LADY ROSEDALE INC.

Décisions


LADY ROSEDALE INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-99-118

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 9 janvier 2001

Appel no AP-99-118

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 septembre 2000 aux termes de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À un avis d'opposition à la détermination du ministre du Revenu national en date du 5 février 1992 signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LADY ROSEDALE INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre présidant

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national en date du 5 février 1992 qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente de l'appelante relativement à des matières premières. La demande a été rejetée pour le motif que la Loi ne prévoyait pas un tel remboursement, l'appelante étant un fabricant titulaire de licence qui aurait dû acheter ses matières premières exemptes de la taxe de vente, en indiquant à ses fournisseurs son numéro de licence aux fins de l'exonération de la taxe. Le 22 juin 1993, l'appelante a signifié un avis d'opposition à l'intimé et, le 22 septembre 1993, l'intimé a rendu un avis de décision qui a eu pour effet de rejeter l'opposition et de ratifier la détermination. Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes : 1) à savoir si l'appelante a droit à un remboursement de la taxe de vente à l'inventaire en application de l'article 120 de la Loi relativement aux marchandises libérées de taxe qui figuraient à son inventaire le 1er janvier 1991; 2) à savoir si l'appelante a droit de demander le remboursement d'un montant égal à la partie du prix payé à ses fournisseurs qui représentait la taxe de vente versée sur des matières premières utilisées dans la fabrication ou sur des marchandises finies prêtes à être vendues.

DÉCISION : L'appel est rejeté. En ce qui a trait à la première question en litige, le Tribunal est d'avis que, comme le prévoit le paragraphe 120(2.1) de la Loi, les marchandises qui seront « consommées ou utilisées » par la personne sont réputées ne pas être destinées à la vente et, par conséquent, ne figurent pas à l'inventaire pour être vendues « séparément ». En l'espèce, les éléments de preuve montrent que l'activité commerciale principale de l'appelante, bien que non la seule, consistait à assembler diverses marchandises pour produire des sacs à maquillage, des accessoires de voyage, des articles décoratifs pour la maison et différents types de paniers-cadeaux et que les marchandises visées dans la demande de remboursement étaient en majeure partie utilisées par l'appelante dans la fabrication de ce genre d'assemblage. De ce fait, elles ne répondent pas à la définition du mot « inventaire » énoncée au paragraphe 120(1) de la Loi et ne donnent donc pas droit au remboursement de la taxe de vente à l'inventaire prévue à l'alinéa 120(3)a) de la Loi. Relativement aux marchandises vendues « telles quelles » qui répondraient peut-être à la définition du mot « inventaire », le Tribunal conclut que le témoignage de l'appelante n'a pas été appuyé par un élément de preuve documentaire quelconque qui pourrait aider le Tribunal à évaluer la nature, la proportion et la valeur des marchandises figurant à l'inventaire. Par conséquent, le Tribunal ne peut conclure que l'appelante a droit à un remboursement relativement à l'une quelconque des marchandises visées dans la demande de remboursement.

En ce qui concerne la deuxième question en litige, le Tribunal est d'avis que les sommes d'argent versées par erreur par l'appelante ont été versées à ses fournisseurs, qui étaient les personnes tenues de payer la taxe de vente en vertu de la Loi. Ce faisant, l'appelante n'a pas versé de sommes d'argent dont il a été tenu compte à titre de taxes en vertu de la Loi et n'a donc pas droit de demander un remboursement aux termes de l'article 68 ou 68.2 de la Loi.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 6 septembre 2000

Date de la décision :

Le 9 janvier 2001

   

Membres du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

Richard Lafontaine, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

 

Dominique Laporte

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Elizabeth Law, pour l'appelante

 

