PHOSYN PLC

Décisions


PHOSYN PLC
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-99-010

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 13 avril 2000

Appel n o AP-99-010

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 novembre 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 20 janvier et 7 avril 1999 concernant des demandes de réexamen aux termes des articles 63 et 60, respectivement, de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PHOSYN PLC Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.


Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Zdenek Kvarda ______ Zdenek Kvarda Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (maintenant le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) les 20 janvier et 7 avril 1999. Les marchandises en cause sont des engrais riches en oligo-éléments qui sont destinés à l'industrie agricole et commercialisés sous les marques de commerce Mancozin, Coptrel 500, Mantrac 500, Zintrac 700 et Bortrac 150. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3824.90.90 à titre d'autres préparations chimiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3105.10.00 à titre d'engrais présentés en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg et dans le numéro tarifaire 3105.90.00 à titre d'autres engrais, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal doit classer les marchandises en cause conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et doit déterminer leur classement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont des engrais, au sens donné à ce terme dans la position no 31.05. Par application de la Note 6 du Chapitre 31, le Tribunal est également d'avis que, à la lumière des éléments de preuve, les marchandises en cause sont utilisées comme engrais et qu'elles contiennent, en tant que constituant essentiel, un élément fertilisant, l'azote, sous forme d'urée ou d'éthanolamine. Le Tribunal conclut donc que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 3105.10.00 à titre d'engrais présentés en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg et dans le numéro tarifaire 3105.90.00 à titre d'autres engrais.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 23 novembre 1999 Date de la décision : Le 13 avril 2000
Membres du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant Raynald Guay, membre Zdenek Kvarda, membre
Avocat pour le Tribunal : Marie-France Dagenais
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Gregory O. Somers et Benjamin P. Bedard, pour l'appelante Michael Roach, pour l'intimé





MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (maintenant le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada) les 20 janvier et 7 avril 1999 aux termes des articles 63 et 60, respectivement, de la Loi. Les marchandises en cause sont des engrais riches en oligo-éléments qui sont destinés à l'industrie agricole et commercialisés sous les marques de commerce Mancozin, Coptrel 500, Mantrac 500, Zintrac 700 et Bortrac 150. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3824.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres préparations chimiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3105.10.00 à titre d'engrais présentés en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg et dans le numéro tarifaire 3105.90.00 à titre d'autres engrais, comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire pertinente à la question en litige dans le présent appel prévoit ce qui suit :

31.05 Engrais minéraux ou chimiques contenant deux ou trois des éléments fertilisants : azote, phosphore et potassium; autres engrais; produits du présent Chapitre présentés soit en tablettes ou formes similaires, soit en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg.

3105.10.00 -Produits du présent Chapitre présentés soit en tablettes ou formes similaires, soit en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg

3105.90.00 -Autres

38.24 Liants préparés pour moules ou noyaux de fonderie; produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles consistant en mélanges de produits naturels), non dénommés ni compris ailleurs; produits résiduaires des industries chimiques ou des industries connexes, non dénommés ni compris ailleurs.

3824.90 -Autres

37.23.1 ---Autres

M. Kevin Moran, directeur technique chez Phosyn plc, a témoigné au nom de l'appelante. Le Tribunal a reconnu à M. Moran la qualité d'expert en conception et production d'engrais, en agronomie et en chimie. M. Moran a décrit les marchandises en cause comme étant des engrais riches en oligo-éléments qui sont destinés à l'industrie agricole et qui ont été conçus pour être mélangés à de l'eau et répandus par pulvérisation foliaire sur les cultures pour en corriger les carences en oligo-éléments. Il a témoigné que les produits, connus dans le commerce sous les appellations Coptrel 500, Mancozin, Mantrac 500 et Zintrac 700, sont des concentrés en suspension dans un liquide contenant de l'azote sous forme d'urée. M. Moran a décrit le rôle de l'urée dans les quatre produits susmentionnés. Il a témoigné que l'urée est utilisée à cause de ses caractéristiques antigel et du fait qu'elle améliore la perméabilité, favorise l'absorption foliaire des oligo-éléments et rehausse la teneur en azote des feuilles. M. Moran a aussi décrit la composition du Bortrac 150, une solution liquide concentrée contenant, comme composé d'azote organique de base, de l'éthanolamine. Il a déclaré que l'éthanolamine est un constituant essentiel et que le produit ne serait tout simplement pas capable de transmettre la concentration élevée de bore liquide contenu dans la solution si l'azote était absent. Il a en outre expliqué que le rôle de l'éthanolamine dans le Bortrac 150 consiste à fournir de l'azote aux cultures.

