BIO AGRI MIX LTD.

Décisions


BIO AGRI MIX LTD.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-99-085

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 28 novembre 2000

Appel no AP-99-085

EU ÉGARD À un appel entendu le 16 août 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 1er novembre 1999 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BIO AGRI MIX LTD. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES
ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes. La question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2309.90.99, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro de classement 2309.90.39.42, comme l'a soutenu l'appelante. Les marchandises en cause sont de la chlortétracycline pour bétail. L'appelante fabrique un prémélange de chlortétracycline au Canada et utilise les marchandises en cause comme principal ingrédient. Le prémélange de chlortétracycline est ajouté aux aliments afin de prévenir les maladies des animaux.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2309.90.99 à titre d'autres préparations des types utilisés pour l'alimentation des animaux. Les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39, qui dénomme d'autres aliments complets et compléments alimentaires, y compris les concentrés. Bien que les marchandises en cause soient des préparations des types utilisés pour l'alimentation des animaux et, de ce fait, classées dans la sous-position no 2309.90, elles ne sont ni des aliments complets ni des compléments alimentaires, puisqu'elles n'ont pas de valeur nutritive. Elles ne sont pas non plus des concentrés d'aliments complets ou de compléments alimentaires. Elles sont des marchandises utilisées dans la fabrication d'un prémélange, qui n'est lui non plus ni un aliment complet ni un complément alimentaire.

Étant donné que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39, ni dans l'un quelconque des autres numéros tarifaires de la sous-position no 2309.90, elles sont correctement classées d'après la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et la Règle 1 des Règles canadiennes dans le numéro tarifaire résiduel 2309.90.99.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 16 août 2000

Date de la décision :

Le 28 novembre 2000

   

Membres du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Jesse I. Goldman et Daryl H. Pearson, pour l'appelante

 

Greg Moore, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 . La question en litige consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2309.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes 2 , comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro de classement 2309.90.39.42, comme l'a soutenu l'appelante. Les marchandises en cause, importées en 1996 et 1997, sont de la chlortétracycline pour bétail. L'appelante fabrique un prémélange de chlortétracycline et utilise les marchandises en cause comme principal ingrédient. Le prémélange de chlortétracycline [ci-après prémélange] est ajouté aux aliments pour animaux afin de prévenir les maladies.

La nomenclature tarifaire pertinente prévoit ce qui suit :

23.09 Préparations des types utilisés pour l'alimentation des animaux.
2309.10.00 -Aliments pour chiens ou chats, conditionnés pour la vente au détail
2309.90 -Autres

---Aliments complets et compléments alimentaires, y compris les concentrés :

2309.90.39 ----Autres

---Autres :

2309.90.91 ----Blocs minéraux; substances aromatiques; liants pour la mise en cube de la moulée; agents de conservation; aliments à un ingrédient; cultures de levure
2309.90.99 ----Autres

PREUVE

Le président de Bio Agri Mix Ltd., M. Paul Lake, a témoigné au nom de l'appelante. À l'audience, le Tribunal a reconnu à M. Lake le titre de témoin expert en ce qui concerne la composition spécifique d'aliments pour animaux.

L'appelante est une entreprise de fabrication canadienne possédée en propriété exclusive et est située à Mitchell (Ontario); elle emploie 32 personnes. Il s'agit d'un fabricant de produits génériques qui produit des additifs médicinaux pour l'alimentation animale, des médicaments vétérinaires et des désinfectants. L'expression « additifs médicinaux pour l'alimentation animale » désigne des produits utilisés pour prévenir ou traiter les maladies, par opposition aux produits qui ont une valeur nutritive, et qui sont administrés par voie de mélange aux aliments pour animaux.

Pour fabriquer le prémélange, l'appelante dilue, mélange, granule et conditionne les marchandises en cause. Les marchandises en cause sont uniquement utilisées dans le prémélange. La chlortétracycline contenue dans les marchandises en cause est un antibiotique, produit par fermentation. Le procédé de fermentation, complet avant l'importation, donne un produit qui est soit de la chlortétracycline pure soit de la chlortétracycline pour bétail. M. Lake a témoigné que la production du prémélange ne modifie pas la structure moléculaire des marchandises en cause.

