SUZUKI CANADA INC. ET LES MOTEURS KAWASAKI CANADIEN INC.

Décisions


SUZUKI CANADA INC. ET LES MOTEURS KAWASAKI CANADIEN INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appels nos AP-99-114, AP-99-115 et AP-2000-008


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 2 mai 2003

Appels nos AP-99-114, AP-99-115 et AP-2000-008

EU ÉGARD À des appels entendus le 29 octobre 2002 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 13 janvier, 18 novembre et 24 décembre 1999 et le 21 mars 2000 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SUZUKI CANADA INC. ET LES MOTEURS KAWASAKI CANADIEN INC. Appelantes

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

Les appels sont admis.

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) les 13 janvier, 18 novembre et 24 décembre 1999 et le 21 mars 2000, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. Les marchandises en cause sont des véhicules tout terrain (VTT).

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8703.21.90 de l'annexe du Tarif des douanes à titre d'autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes, comme l'a déterminé le commissaire, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire applicable de la position no 87.11 à titre de motocycles et cycles équipés d'un moteur auxiliaire, comme l'ont soutenu Suzuki Canada Inc. (Suzuki) et Les Moteurs Kawasaki Canadien Inc. (Kawasaki).

DÉCISION : Les appels sont admis. Suzuki et Kawasaki ont soutenu notamment que les VTT ne peuvent pas être classés dans la position no 87.03, étant donné qu'ils ne sont pas munis « d'un système de direction du type automobile », même si leur système de direction repose sur le principe Ackerman. Le commissaire a soutenu notamment que les VTT sont classés dans la position no 87.03, étant donné qu'ils sont décrits dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (Notes explicatives) de la position par l'inclusion de l'article 6) : « Les véhicules à quatre roues, à châssis tubulaire, munis d'un système de direction du type automobile, par exemple reposant sur le principe Ackerman. »

Dans la présente affaire, l'article 6) des Notes explicatives de la position no 87.03 semble indiquer que tout véhicule à quatre roues, à châssis tubulaire, muni d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman, relève de la position no 87.03. Le Tribunal ne voit pas pourquoi le fait que les VTT aient un système de direction reposant sur le principe Ackerman déterminerait leur exclusion de la position no 87.11 et leur inclusion dans la position no 87.03. Il reconnaît que les VTT, comme les voitures de tourisme et les autres véhicules automobiles, sont munis d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman. Les systèmes de direction qui reposent sur ce principe sont utilisés dans presque tous les véhicules à trois ou à quatre roues, y compris les voiturettes de golf, les tracteurs et les quadricycles, mais ne sont pas utilisés dans les motocycles à deux roues. Compte tenu des éléments de preuve dont dispose le Tribunal, se fonder sur le fait que les VTT sont munis d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman au titre de facteur déterminant du classement serait une erreur.

Ce qui convainc le Tribunal du classement des marchandises en cause dans la position no 87.11, ce sont les caractéristiques qu'elles ont en commun avec les motocycles à deux roues. Le Tribunal a entendu une abondance de témoignages non réfutés, selon lesquels les marchandises en cause et les motocycles à deux roues présentent beaucoup de caractéristiques communes. Le système de direction à guidon, l'emplacement des différentes commandes sur le guidon, l'obligation d'enfourcher le véhicule pour l'équilibrer, la conception à châssis tubulaire et l'interchangeabilité de plusieurs pièces sont parmi ces caractéristiques. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont mieux dénommées dans la position no 87.11 à titre de motocycles que dans la position no 87.03 à titre de voitures de tourisme et autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l'audience :

Le 29 octobre 2002

Date de la décision :

Le 2 mai 2003

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Michael Hahn, Marco Ouellet et Jeffrey Goernert, pour les appelantes

 

Susanne Pereira, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire de l'ADRC) les 13 janvier, 18 novembre et 24 décembre 1999 et le 21 mars 2000, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Les marchandises en cause, des véhicules tout terrain (VTT), ont été importées entre le 14 janvier 1998 et le 11 mars 1999.

Les marchandises en cause sont fabriquées par Suzuki Canada Inc. (Suzuki) et Les Moteurs Kawasaki Canadien Inc. (Kawasaki). Celles fabriquées par Suzuki sont les suivantes : 1) année modèle 1998 : LT-F500FW (QuadRunner 500 4 x 4), LT-F4WDXW (King Quad 300 4 x 4), LT-F4WDW (QuadRunner 250 4 x 4) et LT-F250W (QuadRunner 250); et 2) année modèle 1999 : LT-F500FX (QuadRunner 500 4 x 4), LT-F300FX (King Quad 300 4 x 4), LT-F250FX (QuadRunner 250 4 x 4) et LT-F250X (QuadRunner 250). Celles fabriquées par Kawasaki sont les suivantes : 1) année modèle 1998 : Prairie, Prairie 4 x 4, Bayou 400 4 x 4, Bayou 300 4 x 4, Bayou 300 et Bayou 220; et 2) année modèle 1999 : KVF 4 x 4, KVF, KVF 300 4 x 4, KVF 300, Bayou 400 4 x 4, Bayou 300 4 x 4, Bayou 300 et Bayou 220.

La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8703.21.90 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes, comme l'a déterminé le commissaire, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire applicable de la position no 87.11 à titre de motocycles et cycles équipés d'un moteur auxiliaire, comme l'ont soutenu Suzuki et Kawasaki.