Susanne Pereira, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

CONTEXTE ET QUESTION PRÉLIMINAIRE

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.22 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national en date du 5 février 1992 qui a eu pour effet de rejeter la demande de remboursement de la taxe de vente présentée par l'appelante relativement à des matières premières achetées de certains fournisseurs avant le 1er janvier 1991. L'intimé a rejeté la demande pour le motif que la Loi ne prévoyait pas un tel remboursement, l'appelante étant un fabricant titulaire de licence qui aurait dû acheter ses matières premières exemptes de la taxe de vente, en indiquant à ses fournisseurs son numéro de licence aux fins de l'exonération de la taxe. Le 16 septembre 1992, l'appelante a signifié un avis d'opposition en application de l'article 81.17 de la Loi. Le 31 mars 1993, l'intimé a rejeté l'opposition faite par l'appelante pour le motif que cette dernière n'avait pas été signifiée dans les délais prescrits à l'article 81.19 de la Loi. Le 22 juin 1993, en application de l'article 81.32 de la Loi, le Tribunal a accordé à l'appelante une prolongation du délai prévu pour signifier une opposition à la détermination. Le 22 juin 1993, l'appelante a signifié un avis d'opposition à l'intimé. Le 22 septembre 1993, l'intimé a rendu un avis de décision qui a eu pour effet de rejeter l'opposition et de confirmer la détermination.

Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes : 1) à savoir si l'appelante a droit à un remboursement de la taxe de vente à l'inventaire en application de l'article 120 de la Loi relativement aux marchandises libérées de taxe qui figuraient à son inventaire le 1er janvier 1991; 2) à savoir si l'appelante a droit de demander le remboursement d'un montant égal à la partie du prix payé à ses fournisseurs qui représentait la taxe de vente versée sur des matières premières utilisées dans la fabrication ou sur des marchandises finies prêtes à être vendues.

Avant de traiter des deux questions en litige, le Tribunal doit d'abord déterminer s'il a compétence pour entendre le présent appel. L'intimé a soutenu que, aux termes de l'article 81.19 ou 81.22 de la Loi, les délais légaux prescrits interdisaient peut-être à l'appelante d'interjeter appel de l'avis de détermination, puisque la prépondérance des probabilités indique que l'avis de décision du 22 septembre 1993 a été envoyé à l'appelante par courrier recommandé à l'adresse de l'appelante indiquée sur l'avis d'opposition. L'intimé a signalé que la mention « recommandé » était écrite sur l'avis de décision et que l'adresse indiquée sur l'avis de décision était l'adresse de l'appelante à ce moment. L'appelante a témoigné ne jamais avoir reçu l'avis de décision.

Les dispositions pertinentes de la Loi prévoient ce qui suit :

81.19 Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17, autre qu'un avis à l'égard de la partie I, peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date d'envoi de l'avis de décision concernant l'opposition, appeler de la cotisation ou de la détermination au Tribunal.
81.22 (1) Lorsqu'une personne a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17, autre qu'un avis à l'égard de la partie I, et que le ministre a omis de lui envoyer un avis de sa décision dans un délai de cent quatre-vingts jours suivant la date de signification de l'avis d'opposition, cette personne peut appeler de la cotisation ou de la détermination au Tribunal ou à la Section de première instance de la Cour fédérale.
[...]
(3) Aucun appel ne peut être interjeté conformément au présent article après que le ministre a envoyé un avis de décision à la personne qui a signifié l'avis d'opposition.
105. (1) Lorsqu'un avis ou autre document, en application de la présente loi ou des règlements, est envoyé par courrier recommandé ou certifié, un affidavit d'un fonctionnaire de l'Agence [auparavant le ministère du Revenu national], fait sous serment en présence d'un commissaire ou d'une autre personne autorisée à recevoir des affidavits, portant :

a) qu'il connaît les faits du cas particulier;
b) que cet avis ou document a été envoyé par courrier recommandé ou certifié à une date particulière à la personne à qui il a été adressé et indiquant l'adresse;
c) qu'il identifie comme des pièces justificatives annexées à l'affidavit le certificat d'enregistrement ou la preuve de livraison par la poste, selon le cas, de l'avis ou du document ou une copie conforme de la partie pertinente de ce certificat ou de cette preuve, ainsi qu'une copie conforme de l'avis ou du document,

constitue une preuve de l'envoi et de l'avis ou du document.

Le Tribunal est d'avis qu'il ressort clairement du paragraphe 81.22(3) de la Loi que, si un avis de décision a, de fait, été envoyé à l'appelante, le Tribunal n'a pas compétence pour entendre l'appel en application du paragraphe 81.22(3). Cependant, en l'espèce, étant donné que l'intimé n'a pas satisfait aux critères de la preuve de signification par courrier recommandé d'un avis de décision, tel qu'il est énoncé au paragraphe 105(1), et puisque l'appelante a témoigné ne pas avoir reçu la décision, le Tribunal ne peut conclure que l'avis de décision daté du 22 septembre 1993 a été envoyé à l'appelante. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il a compétence pour entendre la question aux termes de l'article 81.22.