Les marchandises en cause servent à la prévention et au traitement des maladies des animaux. Les avantages et les utilisations des marchandises en cause et du prémélange fini sont similaires, ces deux produits contenant le même ingrédient actif - le complexe calcium du chlorhydrate de chlortétracycline. M. Lake a ajouté que, avant que le législateur interdise de le faire, les marchandises en cause étaient ajoutées directement aux aliments pour animaux. L'importation des marchandises en cause destinées à la fabrication du prémélange est illégale, sauf lorsque l'importateur est agréé aux termes de la Loi sur les aliments et drogues 3 .

En plus du complexe calcium du chlorhydrate de chlortétracycline, les marchandises en cause sont composées de protéines brutes, de matières grasses de fibres, d'humidité et de cendre. M. Lake a témoigné que le complexe de calcium du chlorhydrate de chlortétracycline constitue une « biomasse » contenant des métabolites, qui contiennent des acides aminés et une quantité négligeable de vitamines. Selon M. Lake, la signification du mot « biomasse » est équivalente à celle de l'expression « substance porteuse ». L'appelante importe les marchandises en cause dans une gamme de puissances, exprimées d'après la concentration de l'ingrédient actif, la chlortétracycline.

M. Lake a témoigné que le prémélange est produit par dilution des marchandises en cause, au moyen de sulfate de calcium et d'huile minérale. Le sulfate de calcium sert à obtenir la puissance garantie de la chlortétracycline contenue dans le prémélange fini. L'huile minérale est ajoutée pour servir de liant et de formule de suppression de poussière. La chlortétracycline pour bétail est mélangée avec le diluant dans un mélangeur pour faire une poudre. Le mélange sec est ensuite granulé et conditionné.

M. Lake a témoigné que de la sulfadimidine, un antibiotique, est ajoutée à trois des cinq produits de prémélange que produit l'appelante. M. Lake a témoigné qu'un des prémélanges produit par l'appelante se compose des marchandises en cause dans une proportion de 50 p. 100 et qu'un autre de ces prémélanges est uniquement composé des marchandises en cause.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Lake a témoigné que le prémélange seul n'a pas de valeur nutritive. Il s'agit simplement d'un produit qui sert à introduire un médicament dans les aliments. Il n'y a pas d'identification numérique de la drogue (DIN) propre aux marchandises en cause, mais elles sont homologuées dans le cadre de l'homologation du prémélange de l'appelante, ce dernier étant assorti d'une DIN.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Lake a témoigné que les marchandises en cause ne sont pas importées à titre d'aliments pour animaux. Il a déclaré que les marchandises en cause ne sont pas un complément alimentaire, selon les exigences réglementaires, puisqu'elles doivent être présentées sous une formule de prémélange médicamenteux avant d'être ajoutées aux aliments. En plus de la sulfadimidine, l'appelante ajoute de la pénicilline à certains des prémélanges. Le prémélange est un additif utilisé dans la fabrication d'aliments médicamenteux. M. Lake a aussi témoigné que, selon l'industrie, les prémélanges sont tous principalement des médicaments. Les emballages de tous les prémélanges portent la mention « pour usage vétérinaire seulement », ce qui signifie qu'ils sont destinés à la consommation animale, et non humaine.

Mme Judy Thompson a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à Mme Thompson le titre d'expert en évaluation d'aliments pour bétail. Mme Thompson a témoigné que l'expression « aliments » désigne des substances qui comprennent un élément nutritif et qui ajoutent des éléments dits énergétiques ou d'autres éléments nutritifs au régime alimentaire de l'animal. Un « aliment complet » est un produit qui comprend des éléments nutritifs et qui est prêt pour la consommation. Mme Thompson a témoigné qu'un « complément alimentaire » contient des éléments nutritifs, comme des protéines, des minéraux, des vitamines et des éléments dits énergétiques, qui équilibrent le régime alimentaire de l'animal. Mme Thompson a témoigné que les marchandises en cause ne sont ni un aliment complet ni un complément alimentaire, étant donné qu'elles sont, pour l'essentiel, un médicament. Mme Thompson a témoigné que les marchandises en cause ont très peu de valeur nutritive.