M. Moran a témoigné que, à son avis, la matière organique est absorbée à travers la surface des feuilles et que l'application foliaire d'engrais azotés est utile. Il a cité des articles scientifiques à l'appui de son opinion [3] . Enfin, M. Moran a indiqué que les marchandises en cause sont classées à titre d'engrais dans la position no 31.05 dans tous les pays où l'appelante exporte ses produits.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Moran a reconnu que les marchandises en cause sont essentiellement conçues pour corriger chez les végétaux des carences spécifiques en oligo-éléments et ne sont pas recommandées en tant que traitement pour une carence en azote, puisqu'elles ne transmettent qu'un faible pourcentage d'azote. M. Moran a aussi reconnu qu'il n'est pas fait mention de la teneur en azote sur les étiquettes des produits en cause et qu'il n'est pas fait mention de l'azote dans les fiches techniques publiées par l'appelante. Il a en outre déclaré que les marchandises en cause ne satisfont pas, et ne sont pas conçues pour satisfaire, à la totalité des besoins en azote des végétaux et ne sont pas vendues en tant qu'engrais azotés.

Mme Darlene Blair, directrice nationale intérimaire, Section des engrais de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'Agence), a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à Mme Blair la qualité d'expert en composition, efficacité, utilisation et réglementation des engrais au Canada. Mme Blair a décrit l'urée comme étant la source d'azote la plus répandue dans les engrais au Canada. Elle a déclaré que la quantité d'azote fournie par les marchandises en cause est négligeable par rapport aux besoins d'azote des végétaux et que les marchandises en cause n'ont aucun effet fertilisant positif sur les cultures. Elle a déclaré que l'Agence a pour pratique générale de ne pas accepter l'application foliaire des engrais azotés. Elle a en outre témoigné que, à son avis, l'application foliaire de principaux éléments nutritifs pour les végétaux n'a aucun effet sur le rendement ou la qualité des récoltes, mais elle a admis que l'Agence n'avait jamais procédé à un examen scientifique en profondeur de l'urée en tant qu'agent de pénétration.

Mme Blair a décrit le rôle de l'Agence et la procédure d'enregistrement des produits aux termes de la Loi sur les engrais [4] . Elle a expliqué que l'Agence enregistre trois types de produits, à savoir, les engrais riches en oligo-éléments, les combinaisons engrais-pesticides et la plupart des suppléments, mais n'enregistre pas les engrais qui contiennent des oligo-éléments combinés à un élément nutritif principal pour les végétaux, par exemple l'azote. Elle a témoigné que, selon les exigences de l'Agence, la proportion des principaux éléments nutritifs combinés dans un engrais doit être de 24 p. 100 pour que ce dernier soit admissible à la vente et à l'étiquetage à titre d'engrais azoté. Elle a déclaré que les marchandises en cause sont enregistrées aux termes de la Loi sur les engrais à titre d'engrais riches en oligo-éléments ne contenant pas d'azote, de phosphore ou de potassium, puisque leur teneur en azote est plus faible que le minimum requis de 24 p. 100. Elle a ajouté que l'Agence considère que l'urée est un formulant, un élément secondaire à l'ingrédient actif d'un produit qui fournit les constituants garantis aux végétaux. Elle a témoigné que l'Agence n'exige pas qu'il y ait de l'urée comme formulant dans les engrais. Elle a aussi témoigné que la présence de l'urée comme antigel dans les marchandises en cause n'est pas requise par l'Agence et que certains engrais ne contiennent pas d'agent antigel ou utilisent d'autres agents antigels. Elle a déclaré que, même si l'urée était absente des marchandises en cause, ces dernières seraient quand même enregistrées à titre d'engrais riches en oligo-éléments et, à son avis, seraient quand même efficaces. Finalement, en ce qui concerne le Bortrac 150, elle a témoigné que la valeur de fertilisation de l'éthanolamine n'a pas été établie de manière définitive dans les articles scientifiques et que l'éthanolamine ne se retrouve pas dans tous les engrais riches en oligo-éléments fournissant du bore.