PREUVE

Suzuki et Kawasaki ont convoqué M. Wayne Michael Duff, agent de la conformité aux règlements de sécurité au ministère des Transports, comme premier témoin. M. Duff a répondu oui à une question de Suzuki et de Kawasaki à savoir si les marchandises en cause, telles que les décrivaient leurs dépliants3 , répondaient à la définition de l'expression « véhicule tout terrain » énoncée dans le Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles 4 . M. Duff a affirmé que les marchandises en cause étaient aussi considérées comme des « motocyclette[s] à usage restreint »5 aux termes du Règlement et que, pour les importer au Canada, il fallait se conformer auxdits Règlements. En réponse à une question du commissaire, M. Duff a fait observer qu'il existait une différence fondamentale entre en motocycle (une motocyclette) et une motocyclette à usage restreint, au sens du Règlement, puisque cette dernière n'est pas destinée à être utilisée sur les chemins publics et ne satisfait pas à certaines des normes de sécurité applicables aux motocyclettes. Il a de plus témoigné que les marchandises en cause, telles que les décrivaient les dépliants de Suzuki et de Kawasaki, ne répondaient pas à la définition de « motocyclette » au sens du Règlement, autrement dit, qu'aucune n'était destinée à être utilisée sur les chemins publics.

M. Ronald Kenneth Gordon, directeur national, Logistique et Distribution, Suzuki, et M. Claude Pierre Gagné, directeur national, Service, Kawasaki, ont ensuite témoigné au nom de Suzuki et de Kawasaki. M. Gordon a déclaré que les VTT étaient le fruit d'une évolution de véhicules à deux roues à véhicules à trois roues, puis à véhicules à quatre roues. Il a ajouté que, en 1987 ou 1988, les VTT à trois roues avaient été remplacés par des VTT à quatre roues pour des motifs de sécurité, à la suite d'accidents comportant un capotage.

Le Tribunal a reconnu à M. Gagné le titre de témoin expert en mécanique de motocyclettes et de VTT. Ce dernier a expliqué que Kawasaki fabrique des motocyclettes de route et tout terrain et que cette dernière catégorie comprend les versions à deux roues et à quatre roues. M. Gordon a déclaré qu'il en allait de même chez Suzuki. M. Gagné a souligné que la direction des motocyclettes était toujours à guidon et a dit ignorer l'existence de toute motocyclette munie d'un volant ou d'un boîtier de direction. Il a expliqué que les autres caractéristiques généralement communes des marchandises en cause et des motocyclettes étaient que les deux doivent être enfourchées et que le corps est en partie utilisé pour contrôler le véhicule. Un équilibre semblable est nécessaire pour rouler à motocyclette, à deux roues ou à trois roues. Renvoyant à un croquis du système de direction des VTT6 , M. Gagné a expliqué que ce système ne comprenait pas de composantes de véhicule automobile, comme un volant de direction, un boîtier de direction, un joint de cardan ou un joint homocinétique, et que tous les VTT sont munis d'un système de direction semblable. Il a ajouté que tous les VTT à quatre roues de Kawasaki sont munis d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman.

M. Gagné et M. Gordon ont tous deux affirmé que les VTT étaient souvent appelés quads, motos quads, motocyclettes à quatre roues, ou tout simplement motos7 . Lorsqu'on lui a demandé si Suzuki fabriquait aussi des automobiles, M. Gordon a répondu que oui, mais il a ajouté qu'on ne montait pas de motocyclettes dans les usines de fabrication d'automobiles. Les deux témoins ont affirmé que, par contre, les VTT et les motocyclettes à deux roues étaient fabriqués dans les mêmes usines et que certaines pièces des motocyclettes à deux roues et des motocyclettes à quatre roues étaient interchangeables et portaient même le même numéro de pièce. En outre, ils ont indiqué que leurs motocyclettes étaient vendues au détail par l'entremise de leurs réseaux respectifs de détaillants, communément appelés, en anglais, « bike shops » (magasins de motos). M. Gagné et M. Gordon ont affirmé que les marchandises en cause étaient munies de porte-bagages et de dispositifs d'attelage de remorque pour transporter des objets, qu'elles étaient conçues à cette fin et qu'il était interdit de s'en servir pour transporter des passagers. M. Gagné a affirmé que, pour rouler sur un VTT, il est obligatoire de porter un casque, d'enfourcher le véhicule et de tenir le guidon. Il a précisé que ces véhicules n'avaient pas de ceinture de sécurité ni aucun autre type de dispositif d'attache, puisque le conducteur doit se déplacer pour commander le véhicule, la même chose étant vraie des motocyclettes à deux roues ou à trois roues.

En réponse à une question du conseiller à savoir s'il était d'accord sur le témoignage d'un des témoins dans la décision rendue par la Commission du tarif dans Canadian Honda Motor Company Limited c. S-MRN 8 selon laquelle une motocyclette et un cheval mécanique sont analogues, M. Gagné a dit être d'accord et a fait observer que dans les deux cas on disait, en anglais, qu'ils sont « ridden » (montés) et non « driven » (conduits), la distinction se rapportant au fait qu'il faut enfourcher le véhicule pour se déplacer. Selon M. Gagné, le centre de gravité d'un VTT se trouve beaucoup plus haut que dans le cas d'une automobile, et il est très important d'être capable de se tenir debout en VTT, pour pouvoir commander le véhicule selon une technique qu'il a qualifiée de « body english » (travail du corps). M. Gagné a souligné que le même principe s'applique peu importe le nombre de roues et que les commandes montées sur le guidon des motocyclettes à deux roues, à trois roues ou à quatre roues se ressemblent beaucoup.

M. Gagné et M. Gordon ont aussi reconnu que la formation d'un mécanicien de motocyclettes était totalement différente de celle d'un mécanicien de véhicules automobiles, mais ils ont ajouté que la formation de mécanicien de motocyclettes engloberait, dans la plupart des cas, toutes les motocyclettes, indépendamment de la configuration de leurs roues. M. Gordon a aussi affirmé que le Canadian Motosport Racing Club considérait les VTT comme très semblables aux motocyclettes aux fins de ses règles et que ces deux types de véhicules étaient en compétition sur les mêmes pistes. Il a aussi fait observer que les statuts de la Fédération internationale de motocyclisme incluent le véhicule « quad » dans la définition de « motocyclisme ». M. Gordon a déclaré que le mot « bike » (moto) ne décrit aucun type particulier de motocyclette, tandis que les expressions « moto quad » et « quad » sont très bien connues à l'échelle internationale.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Gordon a affirmé que, en comparaison avec les motocycles à deux roues de route, les véhicules à quatre roues sont destinées à un usage différent et à un segment différent du marché. M. Gagné a aussi convenu que le dépliant de Kawasaki sur les VTT ne traite que de VTT et non de motocyclettes. En réponse à des questions du Tribunal, M. Gordon a déclaré que certains modèles de VTT de Suzuki s'appelaient « Quad Runner » et « King Quad ». M. Gagné a affirmé que la majorité des VTT offerts dans l'industrie ont un châssis tubulaire, une caractéristique qu'ils ont en commun avec les motocyclettes.