Mme Thompson a ajouté que, dans l'industrie, le mot « concentré » désigne un aliment à forte concentration d'éléments nutritifs. Selon Mme Thompson, ni les marchandises en cause ni les prémélanges finis que produit l'appelante à partir des marchandises en cause ne sont des concentrés, puisque ce sont des prémélanges médicamenteux. Elle a ajouté que, pour être un complément alimentaire contenant un antibiotique, la préparation, en plus de l'antibiotique, devrait contenir une source de protéines, ainsi que des substances minérales et des vitamines.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées d'après la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 4 dans le numéro de classement 2309.90.39.42 à titre de compléments alimentaires, y compris les concentrés, contenant un antibiotique et de la chlortétracycline, et non dans le numéro tarifaire résiduel 2309.90.99, comme l'a déterminé l'intimé.

L'appelante a soutenu que les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 5 de la position no 23.09 n'indiquent pas quelles marchandises peuvent être classées à titre de compléments alimentaires ou de concentrés ou lesquelles sont classées dans la catégorie résiduelle de la position tarifaire. De ce fait, l'appelante fonde son argumentation à l'appui du classement qu'elle propose sur les termes spécifiques du numéro tarifaire et d'autres sources, comme les définitions de ces termes.

À cet égard, l'appelante a soutenu que les éléments de preuve présentés par le témoin de l'intimé, qui propose des définitions tirées de la Loi relative aux aliments du bétail 6 , ne sont ni probants ni pertinents aux questions soulevées dans le présent appel. L'appelante a soutenu que la Loi relative aux aliments du bétail n'a pas été produite en preuve par l'intimé, et que la Loi relative aux aliments du bétail et le Tarif des douanes ne sont pas des textes en pareille matière. De plus, l'appelante avance que Mme Thompson n'a pas produit de définition du mot « concentré » qui provienne de l'usage dans l'industrie, mais plutôt une définition tirée de son expérience de l'administration de la Loi relative aux aliments du bétail.

L'appelante a renvoyé à l'Avis des douanes N-6657 , contenu dans le mémoire de l'intimé. L'appelante a souligné que l'Avis des douanes assimile la définition de « concentré », d'une part, à celle de « macro-prémélange », d'autre part. L'Avis des douanes donne des définitions distinctes de « aliment complet », « complément alimentaire », « prémélange » et « concentré », ce qui, selon l'appelante, corrobore sa position selon laquelle, d'après les termes du numéro tarifaire, il n'est pas nécessaire qu'un concentré soit prêt pour la consommation. Plutôt, il suffit que ce soit une préparation qui sert à l'alimentation des animaux.

L'Avis des douanes prévoit aussi que tous les prémélanges sont réputés être des concentrés et sont classés dans le numéro tarifaire 2309.90.91 ou 2309.90.92. L'appelante a soutenu que les termes du numéro tarifaire 2309.90.91, tels qu'ils se trouvent dans le Tarif des douanes, 1992, sont identiques aux termes du numéro tarifaire 2309.90.39 tels qu'ils se trouvent dans le Tarif des douanes, 1997, qui, selon l'appelante, correspond au classement correct des marchandises en cause. L'appelante a exhorté le Tribunal à prendre connaissance d'office du Tarif des douanes, 1992, puisqu'il n'a pas été déposé en preuve. L'appelante a soutenu que, selon l'Avis des douanes, un concentré est un prémélange et qu'un concentré non fini, comme les marchandises en cause, est un prémélange non fini.

L'appelante a renvoyé au témoignage de M. Lake selon lequel les définitions contenues dans le mémoire de l'appelante corroborent le fait que les marchandises en cause étaient, en réalité, une version plus concentrée du prémélange de chlortétracycline fini. L'appelante a soutenu que le numéro tarifaire 2309.90.39 contient une disposition de « présomption », selon laquelle l'expression « y compris », qui se trouve dans la dénomination, a une valeur conjonctive. De ce fait, les mots « y compris les concentrés » ne modifient pas les expressions « [a]liments complets » ou « compléments alimentaires ». L'appelante avance qu'une « préparation » qui répond à la définition de « concentré » peut entrer dans la portée de cette dénomination et qu'il n'est pas nécessaire qu'elle soit un concentré d'un aliment complet ou d'un complément alimentaire. L'appelante a soutenu que si le mot « concentrés » était destiné à se rapporter aux expressions « aliments complets » ou « compléments alimentaires », la dénomination du numéro tarifaire se lirait « compléments alimentaires, même concentrés ».