PREUVE

Mme Elizabeth Law, présidente de Lady Rosedale Inc., dont les fonctions incluent, notamment, la coordination de la production, a comparu et a témoigné au nom de l'appelante. L'appelante fabrique et vend des paniers pour pique-nique, des sacs à maquillage, des accessoires de voyage, des articles décoratifs pour la maison et d'autres sortes d'assemblages. L'appelante fabrique certains de ces produits à son emplacement de Richmond Hill (Ontario) et exploite un point de vente au détail où elle assemble des échantillons à l'intention de ses clients. Mme Law a témoigné que, jusqu'au 31 décembre 1990, l'appelante était titulaire d'une licence de fabricant aux fins de la taxe de vente2 .

Au sujet du remboursement de la taxe de vente à l'inventaire, Mme Law a cité un document intitulé « Factures de TVF payées » [traduction] qui énumère les marchandises sur lesquelles l'appelante a affirmé avoir payé la taxe de vente et qui sont visées dans la demande de remboursement de la taxe de vente3 . Ces marchandises comprennent une gamme diverse d'articles, tels des paniers, T-shirts, tissus, velcro, doublures, rubans, fermetures éclair, cosmétiques, articles en matière plastique, verres, etc. En réponse aux questions du conseiller de l'intimé et du jury, Mme Law a décrit tous les articles inclus dans la liste et fourni des détails sur leurs utilisations. En ce qui concerne les tissus, Mme Law a indiqué qu'ils ont pu servir dans la fabrication de doublures ou d'un produit particulier, ou être vendus « tels quels ». Lorsqu'il lui a été demandé d'évaluer dans quelle proportion les tissus ont été vendus « tels quels » à des clients, par rapport aux tissus qui ont été utilisés dans la fabrication, Mme Law a témoigné qu'il faudrait examiner chacune des factures pour arriver à la réponse4 . Mme Law a ajouté que certains des articles, comme le fil et le velcro, étaient utilisés dans la fabrication de produits5 . En ce qui a trait aux verres et aux articles en matière plastique, elle a déclaré qu'ils étaient placés dans des paniers-cadeaux6 . En décrivant les marchandises énumérées, Mme Law a expliqué que ces paniers faisaient l'objet d'une ouvraison ultérieure, qui consistait à placer une doublure à l'intérieur des paniers et à créer différents ensembles avec les marchandises qu'on y place7 . Elle a aussi déclaré que certains paniers étaient revendus directement aux clients « tels quels », sans avoir été changés ni modifiés. Il a cependant été impossible à Mme Law d'évaluer la quantité de paniers qui constituaient les marchandises vendues « telles quelles » aux clients8 , bien qu'elle ait dit se rappeler avoir vendu « tels quels » environ 2 000 paniers à Dare Foods/Cookies9 .

L'intimé n'a pas présenté d'éléments de preuve.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que, malgré ses efforts, il lui a été impossible de recouvrer de ses fournisseurs la taxe de vente payée, puisque la plupart de ses principaux fournisseurs ont fait faillite. Selon l'exposé de l'appelante, elle a droit, aux termes du paragraphe 120(3) de la Loi, à un remboursement de la taxe de vente à l'inventaire relativement aux composants des paniers pour pique-nique, des articles décoratifs pour la maison, des accessoires de voyage et des accessoires pour bébés fabriqués avec des composants sur lesquels la taxe a été payée. Ces marchandises sont spécifiquement admissibles à titre de marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire le 1er janvier 1991, destinées à la vente à d'autres dans le cours normal de l'entreprise.

L'appelante a soutenu que les marchandises en cause figuraient à l'inventaire et étaient destinées à la vente en tant qu'articles individuels, puisque certains composants étaient prêts à être vendus « tels quels » et d'autres faisaient l'objet d'ouvraison ou d'assemblage pour former des paniers à pique-nique complets qui pouvaient inclure des doublures, des verres à vin et de la coutellerie. L'appelante a soutenu que les marchandises qui ont fait l'objet d'un complément d'ouvraison ou qui ont servi d'intrants dans le procédé de fabrication, cependant, constituaient des « fournitures taxables » et donnaient droit à un remboursement. L'appelante a en outre soutenu qu'elle avait aussi droit à un remboursement sur les marchandises finies figurant à son inventaire et destinées à la vente, qui ont été produites à partir de composants libérés de taxe. Par conséquent, l'appelante a affirmé avoir droit à un remboursement, étant donné que les marchandises répondaient à la définition du mot « inventaire » énoncée au paragraphe 120(3) de la Loi. L'appelante a renvoyé à la décision que le Tribunal a rendue dans Techtouch Business Systems c. MRN 10 , et qui a traité de l'interprétation de l'expression « marchandises libérées de taxe » et du mot « inventaire ».

L'intimé a soutenu que l'appelante, pour réussir à obtenir le remboursement de la taxe de vente à l'inventaire, devait démontrer que les marchandises figuraient à l'inventaire, qu'elles figuraient à l'inventaire le 1er janvier 1991 et qu'elles étaient des marchandises libérées de taxe destinées à être vendues séparément. L'intimé a soutenu que les éléments de preuve indiquent que la principale partie de l'activité commerciale de l'appelante consiste à prendre divers articles et à les combiner ou les assembler pour former un ensemble ou une autre sorte d'assemblage. L'intimé a fait observer que l'appelante a admis que certaines des marchandises libérées de taxe ont été achetées en vue de la fabrication de produits finis destinés à être vendus. L'intimé a soutenu que la modification, avec effet rétroactif, apportée à l'article 120 de la Loi par insertion du paragraphe 120(2.1) avait expressément exclu de la définition du mot « inventaire » les marchandises qui « ser[ont] vraisemblablement consommée[s] ou utilisée[s] par la personne ». Une fois les assemblages ou les ensembles combinés, l'intimé est d'avis que les produits finis présentent un caractère différent de celui de chaque partie composante individuelle. L'appelante a donc utilisé des parties composantes pour créer quelque chose de différent, qui est ensuite vendu aux clients. Ainsi, les marchandises ne sont pas vendues séparément, puisqu'elles sont utilisées pour un complément d'ouvraison par l'appelante. Par conséquent, l'intimé a soutenu que la majeure partie des marchandises de l'appelante ne répondaient pas à la définition du mot « inventaire » énoncée aux paragraphes 120(1) et (2.1). L'intimé s'est dit d'avis que, pour que la demande de l'appelante soit accueillie, cette dernière doit démontrer que toutes ces marchandises sont, de fait, des marchandises à revendre. L'intimé a décrit l'expression « marchandises à revendre » comme signifiant des marchandises qui sont achetées et revendues « telles quelles » dans exactement le même état sans avoir fait l'objet d'aucune sorte d'ouvraison ou d'embellissement ou de changement. L'intimé a de plus soutenu que les éléments de preuve présentés par l'appelante ne suffisent pas pour montrer dans quelle proportion les marchandises figurant à l'inventaire ont été vendues directement aux clients « telles quelles » par rapport aux marchandises qui ont fait l'objet d'un complément d'ouvraison ou d'assemblage. Pour ce motif, l'intimé a soutenu que l'appelante n'a pas été capable d'assumer le fardeau de la preuve nécessaire et que l'appel doit donc être rejeté.

L'intimé a en outre soutenu que, étant donné que l'appelante aurait pu recouvrer de ses fournisseurs la taxe de vente payée par erreur, les marchandises en cause ne sont pas des marchandises libérées de taxe au sens du paragraphe 120(1) de la Loi et, donc, ne répondent pas à la définition réglementaire du mot « inventaire ». L'intimé a aussi soutenu qu'il n'y avait pas d'élément de preuve qui montrait que les marchandises énumérées figuraient, de fait, à l'inventaire le 1er janvier 1991, puisque la date de la facture établissait simplement la date à laquelle les marchandises avaient été achetées des fournisseurs.