M. David E. Kelly, directeur, Génie, chez TRW Canada, a présenté des éléments de preuve au nom de Suzuki et de Kawasaki. Le Tribunal a reconnu à M. Kelly le titre d'expert en génie des véhicules automoteurs, et plus spécialement des systèmes de direction. Selon M. Kelly, l'emploi général du mot « système » dans le contexte de l'expression « système de direction » s'entend, dans l'industrie de l'automobile, de toutes les sous-composantes qui sont réunies pour concrétiser l'intention du concept du véhicule ou de son sous-système. Il a expliqué que les six éléments constitutifs fondamentaux d'un système de direction utilisé dans un véhicule automobile sont le volant, l'arbre, le joint de cardan, le boîtier de direction, la tringlerie et les roues. Il a de plus précisé que le boîtier de direction sert à changer le mouvement de rotation du volant en un mouvement latéral ou de translation et à amplifier l'effort de direction du conducteur. En réponse à une question à savoir si le système de direction d'un quad ou d'une motocyclette à usage restreint pourrait fonctionner sur un véhicule automobile, M. Kelly a répondu qu'il ne le pourrait pas, puisque les joints de cardan, le boîtier de direction et le volant seraient absents.

En ce qui concerne le système de direction reposant sur le principe Ackerman, M. Kelly a expliqué que, selon la définition de base, les roues intérieures doivent tourner selon un angle de braquage plus prononcé que les roues extérieures, de sorte que les roues soient en ligne droite. Il a déclaré que presque tous les types de véhicules à quatre roues sont munis d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman, qu'il s'agisse d'une voiturette de golf, d'un scooter, d'un go-kart, d'un tracteur, d'un quadricycle ou des marchandises en cause. M. Kelly a déclaré que les marchandises en cause ne sont pas munies d'un système de direction du type automobile et qu'il est faux de les décrire comme étant munies d'un tel système. Il a indiqué que, à son avis, la conception d'ensemble des marchandises en cause est plus fondée sur la motocyclette que sur la voiture de tourisme.

M. George E. Smith, coordonnateur national, Véhicules spécialisés, Conseil canadien de la sécurité, a comparu au nom de Suzuki et de Kawasaki. Le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en formation des conducteurs de VTT. Au sujet de l'objet du guidon sur un VTT, M. Smith a déclaré que le guidon sert à la direction du véhicule et à la stabilité du conducteur. M. Smith a précisé qu'il serait désavantageux de munir un VTT d'un système de direction du type automobile, puisque cela aurait pour effet de réduire la capacité de production d'un mouvement instantané des roues. Il a aussi souligné l'importance du transfert de poids dans un virage avec un VTT et a déclaré que la technique appliquée pour la conduite d'un VTT est très proche de celle appliquée pour la conduite d'une motocyclette.

Le commissaire n'a convoqué aucun témoin.

PLAIDOIRIE

Suzuki et Kawasaki ont soutenu que, conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 9 , les marchandises en cause sont spécifiquement dénommées dans la position no 87.11 à titre de motocycles. Quant à la décision rendue dans Yamaha Moteur du Canada Ltée c. commissaire de l'ADRC 10 , elles ont soutenu que, même si le Tribunal avait conclu que les marchandises en question dans cette affaire n'étaient pas des tracteurs, il n'avait pas déterminé le classement tarifaire indiqué des marchandises et n'avait pas déclaré spécifiquement que les marchandises étaient correctement classées dans la position no 87.03, comme il le fait habituellement. De plus, Suzuki et Kawasaki ont soutenu que Yamaha n'avait pas force exécutoire pour le Tribunal. Elles ont ajouté que rien dans le libellé de la position ni dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 11 de la position no 87.11 n'excluait les motocycles à trois roues ou à quatre roues. Quant aux Notes explicatives qui excluent « [l]es véhicules à quatre roues, pour le transport de personnes, à châssis tubulaire, munis d'un système de direction du type automobile » de la position no 87.11, Suzuki et Kawasaki ont soutenu que les marchandises en cause n'étaient pas définies par les notes susmentionnées, puisque le témoignage expert avait montré qu'elles n'étaient pas munies d'un système de direction du type automobile.

Suzuki et Kawasaki ont soutenu qu'il y avait un conflit de lois entre le Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles, qui désigne les VTT à titre de motocyclettes, et la position de l'ADRC selon laquelle ces dernières seraient d'autres véhicules. Invoquant la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes (Re) 12 , elles ont soutenu que l'interprétation de l'ADRC menait à des conséquences absurdes. De plus, elles ont soutenu que la décision de la Cour d'appel fédérale dans Soper c. Canada 13 confirme le principe selon lequel les lois du Parlement sont réputées constituer un système cohérent et qu'une interprétation favorisant l'harmonie des lois doit prévaloir sur les interprétations contradictoires. Toutefois, elles ont soutenu que le classement des VTT à titre de motocycles donnerait lieu à une interprétation complètement harmonieuse eu égard à la Loi sur la sécurité automobile 14 et au Tarif des douanes.