À titre de position subsidiaire, l'appelante a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39 d'après la Règle 2 a) des Règles générales. La Règle 2 a) régit le classement des articles incomplets ou non finis en tant qu'articles complets ou finis, à condition qu'ils présentent les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini. L'appelante a soutenu que les marchandises en cause sont des prémélanges de chlortétracycline non finis, étant donné que la chlortétracycline pour bétail est essentiellement un concentré de chlortétracycline qui est dilué, granulé et, après adjonction de quelques oligo-minéraux, vendu en tant que produit fini, un prémélange de chlortétracycline. De ce fait, la chlortétracycline pour bétail présente aussi les caractéristiques essentielles du prémélange et doit donc être classée sous le régime du produit fini.

L'appelante a invoqué deux décisions du Tribunal qui, selon elle, corroborent son point de vue. L'appelante a soutenu que, dans Integrated Protection c. S-MRN 8 , le Tribunal a décidé qu'il n'était pas nécessaire que toutes les parties et tous les composants nécessaires à l'article monté ou complet soient importés ensemble pour que la règle s'applique. L'appelante a soutenu que la cause susmentionnée confirme le principe que, à condition que les caractéristiques principales d'un article soient importées, les parties achetées localement pourraient y être ajoutées sans empêcher l'application de la Règle 2 a) des Règles générales. L'appelante a invoqué la décision que le Tribunal a rendue dans Viessmann Manufacturing c. S-MRN 9 et a soutenu que cette décision confirme le principe que, aux fins de la Règle 2 a), il n'est pas nécessaire qu'un article « présenté à l'état démonté » soit entièrement fonctionnel, et que ledit article peut devoir faire l'objet d'un effort considérable de montage après l'importation. D'après la Règle 2 a), la position de l'article monté dénomme l'article présenté à l'état démonté, à condition que ce dernier présente les caractéristiques essentielles de l'article monté.

Par application des principes susmentionnés, l'appelante a soutenu que les marchandises en cause sont des prémélanges de chlortétracycline non finis, qui présentent les caractéristiques essentielles d'un prémélange. Par conséquent, elles peuvent être classées dans le même numéro tarifaire que le prémélange, qui, selon l'appelante, est classé dans le numéro tarifaire 2309.90.39. La caractéristique essentielle des marchandises en cause est la chlortétracycline. Le fait que des composants achetés localement sont ajoutés à la chlortétracycline pour bétail n'infirme pas, selon l'appelante, une telle conclusion.

Par conséquent, l'appelante a soutenu que, par application de la Règle 2 a) des Règles générales, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39.

L'appelante a soutenu que, si le Tribunal devait conclure que les marchandises en cause peuvent aussi être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.99, le classement des marchandises en cause doit être effectué d'après la Règle 3 des Règles générales, qui s'applique lorsque des marchandises paraissent devoir être classées dans deux numéros tarifaires. L'appelante a aussi soutenu que la Règle 2 b) s'applique, puisque la chlortétracycline pour bétail est un mélange de plusieurs matières et est donc classée dans plus d'une position.

L'appelante a soutenu que la Règle 3 des Règles générales prévoit, notamment, que, dans de telles circonstances, les marchandises doivent être classées dans le numéro tarifaire qui prévoit la dénomination des marchandises la plus spécifique. Par conséquent, l'appelante a soutenu que la Règle 3 ordonne le classement dans le numéro tarifaire 2309.90.39, puisque, de l'avis de l'appelante, la dénomination dans ce numéro tarifaire est plus spécifique par rapport aux marchandises en cause que celle du numéro tarifaire 2309.90.99.

L'intimé a soutenu que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39 et sont donc correctement classées dans le numéro tarifaire résiduel 2309.90.99. L'intimé a soutenu que le témoignage de Mme Thompson indique que les marchandises en cause ne correspondent à aucun des termes du numéro tarifaire 2309.90.39. L'appelante a renvoyé au témoignage de Mme Thompson selon lequel les marchandises en cause ne sont ni un aliment complet ni un complément alimentaire. L'intimé a soutenu que les éléments de preuve montrent que la caractéristique principale d'un complément alimentaire est de procurer des éléments nutritifs à l'animal.

L'intimé a en outre soutenu que les marchandises en cause ne sont pas un concentré d'un aliment complet ou d'un complément alimentaire. Selon l'intimé, aux fins du numéro tarifaire susmentionné, un concentré doit être un aliment. L'intimé a soutenu que l'expression « y compris les concentrés », qui se trouve dans le numéro tarifaire 2309.90.39, doit être interprétée comme amenant un sous-ensemble des « aliments complets » et des « compléments alimentaires ». L'intimé a ajouté que la définition de « concentré » sur laquelle il s'appuie provient de l'expérience d'expert de son témoin, Mme Thompson, et non pas de la Loi relative aux aliments du bétail. L'appelante a soutenu que, pour être considérée comme un aliment, la préparation doit fournir des éléments nutritifs. L'intimé a en outre soutenu que les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause et le prémélange que produit l'appelante à partir des marchandises en cause sont des médicaments et ne fournissent pas d'éléments nutritifs.

De ce fait, l'intimé a soutenu que ni les marchandises en cause ni le prémélange que produit l'appelante à partir des marchandises en cause ne peuvent être classés dans le numéro tarifaire 2309.90.39. Selon l'intimé, le fait que les marchandises en cause représentent le prémélange en son état non fini n'est pas pertinent, puisque le produit fini associé, le prémélange, n'est pas lui-même classé dans le numéro tarifaire 2309.90.39. Dans son mémoire, l'intimé a soutenu que la Règle 2 des Règles générales n'a pas aidé le Tribunal à classer les marchandises en cause, étant donné que ladite règle traite des « articles » incomplets ou non finis et que les marchandises en cause ne sont pas des « articles ».

L'intimé a présenté un argument subsidiaire au sujet de l'argument de l'appelante selon lequel la Règle 2 a) des Règles générales s'applique en l'espèce. L'intimé a soutenu que d'autres antibiotiques sont ajoutés à trois des cinq « concentrations » des marchandises en cause. Les deux autres doivent faire l'objet de transformation et ne peuvent être utilisées, en l'état où elles sont importées, comme aliments. De ce fait, les marchandises en cause ne sont pas un prémélange non fini, puisqu'elles sont différentes du prémélange. De plus, l'intimé a soutenu que les marchandises en cause ne présentent pas les caractéristiques essentielles du prémélange étant donné qu'elles n'ont pas de DIN. Une DIN est attribuée à une substance après que cette dernière ait fait l'objet d'un procédé réglementaire destiné à en vérifier l'innocuité, relativement à sa consommation par un animal.

L'intimé a soutenu que la chlortétracycline pour bétail n'est pas importée en un état où elle pourrait servir comme prémélange. L'intimé a souligné les Notes explicatives de la position no 23.09 qui mentionnent que les préparations relevant de la position sont utilisées comme matière de base dans la préparation notamment des « prémélanges ». L'intimé a fait observer les définitions d'aliment complet, de compléments alimentaires, de prémélange, d'additif et de concentré énoncées dans les Notes explicatives et dans la documentation sur le produit pour démontrer que ces termes, au sens où ils sont utilisés dans le numéro tarifaire 2309.90.39, ne dénomment pas les marchandises en cause. D'une façon similaire, l'intimé a soutenu que les termes du numéro tarifaire 2309.90.91, selon le texte antérieur à avril 1998, ne dénomment pas les marchandises en cause. De ce fait, la chlortétracycline pour bétail ne peut être classée ni dans l'un ni dans l'autre des deux numéros tarifaires susmentionnés et doit être classée dans le numéro tarifaire résiduel 2309.90.99.

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire doit être déterminé conformément aux Règles générales. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes, il doit être tenu compte des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il doit alors être tenu compte de la Règle 2, etc. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

L'appelante et l'intimé conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 2309.90. Le Tribunal est d'accord avec les parties sur ce point. Les termes de la sous-position dénomment les « préparations » des types utilisés pour l'alimentation des animaux, « autres » que les « [a]liments pour chiens ou chats, conditionnés pour la vente au détail ». Manifestement, les marchandises en cause sont des préparations utilisées pour l'alimentation des animaux et ne sont pas des aliments pour chiens ou chats.

La question que le Tribunal doit trancher est donc celle de savoir si les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39 à titre d'autres aliments complets et compléments alimentaires, y compris les concentrés, comme l'a soutenu l'appelante, ou dans le numéro tarifaire 2309.90.99 à titre d'autres préparations utilisées pour l'alimentation des animaux, comme l'a déterminé l'intimé.

À cet égard, la Règle 1 des Règles canadiennes 10 prévoit ce qui suit :

Le classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales], étant entendu que ne peuvent être comparés que les numéros tarifaires de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.

Le Tribunal fait observer que le classement proposé par l'appelante renvoie aux termes du Tarif des douanes aux niveaux des 9e et 10e chiffres. Plus précisément, la dénomination « contenant [de la] chlortétracycline » se trouve dans le numéro de classement 2309.90.39.42. Les 9e et 10e chiffres, cependant, ne font pas partie du système de classement; il s'agit plutôt de codes statistiques utilisés par Statistique Canada. De ce fait, ils ne font pas partie de l'annexe du Tarif des douanes, puisqu'ils ont été ajoutés par Statistique Canada à la seule fin de réunir des renseignements statistiques. Le Tribunal a toujours maintenu qu'il n'est pas opportun de tenir compte des 9e et 10e chiffres pour trancher des questions de classement tarifaire. De fait, les Règles générales et les Règles canadiennes ne régissent pas le classement aux niveaux des 9e et 10e chiffres11 .

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause ne sont ni des « aliments complets » ni des « compléments alimentaires » aux fins du numéro tarifaire 2309.90.39, étant donné qu'elles n'ont pas de valeur nutritive. À cet égard, le Tribunal se reporte aux Notes explicatives de la position no 23.09, qui renvoient aux expressions « aliments composés complets » et « aliments de complément » et à leur acception. Dans chaque cas, les renvois placent l'accent sur la valeur nutritive de telles préparations. Les Notes explicatives de la position no 23.09 prévoient ce qui suit :

23.09 - PRÉPARATIONS DES TYPES UTILISÉS POUR L'ALIMENTATION DES ANIMAUX.
[. . .]

II.- AUTRES PRÉPARATIONS

A.- LES PRÉPARATIONS DESTINÉES À FOURNIR À L'ANIMAL LA TOTALITÉ DES ÉLÉMENTS NUTRITIFS NÉCESSAIRES À UNE ALIMENTATION JOURNALIÈRE RATIONNELLE ET ÉQUILIBRÉE (ALIMENTS COMPOSÉS « COMPLETS »)
Ces préparations se caractérisent par le fait qu'elles contiennent des produits appartenant à chacun des trois groupes d'éléments nutritifs ci-après :
[. . .]
B.- LES PRÉPARATIONS DESTINÉES À COMPLÉTER, EN LES ÉQUILIBRANT, LES ALIMENTS PRODUITS À LA FERME (ALIMENTS « DE COMPLÉMENT »)
[. . .]
Bien que, sur le plan qualitatif, la composition de ces préparations soit sensiblement analogue à celle des préparations visées dans le paragraphe A, elles se différencient toutefois de ces dernières en raison de leur teneur relativement élevée en l'un ou l'autre des éléments nutritifs entrant dans leur composition.

Les éléments de preuve produits par Mme Thompson étaient également clairs sur ce point, à savoir que, pour être un aliment complet ou un complément alimentaire, une préparation doit avoir une valeur nutritive. Il peut arriver que certains aliments contiennent un antibiotique, mais ils doivent aussi avoir une valeur nutritive pour être un aliment. Mme Thompson a de plus témoigné que les marchandises en cause n'étaient ni des aliments complets ni des compléments alimentaires, puisqu'il s'agit de médicaments qui n'ont guère, ou pas, de valeur nutritive. Bien que les éléments de preuve produits par Mme Thompson aient été tirés, notamment, de son expérience de l'administration de la Loi relative aux aliments de bétail, cette dernière, dans son témoignage, a aussi invoqué son expérience considérable au sein de l'industrie des aliments et le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en évaluation d'aliments pour bétail. De ces faits, le Tribunal conclut que le témoignage de Mme Thompson est pertinent aux questions soulevées dans le présent appel.

