CAST TERMINALS INC. ET TERMINUS RACINE (MONTRÉAL) LTÉE

Décisions


CAST TERMINALS INC. ET TERMINUS RACINE (MONTRÉAL) LTÉE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-98-093 et AP-98-094

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 22 juin 2000

Appels nos AP-98-093 et AP-98-094

EU ÉGARD À des appels entendus le 27 janvier 2000 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le ministre du Revenu national le 13 novembre 1998 concernant des avis d'opposition signifiés aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CAST TERMINALS INC. ET
TERMINUS RACINE (MONTRÉAL) LTÉE Appelantes

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

Les appels sont admis.


Arthur B. Trudeau

Arthur B. Trudeau
Membre présidant

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de déterminations rendues par le ministre du Revenu national qui ont eu pour effet de rejeter des demandes de remboursement de la taxe d'accise payée sur du combustible diesel utilisé dans la production d'électricité pour alimenter des LeTro-porters. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si l'intimé a correctement imposé la taxe d'accise sur du combustible diesel utilisé dans la production d'électricité pour alimenter les LeTro-porters. Plus particulièrement, le Tribunal doit déterminer si les LeTro-porters sont des « véhicules » au sens attribué à ce mot dans l'alinéa 23(8)c) de la Loi sur la taxe d'accise et si le combustible diesel devant servir à la production d'électricité est principalement utilisé pour faire fonctionner lesdits véhicules.

DÉCISION : Les appels sont admis. Les éléments de preuve produits dans le cadre des présents appels amènent clairement à conclure que les LeTro-porters sont de l'équipement de manutention de matières et non des « véhicules » au sens qui doit être attribué à ce mot dans la Loi sur la taxe d'accise. Le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause servent essentiellement à la manutention de conteneurs dans des terminaux et non au transport. Le Tribunal est d'avis que la fonction de transport des LeTro-porters est une fonction accessoire par rapport à leurs fonctions principales, qui sont de lever, de descendre, de déplacer et de placer des conteneurs. Par conséquent, le Tribunal conclut que le combustible diesel utilisé dans la production d'électricité devant servir dans les LeTro-porters est admissible à l'exemption de la taxe d'accise aux termes de l'alinéa 23(8)c).

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 27 janvier 2000

Date de la décision :

Le 22 juin 2000

   

Membres du Tribunal :

Arthur B. Trudeau, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Michael Kaylor, pour les appelantes

 

Claude Morissette, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard de déterminations rendues par le ministre du Revenu national qui ont eu pour effet de rejeter des demandes de remboursement de la taxe d'accise payée sur du combustible diesel utilisé dans la production d'électricité pour alimenter des LeTro-porters.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si l'intimé a correctement imposé la taxe d'accise sur du combustible diesel utilisé dans la production d'électricité pour alimenter les LeTro-porters. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si les LeTro-porters sont des « véhicules » au sens attribué à ce mot dans l'alinéa 23(8)c) de la Loi et si le combustible diesel devant servir à la production d'électricité est principalement utilisé pour faire fonctionner lesdits véhicules.

Aux fins des présents appels, les dispositions pertinentes de la Loi prévoient ce qui suit :

23.(1) Lorsque les marchandises énumérées aux annexes I et II sont importées au Canada, ou sont de fabrication ou de provenance canadienne et livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur ces marchandises, suivant le taux figurant en regard de l'article concerné de l'annexe pertinente, calculé, lorsqu'il est spécifié qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas.
(8) La taxe imposée au paragraphe (1) ou par l'article 26 ou 27 n'est pas exigible :
c) dans le cas de combustible diesel devant servir à la production d'électricité, sauf lorsque l'électricité ainsi produite est principalement utilisée pour faire fonctionner un véhicule.

PREUVE

M. Michael Fratianni, Contrôleur chez Terminaux Montréal Gateway, la société de portefeuille propriétaire des appelantes, et M. Bernard-André Genest ont présenté des éléments de preuve au nom des appelantes. M. Fratianni a soumis au Tribunal une vidéo qui montre et décrit les fonctions des LeTro-porters. M. Fratianni a déclaré que l'activité commerciale de base de la société est le chargement et le déchargement de navires porte-conteneurs qui arrivent au port de Montréal, au nom de sociétés de transport international. Il a témoigné que les LeTro-porters servent au levage et à la manutention des conteneurs dans les terminaux portuaires et, à ce titre, sont de l'équipement de manutention de conteneurs. Il a déclaré que, essentiellement, les LeTro-porters, lèvent des conteneurs qu'ils prennent soit dans des piles de conteneurs, pour les placer sur le plateau d'une remorque, soit dans une section d'une pile de conteneurs, pour les placer sur une section plus haute d'une autre pile, par opposition à du transport horizontal. Il a ajouté que les LeTro-porters utilisent des palonniers télescopiques pour saisir les conteneurs, les palonniers étant une partie intégrante des marchandises en cause. Le palonnier peut s'ajuster en fonction du conteneur manutentionné. M. Fratianni a témoigné que les LeTro-porters ne sont pas destinés à se déplacer sur de longues distances parce que le poids du conteneur exerce une forte contrainte sur la flèche et, aussi, parce que le conteneur suspendu au palonnier empêche le conducteur de bien voir.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Fratianni a déclaré que les LeTro-porters sont appelés des appareils et non des camions. Il a ajouté que les LeTro-porters ne sont pas conçus, de par leur construction, pour se déplacer sur une distance plus longue que celle entre le plateau de la remorque et la pile de conteneurs, dans le terminal. Il a ajouté que, pour des raisons de sécurité, les LeTro-porters ne sont pas conçus pour se déplacer dans le terminal avec leur charge en l'air, puisque le conteneur pourrait se déplacer latéralement, ce qui serait très dangereux et non sécuritaire.

Le Tribunal a reconnu à M. Genest le titre d'expert dans le domaine du transport. Ce dernier a témoigné que la principale source d'alimentation d'un LeTro-porter est son moteur diesel qui sert à produire de l'électricité. Ce moteur ne contribue directement ni à lever les conteneurs ni à déplacer le LeTro-porter. M. Genest a aussi témoigné qu'un LeTro-porter est doté de moteurs électriques distincts pour le levage des conteneurs, la commande du palonnier, le déplacement et la direction. Il a expliqué que le LeTro-porter exécute quatre types de tâches, à savoir lever et descendre des conteneurs, commander le palonnier, se déplacer vers l'avant et vers l'arrière et diriger l'appareil. Il a souligné que l'objet de son rapport était de tenter d'évaluer la proportion de combustible utilisé par les LeTro-porters pour la manutention des conteneurs, par opposition à celle qui sert au déplacement de l'appareil. D'après son évaluation, le levage des conteneurs représente au moins 58 p. 100 du travail effectué par les LeTro-porters.

M. James C. Patry a présenté des éléments de preuve au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. Party le titre d'expert dans le domaine du transport. En réponse au rapport d'expert de M. Genest, M. Patry a soumis au Tribunal ses propres conclusions fondées sur les mêmes données des temps et des mouvements, les mêmes spécifications techniques et les mêmes données brutes que celles dont M. Genest s'est servi pour préparer son rapport, avec quelques modifications. En ajustant certains des chiffres, M. Patry a évalué que le levage et la descente des conteneurs représentent au moins 48 p. 100 du travail effectué par les LeTro-porters.

PLAIDOIRIE

Les appelantes ont soutenu que les LeTro-porters ne sont pas des véhicules et, si le Tribunal devait conclure que les marchandises en cause entrent dans la portée du mot « véhicule », que le combustible diesel utilisé pour la production d'électricité n'est pas principalement utilisé pour faire fonctionner les marchandises en cause.