Suzuki et Kawasaki ont invoqué Honda, où la Commission du tarif, lorsqu'elle avait conclu que les marchandises en cause dans cette décision, soit des cycles tout terrain à trois roues, étaient classées à titre de motocyclettes, avait déclaré que « alors que l'évolution de la motocyclette a clairement favorisé la configuration à deux roues, cela ne signifie pas qu'une machine qui est activée, conduite et dirigée de la même manière qu'un modèle à deux roues, ne peut être considérée comme étant une motocyclette uniquement parce qu'elle possède trois roues »15 . Elles ont soutenu, à la lumière de cette décision, que d'ajouter une roue à une motocyclette à trois roues n'avait pas pour effet de la transformer en quelque chose d'autre.

Suzuki et Kawasaki ont aussi affirmé que les marchandises en cause étaient appelées « motos quad » partout dans le monde, une expression s'entendant au sens d'une « motocyclette munie de quatre gros pneumatiques, destinée à une utilisation non routière »16 [traduction]. Elles ont ajouté que les VTT sont le résultat de l'évolution de motocyclettes à deux roues, et non de voitures de tourisme, qui ont été transformées en motocyclettes à trois roues et à quatre roues.

Selon Suzuki et Kawasaki, les VTT présentent les caractéristiques fondamentales d'une motocyclette et sont conduits de la manière dont on conduit une motocyclette. Ils sont considérés comme un type de motocyclette par l'industrie du motocyclisme, les détaillants, les utilisateurs et le ministère des Transports. Ils sont aussi produits par les fabricants de motocyclettes, dans les mêmes installations de fabrication, et sont vendus par les détaillants de motocyclettes.

Eu égard au système de direction reposant sur le principe Ackerman, Suzuki et Kawasaki ont soutenu qu'il était utilisé dans un éventail de véhicules, y compris les scooters électriques, les quadricycles et les jouets, et elles ont ajouté que le principe n'est pas un facteur de la définition d'un système de direction du type automobile. La Society of Automotive Engineers et les experts entendus par le Tribunal ont défini le système de direction du type automobile comme quelque chose d'autre que le système de direction dont sont munies les marchandises en cause. À leur avis, les marchandises en cause ne sont pas dénommées dans la position no 87.03, puisqu'elles ne sont pas munies d'un système de direction du type automobile et ne pourraient fonctionner correctement si elles étaient munies d'un tel système.

Enfin, en ce qui a trait à la position no 87.03, Suzuki et Kawasaki ont soutenu qu'elle n'inclut pas spécifiquement les motocyclettes à quatre roues et que tous les autres véhicules, à l'exception des motoneiges, présentent les mêmes caractéristiques et sont dérivés de l'automobile ou du camion. Quant à la position no 87.11, elles ont soutenu que rien dans les Notes explicatives n'exclut les motocyclettes à quatre roues de la position. À l'appui de leur argument, elles ont invoqué les Notes explicatives de la position no 87.12, qui prévoient que les cycles équipés d'un moteur auxiliaire relèvent de la position no 87.11, sans préciser le nombre de roues.

Le commissaire a exhorté le Tribunal à s'inspirer des Notes explicatives et à les appliquer. À son avis, les Notes explicatives éclairent sur la manière dont certaines marchandises doivent être traitées par le Tribunal et, en l'absence d'autres raisons contraignantes, ce dernier devrait les appliquer. Selon le commissaire, en précisant que « [c]ette position couvre, d'une part, un ensemble de véhicules à moteur, à deux roues destinés essentiellement au transport des personnes », les Notes explicatives de la position no 87.11 excluent explicitement les véhicules automobiles à quatre roues.

Selon le commissaire, rien ne prouve que le classement des marchandises en cause dans la position no 87.03 à titre de « véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes » était erroné. Le commissaire a soutenu que les marchandises en cause ne font rien de plus que de transporter des personnes, avec, en plus, certains bagages.

En ce qui a trait aux Notes explicatives de la position no 87.03 qui prévoient que relèvent notamment de ladite position les véhicules munis d'un système de direction du type automobile reposant sur le principe Ackerman, le commissaire a soutenu que, pour être dénommées dans ladite position, il n'était pas nécessaire que les marchandises en cause soient munies d'un système de direction du type automobile, mais plutôt d'un type de direction proche de celui d'une automobile. Il a soutenu que le témoignage expert montre que les marchandises en cause sont munies d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman. Il a ajouté que le système de direction des VTT et celui des voitures de tourisme présentent un certain nombre de caractéristiques communes, comme une colonne, la tringlerie et des roues.

Tout en concédant que, dans Yamaha, le Tribunal n'avait pas spécifiquement mentionné que les marchandises en cause dans cette affaire étaient correctement classées dans la position no 87.03, le commissaire a soutenu qu'en concluant que la position no 87.01 ne s'avérait pas le classement indiqué, on pouvait en déduire pratiquement que son classement dans la position no 87.03 était confirmé. Il a aussi fait observer que le Tribunal aurait pu classer les marchandises dans une autre position à cette époque, mais avait choisi de ne pas le faire. Il a ajouté que, en confirmant la décision du Tribunal, la Cour d'appel fédérale avait jugé que la décision était raisonnable.

En ce qui a trait à la question de savoir comment les marchandises en cause sont commercialisées, le commissaire a souligné que les éléments de preuve n'indiquent pas qu'elles sont commercialisées en tant que motocyclettes, comme le montrent les dépliants des fabricants qui ne traitent que des VTT.

En réponse à l'argument de Suzuki et de Kawasaki selon lequel il existerait un conflit de lois entre le Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles, qui désigne les VTT comme des motocyclettes, et la position de l'ADRC, qui les considère comme d'autres véhicules, le commissaire a soutenu que la Loi sur la sécurité automobile et le Tarif des douanes ne traitent pas du même objet. Quant à Honda, il a soutenu que la Commission du tarif avait décidé du bien-fondé de l'appel dans le cadre d'un régime tarifaire complètement différent et qu'elle n'avait pu se fonder sur les Notes explicatives pour l'éclairer dans sa décision.

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales. L'article 11 prévoit notamment que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe, il est tenu compte des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement de marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

Les positions concurrentes en l'espèce sont les suivantes :

87.03 Voitures de tourisme et autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes (autres que ceux du no 87.02), y compris les voitures du type « break » et les voitures de course.

