M. GORDON GRANDISON

Ordonnances et motifs de prolongation de délai (Loi sur les douanes)


M. GORDON GRANDISON
Demande no EP-2003-007


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 31 mars 2004

Demande no EP-2003-007

EU ÉGARD À une demande de M. Gordon Grandison aux termes de l'article 67.1 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, pour une prorogation du délai de dépôt d'un avis d'appel aux termes de l'article 67.

ORDONNANCE DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur fait droit à la demande de prorogation de délai et accorde à M. Gordon Grandison 30 jours à partir de la date de la présente ordonnance pour déposer un avis d'appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur et du président de l'Agence des services frontaliers du Canada.

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre présidant

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 21 janvier 2003, M. Gordon Grandison a importé un couteau. Le 11 février 2003, le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a révisé le classement tarifaire du couteau en cause aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes 1 . Il a été déterminé que le couteau en cause était une « arme prohibée » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel 2 .

Selon M. Grandison, un avis d'appel daté du 25 mars 2003 a été expédié par la poste au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) et à l'ADRC. Cependant, le Tribunal n'a pas reçu cet avis, ce que M. Grandison attribue au fait que l'ADRC lui avait fourni un mauvais code postal. Le 4 novembre 2003, M. Grandison a renvoyé une copie de son avis d'appel du 25 mars 2003 au Tribunal, qui l'a reçu le 10 novembre 2003. Le 21 novembre 2003, le Tribunal a avisé M. Grandison que son avis d'appel n'avait pas été déposé dans le délai de 90 jours prévu par la Loi et que sa lettre du 4 novembre 2003 était donc considérée comme une demande de prorogation de délai pour interjeter appel en vertu de l'article 67.1 de la Loi.

Le Tribunal a demandé à M. Grandison de fournir, au plus tard le 17 décembre 2003, les renseignements exigés en vertu de l'alinéa 67.1(4)b) de la Loi. Dans une lettre du 8 décembre 2003 que le Tribunal a reçue le 11 décembre 2003, M. Grandison a dit ce qui suit :

Ma lettre d'appel initiale était datée du 25 mars et a été envoyée à l'ADRC et au TCCE. Après avoir attendu longtemps et n'ayant reçu de réponse de personne, j'ai découvert que le TCCE n'avait pas reçu ma lettre d'appel.

L'ADRC m'avait fourni des renseignements erronés sur l'adresse postale du TCCE. Le bon code postal du TCCE est K1A 0G7 et non pas K1G 0G7. C'est peut-être la raison pour laquelle le TCCE n'a pas reçu mon appel.

J'ai promptement renvoyé une copie de mon appel au TCCE accompagnée d'une lettre datée du 5 novembre 2003 pour expliquer le retard.

J'estime que cette demande de prorogation du délai serait juste et équitable compte tenu des circonstances. J'ai immédiatement déposé mon appel après avoir découvert que le TCCE ne l'avait pas reçu. J'estime avoir des motifs raisonnables et je les ai précisés dans mon appel initial.

[Traduction]

Le 24 décembre 2003, le Tribunal a invité l'ADRC à déposer ses observations sur la demande présentée par M. Grandison en vertu de l'article 67.1 de la Loi. L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) (anciennement l'ADRC) a déposé sa réponse le 20 janvier 2004.

Le 26 janvier 2004, le Tribunal a invité M. Grandison à répondre aux observations de l'ASFC. Aucune observation en réponse n'a été reçue.

ANALYSE

L'article 67 de la Loi prévoit en partie ce qui suit :

67. (1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du commissaire et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

L'article 67.1 de la Loi prévoit ce qui suit :

67.1 (1) La personne qui n'a pas interjeté appel dans le délai prévu à l'article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu'il estime justes.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l'avis d'appel n'a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du commissaire et du secrétaire du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l'avis d'appel.

(4) Il n'est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l'année suivant l'expiration du délai d'appel prévu à l'article 67;

b) l'auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d'appel prévu à l'article 67, il n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention d'interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l'appel est fondé sur des motifs raisonnables.

L'article 67.1 de la Loi prévoit cinq conditions auxquelles l'auteur de la demande doit satisfaire, sans exception, pour que le Tribunal puisse faire droit à sa demande de prorogation du délai.

