SPORT DINACO INC.

Décisions


SPORT DINACO INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-99-061

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 4 mai 2000

Appel no AP-99-061

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 mars 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 3 août 1999 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SPORT DINACO INC. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.


Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant

Raynald Guay

Raynald Guay
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Les marchandises en question sont divers modèles de moniteurs de fréquence cardiaque (MFC) ainsi que des articles et ensembles connexes. Les MFC se composent d'un récepteur porté au poignet et d'un dispositif de mesure en continu sous forme d'une ceinture dotée d'une courroie élastique, portée autour du torse. Les articles et ensembles connexes comprennent des ceintures de mesure en continu, des courroies élastiques, des systèmes d'interface informatique, des ensembles de capteur de vitesse, des trousses de capteur de cadence, des ensembles de montage sur bicyclette et des simulateurs de pouls. La principale question en litige est celle de savoir si les divers modèles de MFC sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9102.12.00 à titre de montres-bracelets, fonctionnant électriquement, même incorporant un compteur de temps, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent êtres classés dans le numéro tarifaire 9029.20.91 à titre de tachymètres, comme l'a soutenu l'appelante. La deuxième question en litige se rapporte au classement correct des articles et ensembles connexes.

DÉCISION : L'appel est admis. La Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé indique que le classement est déterminé, dans la mesure du possible, d'après les positions et les Notes de Sections ou de Chapitres. La position no 90.29 dénomme spécifiquement les tachymètres. La Note B des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 90.29 décrit les tachymètres comme étant des appareils qui indiquent le nombre de tours, la vitesse, la production, etc., par unité de temps. La mesure du temps est donc une fonction inhérente au tachymètre et, par conséquent, le simple fait que les récepteurs MFC indiquent aussi l'heure n'en fait pas des montres-bracelets. En outre, la Note I des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises du Chapitre 90 mentionne, notamment, que ce chapitre englobe un ensemble d'instruments et d'appareils très divers, qui, en règle générale, se caractérisent par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ce qui vaut à la plupart d'entre eux d'être utilisés dans des applications techniques telles que des mesures. Les MFC sont des instruments de précision dont le degré d'exactitude est comparable à celui des électrocardiographes en ce qui a trait à la mesure de la fréquence cardiaque, et ils sont utilisés pour une application technique particulière, celle de mesurer en continu la fréquence cardiaque durant un exercice. Par conséquent, les MFC sont des tachymètres visés dans le numéro tarifaire 9029.20.91. Étant donné une telle conclusion du Tribunal et le fait que l'intimé ait accepté de classer les articles et les ensembles connexes à titre de parties et accessoires de tachymètres dans le numéro tarifaire 9029.90.92 si le Tribunal était d'accord avec l'appelante sur la principale question en litige, lesdites marchandises sont donc classées à ce titre.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 9 mars 2000

Date de la décision :

Le 4 mai 2000

   

Membres du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

 

Raynald Guay, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Gilles B. Legault

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

J. Peter Jarosz et Richard S. Gottlieb, pour l'appelante

 

Veronica Romagnino et Louis Sébastien, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu Canada) le 3 août 1999 au sujet de marchandises importées au Canada le 27 octobre 1997.

Les marchandises en question sont divers modèles de moniteurs de fréquence cardiaque (MFC) ainsi que des articles et ensembles connexes. Les MFC se composent de plusieurs pièces, soit un récepteur porté au poignet et un dispositif de mesure en continu sous forme d'une ceinture dotée d'une courroie élastique, portée autour du torse. Les articles et ensembles connexes comprennent des dispositifs de mesure en continu sous forme d'une ceinture et des courroies élastiques, qui ont fait l'objet d'importation distincte, de même que des systèmes d'interface informatique, des ensembles de capteur de vitesse, des trousses de capteur de cadence, des ensembles de montage sur bicyclette et des simulateurs de pouls.

Deux questions sont en litige dans le présent appel. La première question est celle de savoir si divers modèles de MFC, à savoir PolarMD Vantage NV, X Trainer Plus, Accurex Plus et Protrainer, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9102.12.00 de l'annexe I du Tarif des douanes 2 à titre de montres-bracelets, fonctionnant électriquement, même incorporant un compteur de temps, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9029.20.91 à titre de tachymètres, comme l'a soutenu l'appelante.