87.11 Motocycles (y compris les cyclomoteurs) et cycles équipés d'un moteur auxiliaire, avec ou sans side-cars; side-cars.

Suzuki, Kawasaki et le commissaire ont tous soutenu que les marchandises en cause pouvaient être classées en conformité avec la Règle 1 des Règles générales. Pour situer les choses dans leur contexte, il faut reproduire les Notes explicatives des positions nos 87.03 et 87.11. L'article 6) des Notes explicatives de la position no 87.03, ajouté en février 1999, est repris en italiques ci-dessous. Les Notes explicatives prévoient notamment ce qui suit :

[ Notes explicatives de la position no 87.03]

[...], la présente position comprend les voitures automobiles de tous types, y compris les véhicules automobiles amphibies pour le transport des personnes, quel que soit le moteur qui les actionne (moteur à piston à allumage par étincelles ou par compression, électrique, turbine à gaz, etc.).

Elles couvrent aussi les véhicules légers à trois roues de construction plus simple, tels notamment :

- ceux utilisant des moteurs et des roues de motocycles, etc., qui, par leur structure mécanique, présentent les caractéristiques des voitures automobiles proprement dites : présence d'une direction du type automobile ou, à la fois, d'une marche arrière et d'un différentiel.

Relèvent notamment de la présente position :

1) Les voitures de tourisme, de place ou de sport (voitures de course).

2) Les véhicules de transport spécialisés, tels que voitures-ambulances, voitures cellulaires, voitures-corbillards.

3) Les minibus de camping (motorhomes, caravanes automotrices, etc.), véhicules assurant le transport des personnes et spécialement équipés en vue d'assurer le logement (lits, cuisine, sanitaires, etc.).

4) Les véhicules spécialement conçus pour se déplacer sur la neige (autoneiges, motoneiges, par exemple).

5) Les véhicules spéciaux pour le transport des personnes sur les terrains de golf et véhicules similaires.

6) Les véhicules à quatre roues, à châssis tubulaire, munis d'un système de direction du type automobile, par exemple reposant sur le principe Ackerman.

[Notes explicatives de la position no 87.11]

Cette position couvre, d'une part, un ensemble de véhicules à moteur, à deux roues destinés essentiellement au transport des personnes.

Outre les motocycles du type classique, la présente position comprend les scooters, caractérisés par des roues de petite dimension et par une plate-forme horizontale réunissant l'avant et l'arrière du véhicule, les cyclomoteurs (motocycles de faible puissance dénommés parfois vélomoteurs et les cycles équipés d'un moteur auxiliaire.

Les motocycles peuvent être carrossés afin de protéger le conducteur contre les intempéries ou être équipés d'un side-car.

Sont également classés ici les véhicules à trois roues (du type triporteur, par exemple), à la condition qu'ils ne présentent pas le caractère d'une voiture automobile du no 87.03 (voir la Note explicative du no 87.03).

La présente position couvre, d'autre part, les side-cars de tous types pour motocycles ou cycles conçus pour le transport des personnes ou des marchandises et qui ne peuvent être utilisés séparément. Ils sont équipés d'une seule roue sur un côté, le côté sans roue comportant des dispositifs permettant de les fixer aux motocycles ou aux cycles en position latérale.

Sont, en revanche, exclus :

a) Les véhicules à quatre roues, pour le transport de personnes, à châssis tubulaire, munis d'un système de direction du type automobile, par exemple reposant sur le principe Ackerman (no 87.03).

b) Les remorques destinées à être fixées à un motocycle ou à un cycle (no 87.16).

Suzuki et Kawasaki ont soutenu que les VTT ne pouvaient être classés dans la position no 87.03, puisqu'ils ne sont pas munis d'un système de direction du type automobile, même s'ils sont munis d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman. Le commissaire a soutenu que les VTT relèvent de la position no 87.03, étant donné qu'ils sont décrits dans les Notes explicatives de ladite position du fait de l'inclusion de l'article 6) : « Les véhicules à quatre roues, à châssis tubulaire, munis d'un système de direction du type automobile, par exemple reposant sur le principe Ackerman. »

En ce qui a trait d'abord aux positions en question, le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées à la fois dans la position no 87.03 et dans la position no 87.11.

À l'étude des Notes explicatives, le Tribunal fait observer que presque toutes les marchandises en cause ont été importées avant que lesdites notes soient modifiées, ce qui a mené à l'inclusion, dans la position no 87.03, et à l'exclusion, de la position no 87.11, des véhicules automobiles à quatre roues, à châssis tubulaire, munis d'un système de direction du type automobile. Les ajouts apportés aux Notes explicatives et l'avis publié par l'Organisation mondiale des douanes ont résulté d'une décision de classer un modèle donné de VTT17 dans la sous-position no 8703.21. En arrivant à une décision, le Tribunal a pour pratique de ne pas ignorer les avis de classement pertinents et les modifications apportées aux Notes explicatives, même s'ils ont été publiés après l'importation des marchandises. Comme il est déclaré dans Readi-Bake Inc. c. S-MRN 18 , les Notes explicatives ont pour objet de préciser le libellé des positions et n'ont pas pour conséquence de les modifier. Bien que l'article 11 du Tarif des douanes prévoie que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, il est tenu compte des avis de classement et des Notes explicatives, ainsi que des modifications qui leur sont apportées le cas échéant, le Tribunal n'est lié ni par les uns ni par les autres.