Premièrement, l'alinéa 67.1(4)a) de la Loi exige que la demande ait été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai prévu à l'article 67. En l'espèce, le délai de 90 jours prévu pour déposer un appel en vertu de l'article 67 a expiré le 12 mai 2003. Par conséquent, le dernier jour pour déposer la demande de prorogation du délai est le 11 mai 2004. La demande complète en vertu de l'article 67.1, accompagnée des raisons expliquant pourquoi l'avis d'appel n'a pas été déposé dans le délai prévu, a été reçue le 11 décembre 2003. Il est donc satisfait à la première condition.

Deuxièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi exige que l'auteur de la demande établisse qu'il n'a pu, au cours du délai de 90 jours prévu à l'article 67, ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom. Subsidiairement, l'auteur de la demande peut établir qu'il avait véritablement l'intention d'interjeter appel dans le délai de 90 jours prévu. Dans son énoncé de position, l'ASFC a soutenu que M. Grandison a satisfait à la deuxième condition et avait véritablement l'intention de faire appel, bien qu'elle ait souligné qu'il n'y avait aucune façon d'établir si la lettre du 25 mars 2003 avait effectivement été envoyée. Aucun élément de preuve ne donne à croire que M. Grandison n'a pas envoyé sa lettre ou qu'il n'agit pas de bonne foi, et le Tribunal conclut qu'il avait véritablement l'intention de faire appel dans le délai de 90 jours prévu.

Troisièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(ii) de la Loi exige que l'auteur de la demande établisse qu'il serait juste et équitable d'y faire droit. Si cette demande n'est pas accueillie, M. Grandison perdra la possibilité de présenter ses arguments. De plus, compte tenu des circonstances concernant l'avis d'appel qui avait été envoyé à temps mais qu'il n'a pas reçu, le Tribunal conclut qu'il est satisfait à cette condition.

Quatrièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(iii) de la Loi exige que l'auteur de la demande établisse que la demande a été présentée dès que possible. M. Grandison a indiqué, dans sa lettre du 8 décembre 2003, qu'il avait promptement renvoyé son appel après avoir découvert que le Tribunal ne l'avait pas reçu. Le délai de 90 jours pour déposer l'appel a expiré le 12 mai 2003, et M. Grandison a renvoyé son appel le 4 novembre 2003. Bien que le Tribunal ne sache pas exactement quand M. Grandison a appris que son avis d'appel ne lui était pas parvenu, il se fonde sur la déclaration de M. Grandison selon laquelle ce dernier a renvoyé son avis d'appel immédiatement après avoir découvert que le Tribunal ne l'avait pas reçu. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il est satisfait à la quatrième condition.

Cinquièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(iv) de la Loi exige que l'appel soit fondé sur des motifs raisonnables. L'ASFC a soutenu qu'il n'était pas satisfait à cette condition, a présenté plusieurs arguments portant sur le bien-fondé de l'appel et a fait référence en particulier à l'argument de l'auteur de la demande portant sur l'ambiguïté du paragraphe 84(1) du Code criminel qui amène ce dernier à contester le classement du couteau en cause à titre d'« arme prohibée » dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 3 . L'ASFC a renvoyé à la décision du Tribunal dans Wayne Ericksen c. Commissaire de l'ADRC 4 pour appuyer sa position selon laquelle le libellé clair du Code criminel devrait s'appliquer et le couteau en cause est donc correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Bien que le Tribunal ait pu décider par le passé que des marchandises semblables étaient des armes prohibées, la question dont il est saisi n'est pas le résultat de l'appel, mais plutôt celle de savoir si l'appel est fondé sur des motifs raisonnables. Tous les faits de l'appel n'ont pas encore été présentés formellement devant le Tribunal et chaque décision concernant le classement doit être traitée en se fondant sur les éléments de preuve. À cet égard, le Tribunal constate qu'il n'a pas encore eu l'occasion d'examiner le couteau en cause. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il est satisfait à la cinquième condition.

Par conséquent, le Tribunal conclut que M. Grandison a satisfait à toutes les cinq conditions statutaires et qu'il doit être fait droit à sa demande. Le Tribunal accorde à M. Grandison 30 jours à partir de la date de la présente ordonnance pour déposer un avis d'appel auprès du Tribunal et de l'ASFC.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.R.C. 1985, c. C-46.

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE).