YAMAHA MOTEUR DU CANADA LTÉE

Décisions


YAMAHA MOTEUR DU CANADA LTÉE
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-99-105

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 6 décembre 2000

Appel no AP-99-105

EU ÉGARD À un appel entendu les 9 et 10 mai 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À 67 décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 10, 15, 16 et 26 novembre 1999 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

YAMAHA MOTEUR DU CANADA LTÉE Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET
DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant

Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de 67 décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 10, 15, 16 et 26 novembre 1999 concernant des marchandises importées entre le 15 janvier 1997 et le 28 janvier 1998.

Les marchandises en cause sont sept modèles de véhicule tous terrains (VTT) : GrizzlyMD 4RM, KodiakMD 4RM (deux plages), KodiakMD 4RM (plage unique), WolverineMD 4RM, Big Bear® S.E. 4RM (deux plages), Big Bear®4RM (plage unique) et Big Bear® 2RM. Les marchandises en cause sont aussi appelées VTT utilitaires. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si lesdits VTT sont correctement classés dans la sous-position no 8703.21 à titre d'autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans la sous-position no 8701.90 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause, des VTT utilitaires, exécutent une vaste gamme de fonctions pour une clientèle diverse. Certains acheteurs se servent de leurs VTT utilitaires surtout comme appareils de travail pour accomplir beaucoup de fonctions différentes, y compris pour pousser des objets ou pour tirer des pièces de machinerie. D'autres acheteurs de VTT utilitaires peuvent s'en servir surtout à des fins récréatives. Les éléments de preuve montrent que les VTT utilitaires, étant donné leurs caractéristiques et leur conception, sont éminemment adaptés à des fonctions utilitaires ou non utilitaires. En dépit de telles caractéristiques et de la manière dont elles sont conçues, le Tribunal n'est pas convaincu que les marchandises en cause sont « conçu[e]s essentiellement pour » tirer ou pousser et, donc, n'est pas convaincu que ce sont des tracteurs.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l'audience :

Les 9 et 10 mai 2000

Date de la décision :

Le 6 décembre 2000

   

Membres du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

 

Patricia M. Close, membre

 

Peter F. Thalheimer, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Gilles B. Legault

   

Greffiers :

Anne Turcotte

 

Gillian Burnett

   

Ont comparu :

Michael A. Kelen, pour l'appelante

 

Susanne Pereira, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de 67 décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 10, 15, 16 et 26 novembre 1999 concernant des marchandises importées entre le 15 janvier 1997 et le 28 janvier 1998.

Les marchandises en cause sont sept modèles de véhicule tous terrains (VTT) : GrizzlyMD 4RM, KodiakMD 4RM (deux plages), KodiakMD 4RM (plage unique), WolverineMD 4RM, Big Bear® S.E. 4RM (deux plages), Big Bear® 4RM (plage unique) et Big Bear® 2RM. Les marchandises en cause sont aussi appelées VTT utilitaires. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si lesdits VTT sont correctement classés dans la sous-position no 8703.21 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes, comme l'a soutenu l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans la sous-position no 8701.90 à titre d'autres tracteurs3 , comme l'a soutenu l'appelante.

PREUVE

M. Randy Clare, directeur général de Clare's Cycle & Sports Ltd., de Fenwick (Ontario), un distributeur agréé de Yamaha, a témoigné au nom de l'appelante. M. Clare a comparé les marchandises en cause avec les VTT récréatifs, comme les modèles BreezeMD, WarriorMD, BansheeMD et BlasterMD. Il a fait observer que les VTT utilitaires sont habituellement dotés d'une transmission par arbre par opposition à une transmission par chaîne, de pneus du type tracteur spécialement conçus par opposition à des pneus plus petits du type pneu à crampons, de quatre roues motrices, d'une capacité de remorquage annoncée, d'un dispositif d'attelage de remorque, d'une marche arrière et d'une suspension porteuse plus rigide que celle des VTT récréatifs. Il a aussi fait observer que les VTT utilitaires sont dotés d'accessoires (p. ex. des lames, des charrues, des dispositifs d'attelage à 3 points) qui sont vendus séparément des VTT.

Aux plans des prix et des caractéristiques du marché, M. Clare a expliqué que le prix de détail du GrizzlyMD 4RM, un VTT utilitaire et une des marchandises en cause, est d'environ 8 800 $, par rapport à 4 800 $ pour le BlasterMD, un VTT récréatif.

Selon M. Clare, le marché sur lequel il vend se compose à peu près à 50 p. 100 de particuliers, à 30 p. 100 d'acheteurs industriels et à 20 p. 100 d'exploitants agricoles. Bien que M. Clare ait ignoré le pourcentage de ses clients qui achètent des VTT utilitaires à des fins de travail ou à des fins récréatives, il a émis l'hypothèse que, étant donné leur prix reconnu, la majorité des particuliers qui achètent des VTT utilitaires ne les achètent pas uniquement à des fins de loisirs. Il a dit croire qu'environ 90 p. 100 de ses clients se servent de leurs VTT utilitaires pour accomplir certaines fonctions de traction et de poussée. Il n'a cependant pas pu être plus précis quant à la mesure selon laquelle les acheteurs de VTT utilitaires s'en servent pour pousser et pour tirer des charges. Selon son témoignage, ils peuvent s'en servir pour mettre une embarcation à l'eau, ou l'en sortir, pour transporter des marchandises depuis leur automobile jusqu'à leur chalet ou pour sortir du gibier (p. ex. un orignal ou un chevreuil) qu'ils auraient abattu en forêt.

M. Harry Pelissero, ancien président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, a aussi témoigné au nom de l'appelante. Il a présenté une vidéo réalisée à deux emplacements agricoles différents où des agriculteurs se servent des VTT utilitaires pour tirer une herse et une remorque à grain vide. Une voix hors champ explique comment le dispositif d'attelage de remorque à trois points transforme un véhicule récréatif en un outil capable de s'attaquer à n'importe quelle tâche. Il y est aussi dit que les pièces de machinerie peuvent facilement être enlevées du VTT, de sorte qu'il devient possible de s'en servir à d'autres fins, par exemple pour une randonnée de divertissement.

M. Kurt Lawton, rédacteur en chef du Farm Industry News, de Minneapolis (Minnesota), qui a aussi témoigné au nom de l'appelante, a indiqué qu'un sondage a révélé que presque 55 p. 100 des lecteurs de cette publication, soit environ 137 500 agriculteurs, possèdent un VTT ou plus. Cependant, l'enquête-sondage ne donne aucune indication sur l'utilisation spécifique qui est faite des VTT à la ferme, bien que M. Lawton ait affirmé que les agriculteurs achètent les VTT utilitaires en vue de l'exécution d'une vaste gamme de travaux, dont certains exigent de tirer ou de pousser une charge. Il a fait observer que, à l'été de 1998, la publication pour laquelle il travaille a procédé à des essais sur la puissance de traction et de poussée des VTT. Il a en outre affirmé que, dans le secteur agricole, un VTT est considéré comme un type de petit tracteur. Cependant, M. Lawton a aussi convenu que les agriculteurs se servent des VTT à des fins de simple déplacement, dans le cadre de tâches comme des tâches consistant à vérifier l'état des clôtures, des cultures ou du bétail, et pour transporter des charges sur les supports fixés aux VTT. Il a admis que les agriculteurs ne se serviraient pas de tracteurs pour de telles tâches parce que les tracteurs sont plus gros et beaucoup plus lents.

Au sujet d'un article paru dans le numéro de mai-juin 1997 de Farm Industry News, où il est écrit que les ventes de VTT en 1996 ont affiché une hausse de 67 p. 100 par rapport aux ventes de 1993, les agriculteurs et les éleveurs de bétail représentant 36 p. 100 de tous les utilisateurs, M. Lawton n'a pas pu préciser qui représentait les autres 64 p. 100. Au sujet d'un article paru dans une revue spécialisée intitulée ATV Magazine, où il est écrit que « le Grizzly peut donner beaucoup de plaisir à son passager à l'occasion d'activités de loisirs » [traduction], M. Lawton a fait observer que la revue susmentionnée a tendance à servir davantage un public lié au domaine des loisirs et n'est pas axée vers un public lié au secteur agricole.

M. Ron Hickman, directeur général de Cycle Country Accessories Corporation (Cycle Country), de Milford (Iowa), un fabricant d'accessoires de VTT, a aussi témoigné au nom de l'appelante, principalement au sujet des différents accessoires et différentes pièces de machinerie qui peuvent être montés sur un VTT. Il a indiqué qu'un VTT utilitaire peut accomplir des tâches plus ardues à cause de la manière dont il est construit. Cela dit, il a souligné qu'au moins un VTT récréatif, le WarriorMD, peut recevoir une lame et une trousse de treuil fabriquées pour ce véhicule, bien que ce VTT ne puisse accomplir certaines tâches (p. ex. pousser de la neige) aussi facilement que d'autres étant donné son plus grand rapport de démultiplication. Il a souligné que, pour des raisons de sécurité, les utilisateurs de VTT sont mis en garde contre l'utilisation des VTT à des vitesses dépassant 5 milles à l'heure lorsqu'ils se servent de pièces de machinerie comme une lame de déneigement.

M. Hickman a été interrogé au sujet du titre du dépliant publicitaire de Cycle Country, « Redéfinition du travail et du jeu - les accessoires de véhicules tous terrains les plus populaires au monde » [traduction]. Il a dit avoir participé à l'élaboration du slogan susmentionné dont l'objet est de montrer qu'il est possible d'avoir du plaisir tout en travaillant. Il a ajouté que, depuis toujours, les VTT sont considérés comme des véhicules destinés aux loisirs. Ils ont évolué et sont maintenant devenus des véhicules utiles à beaucoup d'autres fins.

M. Gary Cross, directeur, Recherche et Développement, Cycle Country, a témoigné au nom de l'appelante à titre de témoin expert en conception, fabrication et essai de pièces de machinerie conçues spécifiquement pour servir avec les marchandises en cause. Il a présenté des éléments de preuve au sujet de la capacité des VTT utilitaires à pousser ou à tirer efficacement ces pièces de machinerie. Il a parlé des caractéristiques de conception que doit avoir un VTT pour utiliser efficacement des pièces de machinerie et des accessoires. Il a affirmé qu'une marche arrière est nécessaire pour reculer après avoir labouré. Il a fait savoir que le couple d'un VTT utilitaire en première vitesse est plus élevé pour développer plus de puissance à basse vitesse. Selon M. Cross, si le transport était le seul objectif visé, il n'y aurait aucun besoin de disposer d'une vitesse ultra-basse puisque les premières vitesses du type dont sont dotés les VTT utilitaires ne sont pas nécessaires pour simplement monter une côte. Il a aussi souligné que la suspension d'un VTT utilitaire est très rigide et donnerait lieu à une conduite dure, tandis qu'un VTT récréatif, ou un VTT conçu surtout pour le transport, serait doté d'une suspension plus douce.

M. Cross a dit être d'avis que les deux éléments nécessaires pour qu'un VTT puisse efficacement tirer ou pousser des charges se rapportent aux pneus et à la traction à quatre roues motrices. Les pneus standard des VTT utilitaires sont des pneus à rainures en relief du type utilisé sur les tracteurs, tandis que les pneus des VTT récréatifs sont beaucoup plus larges et plus plats, avec de petites barrettes, presque lisses dans certains cas. Au sujet d'une observation contenue dans un article du Cycle Country, il a convenu qu'un véhicule sur lequel on peut monter un dispositif d'attelage à trois points peut aussi être utilisé à des fins de promenade récréative; il suffit d'enlever le dispositif d'attelage. Il a aussi indiqué qu'il n'est pas possible d'atteler une lame à l'arrière d'un VTT sans dispositif d'attelage à trois points. Au sujet des amortisseurs ajustables dont sont dotés certains des modèles inclus dans la publication traitant des VTT Yamaha, il a expliqué que des charges ou des passagers plus lourds pourraient exiger une suspension plus rigide et que c'est pour cela que les amortisseurs sont ajustables. Leur fonction élémentaire est de porter le conducteur, son poids et tout ce qu'il peut transporter.

Mme Pauline Hogan, spécialiste principale de la nomenclature internationale à l'Agence des douanes et du revenu du Canada4 , a témoigné que le Secrétariat du Comité du système harmonisé de l'Organisation mondiale des douanes (OMD) a recommandé que les marchandises en cause soient classées à titre de tracteurs. Elle a expliqué que le Secrétariat rédige des énoncés de position sous forme d'avis non exécutoires à l'intention du Comité du système harmonisé qui rend les décisions de classement de l'OMD. Elle a dit savoir que le Comité du système harmonisé avait demandé des renseignements complémentaires mais ne pas savoir exactement lesquels. Elle a en outre avancé qu'elle n'était pas au courant d'un cas où l'administration canadienne n'a pas repris une décision de classement rendue par l'OMD.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que les VTT en cause ne sont pas principalement conçus pour le transport de personnes. En vérité, le fabricant lui-même met en garde contre le transport de passagers à bord d'un VTT. L'appelante a soutenu que les VTT utilitaires sont conçus pour beaucoup plus que pour le simple transport d'une personne. Ils sont conçus et vendus pour pousser des charges et tirer des pièces de machinerie, comme le démontrent les dépliants publicitaires de l'appelante, qui consacrent presque 90 p. 100 du texte du dépliant de Yamaha de 1999 à la puissance de ces véhicules, c.-à-d. à la puissance de traction de chaque modèle utilitaire en cause.

Bien que le dépliant fasse aussi mention des loisirs, l'appelante a soutenu que les marchandises en cause ont été construites essentiellement pour tirer et pousser. Il est dit, par exemple, au sujet du KodiakMD 4RM (deux plages), dans la publicité de Yamaha, que ce dernier possède « de la puissance, de la puissance et encore de la puissance » [traduction], avec davantage de « force de traction que tout autre VTT » [traduction], et il est dit que la transmission du Big Bear® S.E. 4RM (deux plages) garantit la puissance qu'il faut pour toute application. En outre, les modèles récréatifs ne sont pas dotés de support de dispositif d'attelage, contrairement à la plupart des modèles utilitaires. Dans tous les cas, la puissance de traction des VTT utilitaires est un élément de la publicité, ce qui n'est pas le cas des VTT récréatifs. L'appelante a aussi soutenu qu'aucune des caractéristiques de la conception des VTT utilitaires n'est nécessaire uniquement pour le transport de personnes. De telles caractéristiques de conception comprennent de petits rapports de démultiplication, une transmission par arbre, les quatre roues motrices, un poids plus élevé favorisant une meilleure traction, une capacité de remorquage, un support de dispositif d'attelage, des roues plus grandes, une suspension pouvant supporter une plus lourde charge et des pneus à rainures en relief du type des pneus de tracteur. Par opposition, dans le cas des VTT récréatifs, la puissance, ou le couple, est transmise aux vitesses élevées, pour obtenir un véhicule plus rapide. Toute machine dotée d'une vitesse ultra-basse n'est pas conçue pour le transport des personnes. Enfin, l'appelante a ajouté que la plupart des VTT récréatifs n'ont pas de marche arrière, contrairement aux VTT utilitaires. La marche arrière est nécessaire pour reculer après avoir « nivelé » ou exécuté une tâche similaire. La marche arrière n'est pas nécessaire si le VTT n'est destiné à servir qu'à des fins de loisirs. En outre, le dispositif d'attelage à trois points transforme le VTT utilitaire en véritable tracteur agricole. Étant donné toutes les caractéristiques susmentionnées des VTT en cause, il est clair que ces véhicules ne sont pas correctement classés dans la position no 87.03.

Au sujet du mot « essentiel », dans l'expression « conçus essentiellement » qui se trouve dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 5 de la position no 87.01, l'appelante a invoqué le dictionnaire The Canadian Oxford Dictionary, qui définit « essential »6 (« essentiel ») comme « absolument nécessaire, indispensable [...] fondamental, élémentaire » [traduction]. Il est clair, selon l'appelante, que les VTT utilitaires sont construits d'une manière telle que les caractéristiques de conception liées à la capacité de poussée et de traction sont indispensables, fondamentales, élémentaires et absolument nécessaires. En outre, l'expression « conçus essentiellement » ne signifie pas que de telles caractéristiques de conception sont mutuellement exclusives d'autres caractéristiques, comme celle de pouvoir circuler sur un terrain accidenté. Les machines en cause sont des machines utilitaires dotées de plusieurs caractéristiques supplémentaires, ce qui explique leur prix reconnu élevé par rapport aux VTT récréatifs.

L'appelante a aussi soutenu que, en conformité avec l'article 10 de la Loi d'interprétation 7 , la règle de droit a vocation permanente. En l'espèce, les VTT traditionnels qui servaient à l'activité sportive et récréative ont évolué. Ils sont devenus plus gros, plus puissants et plus lourds et sont devenus un type de tracteur.

L'appelante a reconnu l'existence des deux avis de classement de 1999 de l'OMD qui ont classé deux modèles de VTT (y compris le modèle « Kodiak », une des marchandises en cause) dans la sous-position no 8703.21 à titre d'autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes. Cependant, l'appelante a soutenu que le classement a été fait à l'issue de délibérations des plus « non concluantes » et à l'encontre de la recommandation du Secrétariat de l'OMD. De plus, l'appelante a fait observer que le Tribunal n'est pas lié par les avis de classement de l'OMD. En l'espèce, l'appelante a soutenu que le Tribunal dispose de beaucoup plus de renseignements au sujet des VTT utilitaires que ce n'était le cas de l'OMD avant qu'elle rende ses conclusions. Cependant, si le Tribunal devait croire qu'il doit tenir dûment compte des avis de classement de l'OMD, l'appelante a soutenu que les marchandises doivent être classées selon l'état du droit au moment de leur importation. En l'espèce, les marchandises en cause ont été importées avant la publication, en 1999, des avis de classement susmentionnés et sont admissibles au classement à titre de tracteurs dans la sous-position no 8701.90.

L'appelante a en outre soutenu que la Loi sur la taxe de vente au détail de l'Ontario8 a reconnu que les VTT d'une cylindrée de 200 cc ou plus sont de l'équipement agricole. Ainsi, le gouvernement de l'Ontario reconnaît que les agriculteurs se servent de tels VTT à des fins agricoles. D'une façon similaire, l'appelante a soutenu que l'intention du Parlement lorsqu'il a prévu l'entrée en franchise des « tracteurs » était d'aider les exploitants agricoles et les personnes qui doivent se servir de ces véhicules pour pousser ou tirer une charge.

L'appelante a souligné que, dans des causes sur le classement tarifaire précédentes liées aux tracteurs de pelouse, le Tribunal a établi une distinction entre les tracteurs de pelouse qui sont principalement utilisés pour couper l'herbe et les tracteurs de jardin d'une puissance d'au moins 18 chevaux-vapeur pouvant utiliser des accessoires qui touchent le sol. Ces derniers ont été reconnus à titre de tracteurs à cause de leur capacité à pousser et à tirer efficacement. Les VTT en cause sont beaucoup plus efficaces, et « construits bien davantage » pour tirer et pour pousser, que les tracteurs de jardin qui sont classés à titre de tracteurs dans la position no 87.01. Par exemple, les tracteurs Kubota qui étaient visés dans Marubeni Canada c. S-MRN 9 sont très similaires aux VTT utilitaires visés dans la présente affaire en raison de leur taille. En outre, dans Honda Canada c. S-MRN 10 , le Tribunal a conclu que « les caractéristiques des marchandises en cause [...] sont très différentes de celles des machines commerciales qui ont fait l'objet de l'examen du Tribunal dans les affaires Marubeni et Ford New Holland en termes de taille, de poids, de puissance et de segment de marché sur lequel elles sont vendues »11 . Le Tribunal a ajouté que, «_d_e plus, la façon dont les accessoires sont montés sur les marchandises en cause et enlevés de celles-ci contraste vivement avec le dispositif commode d'attache frontal utilisé dans les tracteurs commerciaux »12 .

En conclusion, l'appelante a soutenu que, après avoir dûment examiné les éléments de preuve, le Tribunal devrait tirer les mêmes conclusions que le Secrétariat de l'OMD.

L'intimé a commencé sa réplique en faisant observer que le WolverineMD 4RM, une des marchandises en cause, ne transporte pas de passagers, mais transporte uniquement le conducteur, et que, par conséquent, le classement devrait être modifié et passer du numéro tarifaire 8703.21.10 au numéro tarifaire 8703.21.90, le numéro tarifaire dans lequel les VTT en cause ont été classés par l'intimé.

L'intimé a soutenu que, aux fins du classement, le moment pertinent pour déterminer le classement correct des marchandises en cause est le moment de leur importation. Selon les renseignements contenus dans la brochure de Yamaha, les VTT utilitaires ne sont pas importés avec des accessoires ou des équipements. À partir de ce principe de base, et à la lumière de l'affaire Thérèse Abranches c. S-MRN 13 , les marchandises doivent être classées d'après leur nature et non d'après leur utilisation particulière à la suite de l'importation.

L'intimé a invité le Tribunal à adopter l'interprétation de l'expression « conçus essentiellement pour » établie dans AYP (Canada) c. S-MRN 14 , et selon laquelle concevoir des marchandises essentiellement pour une fonction particulière signifie que ladite fonction représente « l'essence ou la nature » des marchandises. Dans le contexte de l'affaire susmentionnée, cela exigeait, à tout le moins, que, pour la fabrication des marchandises en cause, tirer ou pousser devait être la principale raison de la conception des VTT.

L'intimé a fait observer que tous les VTT, qu'ils soient des véhicules récréatifs ou des véhicules utilitaires, ont en commun les mêmes caractéristiques élémentaires de conception, en ce qu'elles ont des roues, un siège, un mécanisme de direction et un moteur, ces caractéristiques étant universelles et essentielles pour transporter des personnes. Aussi, bien qu'il y ait certaines différences entre les VTT récréatifs et les VTT utilitaires, le fait que ces derniers soient plus durables, plus robustes, plus gros et plus puissants n'en fait pas des tracteurs. Les mêmes caractéristiques sont nécessaires pour transporter des gens sur ces véhicules en terrain accidenté. Les caractéristiques des VTT utilitaires les rendent capables de fonctionner dans des conditions plus rigoureuses pour lesquelles certaines caractéristiques, comme des rapports de démultiplication réduits sont très utiles.

Selon l'intimé, l'appelante a présenté au Tribunal une représentation très biaisée de certaines fonctions que peut accomplir un VTT utilitaire. Tous les témoins, sauf Mme Hogan, sont liés d'une certaine façon à l'industrie agricole. Les éléments de preuve présentés au Tribunal reviennent à dire que, parce que ces VTT sont utilisés par certains consommateurs pour une certaine fonction, ils doivent être conçus essentiellement pour cette fonction. Cependant, il n'y a pas eu d'éléments de preuve produits pour montrer quel pourcentage de l'ensemble du marché l'industrie agricole représente. En outre, au sein de la collectivité agricole, le temps durant lequel les VTT en cause servent à pousser les charges ou à tirer des équipements demeure inconnu. L'intimé a soutenu qu'il existe de nombreuses tâches du domaine agricole qui peuvent être exécutées en se servant d'un VTT, sans pousser ou tirer une charge.

De plus, l'intimé a fait observer que l'appelante n'a pas produit d'éléments de preuve en provenance de Yamaha elle-même au sujet de la conception ou de la fabrication du véhicule. Les éléments de preuve présentés par l'appelante ont simplement montré que les VTT utilitaires peuvent accomplir une vaste gamme de fonctions, y compris pousser ou tirer. Il ressort aussi des éléments de preuve que certaines des caractéristiques des VTT utilitaires, par exemple les rapports de démultiplication et le couple, sont des caractéristiques utiles, même lorsque les VTT ne sont pas utilisés pour pousser ou pour tirer.

L'intimé a fait observer que, dans les deux documents d'information de Yamaha déposées par l'appelante, rien ne dit que les VTT utilitaires sont essentiellement conçus pour tirer ou pour pousser, bien que, dans certains cas, lesdits documents soulignent effectivement cette caractéristique. Quant à la publication qui traite des accessoires de Yamaha, parmi les nombreuses pages qu'elle contient, seules les deux premières traitent des pièces de machinerie qui pourraient être utilisées en rapport avec la fonction de tirer ou de pousser, à savoir, un treuil, une lame et une remorque. Ces pièces de machinerie sont toutes achetées séparément, à un coût supplémentaire, et ne sont pas fixées au véhicule au moment de son importation. On ne peut conclure, à partir des renseignements susmentionnés, que lesdites marchandises ont été conçues essentiellement pour pousser, tirer ou remorquer parce que ce n'est pas là la façon dont lesdites marchandises sont commercialisées. De plus, l'appelante n'a pas produit d'éléments de preuve venant des personnes responsables de la conception ou de la fabrication des marchandises en cause.

L'intimé a soutenu que toute capacité de traction ou de poussée est simplement accessoire ou secondaire par rapport à la fonction principale qui consiste à transporter des personnes. Même s'il était conclu que les marchandises en cause sont, effectivement, des véhicules utilitaires, rien dans les éléments de preuve ou dans les pièces mises à la disposition du Tribunal n'indique, selon l'intimé, que le terme utilitaire signifie nécessairement que tirer ou pousser constitue la principale fonction. Invoquant Steen Hansen Motorcycles c. S-MRN 15 , l'intimé a soutenu que l'efficacité de l'utilisation des pièces de machinerie n'est pas, en soi, déterminante de la question de savoir si les marchandises en cause sont, ou non, des tracteurs. En fait, l'intimé ne conteste pas que les VTT en cause peuvent être très efficaces pour pousser ou pour tirer quelque chose durant un certain temps et avec une certaine capacité maximale.

Dans un argument portant sur la distinction entre « essentiellement » et « principalement », l'intimé a soutenu que, lorsqu'elle dit que quelque chose est principalement conçu pour une certaine fin, une personne reconnaît qu'il peut exister d'autres utilisations secondaires. Cependant, si quelque chose est conçu essentiellement pour une certaine fin, cette fin représente son essence même. Il n'en faut pas tant pour qualifier des marchandises conçues principalement pour quelque chose. Puisque l'appelante n'a pas fourni au Tribunal des éléments de preuve et des renseignements suffisants au sujet de la conception ou de la fabrication, l'intimé a soutenu que l'appel doit être rejeté.

DÉCISION

La question que le Tribunal doit trancher consiste à savoir si les marchandises en cause, des VTT utilitaires, sont correctement classées dans la sous-position no 8703.21 à titre d'autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans la sous-position no 8701.90 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelante.

À l'appui de sa position, selon laquelle les marchandises en cause doivent être classées à titre de tracteurs, l'appelante a présenté en preuve des documents descriptifs du produit et convoqué des témoins qui ont traité de l'utilisation qui est faite desdites marchandises, surtout pour ce qui a trait au secteur agricole. Les renseignements démontrent que les VTT en cause peuvent exécuter diverses fonctions semblables à celles des tracteurs, étant donné leurs caractéristiques. À certains égards, les caractéristiques des VTT utilitaires, comme les dispositifs d'attelage de remorque, les pneus spéciaux pour véhicules à quatre roues motrices, la suspension rigide porteuse de charge et un couple élevé, sont compatibles avec un véhicule conçu pour pousser et tirer. Il ne fait pas de doute que beaucoup d'acheteurs de VTT considèrent ces caractéristiques comme très importantes lorsqu'ils prennent leur décision d'achat.

Les éléments de preuve produits par les témoins indiquent que, au sein de la collectivité agricole, les VTT utilitaires sont d'une valeur inestimable, notamment parce qu'ils peuvent pousser et tirer. Cependant, aucun élément de preuve n'a été produit pour indiquer la proportion du temps que consacrent les agriculteurs à des activités qui comportent l'action de pousser ou de tirer une charge. Aucun élément de preuve n'a été produit pour convaincre le Tribunal que les propriétaires de VTT utilitaires qui ne font pas partie de la collectivité agricole utilisent les marchandises en cause essentiellement pour pousser ou pour tirer. Tout au plus, les éléments de preuve indiquent que les VTT utilitaires peuvent servir à une gamme diverse d'actions liées au travail.

En outre, aucun élément de preuve en provenance des concepteurs, chez les fabricants, n'a été produit pour indiquer que les marchandises en cause ont été conçues essentiellement pour pousser ou tirer. Les documents de promotion de l'appelante sont tout ce qui a été mis à la disposition du Tribunal pour indiquer quelles caractéristiques les fabricants veulent mettre en évidence à l'intention des clients potentiels. Dans une certaine mesure, ces documents montrent les caractéristiques de poussée et de traction ainsi que les pièces de machinerie nécessaires pour accomplir de telles fonctions. Ces documents montrent aussi que les marchandises en cause sont utilisées à titre de véhicules automobiles pour transporter les conducteurs.

Pour que son appel soit accueilli, l'appelante doit démontrer que pousser ou tirer représente l'essence des VTT en cause16 . Bien que les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause sont capables d'accomplir de telles fonctions, le Tribunal n'est pas convaincu que lesdites fonctions constituent leur « essence » ou leur « raison d'être ». Le Tribunal fait observer les éléments de preuve des témoins et les pièces documentaires soumises par l'appelante où, pour des raisons de sécurité, les conducteurs sont mis en garde contre des vitesses supérieures à 5 milles à l'heure lorsqu'ils poussent (p. ex. lorsque le VTT est utilisé pour le déneigement) ou tirent des pièces de machinerie. Pourtant, certaines des marchandises en cause sont capables de vitesses, dans certains cas, pouvant atteindre de 60 à 70 milles à l'heure. Tout en reconnaissant que de telles vitesses maximales ne sont pas souvent atteintes, le fait même qu'il soit possible de les atteindre porte à croire que les ingénieurs concepteurs avaient d'autres fonctions à l'esprit que celle de pousser et de tirer lorsqu'ils ont conçu les plans des VTT en cause et qu'ils les ont construits.