À titre d'information de base et pour mieux comprendre le raisonnement appliqué dans la décision qui a mené à l'avis de classement et aux modifications des Notes explicatives, le procès-verbal de la réunion du Comité du système harmonisé (le Comité) est instructif19 . On peut y lire que, eu égard au BREEZE YFA1, le délégué de l'Australie a fait observer que ce véhicule représentait une nouvelle évolution de la motocyclette dont il présentait plusieurs caractéristiques essentielles. Ce délégué a donc appuyé le classement dans la position no 87.11. Le délégué du Japon a appuyé la décision. Toutefois, les délégués qui étaient en faveur du classement dans la position no 87.03 ont souligné que le « principe de direction Ackerman n'était pas utilisé dans les motocycles » [traduction]. Il ressort de plus du procès-verbal du Comité que, après une brève discussion, une majorité de ses membres ont décidé de classer le BREEZE YFA1 dans la position no 87.03 et, afin de refléter cette décision, le Comité a chargé le Secrétariat de préparer un avis de classement et de rédiger des modifications aux Notes explicatives en vue de préciser plus clairement que les VTT sont exclus de la position no 87.11.

L'avis de classement alors délivré prévoit ce qui suit :

8703.21 1. Véhicule tout terrain à quatre roues (à deux roues motrices), à châssis tubulaire muni d'une selle du type motocycle, d'un guidon pour le diriger et de pneumatiques à basse pression. La direction peut braquer les deux roues avant comme dans un véhicule automobile traditionnel (principe Ackerman). Le véhicule est doté d'une boîte de vitesses automatique avec marche arrière, d'une transmission par chaîne à l'essieu arrière et de freins à tambour à l'avant et à l'arrière. Il est propulsé par un moteur monocylindre à quatre temps d'une cylindrée de 124 cm3. Il n'est équipé ni de porte-bagages ni de barre d'attelage.

Le raisonnement qui sous-tendait la décision du Comité est loin de convaincre le Tribunal. En vérité, la décision est fondée sur l'élément clé selon lequel un système de direction reposant sur le principe Ackerman, qui est utilisé dans les VTT, n'est pas utilisé dans les motocycles. Comme l'a indiqué le témoignage expert de M. Kelly, la définition de base d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman est que les roues intérieures doivent tourner selon un angle de braquage plus prononcé que les roues extérieures pour que le tracé des roues soit en ligne droite. M. Kelly a expliqué que presque tous les types de véhicules à quatre roues utilisent un système de direction reposant sur le principe Ackerman, qu'il s'agisse des voiturettes de golf, des scooters, des go-karts, des tracteurs, des quadricycles ou des marchandises en cause. En fait, il a fait observer que, depuis l'époque des anciens chariots dotés d'un point de pivotement central et de deux roues sur un axe solide, on ne peut plus faire de véhicule à quatre roues dont le système direction n'est pas fondé sur le principe Ackerman.

Dans le cas présent, l'article 6), qui a été ajouté aux Notes explicatives de la position no 87.03, semble indiquer que tout véhicule à quatre roues, à châssis tubulaire, muni d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman, relève de la position no 87.03. Le Tribunal ne voit pas pourquoi le fait qu'un VTT a un système de direction reposant sur le principe Ackerman déterminerait son exclusion de la position no 87.11 et son inclusion dans la position no 87.03. Il reconnaît que les VTT, comme les voitures de tourisme et autres véhicules automobiles, ont un système de direction reposant sur le principe Ackerman. Mais cela est vrai, comme l'indique le témoignage expert, de presque tous les véhicules à quatre roues ou à trois roues lorsque deux roues se trouvent à l'avant. Un système de direction reposant sur le principe Ackerman ne pourrait évidemment pas être utilisé dans un motocycle à deux roues. S'appuyer sur le fait que les VTT sont munis d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman en tant que facteur déterminant du classement est une erreur. Le Tribunal est d'avis que cela revient à dire que les VTT doivent être classés dans la position no 87.03 et exclus de la position no 87.11 en raison de leur conception à quatre roues.

L'ajout fait en 1999 aux Notes explicatives implique qu'un système de direction du type automobile est un système de direction reposant sur le principe Ackerman. Le témoignage expert ne corrobore pas une telle conclusion. En vérité, M. Kelly a expliqué qu'un système de direction du type automobile utilise six éléments constitutifs fondamentaux, qui sont le volant, l'arbre, le joint de cardan, le boîtier de direction, la tringlerie et les roues. Les témoignages de M. Gagné et de M. Kelly indiquent qu'il manque au VTT trois de ces éléments constitutifs : le volant, le boîtier de direction et un joint de cardan ou joint homocinétique. M. Kelly a aussi déclaré que l'utilisation du guidon, par opposition à l'utilisation d'un volant, entraîne une limitation de l'angle de virage. Le Tribunal a aussi accordé du poids au témoignage de M. Smith selon lequel il serait désavantageux d'équiper un VTT d'un système de direction du type automobile avec volant, puisqu'on réduirait ainsi la capacité de production d'un mouvement instantané des roues. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n'accepte pas l'affirmation selon laquelle un VTT utilise un système de direction du type automobile ou même un système semblable, même si les deux roues avant se braquent effectivement sous l'action d'un système de direction reposant sur le principe Ackerman. Le fait que trois éléments constitutifs importants qui font partie d'un système de direction du type automobile manquent et que, s'il était équipé de telles composantes, un VTT ne pourrait plus fonctionner est, de l'avis du Tribunal, concluant pour décider que la direction des VTT ne repose pas sur un système de direction du type automobile.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal ne peut accorder de poids à l'avis de classement et aux modifications simultanées qui ont été apportées aux Notes explicatives. Dans Nortesco c. S-MRN 20 , le Tribunal a déclaré notamment ce qui suit : « Bien que le Tribunal doive tenir compte de l'avis de classement, l'avis ne l'y oblige pas. En vérité, la rareté des renseignements contenus dans l'avis et la brève description des motifs qui sous-tendent les positions des différents délégués amoindrissent la valeur d'argument de cet avis. [...] Il s'ensuit que l'avis n'aide guère le Tribunal à décider du classement tarifaire correct. »21 Le Tribunal est confronté à une situation semblable en l'espèce.

Étant donné que rien n'empêche le classement des marchandises en cause dans l'une ou l'autre des positions en question et puisqu'elles peuvent être classées dans les deux positions, le Tribunal conclut qu'elles ne peuvent être classées en conformité de la Règle 1 des Règles générales. Ni la Règle 2 a) ni la Règle 2 b) ne s'appliquent. La Règle 3 a) prévoit notamment ce qui suit :

La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale.