En réponse à une question du Tribunal à savoir si l'article 68 de la Loi, qui traite du versement de sommes d'argent par erreur, s'appliquait à l'espèce, l'intimé a soutenu que cet article s'applique uniquement aux parties qui remettent la taxe directement à la Couronne, ce qui, selon l'intimé, n'est pas le cas en l'espèce.

DÉCISION

La première question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelante a droit à un remboursement de la taxe de vente à l'inventaire en application de l'article 120 de la Loi relativement aux marchandises libérées de taxe qui figuraient à son inventaire le 1er janvier 1991.

L'article 120 de la Loi11 prévoit, notamment, ce qui suit :

(3) Sous réserve du présent article, dans le cas où l'inventaire d'une personne inscrite aux termes de la sous-section d de la section V de la partie IX le 1er janvier 1991 comprend, au début de cette date, des marchandises libérées de taxe, les règles suivantes s'appliquent :

a) si les marchandises libérées de taxe ne sont pas des marchandises d'occasion, le ministre verse à la personne, sur sa demande, un remboursement en conformité avec les paragraphes (5) et (8).

Le mot « inventaire » est défini aux paragraphes 120(1) et 120(2.1) de la Loi ainsi qu'il suit :

« inventaire » État descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas :
a) sont destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de la personne;
(2.1) Pour l'application de l'alinéa a) de la définition de « inventaire » au paragraphe (1), la partie des marchandises libérées de taxe qui figurent à l'inventaire d'une personne au Canada à un moment donné qui sera vraisemblablement consommée ou utilisée par la personne est réputée ne pas être destinée, à ce moment, à la vente ou à la location.

Le paragraphe 120(1) de la Loi prévoit, notamment, que, pour que les marchandises qui figurent à l'inventaire donnent droit à un remboursement de la taxe de vente à l'inventaire, la taxe doit avoir été payée sur le prix de vente des marchandises et que les marchandises doivent figurer à l'inventaire de la personne au Canada et être destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de la personne. Le paragraphe 120(2.1) de la Loi12 , qui a modifié l'interprétation donnée par le Tribunal à la définition du mot inventaire13 , prévoit maintenant que les marchandises libérées de taxe qui seront vraisemblablement consommées ou utilisées par la personne sont réputées ne pas figurer à l'inventaire à ce moment et ne pas être destinées à la vente ou à la location.

Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que l'activité commerciale principale de l'appelante, bien que non la seule, consistait, au moment pertinent, à assembler diverses marchandises pour produire des sacs à maquillage, des accessoires de voyage, des articles décoratifs pour la maison ou différents types de paniers-cadeaux et que les marchandises visées dans la demande de remboursement étaient en majeure partie utilisées par l'appelante dans la fabrication de cette sorte d'assemblage. D'après la liste des marchandises soumise par l'appelante et les témoignages, les éléments de preuve indiquent que les paniers représentaient presque la moitié des sommes visées dans la demande de remboursement de l'appelante, tandis que les tissus représentaient environ 25 p. 100 de la valeur totale des articles au sujet desquels le remboursement de la taxe de vente a été demandé14 . Le témoignage de l'appelante indique que plusieurs articles figurant sur la liste, comme le fil et le velcro, ont été utilisés dans le procédé de fabrication, tandis que d'autres marchandises ont été utilisées dans la production de plusieurs sortes d'assemblages. Le Tribunal est d'avis, par exemple, que les paniers auxquels des doublures ont été ajoutées, ou les marchandises qui servent à former des ensembles ou trousses ou qui sont assemblées pour leur donner de nouvelles qualités, propriétés ou combinaisons, sont destinées à la fabrication, et non à la vente. Par conséquent, comme le prévoit le paragraphe 120(2.1) de la Loi, ces marchandises qui étaient destinées à être consommées ou utilisées par l'appelante sont réputées ne pas avoir été destinées, à ce moment, à la vente ou à la location. De ce fait, elles ne répondent pas à la définition du mot « inventaire » énoncée au paragraphe 120(1) et ne donnent donc pas droit au remboursement de la taxe de vente à l'inventaire prévue à l'alinéa 120(3)a).