Les appelantes ont soutenu que les LeTro-porters ne sont pas des véhicules. Elles ont soutenu que, puique le mot « véhicule » n'est pas défini dans la Loi, on doit lui attribuer son sens ordinaire. Selon plusieurs dictionnaires, un véhicule est quelque chose dont l'objet premier est d'être utilisé pour le transport de personnes ou de choses. Les appelantes ont en outre soutenu que, bien que les LeTro-porters transportent des conteneurs, ce n'est pas là leur objet principal. À leur avis, les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause se déplacent sur de très courtes distances à l'intérieur des limites du terminal portuaire et ne sont, de ce fait, rien de plus que de l'équipement de manutention de matières. Selon les appelantes, ce sont les véhicules à plateaux qui sont vraiment les véhicules qui transportent les conteneurs.

Les appelantes ont en outre soutenu que les LeTro-porters ne sont pas conçus pour transporter les conteneurs sur de longues distances. Les éléments de preuve ont montré que, lorsqu'ils transportent un conteneur, les LeTro-porters n'offrent à leur conducteur qu'une visibilité très mauvaise, puisque le conteneur est levé devant le conducteur et l'empêche de bien voir. Les appelantes ont soutenu que l'objet principal des LeTro-porters est de lever un conteneur et de le placer à quelques pieds de son endroit initial. Bien que les appelantes aient reconnu que les LeTro-porters effectuent une quantité minime de transport, elles ont soutenu que la fonction de transport est une fonction accessoire à l'objet principal de ces derniers, qui est la manutention de matières.

À l'appui de leur argument selon lequel l'objet prévu d'un « véhicule », au sens de la Loi, est le transport des personnes ou des marchandises, les appelantes ont invoqué la décision rendue par la Cour fédérale du Canada dans Seaspan International c. Canada 2 . Ils ont aussi invoqué la décision rendue par la Cour fédérale du Canada dans Westar Mining c. Sa Majesté la Reine 3 , où la Cour fédérale du Canada, invoquant une décision de la Cour suprême du Canada4 , a conclu qu'un « véhicule » doit être un moyen de transport pourvu de roues et utilisé pour le transport de personnes ou de marchandises. Les appelantes ont soutenu que, dans les présents appels, les LeTro-porters ne sont pas un moyen de transport, même s'ils peuvent déplacer les conteneurs sur une courte distance. Finalement, elles ont invoqué la décision rendue dans Sugar City Municipal District c. Bennett and White 5 , selon laquelle la Cour suprême du Canada a conclu que si l'objet principal d'une unité autopropulsée est quelque chose d'autre que le transport de personnes ou de marchandises, par exemple le remorquage, ladite unité ne répond pas au sens ordinaire du mot véhicule.

Les appelantes ont en outre soutenu que, si le Tribunal devait conclure que les LeTro-porters sont des véhicules, les éléments de preuve montrent clairement que l'électricité produite par le combustible diesel n'est pas principalement utilisée pour faire fonctionner les LeTro-porters. En premier lieu, les appelantes ont soutenu que le combustible diesel est principalement utilisé pour charger et décharger les conteneurs et non pour les transporter. Elles ont soutenu que la volonté du législateur6 lorsqu'il a adopté les disposition d'exemption en question était d'imposer une taxe sur le combustible diesel utilisé dans la production d'électricité lorsque l'électricité ainsi produite est utilisée pour le transport et non pour la manutention de matières ni pour des fins commerciales et industrielles. Elles ont en outre soutenu que l'expression « faire fonctionner » qui se trouve dans la disposition d'exemption a été interprétée comme s'entendant de la propulsion ou d'un mouvement vers l'avant ou vers l'arrière, c.-à-d. le transport7 . Les appelantes ont invoqué la décision que le Tribunal a rendue dans Via Rail Canada c. MRN 8 , et selon laquelle la partie du combustible diesel servant à produire de l'électricité qui sert à chauffer, à éclairer et à donner une alimentation électrique aux voitures pour passagers est exempte de la taxe d'accise parce que ces fonctions ne font pas partie du transport. Les appelantes ont soutenu que, dans les présents appels, l'électricité produite par le combustible diesel sert principalement à des fonctions autres que le transport des conteneurs par les marchandises en cause et, de ce fait, que tout le combustible diesel ainsi consommé doit être exempt de la taxe d'accise.