Au cours du contre-interrogatoire, Mme Blair a reconnu que, dans certaines circonstances particulières, l'application foliaire d'azote pourrait être une pratique indiquée. Elle a en outre reconnu que la teneur minimale d'azote dans les engrais azotés prescrite pas les règlements de l'Agence fait présentement l'objet de réexamen.

L'appelante a soutenu que les marchandises en cause sont des engrais et sont classées à ce titre en commerce extérieur. Elle a soutenu que chacun des produits en cause est classé à titre d'engrais dans plus de 30 administrations vers lesquelles l'appelante expédie lesdits produits, mais cela n'est pas le cas au Canada.

L'appelante a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] , qui précise que le classement est déterminé d'après les termes de la position. L'appelante a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans le Chapitre 31 de l'annexe I du Tarif des douanes, intitulé « Engrais ». Elle a en outre soutenu que la position no 31.05 est clairement celle qui donne la description la plus précise et la plus spécifique des marchandises en cause. L'appelante a aussi renvoyé à la Note 6 du Chapitre 31 qui prescrit ce qui suit :

Au sens du no 31.05, l'expression autres engrais ne couvre que les produits des types utilisés comme engrais, contenant en tant que constituants essentiels au moins un des éléments fertilisants : azote, phosphore ou potassium.

L'appelante a soutenu que la Note 6 du Chapitre 31 établit deux tests : premièrement, le produit est-il utilisé ou non comme engrais; deuxièmement, contient-il ou non, en tant que constituant essentiel, au moins un des éléments fertilisants, à savoir, l'azote, le phosphore ou le potassium. L'appelante a soutenu que le Tribunal dispose d'éléments de preuve non contestés qui démontrent que les marchandises en cause sont utilisées comme engrais pour fournir aux végétaux les éléments nutritifs nécessaires sous une forme physiquement et chimiquement accessible et, de ce fait, répondent à la définition du terme « engrais » qui se trouve à l'Annexe A du Mémorandum D19-1-1 [6] . Elle a ajouté que les marchandises en cause sont étiquetées et vendues comme engrais. Elle a aussi soutenu que les marchandises en cause contiennent de l'azote, en tant que constituant essentiel, sous forme soit d'urée soit d'éthanolamine. L'appelante a soutenu que l'azote est un élément essentiel à la nature et au fonctionnement de ces produits.

L'appelante a soutenu que l'azote joue trois rôles importants dans les marchandises en cause. Dans le Mancozin, le Coptrel 500, le Mantrac 500 et le Zintrac 700, l'azote, sous forme d'urée, agit comme antigel, facilite une plus grande absorption d'oligo-éléments métalliques et est de fait absorbé par les végétaux, contribuant ainsi à leurs besoins d'azote. L'appelante a soutenu que la Note 6 du Chapitre 31 n'exige pas qu'un engrais qui contient de l'azote, du phosphore ou du potassium comble la totalité des besoins des végétaux pour ces éléments. Les marchandises en cause sont destinées à corriger des carences, non à agir en tant qu'engrais complet, et rien à la Note 6 n'empêche qu'elles aient une telle fonction. L'appelante a de plus soutenu que, si l'azote était retiré des marchandises en cause, il en résulterait un produit entièrement différent. L'appelante a soutenu que les éléments de preuve déposés par les deux parties confirment de façon unanime que l'application foliaire d'azote est bénéfique aux végétaux.

L'appelante a soutenu que la Règle 3 des Règles générales qui indique, notamment, que les produits mélangés de matières différentes sont classés d'après la matière qui leur confère leur caractère essentiel, ne doit pas être appliquée en l'espèce puisque les marchandises en cause ne sont pas simplement un mélange de matières différentes. Elle a soutenu que l'azote dans les marchandises en cause est un constituant essentiel dans la mesure où il facilite l'absorption des oligo-éléments et que les oligo-éléments et l'azote opèrent ensemble, et non simplement de façon cumulative. L'appelante a ajouté que les seuls éléments de preuve dont dispose le Tribunal se rapportent aux bénéfices et aux importantes fonctions de l'azote et de son rôle en tant que constituant essentiel des marchandises en cause.

Finalement, l'appelante a soutenu que le rapport de laboratoire du ministère du Revenu national (maintenant l'Agence des douanes et du revenu du Canada) démontre que les marchandises en cause contiennent de fait de l'azote sous forme d'urée ou d'éthanolamine et que les considérations de l'Agence n'ont aucune pertinence quant au classement tarifaire.

