une erreur de fait soit à la suite d'une erreur de droit. Le Tribunal est donc d'avis que l'article 68 s'applique aux circonstances de l'espèce.

Le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument de l'appelante selon lequel le libellé de l'article 68 de la Loi empêche un fabricant titulaire de licence d'invoquer ce même article pour obtenir un remboursement. Les mots « sauf à la suite d'une cotisation » compris dans l'article 68 ne renvoient pas à l'entité qui peut demander un remboursement aux termes du même article, mais précisent plutôt que ledit article n'a pas pour objet de prévoir un remboursement de sommes versées par erreur à la suite d'une cotisation. Le Tribunal est d'avis que les mots « sauf à la suite d'une cotisation » n'empêchent pas un fabricant titulaire de licence d'avoir droit à un remboursement aux termes de l'article 68.

Le Tribunal n'accepte pas non plus l'argument de l'appelante selon lequel il devrait être décidé des présents appels d'après la propriété de la « teneur en taxe » d'un produit, interprétée selon la Sale of Goods Act de la Colombie-Britannique. Dans les présents appels, le Tribunal doit examiner la question de savoir si l'appelante a droit, ou non, au remboursement de la taxe payée en vertu des dispositions de la Loi qui portent sur le remboursement. À cet égard, le Tribunal fait observer qu'il ressort clairement de la jurisprudence que les montants représentant la taxe, payés au moment de l'achat par l'utilisateur ultime des marchandises à la personne qui est tenue de l'acquitter, ne sont pas considérés comme des taxes imposées par la Loi ou en vertu de cette dernière.

Dans La Reine c. M. Geller Incorporated 5 , le vendeur de peaux de mouton apprêtées avait payé la taxe d'accise au sujet de laquelle il a été admis qu'elle n'était pas à payer en vertu de la loi, mais avait été empêché d'obtenir un remboursement en raison du délai prescrit de deux ans. L'acheteur des peaux de mouton apprêtées a également tenté d'obtenir le remboursement. Le juge Taschereau a déclaré :

La personne qui est tenue de payer la taxe est l'apprêteur, et la personne qui a droit au remboursement est l'apprêteur si la taxe a été payée par erreur de fait ou de droit. En l'espèce, la taxe a été payée par l'apprêteur Nu-Way et Nu-Way était la seule personne a avoir droit au remboursement. Il a été refusé par la Cour de l'Échiquier, à juste titre étant donné les dispositions du paragraphe 105(6).

L'intimé n'a pas droit au remboursement en vertu de la loi. M. Geller Inc. a, il est vrai, remboursé Nu-Way, mais ce paiement ne lui donne pas un droit d'action, non permis par la loi.

Les conventions faites entre Geller et Nu-Way n'ont aucun rapport avec l'appelante. Il s'agit d'une « res inter alios acta » qui ne peut avoir d'effet sur les droits de la Couronne6 .

[Traduction]

Dans Bande indienne de Saugeen c. Canada 7 , la Cour d'appel fédérale a examiné la question de savoir si le fait de faire supporter la taxe de vente fédérale à l'utilisateur ultime d'une denrée, à titre d'acheteur, est une question de contrat ou de droit. L'appelante a soutenu que la taxe, bien qu'elle ait été payée par le vendeur, est en réalité payée par l'utilisateur ultime d'une denrée à qui on fait supporter le fardeau de la taxe sous le régime de la loi. La Cour d'appel fédérale a appliqué la décision que la Cour suprême du Canada avait rendue dans Geller et a conclu  :

En conséquence, je suis d'avis de conclure [...] qu'on ne saurait dire que l'appelante est assujettie à une taxe sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise quand bien même on lui ferait indubitablement supporter le fardeau de la taxe, comme le montrent plusieurs des factures. Ce que l'appelante a payé n'était pas la taxe comme telle, mais le prix des denrées qui comprenait la taxe. Cela suffit, aux fins constitutionnelles, à faire de la taxe un impôt indirect. Mais cela ne suffit pas, aux fins fiscales, à établir que l'appelante est la véritable contribuable8 .

Dans Mackay Family c. MRN 9 , le Tribunal a examiné la question de savoir si l'appelante avait droit à un remboursement, aux termes de l'article 68 de la Loi, d'un montant égal à la portion du prix payé à son fournisseur représentant la taxe de vente sur l'équipement utilisé par l'appelante. Le Tribunal a déclaré :

Une des conditions régissant le remboursement prévu à l'article 68 de la Loi est qu'il doit avoir été tenu compte des montants pour lesquels le remboursement est demandé à titre de taxes en vertu de la Loi.

La jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans La Reine c. M. Geller Incorporated et par la Cour d'appel fédérale dans Price (Nfld.) Pulp and Paper Limited c. La Reine, et appliquée par le Tribunal dans la cause Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national, montre clairement que les sommes représentant la taxe de vente fédérale payées par l'acheteur de marchandises à la personne tenue d'acquitter cette taxe en vertu de la loi ne sont pas considérées comme des taxes en vertu de la Loi10 .

Les montants payés par l'appelante qui font partie du prix d'achat du film et des planches métalliques ne sont donc pas des montants payés aux fins de la Loi. Par conséquent, l'appelante n'a pas droit au remboursement de la taxe payée à l'égard de ces transactions aux termes de l'article 68 de la Loi.

Par conséquent, les appels sont rejetés.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [ci-après Loi].

2 . R.S.B.C. 1996, c. 410.

3 . (1997), 221 N.R. 201 (A-866-96) [ci-après Tom Baird].

4 . D.O.R.S./82-498.

5 . [1963] R.C.S. 629 [ci-après Geller].

6 . Ibid. à la p. 631.

7 . [1990] 1 C.F. 403.

8 . Ibid. à la p. 413.

9 . (30 octobre 1992), AP-91-155 (TCCE).

10 . Ibid. à la p. 2.


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Publication initiale : le 26 mars 2001