La question à laquelle le Tribunal doit répondre est celle de savoir quelle position dénomme plus spécifiquement les marchandises en cause. Après avoir soigneusement examiné les éléments de preuve au dossier et les témoignages entendus, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont plus spécifiquement dénommées dans la position no 87.11 à titre de « [m]otocycles (y compris les cyclomoteurs) et cycles équipés d'un moteur auxiliaire, avec ou sans side-cars; side-cars ».

Traitant d'abord de la question de la portée de la position no 87.11, le Tribunal est d'avis que ladite position englobe plus que les véhicules automobiles à deux roues et peut inclure les véhicules automobiles à trois ou à quatre roues. Il est d'avis que le terme « motocycle » peut certainement être compris comme incluant les véhicules automobiles à quatre roues. Le Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles inclut les marchandises en cause dans la définition de l'expression « motocyclette à usage restreint ». Les témoignages unanimes, ainsi que la documentation22 , montrent que les VTT sont le résultat d'une évolution de véhicules à deux roues à véhicules à trois roues, puis à véhicules à quatre roues. La Commission du tarif, un des prédécesseurs du Tribunal, a tiré la même conclusion il y a 25 ans, lorsqu'elle a affirmé ce qui suit :

De l'avis de la Commission, le terme « motocyclette » dérive des mots « moteur » et « bicycle » ou « tricycle ». Les premiers modèles de motocyclette [...] montrent différentes configurations de motocyclettes, c'est-à-dire deux roues arrière et une seule roue avant, deux roues avant et une seule roue arrière activée par une chaîne, et une motocyclette à deux roues munie d'un sidecar à une roue. D'autres pièces à conviction illustrent l'évolution de la motocyclette de 1860 à nos jours.

[A]lors que l'évolution de la motocyclette a clairement favorisé la configuration à deux roues, cela ne signifie pas qu'une machine qui est activée, conduite et dirigée de la même manière qu'un modèle à deux roues, ne peut être considérée comme étant une motocyclette uniquement parce qu'elle possède trois roues 23 . [Soulignement ajouté]

Le commissaire a aussi soutenu que, en précisant que « [c]ette position couvre, d'une part, un ensemble de véhicules à moteur, à deux roues destinés essentiellement au transport des personnes », les Notes explicatives de la position no 87.11 excluent les marchandises en cause. Cependant, les Notes explicatives prévoient aussi que « [s]ont également classés ici les véhicules à trois roues (du type triporteur, par exemple), à la condition qu'ils ne présentent pas le caractère d'une voiture automobile du no 87.03 ». Le Tribunal y voit une indication que, contrairement à ce qui est dit au premier paragraphe des Notes explicatives, la position couvre plus que des véhicules à deux roues.

Le Tribunal fait observer l'exigence voulant que les marchandises en cause soient destinées « essentiellement » au transport des personnes. Toutefois, cette exigence fait partie des Notes explicatives de la position no 87.11 et non des Notes de Chapitres comme c'était le cas dans Yamaha 24 . Le Tribunal est d'avis que le mot « essentiellement » prévoit quand même des fonctions subsidiaires. Par conséquent, le fait que les marchandises en cause soient équipées de porte-bagages à l'avant et à l'arrière et qu'elles soient capables de pousser ou de tirer n'empêche pas nécessairement, de l'avis du Tribunal, leur classement dans la position no 87.11. En outre, l'inclusion du « triporteur » dans les Notes explicatives de la position no 87.11 laisse entendre que la position couvre aussi des véhicules destinés au travail et au transport de personnes.

Ce qui convainc le Tribunal du classement des marchandises en cause dans la position no 87.11, ce sont les caractéristiques qu'elles ont en commun avec les motocycles à deux roues. Le Tribunal a reçu d'amples éléments de preuve non réfutés, indiquant que les marchandises en cause et les motocycles à deux roues ont beaucoup de points communs. Ces caractéristiques communes comprennent le système de direction à guidon, l'emplacement des différentes commandes sur le guidon, la conception à châssis tubulaire et l'interchangeabilité de plusieurs pièces. Sur ce dernier point, le Tribunal a même entendu un témoignage selon lequel certaines pièces portent le même numéro. Il a aussi reçu des éléments de preuve selon lesquels les détails mécaniques et la conception des marchandises en cause sont, dans l'ensemble, très proches de ceux des motocycles à deux roues et selon lesquels le moteur des VTT a évolué à partir du moteur des motocycles à deux roues.

Le Tribunal a aussi été frappé de l'analogie tirée entre le VTT ou le motocycle et un « cheval mécanique » : les VTT sont enfourchés et conduits comme un motocycle à deux roues « ou un cheval mécanique » - et non conduits comme une automobile. Pour faire tourner les VTT et les motocycles à deux roues, il faut opérer un transfert de poids; la même chose est vraie avec un cheval dressé. On ne conduit pas un VTT, ni un motocycle à deux roues, comme on conduit une automobile. Les usagers des VTT et des motocycles à deux roues portent un équipement similaire, comme un casque et des lunettes de protection. Il y avait aussi des éléments de preuve selon lesquels les VTT et les motocycles à deux roues sont fabriqués par les mêmes entreprises, dans les mêmes usines, et vendus par l'intermédiaire des mêmes détaillants, dans ce qui est souvent appelé des « magasins de motos ». Ils sont en compétition sur les mêmes pistes et sont régis, en tant que types de motocyclettes par les règles de compétition de motocross du Canadian Motosport Racing Club25 . Enfin, même si la formation d'un mécanicien de motocyclettes est totalement différente de celle d'un mécanicien de véhicules automobiles, celle du mécanicien de motocyclettes porte habituellement sur toutes les motocyclettes, quelle que soit la configuration des roues.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont mieux dénommées dans la position no 87.11 à titre de motocycles que dans la position no 87.03 à titre de voitures de tourisme et autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes.