L'appelante a soutenu que, aux fins de l'interprétation législative, le numéro tarifaire 2309.90.39 comprend les « concentrés » d'une préparation utilisée pour l'alimentation des animaux, contenant un antibiotique et de la chlortétracycline. L'appelante a soutenu que, étant donné que les marchandises en cause répondent à la description susmentionnée, elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39 d'après la Règle 1 des Règles générales. L'appelante a soutenu que l'expression « y compris », qui se trouve dans ce numéro tarifaire, est une « disposition de présomption », à savoir que ladite expression aurait une valeur conjonctive et que les mots « y compris les concentrés » ne se rapportent pas aux expressions « [a]liments complets » ou « compléments alimentaires » qui les précèdent. L'appelante a invoqué l'Avis des douanes à l'appui de son argument.

Le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument susmentionné. Pour examiner la question en litige dans le présent appel, le Tribunal doit interpréter les termes du Tarif des douanes, et non de l'Avis des douanes. À cet égard, l'expression « y compris », de la façon dont elle est énoncée dans la nomenclature, ne peut avoir de sens que si elle se rapporte aux mots qui la précèdent, en l'espèce aux expressions « aliments complets » ou « compléments alimentaires ». Si les concentrés devaient représenter quelque chose qui n'a pas rapport aux aliments complets ou aux compléments alimentaires, cela justifierait l'attribution de numéros tarifaires propres. Le mot « concentrés » ne fait que reconnaître qu'un aliment complet et un complément alimentaire peuvent se présenter sous diverses formes, dont l'une peut être une formule concentrée.

À l'appui de son argument, l'appelante a déclaré que, si le mot « concentrés » avait été destiné à se rapporter aux expressions « [a]liments complets » ou « compléments alimentaires », la proposition aurait été rédigée comme suit : « compléments alimentaires, même concentrés ». À la connaissance du Tribunal, il n'existe ni cas ni principe d'interprétation des textes législatifs qui pourrait porter le Tribunal à croire qu'il doit adopter une telle méthode d'interprétation du Tarif des douanes. À cet égard, le Tribunal fait observer que l'expression « y compris » est utilisée ailleurs dans le Tarif des douanes d'une façon qui ne donne pas à penser que son utilisation a une valeur « conjonctive », contrairement à l'argument avancé par l'appelante12 .

Par conséquent, le Tribunal est d'avis que le numéro tarifaire 2309.90.39 dénomme les concentrés d'aliments complets ou de compléments alimentaires. À cet égard, les marchandises en cause ne sont pas des concentrés d'un aliment complet ou d'un complément alimentaire. Même s'il pouvait être considéré que les marchandises en cause sont un concentré du prémélange produit par l'appelante, ledit prémélange n'est lui non plus ni un aliment complet ni un complément alimentaire. Le Tribunal réitère l'avis que, pour être considéré comme un aliment complet ou un complément alimentaire, un produit doit avoir une valeur nutritive. Les éléments de preuve, cependant, ont clairement montré que le prémélange est, pour l'essentiel, un antibiotique qui n'a pas de valeur nutritive notable, ou n'en a pas du tout. Un tel fait est aussi conforme aux éléments de preuve produits par Mme Thompson, qui a témoigné qu'un concentré doit avoir une valeur nutritive propre et qu'un concentré est une forme plus concentrée d'un aliment, qu'il s'agisse d'un aliment complet ou d'un complément alimentaire.