La deuxième question en litige se rapporte au classement correct des articles et ensembles connexes. Contrairement à l'intimé, qui a classé les marchandises dans des numéros tarifaires spécifiques, l'appelante soutient que lesdites marchandises constituent des parties et accessoires de tachymètres et doivent être classées à ce titre dans le numéro tarifaire 9029.90.92. À l'audience, l'intimé a concédé que, si le Tribunal devait déterminer que les MFC sont des tachymètres et non des montres, ces marchandises devraient être classées à titre de parties et accessoires dans le numéro tarifaire 9029.90.92.

À l'audience, M. Burton H. Birnbaum, vice-président de Polar Electro Inc. (Polar), a témoigné au nom de l'appelante. M. Birnbaum, qui est titulaire d'un baccalauréat en génie électrique ainsi que de maîtrises en génie électrique et en administration des affaires, connaît bien les marchandises en question, puisqu'il a été à l'emploi, pendant plus de 25 ans, du seul distributeur de Polar avant de joindre les rangs de cette dernière. M. Birnbaum a expliqué au Tribunal que les MFC ont été inventés par un professeur finlandais de génie électrique qui a prévu le besoin d'un moyen précis et visible de mesurer la fréquence cardiaque d'une personne en mouvement.

M. Birnbaum a aussi expliqué que les MFC en question forment des systèmes sans fil composés d'un émetteur et d'un récepteur. La brève description ci-après du fonctionnement de ce système est fondée sur les pièces au dossier et sur le témoignage de M. Birnbaum. L'émetteur se présente sous la forme d'une ceinture, attachée autour du torse de l'utilisateur au moyen d'une courroie élastique, normalement en dessous de ses vêtements. La ceinture contient des circuits électroniques, une pile et des éléments côtelés qui sont, en fait, des électrodes. Les électrodes captent, sur la poitrine, le signal électrique qui commande les contractions du coeur. Une fois ce signal capté, il est converti en impulsion magnétique transmise à la fréquence de 5 kilohertz à un récepteur porté au poignet de la personne, soit à une distance d'environ trois pieds (certains émetteurs sont codés pour transmettre deux signaux au récepteur, un pour le coeur et un autre pour la cadence du mouvement d'un bipède, comme dans le cas du X Trainer Plus, un article destiné aux cyclistes). Le fonctionnement du récepteur est du type électronique. Il est doté de filtres numériques pour éliminer les bruits, calculer et, finalement, afficher une lecture de la fréquence cardiaque. Il est aussi doté d'une mémoire qui conserve l'information reçue en temps réel. La mémoire peut servir lorsqu'il s'agit de restituer l'information et la saisir dans un troisième dispositif au moyen de systèmes d'interface, comme ceux en question.

Quant à la fonction de mesure du temps, M. Birnbaum a témoigné que « l'indication de l'heure est vraiment un élément accessoire » [traduction] que le producteur a ajouté sans frais, puisque la fabrication d'un récepteur pour la fréquence cardiaque exige une forme de dispositif de mesure du temps pour évaluer les intervalles entre les battements du coeur et les convertir en fréquence cardiaque. M. Birnbaum a expliqué que le récepteur compare une série de battements du coeur consécutifs, en fonction de certaines caractéristiques physiologiques humaines. Par exemple, il a mentionné que la fréquence cardiaque chez une personne raisonnablement en santé ne peut varier de façon marquée entre deux battements. Les MFC tiennent compte de la variation maximale pour déterminer si le signal reçu est du bruit ou un signal véritable. Il exécute un algorithme complet, soit le filtrage numérique susmentionné, pour déterminer la fréquence cardiaque. De même, selon le modèle utilisé, les MFC donnent une lecture des limites supérieures et inférieures, de la capacité de mémoire et du taux de récupération, soit des caractéristiques qui nécessitent une corrélation dans le temps. M. Birmbaum a ajouté que, dans la plupart des cas, les demandes de réparation et d'entretien reçues par les clients de sa compagnie visent la fonction de fréquence cardiaque, et non celle de l'affichage de l'heure. En réponse à une question au sujet des différentes fonctions affichées des récepteurs, M. Birnbaum a expliqué que la fréquence cardiaque et l'heure du jour peuvent être affichées simultanément dans le cas de certains récepteurs. Cependant, cinq minutes après l'exercice, la lecture de la fréquence cardiaque afficherait deux zéros ou n'afficherait plus rien du tout, et dans le cas où la personne aurait choisi la fonction d'affichage de l'intervalle, la lecture du temps qui passe continuerait d'être affichée. Quant aux articles en question, il a ajouté qu'il n'est pas possible de les régler pour qu'ils affichent automatiquement l'heure du jour après cinq minutes; il faudrait, pour ce faire, appuyer sur des boutons.