Le Tribunal fait observer que le témoignage de l'appelante indique que certaines des marchandises ont été vendues « telles quelles ». En ce qui a trait à ces marchandises, qui répondraient peut-être à la définition du mot « inventaire », le Tribunal conclut que le témoignage de l'appelante n'a pas été appuyé par des éléments de preuve documentaire quelconques qui pourraient aider le Tribunal à évaluer la nature, la proportion et la valeur des marchandises figurant à l'inventaire et destinées à être vendues « telles quelles ». Par conséquent, le Tribunal ne peut conclure que l'appelante a droit à un remboursement relativement à l'une quelconque des marchandises visées dans la demande de remboursement.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'il n'est pas nécessaire de traiter des autres arguments présentés par l'intimé au sujet de la définition de l'expression « marchandises libérées de taxe » et des exigences de la preuve portant sur les inventaires.

Le Tribunal aborde maintenant la deuxième question en litige, à savoir si l'appelante a droit de demander, en vertu de la Loi, le remboursement d'un montant qui représente la taxe de vente payée par erreur à ses fournisseurs. L'intimé a soutenu que, étant donné que la taxe a été payée par erreur à ses fournisseurs, l'appelante n'a pas, de fait, remis de sommes d'argent à titre de taxes à la Couronne et que, par conséquent, l'appelante ne peut se prévaloir de l'article 68 ou du paragraphe 68.2(1) de la Loi.

L'article 68 et le paragraphe 68.2(1) prévoient ce qui suit :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.
68.2 (1) Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe 23(6), de l'alinéa 23(8)b) ou des paragraphes 50(5) ou 51(1) si les marchandises avaient été fabriquées au Canada et vendues à l'acheteur par leur fabricant ou producteur, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur, si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente.

La jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans La Reine c. M. Geller 15 , et reprise par la Cour d'appel fédérale et par le Tribunal dans plusieurs causes16 , a constamment maintenu que les sommes d'argent représentant la taxe de vente fédérale payée par les acheteurs de marchandises à la personne qui était légalement tenue de payer ladite taxe ne sont pas considérées comme étant des taxes imposées en vertu de la Loi. Le Tribunal est d'avis que les sommes d'argent versées par erreur par l'appelante ont été versées à ses fournisseurs, qui étaient les personnes tenues de payer la taxe de vente en vertu de la Loi. Ce faisant, l'appelante n'a pas versé de sommes d'argent dont il a été tenu compte à titre de taxes en vertu de la Loi et n'a donc pas droit de demander un remboursement aux termes de l'article 68 ou 68.2 de la Loi. Le Tribunal est d'avis que, si l'appelante a été cotisée deux fois, c'est parce qu'elle n'a pas demandé l'exonération de la taxe de vente lorsqu'elle a acheté les marchandises en question. Bien que le Tribunal soit sensible à la situation dans laquelle se trouve l'appelante, il doit néanmoins appliquer la loi et n'a pas compétence pour accorder un redressement fondé sur l'équité lorsqu'il statue sur un appel17 .

Par conséquent, et pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [ci-après Loi].

2 . Transcription de l'audience publique, 6 septembre 2000, à la p. 11.

3 . Mémoire de l'appelante, pièce 6.

4 . Transcription de l'audience publique, 6 septembre 2000, à la p. 25.

5 . Ibid. aux p26 et 51.

6 . Ibid. aux p. 26 et 34.

7 . Ibid. à la p51.

8 . Ibid. aux p. 51 et 54.

9 . Ibid. à la p. 61.

10 . (18 septembre 1992), AP-91-206 (TCCE) [ci-après Techtouch].

11 . L.C. 1990, c. 45, art. 12, modifiée par L.C. 1993, c. 27, art. 6.

12 . Sanctionné le 10 juin 1993, avec entrée en vigueur rétroactive au 17 décembre 1990.

13 . Voir, par exemple, Techtouch.

14 . Onglet 1 du mémoire de l'intimé.

15 . [1963] R.C.S. 629.

16 . Price (Nfld.) Pulp and Paper c. La Reine,[1974] 2 C.F. 436; Geotrude Energy c. MRN (21 août 1989),2937 (TCCE); Mackay Family c. MRN (30 octobre 1992), AP-91-155 (TCCE).

17 . Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, [1986] 3 C.F. 70, confirmé [1989] 1 R.C.S. 141.


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Publication initiale : le 12 février 2001