Le commissaire a aussi soutenu que la décision que le Tribunal a rendue dans Yamaha devait être confirmée, parce que, notamment, le Tribunal aurait à l'époque pu classer les marchandises dans une autre position, mais avait choisi de ne pas le faire. Même s'il est bien établi que le Tribunal n'est pas lié par sa jurisprudence, il fait observer que les parties dans Yamaha n'ont ni débattu ni envisagé le classement dans la position no 87.11 et qu'il n'a pas reçu d'élément de preuve à l'appui du classement dans ladite position à l'audience.

Ayant classé les marchandises en cause au niveau de la position, le Tribunal les classera ensuite aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire. Les numéros tarifaires pertinents concurrents dans la position no 87.11 sont les suivants :

8711.20.00 -À moteur à piston alternatif, d'une cylindrée excédant 50 cm3 mais n'excédant pas 250 cm3

8711.30.00 -À moteur à piston alternatif, d'une cylindrée excédant 250 cm3 mais n'excédant pas 500 cm3

Les dépliants de Kawasaki26 indiquent que tous les modèles Kawasaki en cause, à l'exception du modèle Bayou 220, sont munis d'un moteur d'une cylindrée excédant 250 cm3, mais n'excédant pas 500 cm3. Le Bayou 220 est muni d'un moteur d'une cylindrée de 215 cm3. Les dépliants de Suzuki27 indiquent que les modèles LT-F4WDW, LT-F250W, LT-F250X et LT-F250FX sont munis d'un moteur d'une cylindrée de 246 cm3. Les modèles LT-F4WDXW, LT-F300FX, LT-F500FW, LT-F500FX sont tous munis d'un moteur d'une cylindrée excédant 250 cm3, mais n'excédant pas 500 cm3.

Par conséquent, les marchandises en cause devraient être classées comme il suit :

· numéro tarifaire 8711.20.00-modèles LT-F4WDW, LT-F250W, LT-F250X et LT-F250FX de SUZUKI-modèle Bayou 220 de KAWASAKI

· numéro tarifaire 8711.30.00-modèles LT-F4WDXW, LT-F300FX, LT-F500FW, LT-F500FX de SUZUKI-modèles Bayou 300, Bayou 300 4 x 4, Bayou 400 4 x 4, KVF 300, KVF 300 4 x 4, KVF, KVF 4 x 4, Prairie, Prairie 4 x 4 de KAWASAKI.

Pour les motifs qui précèdent, les appels sont admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . Mémoire de Kawasaki et de Suzuki, onglet 2.

4 . C.R.C., c. 1038 [Règlement]. Le paragraphe 2(1) du Règlement définit « véhicule tout terrain » comme il suit : « un véhicule sur roues ou sur chenilles, autre qu'une motoneige ou un véhicule de travail, qui est conçu principalement pour les loisirs et aussi pour le transport de biens ou d'équipement, et qui est destiné à être utilisé exclusivement sur des emprises routières non aménagées, sur des terrains marécageux, en rase campagne ou sur toute autre surface non préparée ».

5 . Le paragraphe 2(1) du Règlement définit « motocyclette à usage restreint » comme il suit : « [v]éhicule, y compris un véhicule tout terrain conçu principalement pour les loisirs, à l'exclusion d'une bicyclette assistée, d'un véhicule de compétition et d'un véhicule importé temporairement à des fins spéciales, qui, à la fois :

a) a un guidon;

b) est conçu pour rouler sur au plus quatre roues en contact avec le sol;

c) ne comporte pas de partie intégrante du véhicule renfermant le conducteur et son passager, ceux-ci n'étant protégés que par la partie du véhicule située devant le torse du conducteur et par le dossier du siège;

d) porte une étiquette dans les deux langues officielles, apposée en permanence et bien en évidence, indiquant que le véhicule est une motocyclette à usage restreint ou un véhicule tout terrain et qu'il n'est pas destiné à être utilisé sur les chemins publics ».

6 . Mémoire de Kawasaki, onglet 27.

7 . Transcription de témoignage public, 29 octobre 2002 à la p. 66.

8 . (1978), 6 R.C.T. 666 [Honda].

9 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41, annexe 1 [Règles générales].

10 . (6 décembre 2000), AP-99-105 (TCCE) [Yamaha].

11 . Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

12 . [1998] 1 R.C.S. 27.

13 . [1998] 1 C.F. 124 (C.A.).

14 . L.R.C. 1985, c. M-10.

15 . Supra note 8 à la p. 673.

16 . The Concise Oxford Dictionary, 2001, s.v. « quad bike » (motocyclette à quatre roues/moto quad).

17 . BREEZE YFA1. Un classement subséquent portant sur un VTT équipé d'un porte-bagages et d'une barre d'attelage (Kodiak YFM400FW) a par la suite été délivré en mai 1999.

18 . (2 décembre 1996), AP-95-044 (TCCE).

19 . « Classification of four wheeled vehicles called "A.T.V." and study of the scope of heading 87.11 » (annexe H/14 au Doc. 42.100 E), mémoire de Suzuki et de Kawasaki, onglet 23.

20 . (16 octobre 1997), AP-96-092 (TCCE).

21 . Ibid. à la p. 9.

22 . « Safe Use of All-Terrain Vehicles (ATVs) on the Farm », mémoire de Suzuki, onglet 20.

23 . Supra note 8 aux pp. 672-673.

24 . Les Notes de Chapitres de la position no 87.01 définissent le mot « tracteur » comme s'entendant de véhicules moteurs conçus essentiellement pour tirer ou pousser.

25 . Dossier supplémentaire des sources invoquées de Suzuki et Kawasaki, onglet 24.

26 . Fiches techniques « 1998 ATV Series » et « Kawasaki ATV - 1999 », mémoire de Kawasaki, onglet 2 aux pp. 10, 26.

27 . Mémoire de Suzuki, onglet 2 aux pp. 6, 12.