Les appelantes ont aussi soutenu que la deuxième condition qui régit la disposition d'exemption est que l'électricité doit principalement être utilisée à une autre fin que le transport. Elles ont soutenu que le mot « principalement » a été interprété dans la jurisprudence comme s'entendant d'une proportion supérieure à 50 p. 100 de l'utilisation totale des biens9 . Les appelantes ont invoqué les éléments de preuve d'experts qu'elles ont présentés et qui montrent que plus de 50 p. 100 de l'électricité produite est utilisée pour le levage et la descente, la direction de l'appareil et l'utilisation du palonnier, par opposition au déplacement vers l'avant et vers l'arrière des LeTro-porters.

L'intimé a soutenu que les dispositions d'exemption doivent faire l'objet d'une interprétation stricte et que la demanderesse doit démontrer que tous les éléments sont satisfaits pour bénéficier de ladite exemption. En premier lieu, il a soutenu que les LeTro-porters sont des véhicules. Il a soutenu que le mot « véhicule », défini dans différents dictionnaires a une vaste portée et englobe différents types de marchandises qui servent de moyens de transport des personnes et des marchandises. Il a soutenu que cette connotation comprend un réceptacle dans lequel on met une chose pour la déplacer. Il a invoqué la décision rendue dans Seaspan, une cause à l'issue de laquelle il a été conclu que les remorqueurs et les transbordeurs devaient être considérés comme étant des « véhicules » et qu'une telle interprétation était conforme à la teneur générale de la Loi et à la volonté du législateur qui l'a adoptée. L'intimé a soutenu que les LeTro-porters déplacent et transportent des conteneurs sur une courte ou sur une longue distance à partir de camions vers un lieu précis du port ou vice versa et, de ce fait, sont des véhicules. Il a invoqué la décision rendue dans Westar, où il a été conclu que des transporteurs de minerais utilisés dans les limites d'une aire minière pour transporter le minerai d'un point à un autre étaient des véhicules au sens des dispositions pertinentes de la Loi.

L'intimé a soutenu qu'il ne faut pas séparer les diverses fonctions des LeTro-porters et que chaque fonction est essentielle à l'utilisation des marchandises en cause. Il a soutenu que les fonctions de levage et de déplacement forment un ensemble et ne peuvent être séparées. Il a soutenu que les LeTro-porters sont utilisés dans les limites d'une aire restreinte à titre d'intermédiaires dans un grand système de transport. Il a fait une distinction entre la décision du Tribunal dans Via Rail et les appels en l'espèce et a soutenu que, dans Via Rail, les services hôteliers, à savoir, l'éclairage, le chauffage et l'électricité, pouvaient facilement être isolés des autres fonctions du train, par opposition aux fonctions de levage et de déplacement des LeTro-porters. Il a donc été conclu que le combustible diesel utilisé pour produire l'électricité requise pour ces services était exempt de la taxe.

L'intimé a soutenu que l'expression « fonctionnement » d'un véhicule a un sens large et englobe le fonctionnement global et la conduite du véhicule. Bien que cette expression comprenne la notion de mouvement, elle inclut aussi des activités comme la marche des moteurs et des génératrices qui produisent l'électricité pour chauffer, refroidir ou éclairer les véhicules. Il a invoqué la décision 7120/3410 et le communiqué de l'Accise 191/TI11 qui offrent une description détaillée de l'interprétation du mot « véhicule » et de l'expression « fonctionnement d'un véhicule ».