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause, bien qu'elles ne soient ni un aliment complet ni un complément alimentaire, sont des intrants des marchandises décrites dans la Note II.C des Notes explicatives de la position no 23.09 qui prévoit, notamment, ce qui suit :

b) les préparations composées d'une substance active du type visé sous 1) ci-dessus et d'un support; par exemple, les produits issus de la fabrication des antibiotiques obtenus par simple séchage de la masse, c'est-à-dire de la totalité du contenu de la cuve de fermentation (il s'agit essentiellement du mycélium, du milieu de culture et de l'antibiotique). La substance sèche ainsi obtenue, qu'elle soit ou non mise au type par addition de substances organiques ou inorganiques, a une teneur en antibiotique se situant généralement entre 8 et 16 % et est utilisée comme matière de base dans la préparation notamment des prémélanges.

L'appelante a soutenu, dans le cadre d'une solution de rechange, que les marchandises en cause sont pour l'essentiel des prémélanges non finis qui présentent les caractéristiques essentielles du prémélange et qu'elles sont donc classées avec le prémélange fini d'après la Règle 2 a) des Règles générales.

Dans son mémoire, l'intimé a soutenu que la Règle 2 des Règles générales n'a pas éclairé le Tribunal dans le classement des marchandises en cause, puisqu'elle traite des « articles » non finis ou non montés et que les marchandises en cause ne sont pas des articles. Le Tribunal fait observer, sur ce point, que les Notes explicatives de la Règle 2 a) des Règles générales prévoient ce qui suit :

IX) Compte tenu de la portée des positions des Sections I à VI, la présente partie de la Règle ne s'applique normalement pas aux produits de ces Sections.

À cet égard, le Chapitre 23 se trouve à la Section IV du Tarif des douanes et, d'après la note susmentionnée, la Règle 2 a) des Règles générales ne s'appliquerait normalement pas.

De toute façon, puisque le Tribunal est d'avis que le prémélange n'est lui-même ni un aliment complet ni un complément alimentaire, le fait que les marchandises en cause puissent être un prémélange non fini n'est pas utile pour l'appelante.

Par ailleurs, le Tribunal n'est pas d'avis non plus que la Règle 3 des Règles générales s'applique en l'espèce. La Règle 3 peut s'appliquer dans des circonstances où un produit paraît devoir être classé sous deux positions (ou numéros tarifaires d'après la Règle 1 des Règles canadiennes) par application de la Règle 2 b) ou pour tout autre motif. Le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas possible que les marchandises en cause paraissent devoir être classées dans les deux numéros tarifaires, 2309.90.39 et 2309.90.99. En vérité, le numéro tarifaire 2309.90.99 est un numéro tarifaire résiduel, qui ne vaut que si les marchandises en cause ne sont pas classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39.

Le Tribunal est aussi d'avis que la Règle 2 b) des Règles générales n'est pas utile à l'appelante. La Règle 3 b) prévoit que les produits mélangés qui paraissent devoir être classés sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) sont classés d'après la matière ou le composant qui leur confère leur caractère essentiel. Même si la chlortétracycline confère son caractère essentiel à l'article, la Règle 3 b) n'aide pas à déterminer si l'article doit être classé dans le numéro tarifaire résiduel ou dans le numéro tarifaire qui dénomme les aliments complets ou les compléments alimentaires.

Étant donné que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2309.90.39, ni dans l'un quelconque des autres numéros tarifaires de la sous-position no 2309.90, elles sont correctement classées d'après la Règle 1 des Règles générales et la Règle 1 des Règles canadiennes dans le numéro tarifaire résiduel 2309.90.99, comme l'a déterminé l'intimé.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . L.R.C. 1985, c. F-27.

4 . Supra note 2, annexe I [ci-après Règles générales].

5 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

6 . L.R.C. 1985, c. F-9.

7 . Préparations des types utilisés pour l'alimentation des animaux (position No 23.09), 1er février 1992, ministère du Revenu national, Douanes et Accise [ci-après Avis des douanes].

8 . (7 février 1997), AP-95-240 (TCCE).

9 . (14 novembre 1997), AP-96-196 à AP-96-198 (TCCE).

10 . Supra note 2, annexe I.

11 . Producteurs laitiers du Canada c. S-MRN (26 mars 1999), AP-98-055 (TCCE); et supra note 8.

12 . Par exemple, le numéro tarifaire 0305.30.4X: « -Poissons fumés, y compris les filets ».


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Publication initiale : le 19 janvier 2001