BARNEY PRINTING LIMITED

Décisions


BARNEY PRINTING LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-99-062

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 15 mai 2001

Appel no AP-99-062

EU ÉGARD À un appel entendu le 3 mai 2000 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 19 juillet 1999 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BARNEY PRINTING LIMITED Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Pierre Gosselin

Pierre Gosselin
Membre présidant

Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national, suivant laquelle l'intimé n'a pas remboursé la taxe de vente fédérale (TVF) payée sur des imprimés exempts de la taxe. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si une demande de remboursement de la TVF, qui a été déposée par l'appelante et qui ne faisait pas mention d'imprimés, ouvre droit pour l'appelante au remboursement de la TVF payée par erreur sur des imprimés.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le processus de détermination du montant exact payé par erreur est déclenché par la demande de remboursement comme l'indiquent les paragraphes 72(4) et 72(5) de la Loi sur la taxe d'accise. Le Tribunal est d'avis que la demande doit énoncer la nature de l'erreur commise par le demandeur pour que le délai prescrit ait un sens. Dans les cas où l'erreur se rapporte à des montants de TVF versés sur des marchandises exemptes de la taxe, le type de marchandises doit être précisé. Sinon, il suffirait simplement de signifier un avis d'opposition qui stipule que des sommes d'argent ont été versées par erreur, sans donner de plus amples renseignements et sans même savoir si une erreur a effectivement été commise, pour protéger tout montant versé par erreur pendant la période de deux ans en cause.

De plus, accepter que la nature de l'erreur ne soit pas précisée dans la demande de remboursement semblerait enlever toute sa valeur contraignante à l'expression « si elle en fait la demande » qui se trouve à l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise. Étant donné l'obligation qui lui incombe de déterminer le montant payable au demandeur, cela imposerait à l'intimé un fardeau déraisonnable. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, il s'agirait là aussi d'un moyen de contourner le délai de deux ans prescrit. Le Tribunal est d'avis que tel n'a pu être l'intention du Parlement.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 3 mai 2000

Date de la décision :

Le 15 mai 2001

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Patricia M. Close, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Philippe Cellard

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

J.A. Prestage, pour l'appelante

 

Patricia Johnston, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 19 juillet 1999, suivant laquelle l'intimé n'a pas remboursé la taxe de vente fédérale (TVF) payée sur des imprimés exempts de la taxe. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si une demande de remboursement de la TVF, qui a été déposée par l'appelante aux termes de l'article 68 de la Loi le 9 mai 1990 et qui ne faisait pas mention d'imprimés, ouvre droit pour l'appelante au remboursement de la TVF payée par erreur sur les imprimés.

Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.
72(4) Le ministre saisi d'une demande doit, avec toute la célérité raisonnable, l'examiner et déterminer le montant éventuel à payer au demandeur.
72(5) Lors de l'examen d'une demande, le ministre n'est pas lié par une demande présentée ni par un renseignement fourni par une personne ou au nom de celle-ci.

PREUVE

L'appelante et l'intimé ont déposé un exposé conjoint des faits. Les faits sont les suivants. L'appelante est un imprimeur commercial qui produit, notamment, des articles de représentation et des imprimés. Les articles de représentation servent à produire des imprimés (p. ex., un film et des épreuves). Les imprimés sont des articles créés avec les articles de représentation (p. ex., rapports annuels, bulletins, dépliants et catalogues).

Au cours de la période visée par l'appel, du 1er mai 1988 au 31 décembre 1989, l'appelante a payé la TVF conformément à la Loi tant sur les articles de représentation que sur les imprimés. Le 9 mai 1990, l'appelante a déposé, sur la formule prescrite, c.-à-d. Demande de remboursement ou de déduction des taxes de vente et (ou) d'accise fédérales, une demande de remboursement au montant de 74 708,54 $ à l'égard de la TVF payée par erreur sur les articles de représentation. Le 11 juillet 1990, l'intimé a rendu un avis de détermination qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de l'appelante. Le 27 décembre 1990, l'appelante a signifié un avis d'opposition à l'intimé en réponse à l'avis de détermination. L'avis d'opposition a été laissé en suspens jusqu'au début de 1999 en attendant l'issue d'un litige similaire.

En janvier 1999, le ministère du Revenu national (désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada) a entrepris une vérification des dossiers de l'appelante en réponse à son avis d'opposition. Le vérificateur a demandé à l'appelante de préparer une analyse fondée sur les véritables registres du travail. L'analyse qui en est résultée a révélé que, au cours de la période visée par l'appel, l'appelante avait versé par erreur sur les articles de représentation un montant de TVF de 135 660,18 $, plutôt que le montant de 74 708,59 $ initialement demandé. De plus, l'appelante a découvert qu'elle avait aussi payé, au cours de la période visée par l'appel, la TVF sur les imprimés censément exempts de la taxe, un montant de 64 298,48 $.