Abordant le sens du mot « principalement », l'intimé a convenu que ce mot représente une quantité qui dépasse sensiblement 50 p. 100, mais il a soutenu que ce mot peut également s'entendre de « premier en importance »12 . Il a soutenu que, relativement aux marchandises en cause, le combustible diesel utilisé pour produire l'électricité est principalement utilisé pour le fonctionnement des LeTro-porters, ce qui comprend le chargement et le déchargement des conteneurs.

DÉCISION

L'alinéa 23(8)c) de la Loi prévoit que la taxe d'accise imposée au paragraphe 23(1) n'est pas exigible dans le cas de combustible diesel devant servir à la production d'électricité, sauf lorsque l'électricité ainsi produite est principalement utilisée pour faire fonctionner un véhicule.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause, les LeTro-porters, sont des « véhicules » au sens attribué à ce mot dans la Loi. S'il n'était pas conclu que les produits des appelantes sont des « véhicules » dans un tel contexte, le combustible diesel qui sert dans les LeTro-porters à la production d'électricité serait exempt de la taxe. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer, en premier lieu, le sens du mot « véhicule », à l'alinéa susmentionné et, en deuxième lieu, si les marchandises en cause, les LeTro-porters, entrent dans la portée de ce sens. Enfin, s'il est conclu que les LeTro-porters sont des « véhicules », le Tribunal doit déterminer si l'électricité produite par le combustible diesel est principalement utilisée pour faire fonctionner un véhicule.

Le mot « véhicule » n'est pas défini dans la Loi. Comme le Tribunal l'a reconnu dans des décisions antérieures, le Tribunal examinera donc le sens ordinaire du mot tel que le donnent les dictionnaires traditionnels. Le Tribunal a examiné la définition du mot « vehicle » (véhicule) qui se trouve dans le dictionnaire The New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles,et qui prévoit que le mot véhicule s'entend d'un « moyen de transport, habituellement muni de roues, pour le transport de personnes, de marchandises, etc.; une automobile, une charrette, un camion, un chariot, un traîneau, etc. [...] Tout moyen de transport; un réceptacle dans lequel on met une chose pour la déplacer » [traduction]. En outre, pour donner son sens au mot « véhicule » dans le contexte des faits des présents appels, le Tribunal s'appuie sur la décision rendue dans Westar, une affaire à l'issue de laquelle la Cour fédérale du Canada a conclu, invoquant une décision de la Cour suprême du Canada13 , qu'un « véhicule » doit être un moyen de transport pourvu de roues et utilisé pour le transport de personnes ou de marchandises.

Le Tribunal est d'avis que les éléments essentiels qui décrivent un « véhicule » sont qu'il s'agit d'un réceptacle pourvu de roues utilisé comme moyen de transport pour transporter des personnes ou des marchandises. Il reste maintenant à déterminer si les marchandises en cause entrent dans la portée d'une telle description.

Selon les éléments de preuve dont dispose le Tribunal, la manutention des conteneurs est l'objet principal des LeTro-porters. Leurs fonctions consistent à saisir un conteneur avec un palonnier, à lever ou descendre le conteneur à partir d'un camion-plateau ou d'une pile de conteneurs, puis à déplacer le conteneur sur une courte distance jusqu'à l'endroit où il doit être entreposé ou jusqu'à un autre plateau en vue d'un déplacement ultérieur. Le LeTro-porter lève, descend et penche les conteneurs au moyen de son palonnier télescopique. La capacité de transport d'un LeTro-porter est limitée aux conteneurs de 20 à 40 pi et sa capacité de levage atteint une hauteur équivalente à trois conteneurs. Le LeTro-porter n'a pas de réceptacle dans lequel des conteneurs peuvent êtres mis pour être déplacés, ni n'est lui-même un réceptacle dans lequel des conteneurs peuvent être transportés. Les conteneurs sont levés et transportés au moyen du palonnier.