L'intimé a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées à titre d'« autres engrais » dans la position no 31.05 puisqu'elles ne satisfont pas aux exigences énoncées à la Note 6 du Chapitre 31. Il a soutenu qu'il est utile de comprendre comment les marchandises en cause sont enregistrées en application de la Loi sur les engrais. Il a soutenu que les marchandises en cause sont considérées comme étant des engrais spéciaux aux termes de l'article 2 du Règlement sur les engrais [7] et qu'elles sont définies comme étant des engrais qui ne contiennent pas d'éléments nutritifs principaux, mais des éléments nutritifs secondaires, autres que du calcium, du magnésium et du soufre. Il a aussi soutenu qu'un élément nutritif principal est défini plus précisément dans le Règlement sur les engrais comme signifiant de l'azote, du phosphore ou du potassium.

L'intimé a soutenu que, selon la Note 6 du Chapitre 31, l'objet principal des engrais est de fournir au moins un des trois éléments nutritifs principaux dénommés, à savoir, l'azote, le phosphore ou le potassium et que les engrais qui fournissent des oligo-éléments, comme les marchandises en cause, ne sont pas visés par la Note 6. Il a aussi soutenu que les produits qui comprennent une quantité marginale des principaux éléments nutritifs susmentionnés ne sont tout simplement pas couverts par cette note. Il a soutenu qu'il ressort clairement des éléments de preuve que les marchandises en cause sont utilisées pour fournir des oligo-éléments et pour corriger des carences spécifiques en oligo-éléments. Il a aussi soutenu que les étiquettes des produits et les fiches techniques publiées par l'appelante ne font pas mention d'une teneur quelconque d'azote.

L'intimé a soutenu que le seul azote présent dans les marchandises en cause est l'urée et que l'urée n'est pas un constituant essentiel des marchandises en cause. Il a renvoyé à différentes définitions que donnent les dictionnaires [8] des termes « essential » (« essentiel ») et « constituent » (« constituant »). Il a soutenu que, en résumé, « essentiel » s'entend de quelque chose qui est absolument nécessaire ou fondamental et que « constituant » s'entend de quelque chose qui est une partie ou un élément essentiel d'un système ou d'un groupe. Il a soutenu que, pour déterminer si l'urée est un constituant essentiel des marchandises en cause, le Tribunal doit tenir compte des fonctions de l'urée, qui sont d'agir comme agent antigel, d'accélérer l'absorption et de fournir de l'azote. Il a soutenu que, bien que l'urée soit effectivement un agent antigel, les marchandises en cause seraient encore capables, sans elle, d'accomplir leurs fonctions et de fournir des oligo-éléments. Quant à l'absorption plus rapide des oligo-éléments en présence de l'urée, il a soutenu que, en admettant la validité d'une telle théorie, il existe d'autres formules qui pourraient en accélérer l'absorption, comme le glycol, et que les oligo-éléments pourraient aussi être absorbés sans urée. Il a aussi soutenu que, bien qu'il soit vrai que l'urée fournisse de l'azote aux végétaux, sa contribution est tellement négligeable que la présence de l'urée dans les marchandises en cause n'est pas essentielle. Finalement, pour ce qui est du Bortrac 150, il a soutenu que les éléments de preuve soumis par Mme Blair ont indiqué que la valeur de fertilisation de l'éthanolamine n'a pas été établie définitivement dans les publications scientifiques et que l'éthanolamine ne se retrouve pas dans tous les engrais riches en oligo-éléments fournissant du bore.

L'intimé a soutenu que les oligo-éléments sont les constituants essentiels des marchandises en cause puisque ces produits ne pourraient être vendus s'ils ne contenaient pas d'oligo-éléments. Il a renvoyé aux décisions du Tribunal dans les affaires Bernard Monastesse c. S-MRN [9] et Fleetguard International c. S-MRNDA [10] , où le Tribunal a conclu que le terme « essentiel » signifie qu'un produit ne saurait fonctionner sans l'accessoire, la partie ou l'élément en cause. Il a soutenu que, en l'espèce, les marchandises en cause pourraient continuer à accomplir leur fonction sans l'urée. Finalement, il a soutenu que puisque les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 31.05, elles ont été correctement classées à titre de « préparations chimiques » dans la position no 38.24.

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire doit être déterminé conformément aux Règles générales et aux Règles canadiennes [11] . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I, il doit être tenu compte du Recueil des avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [12] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [13] .

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il doit alors être tenu compte de la Règle 2, etc. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

Les positions concurrentes dans le présent appel sont les suivantes :

31.05 Engrais minéraux ou chimiques contenant deux ou trois des éléments fertilisants : azote, phosphore et potassium; autres engrais; produits du présent Chapitre présentés soit en tablettes ou formes similaires, soit en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg.

37.24 Liants préparés pour moules ou noyaux de fonderie; produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles consistant en mélanges de produits naturels), non dénommés ni compris ailleurs; produits résiduaires des industries chimiques ou des industries connexes, non dénommés ni compris ailleurs.

La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement est déterminé d'après les termes des positions. Pour déterminer le classement des marchandises en cause, il faut d'abord examiner les termes des positions nos 38.24 et 31.05 ainsi que les Notes de Chapitres et les Notes explicatives qui peuvent aider à interpréter correctement les termes de ces positions.

La position no 38.24 couvre divers produits chimiques, tandis que la position no 31.05 vise spécifiquement les engrais. Le Tribunal fait observer que le Chapitre 31 est plus étroitement lié aux marchandises en cause, puisqu'il renvoie spécifiquement aux « engrais ». Le Tribunal est d'avis que la terminologie utilisée pour expliquer quelles marchandises sont visées dans le Chapitre 38 semble démontrer que ledit chapitre est un chapitre résiduel qui traite des mélanges chimiques qui ne peuvent être classés ailleurs.

Le Tribunal a aussi examiné le terme « engrais » tel qu'il est défini dans le Mémorandum D19-1-1, lequel précise ce qui suit :

Toute substance ou mélange de substances contenant de l'azote, du phosphore, du potassium ou d'autres éléments nutritifs pour les végétaux, qui sont fabriqués, vendus ou indiqués pour être utilisés dans la nutrition des végétaux, par exemple du fumier transformé ou non, des micro-éléments fertilisants et des engrais-pesticides.

Le Tribunal est d'avis que, pour être considérées comme des « engrais » aux termes de la définition ci-dessus, les marchandises en cause doivent satisfaire aux trois tests, qu'il est possible de résumer comme suit :

a) elles doivent être des mélanges de substances contenant de l'azote, du phosphore, du potassium ou d'autres éléments nutritifs pour les végétaux;

b) elles doivent être fabriquées, vendues ou commercialisées pour servir comme éléments nutritifs pour les végétaux;

c) elles doivent être, par exemple, des engrais riches en oligo-éléments (« micro-éléments fertilisants »).

Le Tribunal fait observer que les marchandises en cause sont des mélanges de substances contenant de l'azote, souvent désignés sous l'appellation d'engrais riches en oligo-éléments. Le Tribunal reconnaît que les marchandises en cause sont étiquetées, commercialisées et vendues comme engrais par l'appelante, une société spécialisée dans la fabrication d'engrais. Le Tribunal fait aussi observer que les marchandises en cause sont utilisées comme éléments nutritifs pour les végétaux et que l'Agence les a enregistrées comme engrais et leur a permis d'être étiquetées à ce titre. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause satisfont aux tests prescrits par la définition énoncée dans le Mémorandum D19-1-1 et, donc, qu'elles sont admissibles à l'appellation d'engrais ».

Le Tribunal est aussi d'avis que les marchandises en cause sont des engrais, au sens donné à ce terme à la position no 31.05. Le Tribunal a tenu compte de la Note 6 du Chapitre 31 pour arriver à une telle conclusion.

Le Tribunal est d'accord avec l'appelante sur le fait que la Note 6 du Chapitre 31 établit deux tests. Les tests prévus à la Note 6 sont que les produits doivent être utilisés comme engrais et qu'ils doivent contenir, en tant que constituant essentiel, au moins un des éléments fertilisants suivants : azote, phosphore ou potassium. Le Tribunal est convaincu, à la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition, que les marchandises en cause sont des engrais, contenant au moins un des éléments fertilisants.