Le 19 juillet 1999, l'intimé a rendu un avis de décision au sujet de la demande de remboursement de l'appelante portant sur les articles de représentation. La décision prenait aussi en considération les montants censément payés par erreur sur les imprimés. L'avis de décision a conclu que la totalité du paiement en trop, soit 135 660,18 $, se rapportant aux articles de représentation serait payée. L'avis concluait aussi qu'il n'y aurait pas de remboursement concernant la TVF payée sur les imprimés, puisque les transactions visées étaient « frappées de prescription ». C'est cette dernière décision qui fait l'objet du présent appel. Les parties étaient d'accord que, aux fins du présent appel, il sera présumé qu'au moins certains imprimés étaient exempts de la TVF, puisqu'ils entraient dans la portée d'application d'une catégorie d'exemptions prévues par la Loi.

PLAIDOIRIE

Invoquant l'affaire Erin Michaels Mfg. c. MRN 2 , l'appelante a soutenu avoir droit à un remboursement de la TVF payée par erreur sur les imprimés. Dans Erin Michaels, le Tribunal a déterminé qu'un contribuable pouvait recouvrer un montant supérieur au montant qu'il avait demandé dans sa demande initiale. Selon l'appelante, il n'est pas pertinent en l'espèce que, dans Erin Michaels, le montant indiqué dans la demande initiale et le montant du remboursement désiré se rapportaient tous deux aux mêmes marchandises. L'appelante a soutenu que le même principe s'applique lorsque le montant dont le remboursement est désiré, qui représente un excédent par rapport au montant énoncé dans la demande initiale, se rapporte à d'autres marchandises. À l'appui de sa position, l'appelante a invoqué le paragraphe 72(5) de la Loi qui stipule que, dans l'examen d'une demande, l'intimé n'est pas lié par ladite demande.

L'appelante a soutenu que, puisqu'elle a déposé une demande de remboursement fondée sur le fait que la taxe avait été payée par erreur sur des marchandises données exemptes de la taxe, alors la taxe payée par erreur sur toutes les marchandises exemptes de la taxe est admissible aux fins du remboursement dans le cadre de ladite demande. L'appelante a soutenu que, selon le raisonnement de principe qui a justifié la décision du Tribunal dans Erin Michaels, l'intimé ne devait pas avoir le droit de garder des sommes supérieures au montant auquel il avait droit au moment de la présentation d'une demande de remboursement dans le délai prescrit. L'appelante a affirmé que le même raisonnement appuyait sa position dans le présent appel.

L'intimé a soutenu que le présent appel se distingue de Erin Michaels, qui ne portait que sur un seul type de marchandises. Dans le présent appel, la partie du montant désiré au titre de remboursement qui dépasse le montant indiqué dans la demande initiale se rapporte à des marchandises, à savoir des imprimés, qui sont différentes des marchandises énumérées dans la demande initiale, à savoir des articles de représentation. L'intimé a soutenu que le montant payé par erreur sur les imprimés ne doit pas être remboursé, étant donné qu'il n'a pas été fait mention d'imprimés dans la demande initiale de remboursement déposée aux termes de l'article 68 de la Loi. Aucune demande modifiée ou nouvelle demande de remboursement concernant les imprimés n'a été déposée dans le délai de deux ans prescrit à l'article 68.

Selon l'intimé, accorder un remboursement sur la taxe payée par erreur sur les imprimés équivaudrait à permettre une modification de la demande initiale ou à permettre le dépôt d'une nouvelle demande, dans les deux cas après les délais prescrits. L'intimé a aussi soutenu qu'admettre le présent appel établirait un précédent qui permettrait à une personne de protéger son droit au remboursement de sommes payées par erreur tout simplement en déposant une demande générale de remboursement sans préciser la nature du remboursement désiré. Selon l'intimé, un tel précédent serait contraire à l'objet de la Loi.

DÉCISION

L'article 68 de la Loi prévoit notamment que, lorsqu'une personne a versé des sommes d'argent par erreur et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, un montant égal à celui de ces sommes doit être payé à cette personne si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes. Le paragraphe 72(4) indique que le Ministre saisi d'une demande doit, avec toute la célérité raisonnable, l'examiner et déterminer le montant éventuel à payer au demandeur. Aux termes du paragraphe 72(5), lors de l'examen d'une demande, le Ministre n'est pas lié par une demande présentée ni par un renseignement fourni par une personne ou au nom de celle-ci.