Le Tribunal fait observer que les LeTro-porters ne sont pas conçus pour déplacer des conteneurs sur une distance importante, puisqu'ils peuvent facilement basculer vers l'avant ou être gravement endommagés lorsqu'ils fonctionnent sur des surfaces qui ne sont pas planes. Le Tribunal reconnaît aussi que la visibilité qu'offre un LeTro-porter à son conducteur est, de par la conception même du LeTro-porter, entravée lorsque ce dernier porte un conteneur puisque ce conteneur est directement dans le champ de vision du conducteur.

Le Tribunal accueille les éléments de preuve selon lesquels les LeTro-porters servent au levage et à la manutention des conteneurs dans le terminal et, de ce fait, qu'ils sont de l'équipement de manutention de conteneurs. Le Tribunal convient que les marchandises en cause sont essentiellement utilisées pour la manutention des conteneurs dans les terminaux et non pour le transport. Le Tribunal est en outre d'accord sur le fait que la fonction de transport des LeTro-porters est une fonction accessoire à leurs fonctions principales qui consistent à lever, à descendre, à déplacer et à placer des conteneurs, soit d'une pile vers un plateau de remorque ou d'une section d'une pile vers une section plus élevée d'une autre pile. Bien que les éléments de preuve montrent clairement que les LeTro-porters effectuent une faible quantité de transport, ledit transport est accessoire par rapport à l'objet principal des LeTro-porters, qui est la manutention de matières.

Finalement, le Tribunal reconnaît le témoignage des deux experts, qui aide le Tribunal à déterminer si les LeTro-porters doivent être considérés comme étant des « véhicules ». Le Tribunal est d'avis qu'il est évident, d'après les éléments de preuve des experts qui se rapportent au calcul du pourcentage de combustible utilisé par les LeTro-porters pour exécuter chacune de leurs fonctions, que le levage, la descente et le placement des conteneurs sont les caractéristiques clés des LeTro-porters.

Les éléments de preuve convainquent le Tribunal que les LeTro-porters ne sont pas des « véhicules » au sens de la Loi. Étant donné ce qui précède, le Tribunal n'a pas à déterminer si l'électricité produite par le combustible diesel est principalement utilisée pour faire fonctionner les LeTro-porters.

Le Tribunal conclut, à la lumière de son examen des éléments de preuve, des définitions des dictionnaires et de la jurisprudence, que les LeTro-porters sont de l'équipement de manutention de matières. Par conséquent, le Tribunal conclut que le combustible diesel utilisé pour la production d'électricité devant servir dans les LeTro-porters est admissible à l'exemption de la taxe d'accise aux termes de l'alinéa 23(8)c) de la Loi.

Par conséquent, les appels sont admis.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [ci-après Loi].

2 . [1994] 1 C.F. 524 (1re inst.) [ci-après Seaspan].

3 . (26 septembre 1990) 3 T.C.T. 5325 (1re inst.), confirmée (6 juin 1991) 4 T.C.T. 6197 (CA) [ci-après Westar].

4 . Farr c. The Township of Moore, [1978] 2 R.C.S. 504.

5 . [1950] R.C.S. 450.

6 . Débats de la Chambre des communes, le 23 juin 1966 à la p. 6805.

7 . Supra note 3.

8 . (28 septembre 1993), AP-91-190 à AP-91-200 [ci-après Via Rail].

9 . Mid-West Feed c. MRN, 87 D.T.C. 395; Brown (C.G.) c. Canada, [1995] G.S.T.C. 38.

10 . Ministère du Revenu national, le 25 mai 1989.

11 . Ministère du Revenu national, Combustible diesel ou mazout utilisé pour produire de l'électricité dans les véhicules, décembre 1989.

12 . Glaxo Wellcome c. R., [1996] 1 C.T.C. 2904.

13 . Supra note 4.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 27 juin 2000