AGRIPACK

Ordonnances et motifs de prolongation de délai (Loi sur les douanes)


AGRIPACK
Demande no EP-2003-002


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 16 février 2004

Demande no EP-2003-002

EU ÉGARD À une demande d'Agripack aux termes de l'article 60.2 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, pour une prorogation du délai de présentation d'une demande de réexamen.

ORDONNANCE DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur fait droit à la demande de prorogation du délai de présentation d'une demande de réexamen aux termes de l'article 60 de la Loi sur les douanes.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 20 novembre 2001, le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) a rendu une décision aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi sur les douanes 1 , révisant le classement tarifaire et la valeur en douane de marchandises importées par Agripack. Le 22 février 2002, Agripack a déposé une demande de réexamen de cette décision, en vertu du paragraphe 60(1). Le commissaire a informé le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) que la demande avait été rejetée au motif qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai prévu. Le 22 avril 2002, Agripack a versé les montants dus à la suite de la révision.

Le 23 décembre 2002, Agripack a déposé auprès du commissaire une demande de prorogation du délai de présentation d'une demande de réexamen. Le 31 mars 2003, le commissaire a rejeté la demande de prorogation d'Agripack au motif que cette dernière n'avait pas satisfait à toutes les conditions prévues par le paragraphe 60.1(6) de la Loi pour qu'il soit fait droit à une telle demande. Le 22 mai 2003, Agripack a présenté au Tribunal une demande de prorogation du délai de présentation d'une demande de réexamen, en vertu de l'article 60.2. La demande se rapportait aux numéros de rajustement B2-1 00005009963349 et 00005009963189, délivrés le 20 novembre 2001.

POSITION DES PARTIES

Dans un exposé déposé auprès du Tribunal et daté du 15 septembre 2003, Agripack a souligné que la décision nationale des douanes (DND) essentielle à sa compréhension de la révision du commissaire avait été traitée incorrectement, de sorte qu'elle ne l'avait reçue que le 27 novembre 2001. Elle est d'avis que ce n'est que sur réception de la DND, le 27 novembre 2001, que le délai prévu au paragraphe 60(1) de la Loi a commencé. De plus, n'ayant pas reçu cette DND en temps opportun, Agripack est d'avis qu'elle ne pouvait ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en ce qui concerne le dépôt de la demande.

Le commissaire a soutenu, dans son exposé du 8 août 2003, qu'Agripack n'avait pas satisfait au critère « n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir » puisque aucune des mesures présentées par Agripack ne constituait des circonstances indépendantes de sa volonté, ou n'entravait sa capacité de déposer un avis de contestation aux termes de l'article 60 de la Loi ou de mandater quelqu'un pour déposer un tel avis dans le délai prévu par la loi. Il a conclu qu'Agripack pouvait agir, mais ne l'avait tout simplement pas fait. Le commissaire a prétendu que les lettres d'Agripack à des ministres et à des associations d'importateurs ne peuvent être assimilées à une intention véritable de présenter une demande et que la demande n'avait en fait été présentée que le 23 décembre 2002, soit 10 mois après la délivrance de l'avis de la détermination du commissaire aux termes de l'article 59 de la Loi.

En ce qui a trait à la condition énoncée à l'article 60.2 de la Loi selon laquelle la demande doit être présentée « dès que possible », le commissaire a renvoyé à la jurisprudence en matière fiscale pour appuyer son argument selon lequel cette expression doit être interprétée comme signifiant « des circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du client ». Il a soutenu que, à défaut d'incapacité des employés clés ou de désastre naturel, la demande devait être rejetée à ce motif. Le commissaire a prétendu qu'attendre des réponses à des pièces de correspondance ne satisfaisait pas à cette condition, particulièrement lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les pièces de correspondance n'avaient pas rapport au processus relatif à la demande. De plus, le commissaire a prétendu qu'il incombait à Agripack d'expliquer quelles étaient ces circonstances, ce qu'elle n'a pas fait dans le cadre de la présente demande.

Le commissaire a aussi prétendu qu'Agripack n'a pas satisfait à la condition selon laquelle il faut établir qu'il serait « juste et équitable » de faire droit à la demande. Le commissaire a prétendu que le Tribunal doit donner son avis sur la question de savoir s'il serait juste dans l'ensemble de faire droit à la demande. À cet égard, il a observé que faire droit à la demande aurait une incidence négative non seulement sur lui-même, mais aussi sur d'autres importateurs qui font de grands efforts pour respecter le délai prévu par la Loi. Le commissaire a renvoyé à l'affirmation d'Agripack selon laquelle cette décision particulière créera des difficultés financières importantes, mais a prétendu qu'il « faut établir clairement le lien entre les difficultés financières et l'incidence sur la procédure de dépôt » [traduction], ce qui n'a pas été fait en l'espèce.