Dans le présent appel, l'appelante, lorsqu'elle a déposé sa demande de remboursement auprès de l'intimé, a indiqué demander un remboursement au montant de 74 708,54 $ pour la TVF payée par erreur sur les articles de représentation exempts de la taxe. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, après une vérification, l'appelante s'est rendu compte que le montant de la TVF payé par erreur était, de fait, 135 660,18 $. L'intimé a remboursé ce montant même si l'appelante avait demandé un montant moindre dans son avis de demande.

La question que le Tribunal doit trancher dans le présent appel consiste à savoir si, ayant présenté, dans le délai prescrit de deux ans, une demande de remboursement de la TVF payée sur un type de marchandises exemptes de la taxe, à savoir les articles de représentation, l'appelante a droit à un remboursement de la TVF payée sur un autre type de marchandises exemptes de la taxe, à savoir les imprimés, dont il n'a pas été fait mention dans la demande initiale.

L'article 68 de la Loi prévoit qu'une personne doit déposer sa demande de remboursement dans un délai de deux ans si elle veut obtenir le remboursement de sommes d'argent versées par erreur. Le Tribunal est d'avis que cette disposition suppose que le demandeur doit faire rapport de la nature de son erreur dans ce même délai. Permettre le remboursement pour une erreur découverte après l'expiration du délai de deux ans semblerait aller à l'encontre de l'objet d'un tel délai.

Le Tribunal est d'avis que le présent appel se distingue de Erin Michaels. Dans Erin Michaels, l'appelante, lorsqu'elle a déposé sa demande, a demandé le remboursement de la TVF payée par erreur sur des noeuds pour les cheveux exempts de la taxe. Manifestement, l'appelante savait à ce moment-là qu'un montant de TVF avait été payé par erreur sur les noeuds pour les cheveux. Par la suite, la vérification a révélé que le montant payé par erreur était supérieur au montant précisé dans la demande de remboursement. Ainsi qu'il a été décidé dans Erin Michaels, l'excédent par rapport au montant indiqué dans la demande était aussi remboursable.

En rendant sa décision dans Erin Michaels, le Tribunal, après avoir cité les paragraphes 72(4) et 72(5) de la Loi, a déclaré ce qui suit :

Le Tribunal interprète ces dispositions comme signifiant que le Ministre doit déterminer le montant à payer au demandeur et, ce faisant, n'est pas lié par les renseignements fournis par le demandeur. Le Tribunal est donc d'avis qu'il ne suffit pas que le Ministre accepte sans poser de question le montant établi dans la demande comme étant le montant des sommes versées par erreur, ou qu'il limite le remboursement à ce montant. Aux fins de la détermination du montant payable à un demandeur, le Ministre doit déterminer le montant exact payé par erreur. C'est ce montant qui constitue le montant payable aux termes de l'article 68, sous réserve du délai limite de deux ans que prévoit le paragraphe.3

Il convient de faire observer que, dans l'extrait ci-dessus, l'accent est mis sur la détermination du « montant » payé par erreur. La demande de remboursement déclenche le processus de détermination du montant exact payé par erreur, comme l'indiquent les paragraphes 72(4) et 72(5) de la Loi. Le Tribunal est d'avis que la demande doit énoncer la nature de l'erreur commise par le demandeur pour que le délai prescrit ait un sens. Dans les cas où l'erreur se rapporte à des montants de TVF versés sur des marchandises exemptes de la taxe, le type de marchandises doit être précisé. Sinon, il suffirait simplement de déposer une demande de remboursement qui stipule que des sommes d'argent ont été versées par erreur, sans donner de plus amples renseignements et sans même savoir si une erreur a effectivement été commise, pour protéger tout montant versé par erreur pendant la période de deux ans en cause.

De plus, accepter que la nature de l'erreur ne soit pas précisée dans la demande de remboursement semblerait enlever toute sa valeur contraignante à l'expression « si elle en fait la demande » qui se trouve à l'article 68 de la Loi. Étant donné l'obligation qui lui incombe de déterminer le montant payable au demandeur4 , cela imposerait à l'intimé un fardeau déraisonnable. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, il s'agirait là aussi d'un moyen de contourner le délai de deux ans prescrit. Le Tribunal est d'avis que tel n'a pu être l'intention du Parlement.

À la lumière de ce qui précède et étant donné que l'appelante n'a pas présenté, dans le délai de deux ans prescrit, de demande de remboursement de la TVF payée par erreur sur des imprimés exempts de la taxe, le Tribunal conclut que l'appelante n'a pas droit au remboursement du montant de la TVF payée par erreur sur lesdits imprimés exempts de la taxe. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [ci-après Loi].

2 . (10 janvier 1997), AP-94-330 (TCCE) [ci-après Erin Michaels].

3 . Ibid. aux p. 4 et 5.

4 . Ibid.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 26 juillet 2001