Ayant tiré de telles conclusions, le Tribunal doit de plus déterminer si l'azote contenu dans les marchandises en cause est un constituant essentiel desdites marchandises. Le Tribunal fait observer que la Note 6 prévoit que les engrais doivent contenir, en tant que constituant essentiel, au moins un des éléments fertilisants. La Note 6 ne prescrit pas de teneur minimale et ne prescrit pas de fonctions spécifiques pour l'élément fertilisant au-delà du fait qu'il doit être essentiel au produit. Le Tribunal accueille les éléments de preuve selon lesquels l'azote, présent sous forme d'urée dans quatre des cinq produits en cause, y joue un rôle important étant donné ses multiples fonctions. En premier lieu, des éléments de preuve non contestés indiquent que l'urée agit en tant qu'antigel et abaisse le point de congélation de l'engrais et, de ce fait, permet à l'engrais d'être plus facilement entreposé à des températures ambiantes au Canada. Bien qu'il soit exact que d'autres composés, comme le glycol, pourraient accomplir la même fonction, il est clair, selon le Tribunal, que l'urée a été choisie en raison de sa non-toxicité. Quant à l'absorption plus rapide des oligo-éléments en présence de l'urée, le Tribunal accueille les articles scientifiques et les propres essais de l'appelante déposés par M. Moran, lesquels démontrent que la présence d'urée accroît la capacité d'absorption, et conclut que la présence de l'azote sous forme d'urée est essentielle à la réussite des marchandises en cause. Finalement, les éléments de preuve convainquent le Tribunal que l'urée contribue effectivement aux besoins d'azote des végétaux. Le Tribunal fait observer que, bien que l'Agence ne préconise manifestement pas l'application foliaire d'engrais azotés comme méthode destinée à satisfaire aux besoins essentiels d'azote des végétaux, elle admet les éléments de preuve selon lesquels l'azote pourrait être absorbé par voie foliaire. Étant donné ce qui précède, le Tribunal est d'avis que l'urée est un constituant essentiel à la fonction de ces produits.

Quant au Bortrac 150, les éléments de preuve présentés par l'intimé font ressortir que les publications scientifiques n'ont pas établi de manière définitive la valeur de fertilisation de l'éthanolamine et que l'éthanolamine ne se retrouve pas dans tous les engrais riches en oligo-éléments fournissant du bore. Cependant, il est clair que, d'une façon similaire aux autres marchandises en cause, l'éthanolamine est un agent antigel et contribue aux besoins d'azote des végétaux. Étant donné ce qui précède, le Tribunal conclut que le Bortrac 150 doit être traité exactement comme les autres marchandises en cause.

Le Tribunal est convaincu que la combinaison des effets de l'urée ou de l'éthanolamine confère aux marchandises en cause leur nature distincte et permet aux producteurs de les utiliser et de les commercialiser comme engrais. Le Tribunal est aussi convaincu que les marchandises en cause contiennent de l'azote, un élément fertilisant, sous forme d'urée ou d'éthanolamine, et que ce composant est essentiel à la réussite de ces produits. Les marchandises en cause, connues dans le commerce sous les appellations Mancozin, Coptrel 500, Mantrac 500, Zintrac 700 et Bortrac 150, doivent donc être classées dans le numéro tarifaire 3105.10.00 à titre d'engrais présentés en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg et dans le numéro tarifaire 3105.90.00 à titre d'autres engrais.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41 .

3. W. Franke, « Mechanisms of Foliar Penetration of Solutions » (1966), 18 Annual Review of Plant Physiology aux p. 281-295; B.N. Mathur, N.K. Agrawal et V.S. Singh, « Effect of Soil Versus Foliar Application of Urea on the Yield of American Cotton Variety ‘320F’ » (1967), 38 Indian Journal of Agricultural Science aux p. 811-815; Kyung-Ku Shim, J.S. Titus et W.E. Splittstoesser, « The Utilization of Post-harvest Urea Sprays by Senescing Apple Leaves » (1972), 97 J. Amer. Soc. Hort. Sci. aux p. 592-596.

4. L.R.C. 1985, c. F-10.

5. Supra note 2, annexe I [ci-après Règles générales].

6. (29 août 1997), « Produits agricoles et alimentaires ».

7. C.R.C., c. 666, art. 6 (1978).

8. The Concise Oxford Dictionary et McGraw-Hill Dictionary of Scientific et Technical Terms, s.v. « essential » et « constituent ».

9. (27 octobre 1995), AP-94-195.

10. (25 août 1992), AP-90-121.

11. Supra note 2, annexe I .

12. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

13. Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].


Publication initiale : le 19 avril 2000