Les éléments de preuve déposés par l'appelante montrent que les MFC sont aussi précis que les électrocardiographes (ECG), ce qui signifie qu'ils mesurent la fréquence cardiaque à plus ou moins un battement par minute près; que les MFC sont vendus au Canada surtout aux magasins d'articles de sport, de bicyclettes et d'articles de course, aux centres de culture physique et aux écoles, puisque seulement 0,05 p. 100 des recettes de Polar sont tirées des ventes aux magasins de montres; que le prix de vente au détail des MFC au Canada se situe entre 250 $ et 400 $, par rapport à environ 50 $ pour une montre qui affiche les mêmes fonctions liées au temps; que les récepteurs MFC et les émetteurs ne sont pas vendus séparément; et, finalement, que les récepteurs MFC doivent être utilisés avec les émetteurs MFC pour afficher la lecture de la fréquence cardiaque.

Au cours de la plaidoirie, l'intimé et l'appelante ont convenu que la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 3 s'applique en l'espèce. Ils ont convenu que les MFC constituent une unité fonctionnelle et que le dispositif de mesure en continu, c.-à-d. l'émetteur, à lui seul, n'est d'aucune utilité.

Cependant, à l'appui de sa position selon laquelle les MFC sont des montres, l'intimé a renvoyé aux Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 4 de la position no 91.02, qui prévoient, notamment, que les articles suivants relèvent de ladite position : les montres à mouvement simple, aussi bien que celles à système complexe, des montres qui présentent le caractère de fantaisies ou de spécialités, telles que les montres pour plongeurs comportant des indicateurs de profondeur, et les chronographes, qui sont parfois munis de dispositifs spéciaux permettant de déterminer certains paramètres sans calcul, par exemple les pulsations. L'intimé a aussi soutenu que les éléments de preuve montrent que tous les MFC en question peuvent afficher des fonctions de temps du type visé dans la position no 91.02. L'intimé a ajouté que, de fait, même la fonction de mesure en continu de la fréquence cardiaque est liée au temps. Invoquant les documents d'information qui décrivent les MFC, y compris les exclusions de garantie liées à l'utilisation commerciale et une mise en garde contre les autres signaux électromagnétiques (p. ex., les lignes de transport de l'électricité de haute tension, les ordinateurs, les téléviseurs, etc.), l'intimé a soutenu qu'il est douteux que la précision des MFC égale celle des ECG et que leur fini et leur précision suffisent pour qu'ils soient considérés comme étant des marchandises de la position no 90.29.

Le Tribunal est d'avis que la position de l'intimé est fondée sur une perception erronée des MFC. Bien que ces derniers comprennent des récepteurs, qui marquent le temps comme des montres-bracelets et leur ressemblent, le Tribunal est d'accord avec l'appelante sur le fait que les MFC doivent être classés à titre de tachymètres dans la position no 90.29 et non à titre de montres-bracelets dans la position no 91.02, puisqu'ils comprennent aussi un dispositif émetteur de mesure en continu qui est essentiel à l'exécution de la fonction à laquelle ils sont destinés au moment de leur conception, de leur fabrication et de leur vente.