ANALYSE

L'article 60.2 de la Loi prévoit ce qui suit :

60.2 (1) La personne qui a présenté une demande de prorogation en vertu de l'article 60.1 peut demander au Tribunal canadien du commerce extérieur d'y faire droit :

a) soit après le rejet de la demande par le commissaire;

b) soit à l'expiration d'un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la présentation de la demande, si le commissaire ne l'a pas avisée de sa décision.

La demande fondée sur l'alinéa a) est présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant le rejet de la demande.

(2) La demande se fait par dépôt, auprès du commissaire et du secrétaire du Tribunal canadien du commerce extérieur, d'une copie de la demande de prorogation visée à l'article 60.1 et, si un avis a été donné en application du paragraphe 60.1(4), d'une copie de l'avis.

(3) Le Tribunal canadien du commerce extérieur peut rejeter la demande ou y faire droit. Dans ce dernier cas, il peut imposer les conditions qu'il estime justes ou ordonner que la demande de révision ou de réexamen soit réputée valide à compter de la date de l'ordonnance.

(4) Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande de prorogation visée au paragraphe 60.1(1) a été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai prévu à l'article 60;

b) l'auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l'article 60, il n'a pu agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention de présenter une demande de révision ou de réexamen,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

Le Tribunal traitera des quatre conditions prévues par cet article, telles qu'elles s'appliquent à l'espèce.

La première condition est que la demande présentée au commissaire en vertu de l'article 60.1 de la Loi doit être présentée dans l'année suivant l'expiration du délai de demande prévu à l'article 60. Le commissaire a rendu sa décision aux termes du paragraphe 59(1) le 20 novembre 2001, de sorte que la demande présentée en vertu de l'article 60 aurait dû être faite au plus tard le 18 février 2002. Étant donné qu'Agripack disposait d'un délai de un an à compter de cette date, à savoir jusqu'au 18 février 2003, pour présenter sa demande de prorogation et que sa demande a été présentée le 23 décembre 2002, il est satisfait à la première condition.

La deuxième condition, prévue au sous-alinéa 60.2(4)b)(i) de la Loi, est qu'Agripack doit établir qu'elle n'a pu, dans le délai prescrit, ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom pour répondre à la révision du commissaire. Comme alternative, Agripack pourrait établir qu'elle avait véritablement l'intention de présenter une demande de révision ou de réexamen dans le délai prescrit. À cet égard, le Tribunal constate que la demande de prorogation présentée par Agripack en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi porte une empreinte de timbre à date du 22 février 2002. Le délai d'appel de 90 jours a pris fin le 18 février 2002, de sorte que la demande n'était en retard que de quatre jours. En outre, bien que la demande ait été estampillée le 22 février 2002, elle a été signée le 14 février 2002, ce qui s'inscrit dans le délai d'appel prévu par l'article 60. Le Tribunal conclut donc qu'Agripack avait véritablement l'intention de présenter une demande de révision ou de réexamen dans le délai prescrit, et qu'il est satisfait à la deuxième condition.

Le Tribunal est d'avis qu'Agripack a aussi satisfait à la troisième condition, énoncée au sous-alinéa 60.2(4)b)(ii) de la Loi, en ce sens qu'elle a établi qu'il serait juste et équitable de faire droit à la demande. Le Tribunal constate que la décision du commissaire aura une incidence importante sur Agripack. Le Tribunal n'est pas d'accord avec le commissaire sur le fait que d'autres seront injustement placés dans une situation désavantageuse, s'il est fait droit à la demande. Étant donné les circonstances de l'espèce, et particulièrement le retard pour notifier Agripack de la DND qui la concernait et qui était pertinente pour comprendre la révision du commissaire en l'espèce, le Tribunal n'est pas convaincu que faire droit à la demande de prorogation du délai placerait d'autres importateurs dans une situation désavantageuse.

En ce qui a trait à la quatrième condition, énoncée au sous-alinéa 60.2(4)b)(iii) de la Loi, selon laquelle Agripack doit établir que « la demande a été présentée dès que possible », le Tribunal est d'avis qu'il doit tenir compte des circonstances entourant la demande auprès du commissaire présentée par Agripack en vertu de l'article 60.12 . Le Tribunal prend note de la complexité relative de l'affaire et est d'avis qu'il n'était pas déraisonnable de la part d'Agripack de prendre presque un an pour mettre sa demande au point, y compris le versement des montants dus au commissaire à la suite de la révision et le temps nécessaire pour préparer sa défense. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que la demande a été présentée dès que possible et qu'il est satisfait à la quatrième condition.

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut qu'Agripack a satisfait à toutes les quatre conditions prescrites et qu'il doit être fait droit à sa demande. Par conséquent, il fait droit à la demande de prorogation du délai pour les motifs ci-dessus et donne à Agripack jusqu'au 26 mars 2004 pour présenter sa demande de réexamen en vertu de l'article 60 de la Loi.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Voir Bernard Chaus Inc. (4 décembre 2003), EP-2003-001 (TCCE).