Les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause exécutent une vaste gamme de fonctions pour une clientèle diverse. Certains VTT utilitaires peuvent, à n'en pas douter, être achetés principalement comme appareil de travail d'un particulier ou d'une entreprise pour pousser ou tirer. D'autre part, certains VTT utilitaires peuvent être achetés par des particuliers surtout à des fins récréatives, comme la chasse et la randonnée. Ces acheteurs peuvent s'intéresser aux VTT utilitaires à prix plus élevé simplement parce que ces derniers sont plus robustes et plus fiables, certes des caractéristiques importantes lorsque le VTT sert dans l'arrière-pays. Cela dit, même ceux qui achètent des VTT utilitaires surtout à des fins de loisirs peuvent, de temps à autre, s'en servir pour pousser des charges (p. ex. de la neige) ou pour tirer quelque chose (p. ex. du bois coupé). Autrement dit, il ressort des éléments de preuve que les marchandises en cause ont beaucoup d'utilisations différentes, dont certaines n'ont rien à voir avec pousser ou tirer, et dont certaines se rapportent à une telle fonction. Le Tribunal est d'avis que l'appelante n'a pas réussi à démontrer que les marchandises en cause sont « conçues essentiellement pour » pousser ou tirer et qu'elles sont des tracteurs.

Le Tribunal tient à ce que les parties ne soient pas sous l'impression qu'il est arrivé à sa décision en interprétant l'expression « conçus essentiellement pour » comme signifiant que, pour qu'un véhicule soit classé dans la position correspondante, pousser ou tirer sont les seules fonctions qu'il doit exécuter. Selon les Notes de Chapitre du Chapitre 87, un tracteur peut accomplir d'autres fonctions accessoires, par exemple le transport d'outils, de semences, d'engrais, etc. Cependant, il est manifeste que le seuil associé à l'expression « conçus essentiellement pour » est plus rigoureux que le seuil associé à l'expression « principalement conçu pour », cette dernière expression permettant une plus vaste gamme de fonctions.

En ce qui concerne les avis de classement de l'OMD publiés en 1999, le Tribunal fait observer qu'ils ont été publiés après l'importation des marchandises en cause. Bien qu'il accepte qu'il doive interpréter la règle de droit telle qu'elle prévaut au moment de l'importation, le Tribunal n'ignorera pas, cependant, les avis de classement pertinents publiés après la date de l'importation. Bien que ses conclusions en l'espèce soient compatibles avec les décisions de l'OMD en cause, le Tribunal ne s'est pas appuyé sur elles.

À l'étude des éléments de preuve, le Tribunal n'est pas convaincu que les marchandises en cause sont « conçu[e]s essentiellement pour » pousser ou tirer et, donc, n'est pas convaincu que ce sont des tracteurs. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . Les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 87.01 prévoient, notamment, ce qui suit : « On entend par tracteurs, au sens de la présente position, les véhicules moteurs à roues ou à chenilles conçus essentiellement pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges. Ils peuvent cependant comporter un plateau accessoire ou un dispositif analogue, permettant le transport, en corrélation avec leur usage principal, d'outils, de semences, d'engrais, etc., ou également des aménagements accessoires pour recevoir des organes de travail ».

4 . Le 1er novembre 1999, le ministère du Revenu national est devenu l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

5 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996.

6 . 1998, s.v. « essential ».

7 . L.R.C. 1985, c. I-21.

8 . L.R.O. 1990, c. R.31.

9 . (14 décembre 1994), AP-93-311 (TCCE).

10 . (11 janvier 1999), AP-97-111 (TCCE).

11 . Ibid. à la p. 9.

12 . Ibid.

13 . (14 juin 1999), AP-98-056 (TCCE).

14 . (5 novembre 1999), AP-97-063 (TCCE).

15 . (12 mai 1997), AP-95-065 (TCCE).

16 . Supra note 14.


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Publication initiale : le 26 janvier 2001