Le Tribunal s'appuie sur la Règle 1 des Règles générales pour classer ces produits. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé, dans la mesure du possible, d'après les positions et les Notes de Sections ou de Chapitres. La position no 90.29 dénomme spécifiquement les tachymètres. La Note B des Notes explicatives de la position no 90.29 décrit les tachymètres comme étant des appareils qui « indiquent le nombre de tours, la vitesse, la production, etc. par unité de temps ». La mesure du temps est donc une fonction inhérente au tachymètre. Les tachymètres mesurent la vitesse ou la fréquence, des choses qui, de par leur nature même, n'ont aucune signification sans intégration ou lien avec une unité de temps. Par conséquent, le simple fait que les récepteurs MFC indiquent aussi l'heure n'en fait pas, de l'avis du Tribunal, des montres-bracelets visées dans la position no 91.02.

Les deux parties ont convenu que les récepteurs ne sont qu'un des composants des MFC. Leur principale fonction est de capter le signal magnétique émis par l'émetteur compris dans le dispositif de mesure en continu, et non d'indiquer l'heure. Quant à l'indication de l'heure, le Tribunal accepte qu'il s'agit d'une fonction qui a été ajoutée, pratiquement sans coût, à titre de supplément utile à la commercialisation. Pour les mêmes motifs, les autres fonctions chronométriques des récepteurs n'en font pas des montres non plus.

En outre, la Note B des Notes explicatives de la position no 90.29 indique que les tachymètres sont « le plus souvent » montés sur des véhicules. Les récepteurs MFC peuvent être montés sur une bicyclette au moyen de l'ensemble de montage sur bicyclette PolarMD5 . Il convient de souligner, cependant, que les définitions du mot tachymètre que donnent les dictionnaires incluent habituellement la notion de la mesure de la fréquence ou cadence. Par exemple, la définition que donne le Stedman's Medical Dictionary 6 indique qu'un tachymètre est « un instrument qui sert à mesurer la vitesse ou la fréquence; p. ex., ... la fréquence cardiaque » [traduction et soulignement ajouté].

Le Tribunal, de plus, est d'avis que la Note I des Considérations générales des Notes explicatives du Chapitre 90 s'applique aux MFC. Bien que la liste qui figure dans ladite note ne soit pas complète, mais donne plutôt des exemples des types de produits visés dans le Chapitre 90, celle-ci se lit comme suit :

Le présent Chapitre englobe un ensemble d'instruments et d'appareils très divers, mais qui, en règle générale, se caractérisent essentiellement par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ce qui vaut à la plupart d'entre eux d'être utilisés notamment dans le domaine purement scientifique (recherches de laboratoires, analyses, astronomie, etc.), pour des applications techniques ou industrielles très particulières (mesures ou contrôles, observations, etc.) ou à des fins médicales.

[Soulignement ajouté]

Les éléments de preuve convainquent le Tribunal que les MFC sont des instruments de précision qui sont visés par la note susmentionnée. Ils n'ont pas la complexité des ECG, mais leur degré de précision est comparable à ces derniers, en ce qui a trait à la mesure de la fréquence cardiaque. De plus, les MFC sont utilisés pour une application technique particulière, celle de mesurer en continu la fréquence cardiaque durant un exercice.

Quant aux autres marchandises en question, l'intimé a convenu, ainsi qu'il a déjà été indiqué, que si le Tribunal devait classer les MFC à titre de tachymètres et non de montres-bracelets, le classement correct des autres marchandises était alors à titre de parties de tachymètres dans le numéro tarifaire 9029.90.92. À la lumière d'une telle admission, lesdites marchandises sont donc classées à ce titre.

Le Tribunal admet donc l'appel. Les MFC en question doivent être classés dans le numéro tarifaire 9029.20.91 à titre de tachymètres et les autres marchandises en question, dans le numéro tarifaire 9029.90.92 à titre de parties et accessoires de tachymètres.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . Ibid., annexe I [ci-après Règles générales].

4 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986, et 2e éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

5 . Pièce A-13.

6 . Vingt-sixième éd., Baltimore (Md), Williams & Wilkins, 1995, s.v. « tachometer ».


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Publication initiale : le 25 mai 2000